• Plusieurs œuvres et établissements prodiguaient soins, secours et hébergement aux nécessiteux de Lille sous l’Ancien Régime. Parmi ceux-ci les hôpitaux, hospices et maisons charitables que l’on retrouve un peu partout dans Lille et qui pour certains ont traversé les siècles jusqu’à nous. En voici quelques uns :

     

    1/Le plus ancien hôpital lillois est celui de St Jean l’Evangéliste ou Saint Sauveur fondé vers 1216 par la comtesse Jeanne de Flandres, entre l’église Saint Sauveur et la porte Saint Sauveur dont il pris le nom. Il fut inauguré par Jean Martin, chanoine de la Collégiale de St Pierre (édifice située le long de la Basse Deûle à l’emplacement de l’actuel Palais de Justice) et était destiné à accueillir les malades pauvres. Au 18e siècle, c’est le principal hôpital actif de Lille. En 1720 il y avait 60 lits dont la moitié réservé aux soldats malades ou blessés.

    Il fermera ses portes en 1958 et fut détruit en 1960. Seul demeure aujourd’hui le pavillon Saint Sauveur, siège actuel de la Fondation de Lille.

     Lutter contre l’indigence à Lille sous l’Ancien Régime – les hôpitaux, hospices et autres maisons charitables

    1920 - Hôpital St Sauveur face ancien square Ruault (actuel hôtel de ville)

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    Ce qui reste de l'hôpital St Sauveur : le pavillon St Sauveur

     

    2/L’Hospice Gantois ou hospice St Jean Baptiste à Lille, dit aussi des « Vertus républicaines » sous la Révolution, fut créé en 1462 par un riche bourgeois du nom de Jean de la Gambe dit le « Ganthois » car originaire de Gand. Son testament rédigé en 1466 précise qu’il s’agit d’«un hôpital et Maison-Dieu sous le titre de monseigneur Saint Jehan Baptiste, nommé autremans hospital des cartriers».

    Destinée à recevoir « treize anciennes gens décrépités et débiles, hommes ou femmes », originaires de Lille. L’œuvre sera tenue par six Augustines « vêtues simplement d’une cotte de drap griset » ou d’un « affuloir (linge)nommé faille de drap noir ».

    Les religieuses furent chassées en 1789 puis rappelées en 1815, et poursuivirent leur tâche jusqu’en 1995. Lorsqu’elles revinrent en 1815, une nouvelle réglementation sélectionne les malades éligibles aux soins apportés dans l'établissement. Il faut désormais avoir moins de 70 ans, être né à Lille et y avoir résidé au moins 5 ans, avoir payé une patente et être dans un état de santé interdisant « une activité permettant de subvenir à ses besoins ».

    L'édifice est aujourd'hui devenu un hôtel de luxe.

     

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    Salle des malades

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    3/Il y avait également l’hôpital Notre Dame ou Comtesse qui date de 1236 avec 62 lits en 1788.  Situé rue de la Monnaie dans le Vieux Lille, désaffecté en 1939,  il abrite aujourd’hui un musée.

    C’est Jeanne de Constantinople, comtesse de Flandre, qui fonde en 1236 dans l'enceinte de son propre palais cet hôpital qu'elle dote richement. En 1243, elle fait don des moulins de Lille et de Wazemmes à son Hôpital ainsi que du droit de banalité des moulins qu'elle possède sur toute la banlieue de Lille et que l'on appelait la Mannée de Lille. Cette mannée comprenait les villages qui s'inscrivaient à l'intérieur d'un territoire autour de Lille, de circonférence à égale distance de Seclin, Anstaing et Tressin.

    De l'établissement primitif réservé aux malades pauvres, aux pèlerins et aux passants, il ne reste rien, suite à un incendie survenu dans la nuit du 11 avril 1468 l'ayant entièrement détruit ; un autre incendie détruisit le 17 mars 1649, la chapelle et des bâtiments conventuels, de sorte que la majeure partie de l’établissement actuel date du 17ème siècle.

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    Cour hospice Comtesse

     

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    Hospice Comtesse côté rue de la Monnaie

    4/L’hospice de la Conception Notre Dame dit des Bleuettes au 23 de la rue St Sauveur date de 1648 et fut fondé grâce au legs du chanoine de la Collégiale de St Pierre, Jean Dubus, pour accueillir des femmes frappées de maladies chroniques.

    Le nom de « Bleuette » vient de leur habit de dessus bleu. Faute de revenus il disparaît en 1769.

     

    5/ L’hôpital du St Esprit, rue de l’Abiette (rue de Tournai) puis rue du Pont Neuf, date de 1650 et fut fondé par Jérôme Ségon, écuyer et sa sœur Françoise pour héberger une quinzaine de pauvres invalides qui seront soignés par des religieuses du Saint Esprit. Le bâtiment de la rue de Tournai sera en 1668 cédé aux Bons Fils pour loger les aliénés. Il fermera en 1797.

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    Religieuses su Saint Esprit

     

    6/ L’hôpital St Joseph ou des Incurables (rue de Courtrai puis 56 rue royale) fondé en 1656 par les prêtres Philippe Descleps et Jacques Tesson, est destiné à héberger des soldats invalides abandonnés.  Il accueille une vingtaine de  pensionnaires en 1675. Il accueillera les « pauvres hommes affligés de maladies incurables». Il deviendra pendant la Révolution l’Hôpital des Sans Culottes incurables. Il fermera en 1797.

     

    7/ L’hôpital St Jacques (16 ou 18 rue St Jacques) fut créé en 1431 par la Duchesse Isabelle du Portugal, épouse du Duc de Bourgogne, Philippe le Bon, pour les pèlerins de St Jacques de Compostelle puis pour les "femmes en gésine" (en couche) afin "de les relever, visiter servir et seconder" ; au 18ème siècle il n’y avait que 2 lits : les femmes n’y entraient que 9 jours après l’accouchement et y restaient une quinzaine de jours.

     

    8/ L’hospice Ste Catherine de Sienne dit des Vieillettes fut fondé en 1541 par Jean Barge, bourgeois de Lille et sa femme Marguerite Leroux : ils firent don d’une maison rue de Sailly (rue des Trois Molettes – il se trouvait à l’emplacement du parvis de la cathédrale de la Treille) pour loger, nourrir et entretenir treize pauvres chartrières (impotentes) de Lille jusqu’à la mort de la dernière vivante. En 1576 il fut décidé qu’on continuerait à y admettre de « pauvres et honnêtes personnes âgées d’au moins 60 ans, pauvres et sans aide ». Cette fondation fut supprimée en 1797.

     

    8/ L’hôpital St Charles Borromée dit des Vieux Hommes au coin de la rue des canonniers et de la rue de Roubaix fut fondé en 1622 par François Van Hoyqueslot, seigneur de la Hallerie,  pour abriter « trois hommes anciens nés à lille ayant au moins 55 ans et ne pouvant travailler ». Il comptera jusqu’à 68 lits en 1631. En 1674 les malades sont renvoyés chez eux ou sont transférés aux Bonnes Filles pour permettre d’y loger les soldats. Il fermera en 1797.

     

    9/ L’hôpital Ste Elisabeth ou Béguinage rue du béguinage fut fondé en 1234 par la Comtesse Jeanne de Flandre et sa sœur Marguerite pour abriter 14 femmes de condition modeste, ne pouvant se marier faute de dot ou ne souhaitant pas devenir de religieuses faute de vocation ou de place dans un couvent. Il est précisé qu’il doit s’agit d’ « enfants de bonnes gens, vivant en chasteté ». Ces demoiselles passent leur temps à travailler, prier et faire œuvre de charité. Le Béguinage occupe un terrain compris entre les rues de Metz, Saint Sébastien et rue Princesse et comprend une rangée de 16 maisons , une chapelle et un jardin.  En 1401 une odonnance de Philippe le Hardi précise que les béguines doivent payer 12 livres parisis pour y être admise et ceci au vu du train de vie des Béguines qui vivaient au dessus de leur moyen ; elles n’auraient dorénavant qu’une seule « méchine » (servante) à leur disposition .

    A la Révolution le béguinage recueille les femmes pauvres, malades, infirmes, veuves et les jeunes filles sans protection ; il sera en 1796 considéré comme un hospice pour femmes ayant une situation financière précaire.

    En 1841 Louis Philippe met fin au Béguinage en précisant que celui-ci disparaitra avec la mort de la dernière Béguine. Le Béguinage fut démoli en 1855.

     

    10/ L’hôpital Notre Dame de la Charité , rue de l’Arc, fondé par François Heddebaut , bourgeois de Lille, pour abriter des « pauvres femmes veuves ou filles chartrières (impotentes) débiles et abandonnées de secours humains » que l’on pourra trouver en ville et dans la chatellenie de Lille. Il fut transféré rue notre Dame (rue de Béthune) en 1643 et possède 25 lits à cette époque. Il fermera en 1797.

     

    11/ L’orphelinat de la Conception ou des Bonnes Filles rue royale a été créé vers la fin du 15è et était destinés à hospitaliser les orphelins. En 1752 l’intendant des Séchelles mit les orphelins dehors pour faire de la place aux soldats malades ou blessés. En 1765 ils trouvèrent asile à l’orphelinat des Bapaumes. 

     

    12/ La Maison d’Orphelines dite de la Présentation Notre Dame , 20 rue de l’hôpital militaire, fut fondé par Martine de Grave en 1630 ; à l’époque elle fonde une école située rue des Buisses à Lille pour les filles ; en 1646 elle donnera trois maisons dont deux rue des Jésuites et la 3ème aboutissant à cette rue et à celle de Notre Dame pour y établir l’école sous le nom de la présentation Notre dame pour les pauvres orphelines ou abandonnées. Elle cessera son activité en 1730 faute de ressources.

     

    13/ La Maison des Bons Enfants, rue des Sept Sauts (angle de la rue Trulin et d’Anatole France), a été fondée avant 1124 par Jean de Pardieu et hébergeait des indigents autorisés à mendier en ville. Cet établissement donna son nom à la cour des bons enfants qui sera démoli pour laisser place au théatre (opéra).

