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Les notes de Pierre Bordier relatent le quotidien de son village et tout ce qui lui semble important de noter. On ne retrouve pas d’émotion, de réflexions particulières sur sa vie ou son époque. Ce sont essentiellement des faits qui vont nous donner une idée des moeurs du temps, des rigueurs de la vie et ses aléas.
Ci-dessous quelques exemples (avec l’orthographe de Pierre) de ses notes que j’ai rassemblées en thématiques :
Sur la météo et l’impact sur les cultures
- En février 1754 il note qu’en raison de la neige qui recouvre les champs « les alouettes viennent manger les choux du jardin »
- En septembre 1754 suite à la sécheresse « touttes les légumes des jardins sont tous perdus : les choux les pois chiches , éricots ou pois blancs ; les chénévriers sont sans chénevis »
- En décembre 1755 « il est arrivé une grande creux [crue] d’eau à la Loire de Blois qui a fait bien de la perte à ses voisins. Le mardi 2 de ce mois, elle a été si forte que il y a 32 ans qu’elle n’a été si haute. On a vu dans la rivière plusieurs bœufs vivants , du bois en quantité que l’on a tiré contre les ponts. Et a effrayé bien du monde ; elle a emporté deux ou trois maisons de Vienen [faubourg de Blois sur la rive sud du fleuve]. Elle a fait une furieuse peur aussi à Blois […] elle a emporté les ponts et plusieurs maisons qui étoient sur les ponts».
- En février 1756 : « le mercredi 18 il a fait un grand vent qui a bien fait du dégât à toutes les maisons partout, et jeté (à bas] une grange à Villemorain et a blessé un homme dans ladite grange ». Cette tempête « a jeté la croix du cimetière à bas ».
- Dernière semaine de juin 1757 : « cette semaine a été si chaude que l’on boillet comme le bœuf cuit entre deux plats en son jus »
- En janvier 1758, il y a eu une grosse tempête de neige : « la neige et la gelée a été si âpre et rude qu’il y a un nommé Suard de Villeporcher qu’on a trouvé gelé en un chemin et mort avec son âne ; cet homme revenait de l’huile des Roches ; il est mort entre le Grand Breuil et les Haies. »
- Au printemps 1760 « depuis le commencement (du mois) il a fait beau, un temps propre pour les chénévriers, un temps bas, nuageux et chaud, couvert. Les bleds sont bien préparés ; les vignes encore mieux ; les prés les menus grains, tout est bien et promet beaucoup »
- En décembre 1762 et janvier 1763 Pierre a noté que « la terre est gelée de 14 à 15 pouces avant le cimetière » (une quarantaine de cm)
- Le dimanche 13 mars 1763 « il a gelé jusque dans les maisons»
- En 1768 « il y avoit beaucoup de pomme, peut de poire, point de serize, un peu de guine »
Tableau anonyme du 18e siècle, exposé au Castello Sforzesco de Milan
Sur la religion
- En septembre 1758, « le peintre a commencé [dans l’église] le lundi 11 de ce mois, où il fait le grand tableau, deux autres de chaque côté du grand Autel et un devant l’autel, et peint toutes sortes de boiseries»
- En juin 1763 : « le 3 de ce mois on a exorcisé tous les bestiaux sur le pastis du prieuré : chevaux, vaches, moutons, brebis, agneaux, cochons, le lendemain de la feste su Saint Sacrement à 2heures après midi».
- Quelques exemples de cérémonie du Lazare, au cours de laquelle un condamné « pour un cas piteux et rémissible » ayant obtenu une grâce plénière doit porter en procession solennelle un cierge de 33 livres : en 1753, un garçon d’Epuisay âgé de 17 ans qui « avoit tué son camarade à la chasse par mégarde», en 1754, « celui qui a porté le cierge du Lazare est un chirurgien tout proche Le Mans, qui a tué un homme et après l’avoir tué, il a voulu le mettre au feu pour le brûler »
Eglise Saint Martin à Lancé
Sur l’école de Lancé
- Mars 1760 « le jeudy 2, M. Lattron est décédé et sa femme le vendredy 14, il estoit sacriste à l’église de Lancé »; « il est venu un appelé David pour être sonneux et enseigner l’école, le jour des Rameaux qui est le 30 mars » ; « on luy donne la jouissance de 12 boisselées de terre par an ; on lui donne 25 sols pour l’enterrement s’une grande personne, 10 sols pour chaque service, 5 pour assister le curé à aller chercher les corps, c’est-à-dire le convoy […] on lui donnera 7 sols pour l’enterrement des enfants »
- « le jeudy 21 (mai 1767) le sieur David , sacriste et maître d’école à Lancé, s’en est allé d’ol étoit venu, à Blois, pour être aussy maître d’école à En Vienne les Blois ; il y a été (ici) 7 ans » ; « le dimanche 12 (juillet 1767) on a reçu Tondereau pour être sacriste à Lancé aux conditions de David»
Sur les animaux et les menaces qu’ils pèsent sur le village
- 1742 « la Beste qui dévore les anfans a commencé cette année à faire son carnage» - est ce un loup dont il parle ?
- 1747 : « la Beste resgnes toujours actuellement , qui fait un grand désordre, on a beau y faire la chasse »
- 12 septembre 1751 : le curé écrit qu’à Saint Arnoult, « a été inhumé la tête et quelque os du corps de Marie Hult (…] duquel corps on n’a pu trouver que ladite tête et une petite poignée des côtes et de petits os, les habits à leur entier et une jambe attenante l’os de la cuisse »
- Mars 1754 : « on parle actuellement de la Beste qui dévore les enfants surtout en la paroisse de Villeporcher et Saunay. Elle en a haché et étranglé trois cette semaine, à Saunay»
- Février 1766 : « le Grand Maître des Eaux et forêts a ordonné une chasse aux loups ; on s’est rassemblé devant le château de Bouchet-Touteville ; il y avoit Crucheray, Nourray, Lancé, Gombergean, Pray et Lancômme, un homme de chaque feu. On a tué un renard au Clos Mouchard et tiré quelques loups près de Puterreau […] on n’a rientué ; il faisoit trop grand froid et grand vent»
Un loup en ville ! gravure XIXe - coll. cl. Ribouillault
Sur les évènements liés à l’actualité en France et ailleurs
- 1743 : « il c’es levé une grande gueres entre les François et la Reyne de Hongris »
- 1746 « les guerres sont si grandes que tout les peuples en sont épouvanté »
- En août 1754 « on a fait de grandes réjouissances dans Paris (lors) de la naissance de Monseigneur le Duc de Berry, petit fils du Roy, 15ème du nom » (le futur Louis XVI)
- 1756 : « on fait la guerre avec le roi d’Angleterre sur mer ; on a pris une ille que l’on nomme le Port-Mahon et encore une autre , je ne sais plus son nom»
- En décembre 1757 « le fils du sieur Challussez (le seigneur) a perdu la vie (à la bataille de Rosbach) par un boulet de canon ; il était capitaine dans la cavalerie, âgé de 30 ans »
- 1757 : « il est venu une nouvelle que c’est seur que Louis 15 a été poignardé, mais c’est à Versailles : il en reçu deux coups, l’un au coude et l’autre à la quatrième coste d’en bas ; il n’a pas été percé à jour mais la peau et un peu de chair. […] celui qui a donné les coups de couteau est de la ville d’Arras ; son métier étoient contre porteur de pierre à dégraisser les tâches sur les habits et de pierre à fusil, amadou et autres petites niaiseries comme on en voit dans les foires à trainer. Il avait une grande redingote par-dessus de vieux haillons».
