• Les épidémies et autres calamités (4)

    LA GRANDE FAMINE DE 1693-1694

    En 1692, la récolte est médiocre et est suivie à l'automne de pluies diluviennes qui détruisent les semailles et provoquent, en juillet 1693, une moisson désastreuse.

    Puis l'hiver 1693/1694 s'avère rude et le printemps trop sec.« La misère et la pauvreté sont au-delà de ce que vous pouvez imaginer, écrit le lieutenant général en Normandie. Dans le pays de Caux, une infinité de peuple meurt fréquemment de faim. Il est à craindre que le peuple, qui ne mange que des herbes, ne coupe et ruine tous les blés avant qu'ils ne soient mûris. » Des spéculateurs accaparent le grain, de sorte que son prix va jusqu'à quintupler

    → En 1693-1694, le froid et la famine sévissent sur le royaume : on compte de 1,6 million à 2 millions de victimes . « Pour la première fois depuis plus de 30 ans, on revit le pain de fougère, le pain de gland, les moissons coupées en vert et les herbes bouillies ».

    Pour faire face à la famine, le Parlement ordonne aux curés la rédaction d’un état des pauvres dans chaque paroisse et la prise en charge des miséreux par tous ceux qui peuvent le faire (séries GG des AM et H des AD).

    En mai 1694, le setier de blé atteint le prix record de 52 livres. Le même mois, le Parlement ordonne trois jours de procession dans toutes les paroisses.

    Les conséquences à partir de 1694 :

    -  accroissement de la mobilité,

    - chute brutale des baptêmes avant une forte et rapide récupération de 1695 à 1707,

    - mariages retardés,

    - hausse des abandons d’enfants et multiplications des décès... parfois 25 % de la population d’une paroisse.

    → Selon Marcel Lachiver, « En deux ans, il ne naît que 1 325 000 enfants, alors qu’il est mort 2 836 000 personnes. Le déficit dépasse les 1 511 000 âmes. En deux ans, (...) la population de la France passe de 22 247 000 habitants à 20 736 000 et diminue donc de 6,8 % ».

    François Lebrun ajoute : « Le rapprochement avec les pertes de la Première Guerre mondiale n’a rien d’incongru : la crise de 1693-1694 a fait en deux ans presque autant de morts que celle-ci, mais dans une France deux fois moins peuplée et en deux ans au lieu de quatre ». Les condamnations aux galères pour vol passent de 254 à 401 en 1693-1694.


     

    La famine

     Il n'y a plus rien à manger. Quand toutes les céréales sont épuisées - le froment, le seigle, l'avoine après le blé -, es pauvres se trouvent réduits à recueillir les glands ou les fougères pour en faire une sorte de pain. Ces «méchantes herbes» achèvent de ruiner la santé des malheureux, qui enflent après y avoir eu recours. Les orties, les coquilles de noix, les troncs de chou, les pépins de raisin moulus n'ont pas meilleur effet. Les curés, qui nous renseignent sur ces tristes expédients, parlent aussi des bêtes, ( qu'on ne nourrit plus et qui meurent avant les hommes : les charognes de chiens, de chevaux et «autres animaux crevés» sont consommées en dépit de leur état de pourriture des sources indirectes mentionnent des cas de suicides et d'autres, plus rares, d'anthropophagie.

    Durant l'hiver 1693, l'Hôtel-Dieu de Paris voit chaque jour mourir de faim plusieurs centaines de personnes. D'autres, faute de lit, périssent en pleine rue. La Reynie, lieutenant général de la police, tente de prévenir d'éventuelles émeutes en faisant construire une trentaine de grands fours dans la cour du Louvre pour y cuire chaque jour 100 000 rations de pain vendues deux sous la livre. La vente s'effectue en cinq endroits : le Louvre, la place des Tuileries, la Bastille, le Luxembourg et rue d'Enfer

    On ne s'étonnera pas que Charles Perrault ait conté en 1697, dans Le Petit Poucet, la triste histoire d'un couple de pauvres bûcherons qui, ne pouvant plus nourrir ses sept enfants, va les perdre dans la forêt. En deux ans (1693 et 1694), le royaume voit son nombre d'habitants diminuer de 1 500 000 personnes, soit 6,8 % de la population.

     En 1694, Fénelon dans sa Lettre à Louis XIV, critique la politique royale et expose la situation du pays : « (...) vos peuples (...) meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée, les villes et les campagnes se dépeuplent ; tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers ; tout commerce est anéanti (...). La France entière n’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provision ».

    « On n’entendait que des cris lugubres de pauvres enfants abandonnés par leurs parents, qui criaient jour et nuit qu’on leur donnât du pain. On ne voyait que des visages pâles et défigurés. Plusieurs tombaient en défaillance dans les rues et dans les places publiques et quelques-uns expiraient sur le pavé. » Témoignage d’un bourgeois d’Orléans en 1693

     

    Quelques annotations sur des actes paroissiaux:

    Commune de Joux (69) -14 mai 1694

    "petit garçon mendiant qu on a trouve mort dans un chemin ce qui arrive tous les jours en plusieurs endroits a cause de la famine et de la disette "

     Commune de Joux

    Dans cette longue mention, le curé Combes de la paroisse de Joux rend les hommes responsables de cette famine, par leurs péchés et leurs excès : "les causes de cette disette ne peuvent estre autres que les pechés des hommes, leurs excès et autres debordements dans les temps de prosperité et d'abondance qui ont irrité la colere de Dieu et ont attiré ces fleaux "

    Le contexte politique aggrave cette situation avec "une guerre universelle de tous les princes de lheurope contre la france qui a deja dure cinq ou six ans (...) les impots excessifs sur toutes sortes de choses, destats, de conditions et de mestiers"

     

    Sur la commune de Dehault (72) , a été trouvée "le corps d'une fille à nous inconnue agée de douze à treize ans morte de faim dans une raye dans un champ" .

     

    Dans beaucoup de provinces, les épidémies succèdent à la famine, la chaleur accélérant la putréfaction des milliers de cadavres  : la typhoïde, appelée fièvres putrides ou malignes et qui se propage par l'eau et les aliments souillés, décime la population sous-alimentée.

      

     

     

     sources

    http://www.alertes-meteo.com/catastrophe/annees-de-misere-age-glaciaire.htm

     

      

     

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