     

    14/ Maison de Bapaumes, rue des Jésuites (rue de l’hôpital militaire), date de 1605 ; elle fut fondée par Guillaume de Boileux dit Bapaumes qui institue une école pour 80 garçons et 20 filles orphelins pauvres de Lille. La Maison fusionnera avec les Bleuets à la Révolution ; en 1797, les orphelins seront transférés à l’hospice Comtesse.

     

    15/ L’hôpital Notre Dame des Sept-Douleurs dit Stappaert fondé en 1656 par Jean Stappaert, bourgeois de Lille était un orphelinat de filles natives de Lille âgée de 5 à 15 ans. IL fit en effet don d’une maison située à l’angle de la rue du Plat et de la rue de la Vignette, vis à vis des Hibernois.

    La maison des orphelines de la Présentation Notre Dame et la maison des Bonnes filles lui furent rattachées. L’hopital fut transféré en 1884 au 78 rue de la Barre dans l’ancienne Maison Noble Famille. En 1912 les orphelines doivent être âgées de 6 à 12 ans . Huit sœurs de St Vincent de Paul s’occupent de 60 à 80 filles qui suivent les cours à l’école et qui travaillent à l’ouvroir. Un incendie en 1954 les oblige à aller aux Bleuets rue Boileux ; l’établissement fermera en 1964.

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    Sœurs de St Vincent de Paul

     

    16/ Le refuge des Sœurs de la Madeleine ou Madelonnettes ou filles repenties fondé en 1481 par Jean de la Cambe, le Gantois, au 39/41 rue de la Barre, pour offrir aux filles de légère vie un lieu « où elles se puissent retraire pour amender leur vie au salut de leur âme ». En 1532, le Magistrat délègue la gestion de l'établissement aux sœurs de la Madeleine (ou Madelonnettes, ou repenties) de Saint-Omer et les autorise à soigner les malades en ville. Au 18ème siècle, le refuge recevra également les femmes ou filles de bonne famille « que le dérangeemnt de leur conduite oblige à séquestrer par lettre de cachet ou autrement ». Le refuge sera fermé à la Révolution et transféré aux Bons Fils.

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    17/ L'hôpital des Bons Fils du Tiers Ordre de St François était une maison de réclusion, place de la gare, qui fut créée en 1668 : il accueillait les aliénés pensionnaires ou placés d’office et des libertins séquestrés à la demande des familles ; le bâtiment sera détruit en 1867 pour l’ouverture de la place de la gare et de la rue Faidherbe.

     

    18/ Existe aussi le bouillon des pauvres et la Noble Famille : cette dernière fut fondée par Marie Anne de Sepmeries en 1683 pour élever gratuitement « des jeunes filles nobles de parents déchus » de Flandre wallonne et de Hainaut et âgées de 7 à 18 ans. Le nombre de pensionnaires variera de 15 à 25. Elle fermera à la Révolution, ses pensionnaires étant conduits à l’hôpital général.

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    19/ L'hôpital des Grimaretz était situé rue Basse, à Lille: les maisons actuelles de cette rue portant les numéros pairs de 8 à 24 et celles de la rue du Cirque, numéros 2, 4 et 6.ont été construites sur l'emplacement jadis occupé par cet asile, institué en 1345 par Lotart Canart et sa femme Marie de Pont Rohart(ou Pontrewart) , pour y loger et nourrir douze pauvres passageurs ( voyageurs )" qui ne pouvaient y séjourner plus d’une nuit. L’établissement était administré par des Dominicains. Marie de Pont Rohart changea l’affectation de l’hôpital en 1376 et y fonda des lits pour malades et deux pour les femmes en couche.

     

    20/ L'hôpital St Julien, situé rue Basse a été créé vers 1291 ; il comportait 16 lits ne pouvant être occupés qu’une seule nuit dans un premier temps puis il fut admis que les pensionnaires puissent rester 3 jours et 3 nuits. Il fut supprimé en 1701 en raison des troubles occasionnés par les gens hébergés et ses biens furent transférés à l’hôpital des Invalides

    Il sera supprimé en 1701 en même temps que l’hôpital des Grimaretz, ses biens étant transférés à l’hôpital des Invalides.

     

    21/ L’hospice des Invalides : en 1686 une déclaration du roi ordonna aux mendiants de se retirer dans leur lieu de naissance pour y travailler dans les hôpitaux généraux créé pour eux ; à défaut ils seront condamnés aux galères pour 5 ans). En 1687 une déclaration royale aggrava les peines prévues et le Magistrat de Lille demanda aux ministres des pauvres de déterminer ceux qui méritaient l’assistance et de leur distribuer une autorisation de mendier consistant en « fleur de lys en fer blanc de couleurs différentes selon les paroisses". En 1699 un règlement prescrit pour les hommes de porter la fleur de lys au chapeau et sur le corps de jupe pour les femmes ; tous les autres seront obligés de sortir de la ville.

    En 1700 l’interdiction de mendier devient absolue ; les mendiants sont alors enfermés dans les hôpitaux généraux ; il n’en existait pas à Lille à l’époque. Le Magistrat décida alors d’hospitaliser les mendiants invalides dans les casernes d’Anjou d’où le nom d’hospice des invalides, situé 6 rue du lieutenant Colpin. En 1701 fut réunis à l’hospice des Invalides les revenus des hôpitaux St Julien et des Grimarets et la Bourse commune des pauvres dut fournir annuellement 6000 florins.

    L’hôpital des Invalides sera réuni à l’hôpital général en 1738.

      

    22/ Hôpital général : En juin 1738, Louis XV autorisa par lettres patentes les magistrats de Lille à fonder un hôpital général destiné à l'accueil et à l'enfermement des enfants abandonnés, des invalides et des mendiants. Il fut choisi un lieu à l’écart du centre-ville bordé par le canal de la Basse Deûle. Il ouvrit en 1744 mais les  travaux durèrent de 1739 à 1846. Appelé le " Bleu Tot " en raison de sa couverture d'ardoises, l'hôpital fonctionna jusqu'en 1988. Le bâtiment en façade est occupé depuis 1997 par l'Institut d’Administration des Entreprises. 

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    après 1870

    En 1744 il reçut 500 adultes et 681 enfants qui se trouvaient à la ferme du Riez de Canteleu : on apprenait aux filles à faire de la dentelle et de la broderie et aux garçons des souliers et des tissus.  Le produit de la vente était pour les 2/3 versé à l’administration et pour 1/3 aux ouvriers.

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    1870 - l'hôpital général avec la basse Deûle encore visible

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    L'hôpital général aujourd'hui

     

    L’hôpital ne régla toutefois pas le problème de la mendicité, les mendiants étant de plus en plus nombreux ; on créa donc des dépôts de mendicité ; le dépôt de Lille fut établi en 1769 près de la porte des malades sur l’emplacement de l’ancien hôpital militaire St Louis ; y furent envoyé aussi les fous et les filles publiques.

     

    Au final au 18ème siècle il y avait deux organismes principaux : l’hôpital général et les ministres généraux de la bourse commune des pauvres. En 1750 ces deux organismes furent réunis en bureau de la charité générale . Les pauvrisseurs des charités paroissiales deumeurèrent et des conflits persistèrent entre eux

    Les Lillois nécessiteux ont donc à leur service un grand nombre de secours à leur disposition mais la qualité de ces soins et accueil diffèrent d’un établissement à l’autre. En 1788 l’inspecteur général des hôpitaux Jean Colombier, également médecin militaire et hygiéniste (1736 – 1789) s’aperçut ainsi que les religieuses de l’hôpital Comtesse mangeait l’excédent des recettes en repas et réceptions pour leurs amis et proches. Idem pour St Sauveur. Montlinot, écclésiastique et journaliste français (1732-1801) précise quant à lui que  l’hôpital général dégageait « une odeur insupportable ». L’intendant de Flandres et d’Artois Esmangart (1736 – 1793) dit qu’ un grand nombre de ces établissements faisait grand tort à la charité publique…

     

     

    Après la Révolution Française, la commission administrative des hospices civils de Lille réalisa une réduction du nombre des établissements charitables, laissant subsister l'Hospice Gantois et cinq autres lieux (Comtesse, Saint – Sauveur, l’Hôpital général, les Madelonnettes et Stappaert).

     

    Sources

    http://www.patrimoinehospitalierdunord.fr/accueil/index.html

    Au cloître et dans le monde: femmes, hommes et sociétés (IXe-XVe siècle ...) de Patrick Henriet et Ann Marie Leg

    La vie à Lille de 1667 à 1789 d’après le cours de M de St Léger d’Aristote Crapet

    http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1983x017x003/HSMx1983x017x003x0223.pdf : le béguinage de lille 1245 - 1841

     

     


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  • Nous avons vu qu'à partir de 1893 se met en place au profit des malades sans ressources une assistance obligatoire pour les communes, les départements et l'Etat. Mais qu'existait il avant?

     

    Des SYSTEMES DE MUTUELLE basées sur le volontariat, mais qui n’ont finalement bénéficié qu’à une frange limitée de la population  (voir article sur la domesticité n°3)

    Avant la période révolutionnaire en effet il existait des guildes et confréries qui organisaient une sorte de solidarité entre les membres d’une même profession. La loi le chapelier de 1791 mettant fin à la liberté d’association, ces sociétés disparaissent. Ce n’est que sous l’égide de la Société Philanthropique dont le but est de "d'engager les ouvriers à se réunir pour s'assurer mutuellement des ressources en cas de maladie, ou lorsque les infirmités de la vieillesse les mettraient dans l'impossibilité de continuer leurs travaux" que ces associations vont renaitre. Elles seront légalisées par le décret du 22 mars 1852, qui octroie de nombreux avantages aux sociétés qui reçoivent l'approbation de l'Etat et acceptent son contrôle. Mais ce dispositif fonctionne sur le volontariat et sur une problématique future (maladie, vieillesse) or l’ouvrier vivant dans la misère et peinant à gagner 3 sous ne va pas vouloir mettre une partie de son labeur dans une cotisation destinée à couvrir un aléa futur …

     

    A l’époque révolutionnaire, une loi du 27 novembre 1796 organise la bienfaisance pour les pauvres des communes par la création de BUREAUX DE BIENFAISANCE qui ne sont en fait que les héritiers des bureaux de charité de l’ancien régime : la mise en place de ces bureaux de bienfaisance est difficile toutefois : encore 58 % des communes françaises ne possèdent pas de bureau en 1880 !