Eau forte aquarellée - Anonyme. 1757 - Musée du barreau de Paris
- « le dimanche 6 (mars 1757) on a chanté le TE DEUM pour rendre grâces à Dieu de la guérison et du rétablissement du roi Louis XV» suite à l’attentat de Damiens
- Le samedi 23 juillet 1763 est annoncée la nouvelle du traité de Paris mettant fin à la guerre de Sept ans : « la paix a été publiée par le sieur Auriou, huissier à Vendôme, et accompagné de hallebardiers et environ 10 à 12 fusilliers, tous à pied».
- 1775 : « Louis XVI a été sacré à Reims le 11 juin, jours de la Trinité»
- Sur la guerre d’indépendance en 1779 : « nous avons de la guerre sur mer ; le comte d’Estin y prend les Englois prisonniers , même il y en a environ d’un cent à Vendôme ; il y a les Amoriquins, l’Espagne et la France qui leurs font la guerre et sont encore les maîtres bien souvent ; ils nous prennent souvent des vessaux et bien des munitions de guerre»
Sacre de Louis XVI - 11 juin 1775
Sur la vie de ses concitoyens
- Représentations : En 1749 « le mercredy 23 avril, il est arrivez à Vendôme plusieurs personnes qui ont un Tableau qui représente la mort et Pation de Nostre Seigneur dont tout le monde en est ravy de joie, et plusieurs oiseaux qui chantent au parfait»
- En juillet 1753 il rapporte qu « on a fait voir au peuple deux enfants collés l’un à l’autre et un poisson de mer nommé lion marin»
- « Le mardi 22 may (1754) il s’est nayé un enfant de 2 ans à Armand Rimbault à Chandelay dans un trou d’eau en sa cour » ; il s’agit de Jacques Rimbault frère de marie louise, sa servante et future femme
- En février 1755 un marchand de vaches tue sa femme à Montoire
- En octobre 1755 « on a dressé un théatre devant l’abbaye de l’Etoille, par un opérateur nommé Scipion ; ils sont 22 de leur troupe. Il est bien habile dans ses opérations. Il a fait son orviétan devant les magistrats et chirurgiens de la ville de Vendôme en la chambre de la ville » et le 20 décembre 1755, « le théatre aux opérateurs n’est pas encore à bas mais le harlequin en sautant dessus il a défoncé [le plancher] par le milieu et s’est fait grand mal aux jambes ; le sang a parti sur ses bas tout [de] suite»
- En décembre 1755 : lors des crues de la Loire, « on a trouvé à Amboise en la rivière un berceau avec deux enfants dedans tout vivants, sans aucun mal, avec chacun un grelot en leurs mains ; on regarde cela comme un miracle ; on ne sait pas d’où ils sont natifs»
Scène de sauvetage en val d'Orléans - crue 1846 - musée de la Marine de Loire
- « Le jeudy 25 (septembre 1755) le sieur Delauné , curé de Gombergean est décédé et enterré le 26 ; il est entré dans sa cure à la chandeleur 1744 en la place du sieur Leroux, qui s’en fut curé de Villexanton ; il a été curé environ 11 ans et demy » - deux mois plus tard, « le vendredi 21 (novembre), M. Quetin a pris possession de la cure de Gombergean a dit sa 1ère messe le jour de la trinité d’hiver »
- En janvier 1758, « la femme du sieur Derois, de St Amand, est revenue depuis 8 ou 10 jours. Elle a été absente environ 4 ans d’avec luy»
- En janvier 1760 décès de mme Souchay « agée d’environ 90 ou 91 ans»
- En 1760 « M Desnoyers, curé de Lancé a etrenné une chappe et une chasuble neuves qui est venue de paris le jour de Pasques qui est le 5 d’avril»
Enterrement d'un enfant, Albert Anker, 1863
Sur lui : Pierre a écrit très peu de choses sur lui
- Juin 1751 : vol avec effraction à la petite musse « pendant que la paroisse de Lancé était allé processionnellement dudit Lancé en station à l’église paroissiale de la paroisse de Saint Amand après les vespres de ladite paroisse de Lancé pour le Jubilé, il fut fait une fracture au cul de leur four de la maison du déposant appelée la petite musse dite paroisse de Lancé » ; le voleur trouve « dans le coffre du déposant qui était au pied du lit [..] un sac de toile où il y avait environ 416 livres en écu de six, trois livres et monnaie, de laquelle somme il prit environ 210 livres, laissa le surplus dans ledit sac » - cela correspond à peu près à une année de salaire de journalier c’est donc une somme importante
On retrouve ce témoignage par une procédure judiciaire en 1776 (soit plus de 20 ans après les faits) ( AD 41 série B, bailliage de Vendôme)
- En juillet 1754 Il achète « un cheval de ans, gris pour 100 livres»
Sur les exécutions et sanctions diverses
- Le 5 novembre 1757 un homme natif de la Chapelle Gauguin, coupable de vol est exécuté par pendaison ; le 3 mars 1759 ce sera une servante, Marie Lanoux, « âgée de 20 à 21 ans, native de Caen, en Normandie», qui sera pendue pour vol ; elle avait volé en novembre 1758 à l’hôtesse de l’auberge du Petit Paris « un drap de brin de 5 aulnes, un rideau d’indienne ayant ses boucles, un tablier, une paire de bas et une cornette de nuit »
- En juin 1752 « on a fouetté et flurdelisé un homme de Selommes pour avoir vollé environ 30 boisseaux de bled à son cousin»
- Le 29/04/1761 « Jallier est mis en prison à Montoire pour avoir été accusé d’avoir vollé 6 boisseaux d’avoine»
- En aout 1766, « le samedy 2, on a roué à Vendôme un homme de Mazangé, dans le marché de Vendôme. Il y avoit 4 bourreaux ; on l’a mené la nuit à l’arche du Mauvais Pas où il est exposé sur la roue».
Flétrissure - archives de Toulouse
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Le livre de Jean Vassort (*), écrit en 1999, est basé sur les papiers qu'a écrit sur plusieurs décennies, Pierre Bordier, laboureur à Lancé au 18ème siècle : un Compendium (1741-1781) et un Journal (1748-1767). Ces notes nous donnent une idée du quotidien d’un petit village rural au 18ème siècle.
La famille de Pierre et son village
La vie de Pierre s’étale de la toute fin du règne de Louis XIV au tout début du règne de Louis XVI
En effet il nait le 17 janvier 1714 à Crucheray (41) donc dans les dernières années du règne de louis XIV
Le village se situe en Loir et Cher, dans la Beauce. Y vivent une centaine de familles (77 feux en 1713, 87 en 1768, 94 feux en 1790).
L’église Saint Martin ne ressemble alors pas à celle que l’on connait aujourd’hui puisque le clocher n’est en réalité qu’une petite flèche de bois placé sur le comble.
La production agricole concerne essentiellement le froment (bled), l’avoine, l’orge. Il y a également de l’élevage puisque l’on recense sur Lancé en 1790 80 chevaux, 3 juments, 2 poulains, 9 ânes, 3 bœufs, 153 vaches, 2 taureaux, 58 génisses, 15 veaux, 55 moutons, 19 béliers, 524 brebis, 373 agneaux, 8 chèvres et 31 porcs.
