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Histoire de l'alimentation de 1850 à la 1ère guerre mondiale

9 Août 2020 , Rédigé par srose

 

L’alimentation paysanne et citadine de 1850 à la 1ère guerre mondiale

 

Intérieur charolais - Firmin Girard  1838-1921

 

Jusqu’au milieu du 19ème siècle, le régime alimentaire des gens du peuple (des campagnes comme des villes) est presque strictement végétarien (œufs et laitages inclus) sauf le dimanche où l'ordinaire de légumes secs (haricots, pois, fèves), de soupes (herbes et raves, farine et oignons), de laitages (lait, fromages de fabrication familiale), est amélioré par une tranche de porc salé cuit avec les légumes de la soupe (choux, pommes de terre, carottes).

 

Pour toute boisson, contrairement à ce que l’on pense, c’est de l'eau majoritairement qui est bue.

L’usage de boisson alcoolisée reste localisé aux régions viticoles ou productrice de cidre par exemple mais souvent le vin ou le cidre sera de mauvaise qualité et coupé d’eau.

Quand on lit le livre de Jean Marie Déguignet on voit que pendant son enfance miséreuse son quotidien est constitué de pain noir et de pommes de terre.

 

De quoi est constitué plus précisément le repas ? 

Le pain, bis ou noir, occupe une place très importante dans les repas. Celui de froment est réservé aux gens aisés, c’est une gourmandise. Le pain est consommé rassis, par économie. A noter que pour faire durer le pain, le taux de sel est très élevé.

Pour le pain ordinaire, celui réservé aux paysans et ouvriers, les mélanges varient selon les régions. En Savoie, il est fabriqué à base de seigle mêlé à l'orge et aux pommes de terre. En Bretagne, l'orge y est associée au seigle et au froment, sauf dans les terres pauvres où il est de seigle uniquement. Dans le Sud Ouest, il est mêlé de maïs.

La cuisson du pain se fait dans le four familial tous les huit ou quinze jours voire dans certaines régions dans le four communal.

 

Les bouillies sont un autre composant des repas. Elles occupent encore une place très importante dans le système alimentaire au 19ème siècle, comme en témoigne le nombre élevé des termes les désignant en fonction de la graine utilisée et du liquide de cuisson. Elles souvent faites avec de la farine de maïs.

A noter que le maïs s'imposa dans les Pyrénées dans le courant du 18ème siècle (à Tarbes en 1700) et devint, de l'Aquitaine au Languedoc, la céréale la plus consommée jusqu'à la fin du XIXe siècle, appelée tour à tour « gros mil », milhàc, « blé d'Inde », turguet ou « blé de Turquie », et encore « blé d'Espagne».

Faite avec du lait, la bouillie devient broyés en Béarn, millas en Ariège, pastet dans les Hautes Pyrénées, gaudes en Jura et Basse-Bourgogne. A l'eau, elle devient polenta en Savoie, farinettes en Auvergne.

Les restes de bouillies, cuits et refroidis seront découpés en morceaux, frits avec un peu de saindoux pour le prochain repas.

 

La soupe trempée de pain, est consommée au moins une fois par jour, à midi, et constitue un autre élément essentiel des repas . Les légumes verts utilisés restent peu nombreux : choux, oignons, oseille essentiellement et parfois, des haricots, des raves, des pommes de terre, quelquefois des carottes. Le dimanche et, vers la fin du 19ème siècle, deux à trois fois par semaine, on ajoutera au menu une tranche de porc salé.

 

La pomme de terre est un aliment très utilisé dans les repas surtout dans l’alimentation ouvrière : A Lille, en 1860, les besoins d’une famille de 6 personnes s’élèvent à 5 kg par jour. Les médecins déplorent le déséquilibre alimentaire provoqué par cette surconsommation mais c’est affaire de budget : 1 kg de pomme de terre coûte 1 à 3 sous, 1 kg de viande de bœuf de 27 à 37 sous. On mange la pomme de terre sous différentes formes : en purée, en soupe, en ragoût - le rata-, ou simplement avec la pelure assaisonnée de sel. Les fritures sont peu pratiquées à cette époque car la graisse coûte cher et on craint l’embrasement des bassines à frire.