    L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

    Avant la loi de 1893, l’aide provenant de ces bureaux résidait essentiellement dans des secours en nature (70 % encore au début de la IIIe République) : il peut s’agir de nourriture, de vêtements, de matière première nécessaire au chauffage (charbon), de lait pour les enfants. Sauf exception, seuls les pauvres locaux sont éligibles à l’aide : la condition de résidence est fondamentale pour bénéficier des secours.

    La loi de 1893 et celles qui vont suivre vont confier aux bureaux de bienfaisance une partie de l’assistance nouvelle qu’elles ont créée.

     

    Il existait également sous l’Ancien Régime les BUREAUX DE CHARITE avec à leur tête le curé aidé de toutes les personnes qui le souhaitent ainsi que par les sœurs de la charité.

    L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

    A côté de ces bureaux de charité, il y avait les coutumes charitables selon les localités, les fondations destinées aux pauvres et dues à des testateurs généreux, les dames des pauvres, les quêtes et les aumônes, les ateliers de charité qui emploie les brassiers et journaliers quand les travaux de la campagne sont terminés, l’ŒUVRE DU BOUILLON : (cette dernière forme de secours est créée grâce à l’initiative d’un donateur alors que les bureaux de charité sont fondés le plus souvent suite à une ordonnance royale ou un arrêt du Parlement (en 1752 le Parlement de Toulouse impose un bureau de charité dans chaque paroisse de la ville) : ce seront des secours en nature distribuées par l’intermédiaire des filles de la charité ou sœurs de St Vincent de Paul ou encore sœurs grises (du fait de la couleur de leur robe) – ces deux formes (bureau de charité et œuvre du bouillon) coexistent souvent au sein d’une même paroisse comme ce fut le cas à Toulouse.

    L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

    Quelques exemples sur Toulouse sous l’Ancien Régime

    Ainsi Gérard Géraud, ouvrier batteur d'or à Toulouse, laisse en 1714 dans son testament, aux pauvres une rente perpétuelle de 100 livres pour l’entretien de deux sœurs placées sous la direction du curé de la paroisse de la Dalbade et chargées du soin des malades ;

    En 1748 Jean Boredon lègue 600 livres aux déshérités de la Dalbade pour aider la fondation du bouillon des pauvres.

    L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

    la Dalbade et son clocher

    La maison de charité de St Etienne et de St Michel, son annexe, a pour but de distribuer bouillon et médicament aux pauvres malades et d’enseigner à lire et écrire aux filles de ces deux paroisses ; la maison de charité de la Daurade donne du bouillon aux véritables pauvres et entretien une apothicairerie afin de leur distribuer à domicile les remèdes dont il ont besoin. Cet établissement entretient un médecin et un chirurgien et procure du linge et du pain aux malades et de la viande aux convalescents ; enfin l’oeuvre du bouillon de St Pierre et du Taur fondée en 1754 fournit bouillon et remèdes aux pauvres malades et assiste les pauvres honteux de ces paroisses.

    En 1718 Luc Saget dote la maison de la charité de la Daurade d’un médecin qui doit être capable et expérimenté et d’un chirurgien dont le rôle est d’effectuer les opérations. Le médecin est nommé en assemblée et reçoit un honoraire de 40 livres par an payable tous les 6 mois.

    L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

    quai de la Daurade

    Exemple sur Lille

    La bourse commune des pauvres a été instituée au 16ème siècle pour venir en aide aux nécessiteux de la ville. Elle dirigea à partir de 1584 les écoles du dimanche de Lille. Ce dispositif scolaire fut financé par des donations d’un montant de 1280 livres parisis provenant de Hubert Deliot et de son père Guillaume. L’idée était de pouvoir apprendre à cent enfants pauvres à lire, écrire et calculer et avoir de bonnes mœurs. On leur apprend aussi un métier ; treize ministres des pauvres (voir article sur la table des pauvres) régissaient la bourse des pauvres.

     

    Les HÔPITAUX quant à eux étaient au départ des institutions chaperonnées par l’Eglise sans vocation médicale particulière mais juste destinée à l’hébergement des pauvres ; ce n’est qu’au 17ème siècle que l’Etat prend le problème de la misère à bras le corps et se sert des hôpitaux pour enfermer les sans-logis, les mendiants, les exclus, les fous … Ainsi l’hôpital général St Joseph de la Grave à Toulouse fut créé en 1647, soit 9 ans avant celui de Paris ; l’hôtel-dieu St Jacques à Toulouse quant à lui se spécialise dans les soins médicaux et chirurgicaux. Mais les 2 établissements disposent d’un quartier de force réservé aux filles publiques, enceintes ou vénériennes appelées aussi « filles gâtées", et aux nourrices contaminées par les nourrissons.

    L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

    la Grave

    C’est seulement au 19ème siècle que la mission médicale de l’hôpital va se renforcer notamment avec la loi du 7 août 1851 dite « d’assistance publique » qui va poser les prémices du service public hospitalier actuel en énonçant le principe suivant : « lorsqu’un individu privé de ressources tombe malade dans une commune, aucune condition de domicile ne peut être exigée pour son admission à l’hôpital existant dans la commune ».

     

    Ainsi à Toulouse à la fin de l’Ancien Régime, nous retrouvons 4 formes de secours :

    1/L’assistance hospitalière dispensée par l’hôtel-dieu S Jacques et l’hôpital général St Joseph

    2/La charité à la maison des orphelines qui date de 1621 et qui accueille jusqu’à leur mariage une cinquantaine de pauvres filles

    3/Les ateliers de charité

    4/L’assistance à domicile au sein des bureaux de charité et de l’œuvre des bouillons des pauvres

     

    Zoom sur Lille (voir également article sur lutter contre l’indigence à Lille sous l’Ancien Régime : hôpitaux, hospices et maisons charitables)

    Lille compte en 1900, hormis le bureau central, six dispensaires publics secourant entre 4 000 et 6 000 personnes chacun (en tout plus de 35 000 personnes) : dispensaires rue de la Barre, Esquermes, Moulins, St Gabriel, Werquin et Wazemmes (dédoublé en 1883).

    Lille présente au 19ème siècle et au début du 20ème des conditions de vie dramatiques pour les ouvriers qui y vivent (voir articles sur l'habitat prolétaire à Lille 1 et 2).

     

    L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

    Les statistiques sanitaires analysées dans les ouvrages de Pierre Pierrard et Félix-Paul Codaccioni permettent de se rendre compte de la situation de détresse dans laquelle vivaient, en particulier, les habitants du quartier Saint-Sauveur.

    En 1849, près de la moitié (42%) de la population du quartier Saint-Sauveur est inscrite sur les registres d’indigents, ce qui représente le tiers de la population indigente de Lille.

    Dans certaines rues de ce quartier, la quasi-totalité des décès concerne des individus âgés de moins de 40 ans (la plupart sont des enfants de moins de cinq ans).

    Les logements sont minuscules, mal aérés, d’une extrême insalubrité. A Saint-Sauveur, chaque personne dispose d’à peine 10 m3 par habitation.

    La mortinatalité est effrayante : un mort-né pour 10 naissances. La mortalité est nettement supérieure à la mortalité nationale : plus de 30 pour 1000 vers 1860, contre 25 pour 1000 en France. En 1900, le taux de mortalité infantile à Lille est le plus important des villes françaises : 29,5%... .

    C’est aussi à Lille, que le nombre de décès dû à la tuberculose est le plus inquiétant, après Paris. 13% des décès sont dus uniquement à la tuberculose en décembre 1901. En y ajoutant, les cas de bronchite, de pneumonie et autres maladies respiratoires, le pourcentage est de 38%.

    Cette situation va s’aggraver avec l’arrivée massive d’immigrants, souvent belges, attirés par l’emploi industriel en pleine effervescence.

     

    Sources

    La III° République et la solidarité : la socialisation de l'infirmité

    Lucien Descave

    La médecine gratuite au XIXe siècle : de la charité à l'assistance d’Olivier Faure

    La médecine de bienfaisance et d'assistance dans le Pas-de-Calais, 1856-1914 de Jean Pierre Beyt

    Bureau et maisons de charité : l'assistance à domicile aux « pauvres malades » dans le cade des paroisses toulousaines (1687-1797) de Josseline Guyader

    La vie ouvrière à Lille sous le second Empire de Pierre Pierrard

    De l’inégalité sociale dans une grande ville industrielle, le drame de Lille 1850-1914 de Félix-Paul Codaccioni

    Charité municipale et autorité publique au XVIe siècle : l'exemple de Lille de Robert Saint Cyr Duplessis

    La vie à Lille, de 1667 à 1789, d'après le cours de M. de Saint-Léger d’Aristote Crapet


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    En compulsant les archives de la mairie de Frouzins, petite ville située près de Toulouse, j’ai remarqué qu’un grand nombre de ses habitants au début du 20ème siècle était inscrit sur la liste des personnes admises au secours médical gratuit en raison de maladie ou d’une infirmité ou encore sur la liste des vieillards indigents.

    J’ai donc essayé d’en savoir plus sur cette question, ignorant alors totalement qu’avant la naissance de la sécurité sociale, il existait de tels services sociaux.

    Il s’avère qu’en effet la III° République a mis en place tout un dispositif de protection sociale en institutionnalisant la "solidarité" par diverses lois sociales, imposant par là même une obligation d’assistance aux communes, aux département et à l’Etat.

    Ne nous y trompons pas toutefois ; les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la plupart de ces lois sociales évoquent surtout des préoccupations d’ordre public : la mendicité et le vagabondage devaient être contrôlés voire éliminés ; y sont évoquée la « misère criminogène des cités ouvrières », le contrôle administratif des individus à potentiel criminogène, …

    L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

    L’humanisme certes réel de ces lois cache donc malgré tout une volonté d’une part de contrôle des cités populeuses et d’autre part d’exclusion encadrée 

    L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

    ASSISTANCE MEDICALE GRATUITE

    La loi du 15 juillet 1893 instaure un devoir d’assistance médicale gratuite, à l’hôpital comme à domicile, qui permet aux personnes privées de ressources (malades, vieillards, infirmes) d’être soignés gratuitement. Les femmes en couche sont assimilées à des malades. Les étrangers malades privés de ressources seront assimilés aux Français toutes les fois que le gouvernement aura passé un traité d’assistance réciproque avec leur nation d’origine.