Son père, Jean est un laboureur demeurant, au moment de la naissance de Pierre, à Pinoche paroisse de Crucheray. Il est noté dans le registre de la paroisse qu’il est également fabricier (1730-1739) et syndic à Lancé (à 4 km de Crucheray).
Sa mère, Marie Lucquet est la fille de Pierre Lucquet, laboureur demeurant au Grand Fontenaille, paroisse de Nourray situé à 2km de Crucheray.
Pierre a plusieurs frères et sœurs tous nés à Crucheray
- Marie née le 22 janvier 1716 et décédée le 20 novembre 1723 à Crucheray, à l'âge de 7 ans
- Louise, née le 3 mars 1917 et décédée le 4 mai 1747 à Sainte Anne à l'âge de 30 ans
- Jean né le 8 avril 1719 et décédé le 26 décembre 1725, à l'âge de 6 ans
- Marguerite née le 23 décembre 1720 et décédée le 25 février 1722 à Crucheray à l'âge de 14 mois
La mère de Pierre meurt le 16 octobre 1721, moins d’un an après la naissance de son dernier enfant. Elle avait 30 ans.
Pierre bordier se mariera, mineur (la majorité à l’époque pour les garçons est fixée à 30 ans), le 1er mars 1734 à Anne Brethon (née le 25 janvier 1711 à St Amand Longpré – se situe à 5km de Lance). Elle est un petit plus âgée que lui.
Le couple habitera avec Jean Bordier dans la ferme située au Pont à Lancé mais en 1750 Jean abandonnera la ferme pour vivre à Sainte Anne chez Jean Gallois, gendre de sa défunte fille, Louise. Sainte Anne se trouve à 8km de Lance
Pierre et sa femme quitteront la ferme du Pont et iront vivre à la petite Musse à Lancé. Pas très loin de leur ancienne ferme puisque par un côté ls dépendances de la petite Musse jouxtent la terre labourable de la métairie du Pont.
Le couple n’aura pas d’enfant.
Anne meurt le 14 novembre 1770 à Lancé. Elle avait 59 ans.
Dix-huit mois plus tard, Pierre se retrouve papa d’une petite Marie Louise qu’il a eu avec Marie Louise Rimbault, 22 ans, servante chez Pierre et sa propre filleule. La parenté spirituelle va poser souci car elle constitue un cas d’empêchement au mariage
Pour pouvoir lever cet empêchement il faut un bref pontifical ; celui-ci sera donné le 5 juin 1772, ce qui permettra le mariage le 15 juin de cette même année.
Quatre autres enfants suivront :
- - Pierre né en 1773 et mort en 1778
- - Jean baptiste né à Lancé le 19 septembre 1775 et mort à Lancé, le 2 mai 1834, marchand laboureur
- - Anne Marie née en 1777 et morte en 1837
- - Pierre né en 1779 et mort en 1836, marchand laboureur
Milieu social
Pierre est issue d’une famille de laboureur relativement aisé : Jean est en effet pendant un quart de siècle fermier de la métairie du Pont, la plus grosse de la paroisse de Lancé d’après le rôle de taille de 1789. Son grand père Mathurin était déjà laboureur à Pinoche.
L’un de ses neveux, Mathurin Gallois, est quant à lui prêtre curé de la paroisse Saint Nicolas de Blois ; il sera le tuteur des enfants de Pierre à son décès
Le père de Pierre, Jean, exerce également d’importante fonction administrative : il est syndic de la paroisse en 1734 c’est à dire qu’il est en charge des intérêts de la communauté villageoise et également fabricier durant 9 ans. A ce titre, il gère les comptes de la paroisse et administre les biens et revenus de l’église de Lancé. C’est donc lui qui baille à ferme les biens de la paroisse (souvent des legs ) il gère les dépenses indispensables : achat de cierges, entretien du mobilier de l’église (dais, balustres, confessionnaux), remplacement de la corde de la cloche, réparation des murs du cimetière.
Le cumul des deux charges (syndic et fabricier) est peu courant et indique une position sociale importante au sein de la communauté.
Pierre sera lui aussi syndic mais pas fabricier.
Il est désigné par le prêtre de la paroisse comme étant tantôt marchand laboureur, tantôt que laboureur ou que marchand. A partir de 1770 il est indiqué plutôt dans les actes de la paroisse qu’il est « ancien fermier », ancien laboureur fermier » voire même « ancien marchand laboureur fermier ».
Sa fortune
La petite Musse où il habite comprend à sa mort en 1781 une maison composée d’une chambre à cheminée, un four, une petite chambre froide, une écurie, une petite grange, un hangar « le tout sous même toit et couvert de thuille, grenier sur lad. chambre et écurie » elle se complète à l’est d’ « un autre petit corps de bâtiment composé d’une petite buhanderie d’un cellier, grenier sur yceux couvert à thuille » et au sud du bâtiment principal « un autre petit corps […] composé d’une étable à vaches et têts à porc, couvert de chaumes »
Il y a aussi des « jardins devant et derrière et au bout desdits bâtiments clos de terre labourable et vigne, le tout en un tenant » ainsi qu’ « une pièce d’autre terre labourable de 12 boisselées et 2 boisselées de pré ».
En 1781 à son décès l’inventaire indique :
- 2 chevaux de 7 et 9 ans et leur équipement « colliers, brides, traits de charrue et charrette »
- « une charrue roulante en rouelles de bois »et les éléments de rechange (un versoir, 3 oreilles, un coutre et 4 socs »
- Une charrette, une brouette, divers outils : une faux avec ses battements, des fourches, 3 crocs, une marre, 3 pelles en bois, une pelle-bêche, une pelle-râteau, un pic, un râteau en fer, un fléau, un van, une « meule à émondre », un arrosoir, un entonnoir, un boisseau de Vendôme, un minot de bois
- Du blé, de l’avoine, du foin, du chanvre, du bois
- « 6 septiers de bled froment compris une petite partye de segle »
- « cinq poinçons et un quart de vin de l’année dont ¾ en blanc »
- 9 poinçons de futaille
- 5 vaches
- Une taure
- 5 vaisseaux de mouches abeille
- 3 vieilles ruches
- 30 livres de viande de porc conservées dans le saloir
- 25 boisseaux de glands
- Un baquet à égoutter le fromage
- Une pelle à four
- Une baratte
- 30 pots à couler le lait
Dans la maison et plus précisément la principale chambre, on trouve :
- Un coffre en bois de noyer sans la clé
- Une petite armoire de bois fruitier de mauvaise qualité
- Un lit complet
- Un buffet en forme d’armoire neuf et fait de différentes espèces de bois »
- Une table de bois de poirier
- 10 chaises de paille de mauvaise qualité
- Un petit vaisselier de faible valeur
- 2 petits lits de mauvaise qualité
- Une couchette d’enfant
Dans la petite chambre voisine
- Un petit lit
- Un coffre de médiocre qualité
Quant au linge, Pierre possédait :
- Six draps de grosse toile d’usure variée
- 8 nappes « au trois quart usées »
- 9 petites serviettes
- 9 petits essuye-mains
- 20 chemises dont 9 neuves et « les autres plus que my-usées »
- 9 petits mouchoirs
- 2 petits fichus
- 11 coiffes de bonnets de nuit
- Une douzaine d’habits, vestes et culottes de mauvaise qualité
- Un manteau de cavalier en drap de mauvaise qualité
La plupart des vêtements sont de couleur sombre à une époque où les couleurs vives sont à la mode
Dans la cuisine, on retrouve :
- un équipement de cheminée
- 3 poeles
- 2 poelons
- Une boite à sel
- 2 marmites avec leur couvercle
- 3 chaudrons de fonte
- Une cuillère à pot en cuivre
- Des plats en terre
- 11 assiettes de fer « mauvaises »
- 11 assiettes de faïence
- 16 autres d’étain dont 6 très petites
- 19 cuillères d’étain
- 7 gobelets d’étain
- Pas de verre ni de couteau
- 2 seilles (sceau) à eau
- Un « mauvais réchaud de cuisine »
- Une petite pendule
- Un fusil
- Une gibecière
- Un bassin à barbe
- Un « pezet » (balance)
- Une « plumée é
- Une lampe
- Un lampion
- 1500 livres dont 25 louis de 48 livres)
L’ensemble de l’inventaire n’atteint pas 400 livres. Si Pierre a été riche, cela n'apparait pas clairement au vu de cet inventaire.