A noter qu’en 1925 le français consomme 178 kg/an/habitant de pommes de terre contre 64kg en 1996.

 

Les fruits restent rares à l'exception des pommes et des poires du verger.

A noter que la consommation de fruits achetés par an et par habitant passe de 13kg en 1850 à 40kg en 1900/1913. il est bien évident toutefois que le monde paysan et ouvrier ne peut pas acheter de fruits. ce sera le privilège de la bourgeoisie pendant encore plusieurs décennies.

 

Les produits laitiers : Peu de beurre (on sait encore mal le conserver) ; parmi les produits laitiers on a surtout le lait battu ou babeurre utilisé de multiples façons : la recette du lait battu à la tourquennoise par exemple consiste à faire cuire des morceaux de pommes et de pommes de terre dans du lait ayant reposé toute une nuit. Une fois cuite, la préparation est assaisonnée de cassonade et consommée avec des tartines.

La viande, quand on en mange, c'est du porc, découpé en quartiers et mis au saloir, presque jamais fumé. Une partie du gras est fondu pour servir à la cuisine. Il n’y a pas de charcuterie type saucissons ou pâtés.

Les volailles sont rares, vendues à la ville, tuées à l'occasion de certaines fêtes et pour les durs travaux de la moisson ou du battage. Le lapin est encore peu répandu.

 

Repas des poules - fin 19ème siècle - Julien Dupré

 

On mange de la viande de boucherie deux fois par an : à Mardi gras et à l'occasion de la fête locale. Le poisson est très peu connu : le vendredi, on fait maigre en suivant un régime strictement végétarien additionné de lait.

 

Les produits d'épicerie comme le chocolat, le café, le sucre, les pâtes restent très rares et consommés seulement à l'occasion des rites de passage, de très grandes fêtes calendaires et de la fête communale

Au final, l’alimentation au 19ème siècle est assez uniforme, très carencée en vitamines et autres nutriments.

Indépendamment des nombreuses maladies liées à une mal nutrition, les hommes du 19ème siècle souffrait aussi de pellagre du fait d'une alimentation basée quasi exclusivement sur un aliment.

"Le fermier remarque une tache ronde et prurigineuse, d’un rouge foncé, qui apparaît sur le dos de sa main, pâlit graduellement et disparaît en laissant la peau brillante. L’ année d’après, à la belle saison, la tache est plus ample et sa pigmentation plus prononcée. Ensuite, ces marques se répandent sur les jambes et les pieds, la peau des mains s’écaille et les fissures deviennent des crevasses. Le mal s’étend à la bouche : les gencives saignent, les dents noircissent, cassent et tombent. L’ agriculteur est proie de la faiblesse, de la nausée, de la perte de l’appétit. Le pouls est lent, les vertiges et les délires surviennent, la mort suit. C’est le « mal de la misère ». 

 

Diversification progressive de l’alimentation au fur et à mesure que l’on s’avance vers le 20ème siècle

Des modifications sont apportées progressivement au régime alimentaire des français : de façon inégale selon les régions et les milieux toutefois.

Peu à peu le porc, jusque-là consommé une fois par semaine, devient quotidien. On commence à mettre le pot-au-feu le dimanche. En Bretagne, terre toujours pauvre, le menu dominical se compose de lard et de choux.

Le pain se mange plus blanc dans les régions à froment. 

Le café et le sucre font des apparitions ponctuelles, plus fréquentes dans le Nord et le Centre. A la fin du XIXe siècle la cafetière sera posée en permanence sur la cuisinière des maisons paysannes. Le café, centre névralgique de tout village qui se respecte va d’ailleurs se répandre très vite dans toute la France.