    L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

    Un domicile de secours est fixé pour ces personnes et s’acquiert

    - par une résidence habituelle d’un an dans la commune postérieurement à la majorité,

    - par la filiation (l’enfant a le domicile de secours de son père ou le cas échéant de sa mère) ;

    - par le mariage (la femme acquiert le domicile de secours de son mari, les veuves conservent le domicile de secours antérieur).

    C’est une loi qui vise surtout la campagne : « le paysan est toujours en avance de ses sueurs et de son sang vis-à-vis de l’état qui ne lui fournit aucun secours pour la santé de son corps qui pourtant rapporte tant de substance à la patrie ».

    L’exode rural, amplifiée par la révolution industrielle, n’est d’ailleurs pas étranger à cette décision de mettre en place un service public d’assistanat : « il faut retenir le travailleur dans les campagnes par l’attrait de l’assistance publique et mettre fin à l’émigration des campagnes ». Il devient évident également que « la santé des travailleurs qui intéresse d’une manière si intime le développement normal de la production exige que l’on mette à la portée de tous les secours médicaux ».

    L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

    Henri Monod (homme politique – 1753/1833) résume dans cette phrase l’objectif de cette loi  : "Le malade n'est pas un faible à éliminer, c'est une force accidentellement improductive, et que la collectivité a l'intérêt le plus évident à rendre le plus rapidement possible à La production et au travail"

    Cet exode rural entraînera une augmentation de la misère urbaine (voir article sur l'habitat prolétaire lillois 1 et 2): on va en effet concentrer un nombre important de personnes sur une zone géographique réduite proche des industries sans tenir compte des effets de cette promiscuité sur l’hygiène et la santé des personnes. Or là aussi on ne peut plus abandonner « cette armée de réserve industrielle »  à la misère médicale.

    Alors que la loi de 1893 se préoccupe avant tout des indigents et nécessiteux de la campagne incapables de subvenir à leurs soins médicaux en cas de maladie, la loi du 9 avril 1898 va répondre à un problème plus urbain : l’utilisation de la machine pour développer la production entraîne une augmentation des accidents du travail : elle reconnaît la responsabilité sans faute de l’employeur qui peut s’assurer pour y faire face.

     

    D’AUTRES LOIS SOCIALES

    La loi du 27 juin 1904 institue le service départemental d’aide sociale à l’enfance et la loi du 14 juillet 1905 institue l’assistance aux vieillards infirmes et incurables. Cette loi donne à tout français privé de ressources, incapable de subvenir par son travail aux nécessités d’existence, âgé de plus de 70 ans ou ayant une maladie incurable, d’être accueilli gratuitement dans les hôpitaux ou les hospices.

    L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

    En matière d’assurance vieillesse, la loi du 5 avril 1910, dont l’application a été limitée, institue un régime d’assurance obligatoire pour les salariés du commerce et de l’industrie.

    Deux autres lois en 1913 viennent parachever cet ensemble : celle du 17 juin sur les femmes en couche et celle du 14 juillet sur les familles nombreuses. En effet la taille des familles se réduisant de plus en plus (les familles de quatre enfants et plus représentent 19.8 % des familles en 1901 en France ;Elles sont encore 18.6 % en 1911, seulement 11.5 % en 1926) il devient nécessaire de soutenir les familles françaises et de les inciter à avoir une nombreuse progéniture.

     

    L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

    L’article 1 de la loi du 14 juillet 1913 stipule que « l’assistance aux familles nombreuses constitue un service obligatoire pour les départements, avec la participation des communes et de l’Etat ».

    L’article 2 précise que « tout chef de famille, de nationalité française, ayant à sa charge plus de 3 enfants légitimes ou reconnus, et dont les ressources sont insuffisantes pour les élever, reçoit une allocation annuelle par enfant de moins de 13 ans, au-delà du troisième enfant de moins de 13 ans. » S’y ajoutent les enfants de 13 à 16 ans en apprentissage.

    Les lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930 instituent pour les salariés titulaires d’un contrat de travail une assurance pour les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès et la loi du 30 avril 1928 un régime spécial pour les agriculteurs

     

    EN PRATIQUE

    Revenons à la loi de 1893 : elle donne préférence à l’assistance (ou secours) à domicile pour des raisons d’économie, de morale (éviter la perte du lien avec la famille, éviter le contact avec la lie de la société – l’hôpital est encore à cette époque un lieu d’enfermement - ) et d’hygiène mais ouvre dans le même temps l’accès à l’hôpital aux ressortissants de 30 000 communes qui en étaient privés jusque-là.

    L’hôpital reste encore un endroit dont on se méfie et que l’on évite si cela est possible.

    Les subventions sont calculées d’après des barèmes fixes.

    En 1895, seuls 47 départements ont organisé les services d’assistance ; en 1903, 3 départements sont encore réfractaires.

    Cette assistance varie également en fonction des départements : au début du 20ème siècle une dizaine de département inscrivait plus de 8% de leur population et jusqu’au 20% tandis que d’autres moins de 2.5%.

    Malgré cela, en moins de 20 ans le nombre de soignés augmentent considérablement sr l’ensemble de la France :

     L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

    Quels pathologies sont soignés principalement ?

    Des statistiques allant de mars 1903 à mars 1904 dressées pour l’hôpital St Pothin à Lyon donnent un aperçu des pathologies les plus courantes soignées par ce dispositif : sur 521 personnes venues et diagnostiqués comme malade : 44% souffrent de tuberculose, 14% de pathologie du système nerveux, 11% du tube digestif, 10% de rhumatisme et de maladie cardiaque, 2% de chlorose (grande pâleur).

     

    Critiques de la loi du 14 juillet 1905 sur l’assistance aux vieillards infirmes et incurables

    L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

    Cette loi est décriée par certaines personnes comme Lucien Descaves, écrivain naturaliste et libertaire, journaliste et romancier, l’un des fondateurs de l’Académie goncourt (1861-1949). IL écrit l’article suivant dans Le Journal du 26 juillet 1905 :

    « Une loi débile », article de Lucien Descaves paru dans Le Journal du 26 juillet 1905

    Je suis sûr que l’on étonnerait beaucoup de personnes, en France, en leur apprenant que, depuis le 13 juillet dernier, une loi nouvelle organise l’assistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables indigents, par la contribution de la commune, du département et de l’État. Mais je suis également certain que, parmi les personnes renseignées, un plus grand nombre encore ignore les dispositions de détail relatives à cette loi de laquelle M. Mirman a eu raison de dire qu’elle est, après la loi sur la séparation et la loi sur le service de deux ans, la plus considérable de cette législature. Elle consacre, en effet, le principe du droit à l’assistance, c’est-à-dire à la vie, droit sacré proclamé par la Convention nationale qui fut impuissante à résoudre le problème pour avoir méconnu ce principe, savoir : que l’assistance publique est d’essence communale, et aussi la sagesse du précepte : qui trop embrasse, mal étreint.

    Ce n’est point au Sénat ni à la Chambre que l’on peut adresser ce dernier reproche : ils ont limité le plus possible l’assistance qu’ils accordaient, et semblé remplir, j’ose le dire, moins un devoir social qu’un devoir électoral.

    Que la loi modifiée par le Sénat et votée telle quelle par la Chambre en seconde délibération, que cette loi soit susceptible de développement et de retouches, à qui le dit-on ! Les conditions dans lesquelles elle est revenue devant nos députés ou plutôt quelques-uns de nos députés, ne pouvait guère laisser de doute sur le résultat final.

    Ah ! ce fut une aimable séance que la séance du 12 juillet, où fut réglé le sort des vieillards, des infirmes et des incurables privés de ressources !

    Le gouvernement n’était représenté que par le ministre de l’intérieur et par deux commissaires, M. Henri Monod, pour l’intérieur, M. Charles Laurent, pour les finances. Encore, l’un des deux était-il de trop, nous verrons pourquoi tout à l’heure.

    Quant à la Chambre, c’est l’un des premiers orateurs inscrits, M. Aynard, qui va nous édifier sur son zèle et son assiduité.

    « Mon intervention sera brève ; nous sommes si peu nombreux ce matin, que nous nous sentons en douce intimité ; nous sommes presque dans un salon et vous savez, Messieurs, combien il est peu civil, dans un salon, de prolonger les conversations. » (Sourires)

    Ce n’est pas moi qui note les sourires, c’est le compte rendu officiel.

    On causa donc, entre intimes, de choses et d’autres, par exemple des modifications apportées à l’article 1er du projet, par le Sénat, qui s’était tout de suite efforcé d’introduire un peu de gaieté dans une discussion aride.

    En effet, examinant le texte de l’article en question, qui dispensait les vieillards âgés de soixante-dix ans de faire la preuve de leur invalidité, le rapporteur avait dit en s’élevant contre cette rédaction :

    « Il suffit de regarder autour de nous pour être convaincu que l’âge de soixante-dix ans est, au contraire, une excitation, un rajeunissement pour un certain nombre de nos collègues. La vieillesse ne siège pas sur nos bancs, nous n’y connaissons par la sénilité ! » (Hilarité)

    Et l’honorable M. Bérenger avait ajouté : « Le travail conserve ; c’est l’alcool qui tue. » Il m’a été agréable d’entendre, à la Chambre, M. Mirman protester, en pure perte, d’ailleurs, contre cette allégation. Il est fort possible que le travail, quand travail il y a, conserve MM. les sénateurs ; mais il est indubitable, en revanche, que l’alcoolisme n’est nullement indispensable pour user le corps des travailleurs qui atteignent soixante-dix ans en dépit d’un labeur acharné. Ce n’est pas seulement l’industrie textile qui permet de vérifier cette observation, elle s’étend à tous les corps de métiers. En outre, on eût pu répondre à M. Bérenger que l’alcool, quand il tue les gens, les tue bien avant qu’ils deviennent septuagénaires, ce qui suffirait, à la rigueur, pour infirmer l’argument.