Ceci étant, entre les divers loyers et fermages , les activités d’élevage et les prés, il tire chaque année à peu près 2000 livres ce qui reste correct mais sans plus ; ça le situe tout de même aux tout premiers rangs de la société villageoise.
A noter que le rôle de taille de 1789 contient 112 côtes dont 21 concernent les laboureurs imposés pour "exploitation de labour", "pour exploitation de sa ferme", "pour sa ferme" ; ces 21 côtes représentent les ¾ de l’imposition totale de la paroisse . On y retrouve la ferme du Pont, longtemps exploitée par la famille Bordier et qui en 1789 appartient à la veuve Jacques Gombault : elle est taxée 193 livres , la plus haute du rôle.
La suite : ICI
(*) Jean Vassort est agrégé d'histoire, docteur d'État, professeur honoraire de khâgne au lycée Descartes de Tours.
Il a écrit divers ouvrages très intéressants que je vous recommande : voir ICI et ICI
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Quels sont les liens de parenté qui pourraient empêcher un mariage ?
- Les liens par consanguinité: les fiancés ont un ancêtre commun. Avant le Concile de Latran en 1215, il était interdit de se marier avec un parent jusqu’au 7ème degré. Le Concile de Latran réduira l’empêchement parental jusqu’au 4ème degré. Donc il était interdit à tous futurs époux de se marier s’ils avaient des trisaïeuls communs (un degré canonique correspond à une génération)
- Les liens par affinité ou par alliance: impossible par exemple pour un veuf d’épouser une parente du premier conjoint (jusqu’au 4ème degré).
- Les liens liés à la parenté spirituelle : Toute personne (sage-femme, parrain, marraine) ayant baptisé un enfant (en cas de nécessité pour la sage femme) contracte avec lui une alliance spirituelle; de ce fait aucun mariage ne peut être contracté entre eux. De même, le parrain ne peut épouser la mère de l'enfant et, pareillement, la marraine ne peut épouser le père de l'enfant. Ils sont qualifiés respectivement de compères et commères. Enfin l’enfant baptisé ne peut épouser les enfants de son parrain ou de sa marraine
- Les liens liés à la parenté légale : L’enfant adopté ne pouvait épouser un enfant de ses parents adoptifs, ni ses parents au 4ème degré.
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Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle
Aperçu très rapide et très succinct de l’histoire de la Belgique
Pour la compréhension de cet article sur les migrations belges en France au 19ème siècle, il est nécessaire de comprendre de quels territoires venaient ces personnes ; or l’histoire de ces territoires est assez complexe ; je vais retracer très globalement leur historique à partir du 15ème siècle jusqu’à 1830, année de l’indépendance de la Belgique
Au 15ième siècle, toutes les régions de ce qui est aujourd’hui l'actuelle Belgique sont sous l'autorité des ducs de Bourgogne, à l'exception de la principauté de Liège, de la principauté de Stavelot-Malmédy et de Tournai. Ce sont les Pays Bas bourguignons
Pays Bas bourguignons
Au début du 16è siècle, Charles Quint (natif de Gand), empereur du St Empire romain germanique, est notamment souverain d’Espagne et des Pays Bas Bourguignons ; il conquiert Tournai en 1521 et diverses provinces des Pays-Bas actuels.
Ces territoires nouvellement acquis, ajoutés à ce qui était les Pays-Bas bourguignons, vont constituer ce que l'on va appeler désormais les 17 Provinces (appelées également les »).
les 17 Provinces
Ce bloc correspondrait, aujourd'hui, approximativement aux territoires de la Belgique (à l'exception de la Principauté de Liège, de la principauté de Stavelot-Malmedy et du Duché de Bouillon), du Grand-Duché du Luxembourg, des Pays-Bas actuels, ainsi que du Nord de la France.
En 1568, les provinces formant les Pays-Bas espagnols vont se soulever contre le roi d'Espagne ce qui va donner les Pays Bas du sud ou espagnols constituées du nord de la France, de la Belgique actuelle (sauf la province de Liège), et du Grand-Duché du Luxembourg actuel.
Provinces Unis et Pays Bas espagnols
Les provinces du nord devenues indépendantes se dénomment désormais les Provinces Unies et correspondent globalement au territoire des Pays-Bas actuels
Au terme de la guerre de Succession d'Espagne en 1713, les Pays-Bas espagnols ou Pays Bas du sud sont cédés aux Habsbourg d'Autriche, empereurs du Saint Empire et archiducs d'Autriche. Ils prennent alors le nom de Pays-Bas autrichiens.
La France quant à elle reçoit l'Artois, la Flandre française et le Hainaut français (territoires qui correspondent au nord de la France actuelle), ainsi qu'une petite partie du Bas Luxembourg (Thionville). Il s'agit, dans les grandes lignes, de tous les territoires au sud du tracé actuel de la frontière belge.
En 1792, les Pays-Bas autrichiens et la Principauté de Liège sont envahis par les troupes républicaines françaises. L'année suivante, ces territoires sont reconquis par les Autrichiens. Mais en 1794, les Pays-Bas autrichiens et la Principauté de Liège sont finalement annexés par la France.
Possessions françaises en Belgique
Avec la chute de l’empire de Napoléon, la Belgique sort du territoire français. En effet les puissances européennes que sont l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse et la Russie, réunies lors du Congrès de Vienne (1814-1815) décident de créer un Etat tampon au nord de la France: le Royaume-Uni des Pays-Bas qui réunit :
- les Pays-Bas du nord (les actuels Pays-Bas),
- les Pays-Bas du sud (actuels Belgique et Grand-Duché du Luxembourg),
- la Principauté de Liège
Royaume Uni des Pays Bas
Le 4 octobre 1830, l’indépendance de la Belgique est proclamée; la Belgique se sépare des provinces du nord (c'est à dire les Pays-Bas actuels).
Les raisons de l’immigration belge
La sortie des territoires « belges » en 1815 va faire énormément de tort à l’économie belge car la France dont les importations représentaient alors 90% de la production belge ferma ses frontières.
Pa ailleurs, le gouvernement du royaume uni des pays bas ne modifia pas l’activité linière qui est majoritairement artisanal ; or les articles de lin fait main ne purent concurrencer les articles issus de la mécanisation venant de Russie et du Royaume uni.
500 000 personnes furent touchées par l’effondrement de l’activité linière et donc par la révolution industrielle. En 1840, la Belgique ne comptait que 47 000 broches contre un million en Angleterre et 57 000 en France.
Par ailleurs l’été 1845 fut fatal aux pommes de terre ; le mildiou eut raison de 90% des plants de pommes de terre. L’année suivante la rouille s’attaqua au seigle.
Découverte de la maladie de la pomme de terre en Irlande - Daniel Mac Donald - 1852
La famine s’ensuivit et prit une telle ampleur qu’on l’appela le mal des Flandres. Ceux qui ne mouraient pas de faim mouraient du typhus ou du choléra.
La récession économique associée à la crise frumentaire de 1846 à 1851 a causé la mort de près de 50 000 belges à partir de 1846 (contre 10 000 en France).
Un exode rural commença vers les villes flamandes mais celles-ci n’ont pas la capacité d’accueillir cette population rurale affamée. lLexode se concentra donc vers la Wallonie et la frontière française, dans des centres textiles du Nord tels que Lille ou Roubaix.
A cela s’ajoute ce que l’on appelle la Grande Déflation de 1873-1896 : il s’agit d’une crise économique mondiale liée à la surproduction et qui va mettre des millions d’ouvriers et de paysans dans le monde au chômage et les enfoncer dans la misère.
« Il creuse des veines de charbons, récolte et trait, coule l’acier liquide, souffle le verre plus de 10 heures par jour, parfois 12, six jours sur sept. Il gagne peu, ne bénéficie d’aucune couverture sociale, ne peut passer que quelques heures en famille par semaine. Son épouse travaille également, principalement dans les champs ou dans des usines. Elle exerce aussi des activités de lingère, repasseuse ou couturière. Certaines se rendent au marché matinal de Charleroi pour y vendre les maigres récoltes. Les enfants travaillent plusieurs heures par jour, aidant leurs parents, ou occupent certains postes nécessitant une petite taille dans les industries. www.charleroi-decouverte.be »
La sidérurgie est touchée ainsi que l'agriculture, les industries du lin et du bois et les industries alimentaires. Le 18 mars 1886, entre 2 000 et 3 000 ouvriers des bassins industriels des provinces de Liège et de Hainaut se mettent en grève et protestent contre leur situation. Les forces de police interviennent et usent de la force. C’est le début de deux mois de grèves, de révoltes, et d’émeutes de la faim. Ces mouvements sociaux vont également contribuer au départ de nombreuses familles vers la France.
La grève - Robert Koeller - 1886
S’agissant de l’immigration agricole, celle-ci est essentiellement saisonnière (arrachage des betteraves, récolte du houblon, du lin ou des céréales). Cette émigration est donc très temporaire et on la retrouve un peu partout en France à toutes les époques.
Ici cette émigration va se structurer au cours du 19ème siècle : des groupes d’hommes originaires des mêmes villages vont constituer une équipe sous l’autorité d’un responsable le ploegbaas qui va négocier avec l’exploitant français les tarifs et les conditions de travail en terme de logement et de nourriture. Quand ils reviennent chez eux au terme de leur « contrat », ils sont souvent qualifiés de Franchimands (Français)
Destination des immigrés belges
L’immigration belge est majoritairement de proximité : elle fut wallonne dans les Ardennes, à dominante wallonne dans le pas de calais et flamande dans le nord
Pourquoi cet attrait pour la France du Nord et du Pas de Calais ? tout simplement parce qu’après la chute de l’empire et la fermeture de la frontière belge en 1815, des industriels de Gand, Mouscron, Ath dans le Hainaut délocalisèrent leur activité dans ces départements français et de ce fait des ouvriers spécialisés et des tisserands suivirent. Ce qui fit un point de chute et de « ralliement » pour les générations suivantes.
La proximité est un autre facteur important : France et Belgique sont voisines, ce qui facilite grandement les choses.
Au final ce que l’on peut voir c’est que dès le début du 19ème siècle, l’industrie textile dans le Nord Pas de Calais c’est essentiellement Lille Roubaix, Armentières, la vallée de la Lys, le Cambrésiis et ces lieux attirèrent très tôt les ouvriers belges venant de Courtrai, Mouscron, Tournai, Popperinge, Brugges et Gand.
Les mines du Nord Pas de Calais virent arriver également des paysans du Borinage et du Hainaut
Au 19ème siècle la compagnie minière d’Anzin recrutait 60% de ses mineurs dans la région de Mons (Borinage)
Fosse Saint Louis Anzin
La population de certains bourgs miniers connait une expansion impressionnante comme Bruay en Artois (actuelle Bruay la Buissière dans le 62) qui voit sa population augmenter de 1000 habitants en 1855 à 15000 en 1881 en raison de l’afflux de Belges)
Des compagnies minières allèrent même jusqu’à recruter des travailleurs en Belgique par l’intermédiaire de « pisteurs » quand ils manquaient de main d’œuvre.
Au final, le nord de la France et son industrie florissante étaient devenus au XIXe siècle la terre d’asile de prédilection de milliers de Belges. Le ministre Frère-Orban déclara même à Léopold II qui convoitait les terres du Congo : « Sire, une colonie, la Belgique n’en a pas besoin, d’ailleurs elle en a déjà une : c’est la France ».
Des familles belges allèrent jusque Paris : notamment les quartiers est et nord. C’est ainsi que la rue de la Roquette, la rue du Faubourg St Antoine ou la rue de Charonne près de la gare du nord accueillirent un nombre conséquent de belges. En 1870 on dénombre à peu près 50 000 ouvriers belges à Paris.
Rue de la Roquette
Mais il exista aussi une émigration flamande vers les Amériques et l’Afrique du sud.
La Belgique est en effet un pays surpeuplé au 19ème siècle ; tout était bon pour le gouvernement pour inciter les belges à quitter leur sol natal : la colonie belge de San Thomas au Guatemala fut principalement composée de personnes issues des dépôts de mendicité.
On facilita même le recrutement de « volontaires » flamands pour l’armée nordiste lors de la guerre de sécession américaine.
Des ouvriers belges furent également recrutés pour la construction d’un chemin de fer entre Recife et la province de Sao Francisco, et environ 500 ouvriers travaillèrent dans cette région en 1859. Mais dans des conditions de travail très dures, avec neuf à dix heures de travail par jour en plein soleil pour un salaire de misère. Les Belges ne se firent pas une belle réputation : ivrognerie, bagarres, vagabondage et mendicité … des plaintes furent même déposées auprès du consul de Belgique. Le Diario de Pernambuco se plaint qu’ils auraient « au moins pu observer les bonnes manières en matière de mendicité ». Le consulat de Belgique fut sommé de rapatrier ces mendiants le plus vite possible. Ceux qui revinrent étaient reconnaissables à leur teint basané et furent appelés Brazilianen ; ils vécurent de mendicité et de travaux occasionnels. ( Eddy Stols Les émigrants belges)
Immigration pendulaire vers la France
L’immigration est surtout pendulaire : l’ouvrier travaille en France mais sa famille réside en Belgique. En effet les salaires sont plus élevés en France et la vie est moins chère en Belgique. Ils pouvaient aussi louer une chambre dans une ville frontière belge bien desservie en moyen de transport ce qui leur permettait d’aller travailler un peu plus loin.