    1. Jaurès a bien promis qu’on interpréterait la loi dans le sens le plus large et que de ses bénéfices ne seraient exclus que les vieillards, en nombre infime, il le reconnaît, qui ont gardé « une valeur de travail pour ainsi dire intacte ».

    J’en accepte l’augure, mais tout de même un article proclamant le droit au repos pour les vieillards indigents qui ont peiné pendant cinquante-cinq ans et davantage, aurait fait bien mieux leur affaire, si ce n’est la mienne.

    Sur un autre point, M. Mirman a été battu, et ne méritait pas de l’être. La Chambre avait admis le principe d’un avantage spécial en faveur des mères de famille, des femmes qui avaient eu, nourri et élevé un certain nombre d’enfants.

    Peut-être, en effet, aux raisons que les sénateurs ont d’être merveilleusement conservés –travail, existence confortable, tout ce que vous voudrez,- convient-il d’ajouter l’exemption de la maternité, qui est particulièrement douloureuse pour les femmes du peuple. MM. les sénateurs ont des vacances. L’ouvrière n’en a pas, ni avant, ni après ses couches, un peu plus laborieuses, je présume, que l’enfantement des lois. Il semblait donc qu’une femme fatiguée par le travail et la maternité, double devoir social, eût droit à quelques égards, et la Chambre avait sagement proposé qu’on abaissât pour cette créature, proportionnellement au nombre des enfants élevés par elle, l’âge de soixante-dix ans, point de départ provisoire de la pension pour les vieillards.

    Les sénateurs bien conservés n’ont pas partagé cette manière de voir. La situation de la mère de famille âgée et indigente ne les a pas touchés ; elle n’a pas eu de part dans leur sollicitude.

    Le deuxième paragraphe de l’article premier spécifiant : « Tout enfant légitime ou non, ayant vécu plus de trois ans, donne droit à une réduction de six mois sur l’âge normal de la pension de vieillesse, au bénéfice de la mère, etc... », ce paragraphe a été effacé de la loi par le Sénat.

    Vous me direz que six mois dans la vie d’une femme, et d’une femme du peuple, ça ne vaut pas la peine d’en parler. Au Sénat, peut-être... ; mais nous n’avons pas, ici, les mêmes raisons de nous abstenir. Au regard de nos législateurs, la femme a une infirmité bien plus fâcheuse pour elle que toutes celles qui résultent du travail, de la maternité et d’une vieillesse prématurée : elle ne vote pas.

    Sur un troisième point, la séance du 6 juillet, à la Chambre, avait appelé mon attention.

    Il s’agissait, cette fois, de l’article 20, fixant le taux de l’allocation mensuelle accordée aux ayants droit. J’avais écouté les explications très claires de M. Henri Monod évaluant à 8 francs par mois, pour chaque commune, le coût d’une existence de vieillard, soit 96 francs par an et 27 centimes par jour.

    C’était là un chiffre minimum, théorique, susceptible de réduction si le bénéficiaire dispose de quelques ressources, mais qui ne saurait être augmenté puisque, lorsqu’on accordera la somme entière, on sera censé donner à l’indigent ce qui lui est nécessaire pour vivre.

    Et je me disais : « C’est égal, avec 27 centimes par jour, on ne va pas loin... même à soixante-dix ans !»

    Je savais bien que M. Monod avait naguère proposé un chiffre légèrement supérieur (10 francs par mois), abaissé à 8 francs par la Commission de la Chambre, sur l’intervention de M. Sarrien, et accepté par le gouvernement, puis par le Sénat en première délibération. Et je croyais qu’on s’en tiendrait là.

    Je comptais sans M. Labiche, président de la Commission, qui amena le Sénat à revenir sur son vote et à substituer au minimum de 8 francs celui de 5 francs, soit 16 centimes par jour !

    Seize centimes pour se nourrir, s’abriter, s’habiller, subvenir à tous les besoins, c’est maigre, même à soixante-dix ans, et je voudrais bien que M. Labiche fût réduit, pendant seulement un mois, à cette ressource plus que modique ! Elle est, paraît-il, suffisante pour les vieillards de son département.

    Heureux vieillards ! Heureux département ! Je ne veux pas dire lequel : il serait envahi.

    Vous vous imaginez sans doute que le gouvernement résista à M. Labiche ? Oui, par l’organe de M. Monod ; mais aussitôt après, le commissaire représentant les finances et adversaire déterminé de la loi, se déclarait contre le relèvement du minimum que l’autre commissaire avait réclamé ! Admirable exemple d’anarchie gouvernementale, n’est-il pas vrai ?

    Mon espérance me restait. La Chambre maintiendrait probablement la première disposition inscrite dans le projet de loi... Hélas ! C’est au Sénat qu’elle a donné gain de cause ! Le vieillard indigent, quand il aura acheté deux sous de pain, aura encore à sa disposition six centimes pour quelques (sic) chose dessus, se vêtir et se loger...

    « Abolissez la mendicité qui déshonore un État libre », disait Saint-Just.

    Avons-nous fait tant de chemin depuis 1792, qu’elle soit, je ne dis pas abolie, mais inexcusable ?

    En réalité, oui, et ce chemin parcouru, on peut l’apprécier en lisant successivement, comme je viens de le faire, l’intéressante brochure de M. Ferdinand Dreyfus : l’Assistance sous la Législative et la Convention et deux autres brochures datées de 1889 et de 1900, dans lesquelles M. Henri Monod exposait le plan méthodique d’une organisation de l’assistance publique en France.

    Grâce à ses efforts, dans une bonne mesure, son programme est à peu près réalisé.

    Les enfants, les malades, les vieillards et les incurables, sont respectivement secourus par les lois du 24 juillet 1889, prononçant la déchéance des parents indignes ; des 27 et 28 juin 1904, sur les enfants assistés ; du 15 juillet 1893, sur l’assistance médicale gratuite, et du 14 juillet 1905, enfin, qui donne le strict (oh ! oui !) nécessaire aux vieillards, infirmes et incurables, dénués de ressources.

    Cette dernière loi est, de toutes, la plus débile. Si encore nous étions sûrs qu’elle se fortifiera dans la pratique et que les 70 millions environ qu’elle coûtera ne seront pas détournés de leur objet !...

     

    Sources

    La III° République et la solidarité : la socialisation de l'infirmité

    Lucien Descave

    La médecine gratuite au XIXe siècle : de la charité à l'assistance d’Olivier Faure

    La médecine de bienfaisance et d'assistance dans le Pas-de-Calais, 1856-1914 de Jean Pierre Beyt

    Bureau et maisons de charité : l'assistance à domicile aux « pauvres malades » dans le cade des paroisses toulousaines (1687-1797) de Josseline Guyader

    La vie ouvrière à Lille sous le second Empire de Pierre Pierrard

    De l’inégalité sociale dans une grande ville industrielle, le drame de Lille 1850-1914 de Félix-Paul Codaccioni

    Charité municipale et autorité publique au XVIe siècle : l'exemple de Lille de Robert Saint Cyr Duplessis

    La vie à Lille, de 1667 à 1789, d'après le cours de M. de Saint-Léger d’Aristote Crapet

     

     


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    Qu’en est-il des épidémies ?

    La peste : on ne connait pas à l’époque le bacille de Yersin, on se sait pas ce qu’est exactement la peste ni comment la soigner ; On sait en revanche qu’elle est très contagieuse et qu’il faut pour la contenir isoler les malades.

    La peste bubonique, qui est consécutive à une piqûre de puce, entraine la mort dans 60 à 80% des cas, le plus souvent dans la première semaine.

    Sous sa forme pulmonaire la mortalité est de 100% des cas dans les 2/3 jours après le début des troubles.

    La France connait plusieurs épisodes de peste :

    • De 1628 à 1631 aucune province n’est épargnée
    • En 1636/37 tout le quart nord-est est atteint
    • En novembre 1667 Lille et Cambrai sont atteint puis l’épidémie descend pour ne disparaître qu’en 1670
    • 1720/21 Marseille est atteint et une partie de la Provence

     

    Se soigner (2)

    La dysenterie semble être le mal le plus fréquent et le plus meurtrier : la dysenterie bacillaire touche surtout les enfants et les adolescents et sévit en périodes chaudes.

    Le paludisme sévit à l’état endémique partout mais plus fréquemment dans les bas quartiers et dans les régions mal drainées et infestées de moustiques comme la Sologne, la Saintonge, le Bas Languedoc, la Camargue, les Landes.

    La variole ou petite vérole est redoutable pour les enfants et adolescents et ceux qui survivent en gardent les stigmates toutes leur vie. Cette maladie tue tout de même entre  15 à 20 % des malades.

     

    La grippe dont le terme est inventé lors de l’épidémie de 1742/43 nous est décrite ainsi par l’avocat parisien Barbier justement en 1742 : « il règne cet hiver une maladie générale dans le royaume que l’on appelle la grippe, qui commence par un rhume et mal de tête ; cela provient des brouillards et d’un mauvais air. Depuis 15 jours même un mois il n’y a point de maisons dans Paris où il n’y ait eu des malades ; on saigne et on boit beaucoup, d’autant que cela est ordinairement accompagné de fièvre ; on fait prendre aussi beaucoup de lavements ; on guérit généralement après quelques jours».

     

    Quels sont les médicaments dont on dispose à cette époque ?

    Je complète ici l’article que j’avais rédigé sur la médecine de nos aïeux. La pharmacopée des 17 et 18ème siècles  est essentiellement basée sur les plantes (indigènes et exotiques) que l’on appelle les « simples » auxquels s’ajoutent des produits d’origine animale et quelques remèdes chimiques.

    Se soigner (2)

    Les plantes que l’on retrouve le plus fréquemment dans les recettes sont les suivantes mais cette liste n’est pas exhaustive :

    La gousse d’ail est vermifuge antispasmodique et fortifiante

    La racine et les graines d’angélique stimulent la digestion, sont diurétiques et sudorifique

    Le fruit de l’anis vert est expectorant et carminatif

    La plante et la racine d’aristoloche sont antinflammatoires

    La plante et la racine d’armoise commune sont apéritives

    La feuille d’artichaut stimule les fonctions hépatiques et biliaires

    La racine de bardane cicatrise les plaies

    La fleur de lavande est calmante

    La fleur de pavot est somnifère

    Des plantes exotiques se trouvent également dans la pharmacopée de l’époque

    L’opium est somnifère est analgésique

    La feuille et le fruit du séné est purgative

    La noix de muscade est tonique et digestive

    Le clou de girofle est antiseptique

    etc...