Poste douane de Toufflers (59)
Le développement du chemin de fer développa ce mouvement et ouvrit de nouvelles possibilités aux ouvriers belges. A tel point que la Chambre de commerce de Roubaix refusa la prolongation du tramway jusqu’à la frontière en se justifiant ainsi : « C’est une grande facilité qui va être donnée aux ouvriers belges pour venir concurrencer les ouvriers français sur notre territoire même. Ils pourront venir le matin avec tout ce qui leur est nécessaire et s’en retourner le soir sans laisser à nos compatriotes une parcelle de leur gain. Ces lignes sont donc contraires aux intérêts des ouvriers et du petit commerce de Roubaix, comme elles sont contraires à l’intérêt national ».
L’immigration pendulaire est effectivement mal perçue par les Français car les Belges ne dépensent rien en France ; ils viennent avec leur pain et leur beurre d’où le surnom pot’bure (voir ci après)
Les chiffres de l’immigration belge en France
Au début du 2nd empire en 1852, les belges représentent 4% de la population lilloise et 3% de la population du nord
En 1866, ils représentent 25% de la population lilloise et 12% de la population du Nord
A partir de 1891 le nombre de belges diminue mais surtout du fait de la loi de 1889 sur la naturalisation qui francisait d’office tous les étrangers nés en france et qui y résidaient encore à leur majorité
C’est pourquoi en 1896,les chiffres n’ont pas beaucoup augmenté : les belges représentent 27% de la population lilloise et 14% de la population du Nord
A cette époque ils représentent 35% de la population à Tourcoing et 55% à Roubaix
Des rues de Roubaix comme la rue des Longues Haies ou la rue de l’Epeule ne sont d’ailleurs peuplées que de belges
Rue des Longues Haies à Roubaix avant 1938
Le quartier de Wazemme à Lille est quant à lui peuplé à 75% de belges
En 1914 les immigrés belges représentent 1 à 3% en moyenne de la population française mais 18% dans le nord, 7% dans les Ardennes et seulement 2% dans le pas de calais
La 1ère guerre mondiale va entraîner un nouvel exode belge vers la France : 350 000 réfugiés belge essayèrent de trouver refuge dans le Nord, en Normandie et en Ile de France.
Montée de la xénophobie à l’encontre des Belges
Comme je l’ai dit plus haut les Belges sont mal vus car ils viennent travailler en France apportant leur nourriture et ne dépensant rien en France. On les appelle « Pots au beurre », « Pap gamelle ».
Les Flamands ne maitrisent pas la langue française contrairement aux Wallons et du coup ça crée une barrière et ne permet pas l'intégration.
Dès le début du 19ème siècle, alors que la France n’a pas encore connu l’exode belge massif du milieu du siècle, des bagarres éclatent épisodiquement ; à Roubaix en 1819 : des ouvriers français de diverses manufactures s’opposent aux ouvriers étrangers qu’ils voulaient expulser. Les véritables causes de ce mouvement sont l’augmentation du coût des loyers et des vivres et la réduction des salaires. Les ouvriers belges ont servi de bouc émissaire.
D’autres échauffourées éclatent par la suite à Roubaix et ses environs comme en 1830. Le maire de Roubaix écrira au préfet du Nord le 16 décembre 1830 : « Renvoyer chez eux les ouvriers étrangers […] afin de conserver le travail à ceux du pays».
On retrouve des bagarres de ce type sur les chantiers de constructions ferroviaires (1834-1843-1846, à Valenciennes, à Dunkerque), en 1848 des cris « A bas les Belges » furent lancés et, sous le Second Empire, des rixes étaient fréquentes entre ouvriers flamands et ouvriers français des chantiers.
Jusque là ces flambées de xénophobies étaient essentiellement liées à l’augmentation du coût de la vie et la montée du chômage, la misère et la précarité. Mais ensuite on perçoit davantage de xénophobie que la recherche d’un bouc émissaire.
Des échauffourées plus graves opposèrent ainsi des Belges à des Français comme à Lens en 1892.
Un journaliste décrit la ville de Lens en 1892 de façon très déprimante: "Le pays désespérément plat, sans les accidents pittoresques que mettent dans notre région houillère, les taches noires des terrils, donnent une impression de misère malpropre. Il fait moins noir qu'au Borinage ou aux environs de Charleroi, mais il fait plus sale. Pas de fenêtres encadrées de badigeon, pas de toits aux rouges frais. Des cubes de briques d'un rouge gris. Et par les portes ouvertes, on aperçoit des intérieurs sans ordre: c'est la pauvreté négligente et lâche. […] Lens est le centre de cette région, une ville assez grande, aux rues larges, mais où règne aussi, partout, une malpropreté évidente. Quelques rares maisons bourgeoises, élégantes mais sans l'égayant jardin des châteaux de Frameries ou de Jumet; puis, des files et des files de maisonnettes ouvrières aux rideaux sales, au seuil encombré. Pas un trottoir aux dalles récurées, pas un pot de fleurs aux fenêtres". Gazette, 12 septembre 1892
Lens Fosse N°1
Que s’est il passé dans cette ville peu attrayante en 1892 ?
La première information sur les événements de Lens et Liévin parvient au ministre des Affaires étrangères ad interim, A. Beernaert, le 30 août 1892. Il s'agit de requêtes de la part d'ouvriers belges à peine retournés en Belgique: "J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que j'étais bien installé en France où je gagnais bien ma vie, de quoi élever ma famille convenablement, lorsque le 15 août dernier, je fus mis en demeure par les ouvriers français d'avoir à déguerpir en moins de 24 heures; sinon je serais tué et mes meubles mis en pièces. Tous mes camarades belges se sont trouvés dans le même cas que moi, un de ceux-ci a les deux jambes cassées au travail et (a été) menacé comme les autres; un autre est mort dimanche dernier à l'hôpital de Lens, des suites des blessures reçues de la part des ouvriers français, ses fenêtres et ses meubles furent brisés, nous sommes tous forcés de revenir et ne trouvons pas d'occupation".
Bref de nombreuses violations de domicile, des bris de portes, de fenêtres et de mobilier, et du tapage nocturne. Des agressions en bande armée de bâtons, de pierres et de fourches. Certains déclarent avoir été blessés par des coups de bâton, des pierres et des couteaux, et dans un cas par des coups… de betterave! Et des injures : "À bas les Belges!", "Mort aux Belges", "Retournez dans votre pays et ne mangez plus notre pain", "Popol (le roi Léopold II) est un connard, la reine une putain, et leurs enfants des bâtards".
« Ce soir (25/08/1892) , à neuf heures, une bande de mineurs a parcouru les cités ouvrières de la fosse numéro 3, en criant : “À bas les Belges !”
Des carreaux ont été brisés à plusieurs maisons occupées par des Belges.
C'est dans les corons de Daubray, Coince et sur la place Daguerre, que les mineurs ont brisé les carreaux des maisons, une vingtaine environ, occupées par des Belges. »
Pourquoi ce mouvement d'hostilité envers les ouvriers belges s'est-il produit dans le bassin houiller du Pas-de-Calais? La 1ère raison est la Grande Déflation dont nous avons parlé plus haut. Les mineurs belges ont accepté de travailler à bas prix et pour des horaires plus longs que les ouvriers français. Les ouvriers belges étaient donc accusés de faire baisser les salaires et de jouer le jeu des compagnies houillères.
De façon plus globale, les Belges étaient surtout considérés comme des êtres asociaux qui frôlaient la délinquance. Ils étaient vus comme des personnes ivrognes et brutales, des fauteurs de trouble, des propagateurs d’idées subversives socialistes. Les policiers chargés de contrôler leur passage à la frontière se montraient méprisants à leur égard tel ce commissaire de Jeumont qui, en 1882, écrivait : « ces individus ne sont pas précisément la crème des gens vertueux, Beaucoup ont d'excellentes raisons pour ne pas retourner en Belgique... Ce sont pour la plupart des brutes, inaccessibles aux théories d'économie politique ou sociale et plus sensibles à un verre de genièvre qu'aux incitations collectivistes ».
D’ailleurs même les historiens de l’époque vont y mettre leur grain de sel en inventant une étymologie curieuse au mot « Flamand » ; c’est ainsi que Victor Derode (1797-1867) écrira : « Suivant quelques auteurs (et il les cite), Flamand, signifie fuyard, émigrant ».
Raoul Blanchard, géographe, (1877-1965) entreprit une étude anthropologique des Flandres avec des termes très durs tout en reprenant ce qu’écrivait déjà quelques décennies plus tôt Victor DERODE : le paysan flamand était un rustre dont l'état misérable est sans cesse souligné pour dénoncer « ces tares physiologiques » qui l'affligeaient et qui augmentaient ainsi : « la proportion de mort-nés, d'infirmes, d'aliénés, d'hommes impropres au service militaire, cette ignorance dont l'Ost-Flandre donne encore l'exemple, et à leur suite ce taux élevé de la criminalité qui fait que leurs voisins du Sud et de l'Est considèrent parfois encore les Flamands comme des demi-barbares ».
C’est sous le titre « Les pots au burre ou la peste à Roubaix » qu’est lancé en 1897 un réquisitoire contre les Belges.
Une chanson de carnaval parmi d’autres, peu sympathiques à leur égard:
« on les vot arriver ichi par binde,
Des hommes, des femmes, des filles et des garchons
Quand i’parlent, on n’peut jamais les comprinde,
On n’sait si i’ditent du méchant ou du bon »
Emile ZOLA décrira dans Germinal le rejet des mineurs belges en s’inspirant de la grande grève dans les mines d’Anzin en 1884 : alors que la compagnie engage des mineurs belges du Borinage pour briser la grève, ceux-ci sont accueillis par les ouvriers français aux cris de « A mort les étrangers, à mort les Borains ! Nous voulons être les maîtres chez nous ! ».
Emile BASLY (1854-1928), responsable du syndicat des mineurs du pas de Calais, exprimera en 1892 la crainte de beaucoup : l’invasion des mineurs étrangers…
Et pourtant le Français a besoin du Belge si l’on en croit Paul LEROY BEAULIEU (1843-1916), économiste, qui écrit en 1888 : « le français ne consent guère à être simple manœuvre, terrassier, balayeur ou à faire certains travaux excessivement pénibles dans les filatures… il faut des belges pour toutes ces besognes infimes et essentielles de la civilisation ».
A Wazemmes dans les fabriques de céruse, c'était par exemple les ouvriers belges qui risquaient des coliques saturnines entraînées par l'emploi du carbonate de plomb.
Au lendemain de la 1ère guerre mondiale, ce seront les Polonais qui subiront les "foudres" et la peur des Français puis les Italiens. En effet même s’ils ont commencé à venir avant 1914 en France les Houillères de France demandèrent en 1919 au gouvernement français la conclusion d’un accord avec la Pologne pour faire venir de la main d’œuvre polonaise. C’est ainsi que de 13 000 dans le Nord Pas de Calais en 1921 ils vont être 90 000 en 1926.
Le besoin de main d’œuvre pour reconstruire le Nord pas de Calais va faire venir nombre d’italiens : ils seront 15 000 à venir travailler en 1924 dans les mines, la métallurgie et le bâtiment.
Lors du recensement de 1931, on constatera que les Belges et les Polonais représentent 85 à 90% des étrangers installés dans le Nord Pas de Calais et les Italiens 5%
Sources
La population belge dans le Nord - Pas-de-Calais de Thumerelle Pierre-Jean
L'immigration oubliée des Belges en France (19-20ème) de Jean Pierre Popelier
« À bas les Belges ! » L’expulsion des mineurs borains (Lens, août-septembre 1892) de Bastien Cabot
Les Vlaminques ou le dénigrement des immigrés Belges (xixe siècle) de Danielle Delmaire
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00319448/document
Histoire de la crise économique des Flandres (1845-1850) de Jacquemyns
Roubaix, une ville industrielle nourrie d’immigration belge de Chantal Petillon
révoltes ouvrières en Belgique : https://www.solidaire.org/articles/1886-premiere-grande-revolte-ouvriere-en-belgique#:~:text=Les%20premi%C3%A8res%20lois%20sociales%20sont,r%C3%A9glementation%20du%20paiement%20des%20salaires
https://jean-jaures.org/nos-productions/1892-quand-les-mineurs-du-pas-de-calais-s-en-prenaient-aux-etrangers-belges
Le retour des immigrés belges à la suite des événements de Lens et Liévin en août-septembre 1892 de NATSUE HIRANO
sur l’histoire de la Belgique : https://www.vivreenbelgique.be/12-a-la-decouverte-de-la-belgique/histoire-avant-l-independance#auto_anchor_9
5 commentaires -
Temps libre à la campagne et dans les villes ouvrières au 19ème siècle : l'essor du bistrot
Pour le paysan, nul temps libre, il y a toujours quelque chose à faire.
La gestion de son temps n‘est pas la même que celle de l’ouvrier complètement dépendant des machines mais qui une fois sa journée terminée peut vaquer à ses occupations car il dispose à ce moment d'un temps disponible.
Pour le paysan c’est différent : d’abord l’absence de mécanisation va impliquer une absence de répétition des mêmes gestes comme peut le connaître l’ouvrier. Les travaux vont en effet varier dans la journée, la semaine ou le mois du fait de la pluriactivité et de la polyculture. Et surtout le paysan est quelque part maître de son temps, celui-ci étant très poreux ; le temps de travail s’infiltre en effet constamment dans le temps personnel.
Ainsi les veillées d’hiver qui sont utilisées pour du petit artisanat domestique (tricot, filage, ravaudage, émondage des noix, teillage du chanvre, fabrication de paniers …), la garde des troupeaux pour les plus jeunes qui leur laissent finalement une certaine liberté.
Veillée
L’embauche des ouvriers agricoles selon les régions va se faire lors de fêtes ou vont donner lieu à des repas de fête.
Les pratiques d’entraide lors des grandes phases annuelles du travail agricole sont également l’occasion de fêtes : poêlée du Morvan, parcée du pays de Caux, reboule du Forez (La Reboule est la fête de la fin des moissons : « les prés sont fauchés, le foin est rentré, les divers fruits ont été ramassés et vendus, il est l’heure de danser, chanter et manger »).
Marché Biron - Fête des moissons - Armand Leleux (1818-1885)
Les foires et marchés incitent à prendre un verre dans un cabaret. C’est une manière de sortir de son quotidien monotone et de voir du monde, d'aller à la ville.
La lessive au lavoir est un moment sociabilité informelle aussi pour les femmes puisque tous les potins s’y retrouvent …
La messe va réellement être un moment de pause dans la semaine, où l’on va discuter sur le parvis de l’église, prendre le café chez l’une ou l’autre, aller au cabaret mais ne nous y trompons pas, dans la campagne, une femme qui profite de son temps libre pour elle-même est très mal vu. Le contrôle social est constant. Elle ne doit pas négliger les tâches ménagères ni les travaux de la ferme. Ses journées sont finalement plus longues que celles des hommes. Et pas question pour elle d'aller au bistrot !