     

    Le chocolat est recommandé car il rafraichit les estomacs trop chauds et réchauffe les estomacs trop froids.

    Se soigner (2) 

    La Tasse de Chocolat, de Jean Baptiste Charpentier le Vieux, 1768

     

    Le café fortifie les membres, et guérit l’obstruction des viscères, la corruption du sang

     

    L’écrevisse est souveraine contre les fièvres putrides, le poumon de renard contre les maladies pulmonaires, le cerveau de moineau contre l’épilepsie, le ver de terre contre les ulcères …

    Le plomb fournit le céruse et la litharge qui sont utilisées en emplâtre

    Se soigner (2)

    Le mercure soigne la grande vérole

    L’antimoine rentre dans la composition de l’émétique, vomitif souverain

     

    Dès la fin du 17ème siècle, apparaissent la quinquina contre les fièvres  et l’ipécacuanha contre la dysenterie.

    Ces deux remèdes sont efficaces mais du fait d’une préparation et d’une utilisation mal codifiées ils ne révèleront leur pleine efficacité qu’à partir du 19ème siècle.

     

    Lire aussi : manuel de vulgarisation thérapeutique

     

    Quid de la chirurgie ?

    Les opérations les plus classiques sont en vrac l’incision des abcès, la réduction des fractures, la pose de cautères et ventouses, le pansement des plaies, l’extraction des dents…

    Se soigner (2)

    David Teniers le Jeune, Le Chirugien-barbier, milieu du XVIIe s., Norfolk, The Chrysler Museum of Art

     

    Mais certains chirurgiens vont plus loin sans rien pour lutter contre la douleur, l’hémorragie, les infections.

    Ils vont ainsi suturer les estomacs et les intestins perforés, enlever des hernies, extraire les calculs de la vessie, pratiquer des césariennes sur des femmes mortes puis vivantes, trépaner, extraire le cristallin …

    Se soigner (2)

     

     

    L’anesthésie générale à l’éther ou au chloroforme ne va apparaître qu’à partir de 1847, l’anesthésie locale avec la cocaïne est découverte vers 1860, la pince hémostatique voit le jour en 1868.

    Se soigner (2)

    L’infection post opératoire quant à elle reste le plus souvent fatale faute de connaître les règles d’asepsie et l’existence des microbes et autres virus. L’utilisation de vin aromatique ou de poudre de myrrhe fera office d’antiseptique sans le savoir en attendant les travaux de Pasteur.

     

    Et les remèdes magiques ?

    Bien sûr on va utiliser également d’autres types de remèdes et de « médecins » : des guérisseurs, des rebouteux, et autres sorcier et aussi les saints guérisseurs.

    Toutefois rappelons qu’il est illicite de recourir aux sorciers même pour en obtenir un bien comme la guérison du corps car « jamais ils n’ôtent le mal d’un corps qu’ils ne le renvoient en un autre »

    A partir du milieu du 17ème siècle l’attitude à l’égard des envouteurs, rebouteux et sorciers change : ils sont surtout traités en exploiteur de la crédulité humaine ne méritant ni la corde ni le bûcher tout au plus le bannissement.

    Furetière exprime sa pensée ainsi : « encore que je sois persuadé que les véritables sorciers soient très rare, que le sabbat ne soit qu’un songe et que les parlements qui renvoient les accusations de sorcellerie soient les plus équitables, cependant je ne doute point qu’il ne puisse y avoir de sorciers , des charmes et des sortilèges »…

    Un malade qu’aucun remède dit normal ne guérit va donc se croire possédé par un mauvais sort.

    Que faire dans ce cas ? il faut lever le sort par exemple de la façon suivante : « faire tenir le malade à l’opposite du soleil avant qu’il soit levé, lui faire prononcer son nom et celui de sa mère ; nommer 3 fois le jour pendant 6 jours les anges de gloire qui sont dans le 6ème degré ; le faire tenir tout nu le 7è jour puis écrire sur une plaque les noms de ces anges dans la créance qu’il sera guéri le 20è jour du mois ».

    Si cela ne marche pas il faut chercher un leveur de sort ou conjureur qui va entr’autre chose adresser des prières conjuratoires ; par exemple pour la colique : « Mère Marie, Mme Sainte Emerance, Mme Sainte Agathe, je te prie de retourner en ta place entre le nombril et la rate au nom du Père etc ».

    Il est possible et plus licite d’invoquer les saints guérisseurs ; ainsi Sainte Appolline à qui le bourreau a arraché les dents guérit les maux de dents, Sainte Odile née aveugle guérit les maux d’yeux, Saint Vincent, éventré, guérit les maux de ventre …

    Se soigner (2)

     

     

    Notons que la spécialisation d’un saint peut tenir à un jeu de mot sur son nom : Saint Quentin est invoqué pour les quintes de coqueluche, Sainte Claire pour les maux d’yeux, Saint Aurélien pour les maux d’oreilles …

    Des pèlerinages thérapeutiques sont pratiqués dans toute la France : voyage dangereux que l’on fait parfois à jeun et les pieds nus sur des routes où règnent l’insécurité la plus totale.

    Une fois arrivé, diverses pratiques ritualisées sont appliquées notamment l’immersion ou l’ablution partielle dans une fontaine, le toucher d’une statue ou d’un reliquaire, réciter une neuvaine, …

    Se soigner (2) 

    Albert Hirtz Procession in brittany

     

    Ainsi les habitants de Boissy Sans Avoir (78) firent le 8 décembre 1724 une procession à la chapelle de Sainte Julienne au Val St Germain à 30 km de là ; le curé raconte en 1760 cette journée:

    «  une maladie contagieuse arrivée en notre paroisse de Boissy Sans Avoir en 1724 qui enleva en peu de temps plusieurs personnes par une mort prompte et violente, donna occasion à procession et nous porta à invoquer singulièrement le secours de Dieu par les mérites et intercessions de St Sébastien de St Roch et nommément de Ste Julienne invoquée dans pareilles circonstances ; on n’eut pas plus tôt recours à cette sainte que nous en ressentîmes de puissants secours et une protection singulière, que cette maladie contagieuse se dissipa et que plusieurs qui en était attaqué n’en moururent pas et conservèrent la santé ;et quelques un subsistent encore aujourd’hui parmi nous ».

    Le recours à ces pratiques magiques est le dernier recours après avoir tout essayé ; ainsi en 1661 à l’âge de 13 ans Jean Dache, fils d’un forgeron d’Armentières est paralysé complètement.

    Le père a cherché tous les remèdes auprès des médecins de Lille, Cambrai et Ypres.

    En 1663 on lui conseille de faire exorciser son enfant ; le père a donc déposé l’enfant aux pères minimes ; aucun effet.

    L’enfant demande à être porté devant une image de Jésus flagellé dite de Gembloux qui se trouve chez les soeurs grises d’Armentières ; il y commence une neuvaine et au neuvième jour il est retourné chez lui sans bâton ni assistance.

    Les hommes d’Eglise sont bien sûrs totalement contre les guérisseurs et dénoncent ces superstitions mais sont plus embarrassés quand il s’agit de ces pèlerinages et autres invocations de saints. Est-ce encore de la superstition ? Doit-on inciter les gens à y recourir ? Les en dissuader ?

    A côté de ces invocations magiques, la guérison peut être recherchée par le biais des plantes. Là aussi l’Eglise désapprouve et interdit ces utilisations. « On ne peut cueillir certains simples, certaines feuilles, certains fruits ou certaines branches d’arbre le jour de la Nativité de St Jean Baptiste avant le soleil levé dans la créance qu’elles ont plus de de vertu que si elles avaient été cueillies dans un autre temps ».  En effet les herbes de St Jean tiennent leur vertu curative du fait d’être cueillies la nuit du 24 juin : ce sont essentiellement l’armoise, le millepertuis et la  verveine.

    On trouve également d’autres plantes « magiques » : la mandragore par exemple ; Hildegarde de Bingen préconise à celui qui souffre de « prendre une racine de mandragore, (de) la laver soigneusement, en mettre dans son lit et réciter la prière suivante : mon Dieu toi qui de l’argile a créé l’homme sans douleur considère que je place près de moi la même terre qui n’a pas encore pêché afin que ma chair criminelle obtienne cette paix qu’elle possédait tout d’abord »

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    Les menthes soignent de nombreux troubles ; pour la rate Pline indique cette recette : « la menthe guérit aussi la rate si on la goute au jardin sans l’arracher et si en y mordant on déclare qu’on se guérit la rate et cela pendant 9 jours ».

    Un recueil du 17ème siècle  intitulé « Recueil des remèdes faciles et domestiques recueillis par les ordres charitables d’une illustre et pieuse dame pour soulager le pauvres malades » donne lla recette suivante :  Pour le haut mal c’est-à-dire l’épilepsie : « il est bon que la personne affligée de ce mal porte un morceau de gui de chêne pendu à son col mais ce morceau doit êrte tout frais et sans avoir été mis au feu »

    La racine de bryone ou navet du diable soigne la goutte en la portant là aussi autour du cou.

    Dans les Côtes d’Armor on préservait les vaches de la maladie en mettant à leur cou un collier de branche de chêne et dans le Limousin un collier de pervenches.

    Le gui servait aussi à guérir de la jaunisse au 17ème siècle : « faites tremper 9 boules de gui dans l’urine d’un enfant mâle et attachez les ensuite sur le sommet de la tête du malade ».

    Hildegarde de Bingen recommande la bétoine pour les mauvais rêves : « on peut poser sur la peau nue chaque soir une ou deux petites feuilles de plantes fraîche ou faire un coussin en tissu fin que l’on bourre avec des tiges feuillues sèches de bétoine ».

    Un marron sauvage dans la poche était « un remède magique tout puissant contre les hémorroïdes »

    La fumée d’aristoloche brulée « sous le lit des enfants les ramènera à la santé car elle chasse toutes les diableries et supprime tout tourment et tout mal »

    Les feuilles de bouleau chauffées dans un four mises dans le berceau d’un enfant doit lui donner de la force.

    « Un enfant n’aura ni froid ni chaud pendant toute sa vie pourvu qu’on lui frotte les mains avec du jus d’absinthe avant que la 12ème semaine de sa vie ne s’écoule »

    Pour faire tomber la fièvre : « on nouera une cordelette autour de la taille que l’on attachera par la suite à un arbre appelé tremble afin de lui communiquer son état fébrile. Ce faisant on récite la prière suivante : tremble, tremble au nom des 3 personnes de la trinité »

    Pour les verrues on les frotte avec une pousse de chélidoine fraichement coupée que l’on jette derrière soi par-dessus l’épaule sans se retourner.

     

    Quelle est la formation de ces praticiens ?

    Commençons par les sages-femmes : si l’on s’en réfère à un règlement de 1730, pour être sage-femme il faut passer un examen de moralité devant le curé de la paroisse et être reçue par la communauté de chirurgiens la plus proche. Un apprentissage théorique et pratique de deux ans devra être dispensé, sanctionné par un examen.

    Le problème est qu’en pratique l’apprentissage est lacunaire car les chirurgiens à cette époque ont la théorie mais très peu la pratique de l’obstétrique.

    Le seul lieu de formation pratique existant dans le royaume est l’Office des accouché crée en 1630 à l’hôtel Dieu à Paris qui reçoit chaque trimestre 3 ou 4 élèves qui vont se former en accouchant les femmes pauvres de la ville. Mais il n’y a aucun enseignement théorique de dispensé et de toute façon le nombre d’élèves est ridiculement faible.

    Donc au final les matrones accouchent les femmes sans formation préalable et donc sans moyen face à un accouchement difficile.

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    Seule passage obligé, le curé qui vérifie si la dame est catholique, si elle est capable d’ondoyer dans les formes le nouveau-né en danger de mort,  et si elle jure ne jamais utiliser de pratiques abortives ou infanticides.

    Il faut attendre les années 1760 pour que s’impose la nécessité d’une réelle formation des sages -femmes et notamment les cours d’Angélique Le Boursier Du Coudray, maîtresse sage-femme brevetée, nommée par le roi en 1767 pour enseigner « l’art des accouchements dans toute l’étendue du royaume ». Elle exercera de 1759 à 1783 et sillonnera l’ensemble des provinces à l’exception du Languedoc où elle se heurte à l’opposition de la faculté de médecine de Montpellier. On estime à plus de 10 000 le nombre de sage- femme qui sur cette période ont été ainsi formées par elle et les chirurgiens qu’elle va également former.

    Mme du Coudray a mis au point une machine très pratique pour l’apprentissage puisqu’il s’agit d’un mannequin figurant le tronc d’une femme avec bassin et cuisses, le tout grandeur nature.

    Se soigner (2)

    Différentes pièces complètent ce mannequin pour expliquer l’anatomie et les différentes phases de l’accouchement : parties de la génération, jumeaux, tête de fœtus, matrice à différent moment de la grossesse, …

    Les apothicaires  exercent cette partie de la médecine qui consiste en la préparation des remèdes.

    Ce sont des marchands artisans regroupés souvent avec les épiciers et les droguistes au sein d’une même communauté de métier.

    L’enseignement est complet à Paris : théorique et pratique ; mais en province l’enseignement théorique est inexistant sauf s’il existe pas loin une faculté de médecine pourvue d’une chaire de pharmacie.

     

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    Le chirurgien ne va s’occuper que des maladies externes au contraire du médecin qui, lui, est un savant. Le chirurgien ne s’occupe au final que de ce qui est «mécanique ».

    Initialement le terme adéquat est chirurgien barbier . Dès la fin du 13ème siècle déjà un certain nombre de chirurgiens à Paris abandonnent la barberie et se concentrent sut la partie chirurgicale de leur métier.

    Ce ne sera qu’en 1691 que le métier de chirurgien va définitivement être séparé de l’activité de barbier perruquier

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    David III Ryckaert, le Jeune - Le Chirurgien - 1638

    Valenciennes, musée des Beaux arts

     

    Au milieu du 18ème siècle un parcours d’apprentissage est règlementé mais il ne s’agit pas d’un savoir livresque, savant, comme peut l’être celui des médecins, l’apprentissage demeurant nécessaire à tout activité « mécanique ».

    La durée et la nature de cet apprentissage va différer en fonction du lieu où la personne va exercer, du nombre de maître chirurgien présents sur place, de la qualité des apprentissages ; la partie théorique est enseignée par des médecins mais là aussi la qualité et la durée des enseignements va dépendre de l’endroit où le futur chirurgien va exercer.

    A la veille de la Révolution seules 15 écoles publiques de chirurgie existent : Aix, Bordeaux, Besançon, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Orléans, Paris , Rennes, Rouen, Toulouse, Tours + 3 écoles de chirurgie navale à Brest, Rochefort et Toulon.

    Ces écoles sont toutefois toutes d’un niveau de qualité différent (locaux exiguës, matériel inadapté, peu d’enseignement théorique …).

     

    Le médecin a la chance d’avoir au 17ème siècle le choix entre une vingtaine de facultés dispensant un enseignement de la médecine mais là aussi la qualité des enseignement varie grandement, que ce soit en terme de nature des épreuves, de durée des études, du nombre de professeurs , du contenu des enseignements …

    La nature de l’enseignement est par ailleurs essentiellement théorique et abstrait ; il s’agit de savoir raisonner. Au 18ème siècle, quelques séances de dissections existent dans certaines facultés mais il est difficile de trouver des cadavres et ce jusqu’à la fin du 18ème siècle. Quant à l’enseignement au chevet des malades, il reste très exceptionnel.

    Se soigner (2)

     

    Notons pour la petite (et grande histoire) que la première femme médecin est Elisabeth Blackwell qui devint docteur en médecine aux USA en 1847.

    Se soigner (2)

     

     

    La vie de nos ancêtres était beaucoup plus dure que ce que l’on imagine. Il faut bien comprendre finalement « le tragique de leur existence » et il est important de « montrer l’omniprésence de la maladie et de la mort et l’impuissance à lutter efficacement contre elles ». Face à cette vie très dure, soulignons  « le courage de ces hommes et de ces femmes qui échappaient au fatalisme et à la peur en plaçant leur espoir au-delà des apparences ».

     

    Sources

    "Se soigner autrefois" de François Lebrun

    "Enquête sur les plantes magiques" de Michèle Bilimoff

    Revue "Nos ancêtres" n°18 sur les médecins et chirurgiens du 15 au 19ème siècle

     

     


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    Au 18ème siècle, un enfant sur 4 meurt avant 1 an contre 15%  en 1900, 5% en 1950 et 0.3% en 2012

    L’espérance de vie n’est à cette époque que de 28 ans …

    En 1810, l'espérance de vie atteint 37 ans en partie grâce à la vaccination contre la variole. La hausse se poursuit à un rythme lent pendant le XIXe siècle, pour atteindre 45 ans en 1900.

    Pendant les guerres napoléoniennes et la guerre de 1870, l’espérance de vie décline brutalement et repasse sous les 30 ans.

    Se soigner autrefois (1)

     

    Comment était perçue la maladie au 18ème siècle ?

    En 1677, Claude Joly, évêque d'Agen écrit que Dieu nous envoie les maladies « pour mortifier notre corps et le rendre obéissant à l'esprit, pour nous détacher de l'amour des créatures et pour nous convertir à lui, pour nous préparer à bien mourir ».

    Au début du 18ème siècle, Antoine Blanchard, prêtre de Vendôme écrit dans son "Essai d'exhortations pour les états différents des malades" que la maladie "est un véritable remède. Elle afflige le corps mais contribue à la guérison de l’âme […] Les maladies ne sont pas seulement des remèdes mais elles sont des châtiments salutaires".

    Quelques décennies plus tard, les mentalités n’ont guère changé puisqu’en 1770 Yves Michel Marchais, curé d'une petite paroisse de l'Anjou nous explique que "de quelque côté que nous les envisagions, les souffrances sont des traits de miséricorde à notre égard et des moyens efficaces de sanctification […] Elles nous purifient, perfectionnent notre vertu, nous font aimer Dieu pour lui seul…"

    Les épidémies répondent au même besoin de châtiment de Dieu. Ainsi, lors d'une épidémie de dysenterie en Anjou en 1707, l'évêque d'Angers affirme dans un mandement du 30 septembre que Dieu ne fait que punir les coupables : "il ne nous livre à la corruption de notre corps que pour nous punir de celle de notre âme. Ce sont pour ainsi dire les vapeurs de nos crimes qui ont répandu dans l'air la malignité dont nous nous plaignions".

    Louis Marie Grignion de Montfort écrit en 1703 à sa sœur tombée malade au cours de son noviciat : "ma chère sœur, je me réjouis d'apprendre la maladie que le bon Dieu vous a envoyé pour vous purifier comme l'or dans la fournaise".

    Ces mentalités entraînent inéluctablement une indifférence voir une haine du corps et donc le refus d'intervenir par de moyens humains pour recouvrer la santé.

    Le curé Marchais toutefois nous explique que "des malades et des infirmes peuvent et doivent chercher leur guérison dans des remèdes naturels et employer tout ce qu'ils croient pouvoir leur être utile pour se soulager"

    Bien sûr il est hors de question de recourir à des moyens surnaturels relevant de la magie.

    Cette intervention humaine implique aussi que tout ce qui relève de la médecine « de précaution » ne soit pas utilisé : d'où le débat sur la variolisation ouvert en 1735 par Voltaire qui préconise cette pratique tandis que nombreux ecclésiastiques sont contre car c'est tenter Dieu que de donner à une personne une maladie qui ne lui serait peut être pas venue naturellement. En 1775 les curés bretons y voient d’ailleurs un crime contre la loi divine.

    La maladie relève donc clairement du médecin et du prêtre : le premier devoir du médecin n'est-il pas devant un malade gravement atteint de veiller à ce qu'il se confesse? Une déclaration royale de 1712 oblige d’ailleurs les médecins à agir de la sorte en leur interdisant après la 3ème visite de retourner chez un malade  gravement atteint si celui-ci ne leur présente pas un certificat du confesseur.