Justement quelle est la place des cabarets dans le temps libre dont disposent l'ouvrier et le paysan?
Tout d'abord, on peut citer Balzac sur une généralité à propos des cafés qui traverse les frontières et les siècles : « le cabaret est la salle de Conseil du peuple » et effectivement on y refait le monde sans cesse.
Au XIXe siècle le bistrot porte plusieurs noms : estaminet en Flandres, bistrot, débit de boisson, guinguette, café .. mais aussi assommoir comme dans le roman de Zola, c'est à dire un lieu populaire où les buveurs s’assomment à coup de vin mauvais et d’alcool comme l'absinthe.
Estaminet à Tourcoing - fin 19ème
En Normandie vers 1880 on pouvait trouver jusqu’à 10 voire 15 cabarets dans les communes de 300 âmes !
La rue de Menin à Tourcoing dans le Nord compte 22 estaminets en 1898 !!
Auberchicourt, ville minière du nord également, compte en 1886, alors qu'il y a 2453 habitants, 46 débits de boissons...
A Lille on en compte près de 1600 en 1851 soit 1 pour 70 habitants !
Dans le Pas de Calais au début du 20ème siècle, les cabarets sont partout : aux carrefour, à la sortie des grosses exploitations, près de l’église et de la mairie, aux extrémités du village, dans les champs mêmes ….
Leroy Beaulieu, économiste du 19ème siècle, dira que le cabaret est "l'église des ouvriers".
En fait on se rend compte que les débits de boissons n'ont d'autres rôles à l'époque de l'assommoir de Zola que de servir les ouvriers le matin puis l'après midi au sortir de la fosse ou de l'usine ou des exploitations agricoles.
Certains débits sont tenus par les épouses des mineurs. Le plus souvent une pièce de la maison va servir de bistrot et ne servira donc qu'à boire le café, le genièvre ou la bière. Pas possible donc de s'adonner à des jeux populaires. Il faudra donc aller vers des bistrots plus grands pour cela et que l'on va trouver essentiellement sur les axes principaux des villes et villages et surtout en dehors des corons pour éviter tout rassemblement de mineurs traditionnellement vindicatifs et fortement syndicalisés !
Estaminet dans Helfaut Bilques (62) - début 20ème
Site consacré à Helfaut Bilques
C'est le lieu de rassemblement privilégié des ouvriers. Le midi, on y apporte sa gamelle : « On avait là une assiette de soupe et on mangeait la viande et le pain qu’on avait apportés. C’était toujours du lard cuit dans la soupe du dimanche pour toute la semaine. » Témoignage d’une ouvrière du textile d’Hazebrouck (59) en 1898.
Ces bistrots vont ensuite s'organiser en fonction de différents critères : la nationalité par exemple ; on va trouver dans le Nord de la France des cabarets plus pour les Polonais ou plus pour les Belges par exemple avec des boissons propres à leur pays et des fêtes et jeux propres à leur culture. La fréquentation fréquente de passionnés de tir à l'arc, de colombophilie, de combats de coqs etc va aussi permettre de distinguer un cabaret d'un autre.
Réunion des dames du Rosaire à l'estaminet franco polonais Janicki
Cité des Alouettes - Bully les Mines - années 30
En effet la vie associative et sportive va s'organiser autour de ces cabarets puisqu'ils vont devenir le lieu de leurs réunions et de leurs repas festifs voire de leur siège social !
Le Bar des sports - Lens (62) - fin du 19ème siècle
Le Lensois normand tome 3
Indépendamment de ces sociétés ludiques, les hommes y ont coutume d’y passer le dimanche après midi à consommer café, eau de vie et vin, à jouer aux cartes et au billard ou aux fléchettes jusque tard le soir alors qu’auparavant nous dit un instituteur du Laonnais en 1860, les divertissements du dimanche avaient lieu en plein air et en famille.
Le cabaret supplante finalement les veillées bien avant l'arrivée de la télé dans les chaumières et comme les femmes y sont absentes, les conversations sont plus libres …
Et que dire de la vie politique et syndicale des villages et villes ouvrières : les lieux de rendez vous seront bien évidemment le bistrot. Ainsi par exemple le Réveil du Nord en 1894 fait cette annonce : «Lens. Le citoyen Armand Gossart délégué du syndicat et congédié de la grève, débitant rue de Béthune, organise pour le dimanche 28 janvier, à dix heures du matin, un grand combat de coqs pour des jambons. (...). Nous espérons que les ouvriers s'y rendront en grand nombre étant donné que Gossart est victime du dévouement qu'il a apporté à la cause»
Jusqu'à la première guerre mondiale la quasi totalité des meetings syndicaux ou socialistes se tiennent dans les grands estaminets du Nord Pas de Calais, lesquels peuvent accueillir jusqu'à 300 personnes.
A la campagne, le cabaret est également un lieu polyvalent : on y trouve la boulangerie, le bureau de tabac, l’épicerie, et même l’atelier du maréchal ferrand et du charron
Café épicerie mercerie à Halluin
Association A la recherche du passé d'Halluin
Des débits ambulants sont installés lors des marchés, foires et fêtes, les guinguettes permettent également de s'amuser en dansant avec les divers bals qui sont organisés par leur entremise; ainsi à Lille les personnes se retrouvent pour boire, danser et s'amuser dans les six grandes guinguettes du faubourg de Wazemmes (Le Beau Feuillage, le Casino, La nouvelle Aventure ...
Le cabaret représente donc le cœur des relations sociales : on y scelle une transaction, une embauche, une reconnaissance de dette etc.. On y lit le journal et plus tard on y écoutera la radio. On y refait le monde ..
Bref c’est LE lieu de socialisation et de sociabilité fondamental du village.
Le bistrot va malheureusement jouer un rôle important dans l'alcoolisation des personnes les plus pauvres de la société : les ouvriers, les marginaux mais aussi bon nombre de paysans, bref tout ceux qui n'ont plus d'espoir et qui oublient leur vie miséreuse dans l'alcool..
La buveuse d'absinthe - Lautrec - 1876
On comptait 30 000 débits de boisson en 1914 à Paris, 320 000 en France en 1915. Il n'en reste que 34 669 en 2016, regroupés dans un peu plus de 10 000 communes (selon le baromètre France boissons/CREDOC, «comprendre et répondre à la fragilisation de la filière CHR en France»).
Au bistro - Jean Béraud (1849-1935)
Sources
L’avènement des loisirs (1850-1960) de Alain Corbin
La culture des cafés au xixe siècle de Susanna Barrows
http://www.dionyversite.org/Docus/Dio-4p_Cafes.pdf
Le débit de boissons, cet inconnu… de Philippe Gajewski
Bistroscope L’histoire de France racontée de cafés en bistrots de Pierrick Bourgault
Le débit de boissons, le cabaret, le bistrot, dans le bassin houiller du Nord/Pas-de-Calais, témoins de la sociabilité populaire de Milan Vulic
Cafés, cabarets, bistrots, caboulots, guinguettes, gargotes, estaminets, bars, assommoirs, restaurants du Paris du XIXe siècle de Laurent Portes (Blog Gallica)
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