    Se soigner autrefois (1)

    Dieu est donc la cause première de la maladie ; qu'en est-il des causes secondes?

    Comme je l’ai expliqué dans un précédent article, les phénomènes qui se produisent dans le microcosme qu'est le corps humain (donc la maladie) est en relation avec les phénomènes du macrocosme (l'univers, la terre les cieux) : c’est la théorie en vigueur à cette époque.

    Se soigner autrefois (1)

    Donc aux 4 éléments du macrocosme (la terre, l'air, le feu et l'eau) et leur qualités respectives (le sec, le froid, le chaud et l'humide) répondent les 4 humeurs (substances liquides sécrétées par le corps humain) :

    • le sang sécrété par le cœur, chaud et humide,
    • la pituite ou phlegme sécrétée par le cerveau, froide et humide,
    • la bile sécrétée par le foie, chaude et sèche,
    • l'atrabile ou mélancolie sécrétée par la rate froide et sèche

    Selon qu'une humeur l'emporte sur l'autre, un individu sera de tempérament bilieux, sanguin, phlegmatique ou mélancolique

    La maladie va intervenir quand ces humeurs vont se dérégler soit par surabondance soit par altération.

     

    A partir du milieu du 18ème siècle, grâce aux Lumières notamment, le fatalisme ambiant devant la maladie et les épidémies est contesté par de nombreux médecins qui sont persuadées des possibilités infinies de la médecine; beaucoup notamment refusent de considérer comme inéluctable la mort de tous ces enfants au berceau d’où une profusion d’ouvrages les concernant vers cette époque.

    Se soigner autrefois (1)

    Reproduction of Luke Fildes' painting The Doctor, by Joseph Tomanek

     

    N’oublions pas en effet qu’ «un quart du genre humain périt pour ainsi dire avant d’avoir vu la lumière puisqu’il en meurt près d’un quart dans les premiers mois de la vie » (Buffon 1777 – naturaliste et biologiste français 1708-1788).

    Se soigner autrefois (1)

    Jeune mère contemplant son enfant endormi dans la chandelle . 1875. Albert Anker (1831-1910)

     

    Entre 1740 et 1789 une étude a montré que le taux de mortalité des enfants de moins d’un an était de 280/1000.

    Les causes de ces décès de touts petits se divisent en 3 catégories :

    • Les malformations congénitales,
    • les lésions subies au cours de l’accouchement,
    • les maladies diverses.

    Ainsi la diarrhée du nourrisson plus fréquente en été induit une mortalité saisonnière élevée (n’oublions pas qu’elle est encore aujourd’hui la 2ème cause de mortalité dans le monde des enfants de moins de 5 ans).

    Au 18ème siècle un peu plus de 50 enfants sur cent atteignent 10 ans. Ils sont attaqués de toute part par la coqueluche, les oreillons ou oripeaux, la varicelle assimilée à une variole atténuée, la rougeole, la scarlatine, la rubéole ….

    Et les soins se résument souvent à des enveloppements, des cataplasmes, des infusions de bourrache, de persil ou de coquelicot.

    Et que dire de la diphtérie ou angine pestilentielle ou putride, ou croup ou mal de gorge gangréneux qui sévit tant chez les jeunes que chez les plus âgés.

    Voir également l'article sur la naissance au cours des siècles.

     

    Une maladie qui fait peut : la rage

    En 1714 un loup enragé pénètre dans les faubourgs d’Angers et mord, avant d’être abattu, de nombreux chiens et bestiaux et une centaine de personnes. Une trentaine d’entre elles meurent dans des conditions épouvantables : elles sont parquées dans une tour désaffectée et « on les voyait se déchirer, et crier pitoyablement et enfin expirer » »

     

    Quid des autres maladies

    La gale, la gratelle et la dartre sont moins graves mais très fréquentes. Les malades se grattent furieusement faisant ainsi « rentrer l’humeur » provoquant des infections et aggravant le pronostic initial.

    La plupart des affections pulmonaires sont confondues sous le nom de phtisie.

    La tuberculose que l’on ne connait pas et qui n’est pas décrite existe bien avant le 19ème siècle.

    Le cancer est défini par Antoine Furetière (homme d’église, poète et romancier – 1619-1688) comme « une maladie qui vient dans les chairs et qui les mange petit à petit comme une sorte de gangrène ».

    Un cancer déjà fréquent : le cancer du sein ; par pudeur beaucoup de femmes hésite à se confier à un chirurgien.

    Saint Simon (duc et pair de France, mémorialiste français – 1675-1755) ainsi nous dit que Mme de La Vieuville qui meurt en 1715 dans un âge peu avancé d’  « un cancer au sein dont jusqu’à deux jours avant la mort elle avait gardé le secret avec un courage égal à la folie de s’en cacher et de se priver par là des secours ».

    Il nous signale le cas de Mme Bouchu qui cachait un cancer depuis longtemps ; « avec le même secret, elle mit ordre à ses affaires, soupa en compagnie, se fit abattre le sein le lendemain de grand matin et ne le laissa apprendre à sa famille ni à personne que quelques heures après l’opération : elle guérit parfaitement ».

    Les maladies vénériennes : longtemps confondues entre elles sous le nom de vérole. Elles sont très fréquentes.

    Se soigner autrefois (1)

    Le compagnon vitrier Jacques Ménétra (18ème siècle) avoue une dizaine d’accident contracté à frayer ici ou là à Paris ou lors de son tour de France.

    Il se guérit à chaque fois avec des remèdes à base de mercure manifestement. En effet « le mercure et les préparations mercurielles sont l’unique remède capable de détruire radicalement la vérole pourvu qu’on les emploie avec précaution ».

    A Paris on soigne la vérole à Bicêtre, l’une des maisons de l’hôpital général.

    Se soigner autrefois (1)

    On enferme les malades mentaux, les hystériques, les mélancoliques, les déments auxquels on assimile les épileptiques.

    Dès la création de l’hôpital général en 1656 il est prévu d’y enfermer « les fous et insensés », les mendiants valides ou non, les vieillards indigents, les vénériens et les enfants abandonnés.

    Mirabeau (écrivain français - 1749/1791) est scandalisé de la façon dont sont traités les enfermés, laissés à croupir avec leurs chaines et dans leurs ordures.

    Les conditions de vie font-elles la différence en terme de mortalité ?

    Une étude réalisée dans le Thimerais entre Chartres et Dreux fait apparaitre une différence certaine : entre 1765 et 1791 il a été calculé que les probabilités de survie à 15 ans pour 1000 enfants de laboureurs (le « haut du panier » paysan) y sont de 587 alors que le chiffre tombe à 515 pour les journaliers agricoles.

    Dans les villes sales et empuanties par les eaux usées, les ordures de toutes sortes, la situation ne fait qu’aggraver les épidémies voir même les déclencher.

    L’entassement dans des maisons de bois ou de torchis mal entretenues et mal aérées aggravent nécessairement les conditions de vie des habitants.

    A Angers en 1769 dans la petite rue Putiballe (aujourd’hui rue Tuliballe), 403 personnes s’entassent dans 39 maisons et 9 de ces maisons abritent 206 personnes (soit une moyenne de 23personnes par maison). Je vous invite à lire les articles sur l’habitat lillois au 19ème siècle qui explique bien l’indigence et l’insalubrité de ces habitions (voir mes articles sur l'habitation lilloise au 19ème siècle 1 et 2).

    Se soigner autrefois (1)

    Dans les campagnes ce n’est guère brillant : l’habitation se résume là aussi le plus souvent à une pièce où l’on dort, mange, vit. Les maisons sont souvent basses, mal aérées, humides : or « l’on sait qu’un air trop renfermé occasionne les fièvres malignes les plus fâcheuses ; et le paysan ne respire chez lui jamais qu’un air de cette espèce. Il y a de très petites chambres qui renferment jour et nuit le père, la mère, 7 ou 8 enfants et quelques animaux, qui ne s’ouvrent jamais pendant 6 mois de l’année et très rarement les autres 6 mois » (Simon André Tissot, médecin suisse 1728-1797 – Avis au peuple sur sa santé 1761).

    Et que dire du tas de fumier à proximité du ruisseau ou du puit ?

    L’alimentation concourt également à aggraver l’état général des individus. Les gens pauvres ont 70 à 80% de leurs calories provenant des céréales (surtout seigle, blé orge noir) sous forme de pain ou de bouillie (lire également l'article sur le repas sous l'Ancien Régime).

    Peu de poisson ou de viande, peu de fruits (quand ils existent, ils sont surtout cuits), quelques légumes pour la soupe et un peu de graisse (beurre ou huile).

    Au 17/18è on mange moins de viande qu’au 15ème siècle ou que les siècles plus tard.

    Ce régime entraîne fatalement de nombreuses carences en vitamines. La mauvaise qualité des aliments est quant à lui responsable du pelagre, du scorbut, de l’ergortisme ou mal des ardents.

    Parlons un peu de l’ergotisme qui est dû à l’absorption de farines contenant du seigle ergoté ce qui entraîne la gangrène des pieds et des mains.

    En 1776, Tessier donne une description de l’ergotisme sévissant en Sologne : « les hommes malades surtout les mieux constitués éprouvaient les deux ou trois premiers jours des douleurs de tête et d’estomac ; la fièvre survenait, ils sentaient tous des lassitudes douloureuses dans les extrémités inférieures ;  ces parties se gonflaient sans inflammations apparentes ; elles devenaient engourdies, froides et livides et se gangrenaient… Les doigts tombaient les premiers et successivement toutes les articulations se détachaient. Les extrémités supérieures, quoique plus rarement, éprouvaient le même sort. On a vu des malheureux auxquels il ne restait que le tronc et qui ont vécu dans cet état encore quelques jours ».

    Se soigner autrefois (1) 

    Les Mendiants – P. Brueghel

     

    Sources

    "Se soigner autrefois" de François Lebrun

    "Enquête sur les plantes magiques" de Michèle Bilimoff

    Revue "Nos ancêtres" n°18 sur les médecins et chirurgiens du 15 au 19ème siècle

    INED

     


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