 

 

Dans le Nord en ville ou à la campagne, le café accompagne les tartines du matin et du déjeuner ainsi que le repas du soir. En 1840, le docteur Villermé relate : « tous les ouvriers prennent à Lille chaque matin en se levant une et souvent deux tasses de café au lait presque sans sucre ». Le café est la boisson incontournable pour les ouvriers. Appréciée parce qu’elle trompe la faim, elle permet aussi de surmonter la fatigue et de se réchauffer.

 

 

«Le café mêlé au lait est devenu un aliment indispensable, même pour les personnes les moins aisées. Quel est l'homme mâtineux qui n'a pas vu dans les rues de Paris des marchands de café ambulants ou stationnaires, et les classes laborieuses prenant debout le moka économique que leur distribuent ces cafetiers en plein vent? Courez-vous à la capitale, votre odorat savoure çà et là l'odeur suave qu'exhale le brûloir à café du limonadier ou de l'épicier. Rentrez-vous au logis, vous êtes encore embaumés du parfum qu'il répand lorsqu'il sort en poudre du moulin où il vient d'être broyé; soit au lait, à la crème ou à l'eau, le café est devenu aujourd'hui de première nécessité pour toutes les classes de la société." Ecrit Devily dans son ouvrage : « Histoire pittoresque du café » en 1836.

 

Paris 

 

Fin 19ème, le pain est de froment plus ou moins blanc, même en Bretagne. Les bouillies disparaissent en tant que plat principal mais subsistent en dessert, élément tout nouveau du menu dominical.

 

Le bénédicité - début 20ème siècle - Alfred Desplanques

 

Pour le petit déjeuner, les femmes et les enfants adoptent le café au lait (ou un équivalent) et les tartines ; les hommes restent fidèles à la soupe. Soupe trempée que l'on retrouve toujours au début des principaux repas, faite des légumes que l’on a vus plus haut (il n’y a pas de réelles nouveautés dans sa composition) et d'un morceau de porc.

De nouvelles espèces de légumes verts sont cuisinés : salsifis, artichaut en Loire-Atlantique et en Allier, cornichon. En revanche, les légumes farineux comme le pois blanc ou les fèves disparaissent.

Les châtaignes sont délaissées car considérées comme un aliment de gens pauvres.

Les œufs servent à la confection de pâtisseries simples : flans, galettes garnies de migaine dans le Nord et l’Est.

 

Les paysans se sont habitués au vin ; ils ont même planté des vignes pour leur consommation familiale. Ils fabriquent également de la piquette avec le moût et de la frênette. En Bretagne, la consommation de cidre s'est généralisée.

Les huiles de fabrication locale (navette, faîne, noix, noisette, œillette) qui entraient dans la préparation des salades cèdent la place à l'huile d'olive ou à l'huile d'arachide selon les régions car leur culture est peu rémunératrice et prend beaucoup de temps. A noter que faire la cuisine au beurre est un signe d’ascension sociale !

Le dimanche, on reçoit la famille avec un poulet (réservé jusqu'en 1900 pour le Mardi gras en Picardie) ou encore un lapin en civet ou en gibelotte et un dessert.

 

Planche pédagogique - Repas en famille - 1904

 

Après la 1ère guerre mondiale, rares sont les régions où les fermiers font encore leur pain. Mais surtout celui-ci n'est plus l'essentiel du régime ; il perd de sa valeur symbolique et alimentaire.

La soupe demeure essentielle et surtout le porc reste « la viande » de base, même si la charcuterie est bien plus élaborée que jadis.

Le veau, peu consommé non à cause de son goût mais parce qu'il coûte cher, était par excellence la viande des citadins aisés jusqu'au début du XIXe siècle ; il l'emporte désormais sur les bas morceaux du bœuf.

Grâce aux colis de marée envoyés directement des ports de mer et surtout aux tournées des commerçants, le poisson frais entre dans les habitudes : les espèces consommées deviennent plus nombreuses ; en conserve, elles font l'ordinaire des petits repas.

La gamme des légumes s'étend : épinards, choux-fleurs, céleris, artichauts, aubergines, melons ; haricots verts et tomates.

Ecossage de haricots de Louis Adolphe Humbert de Molard (1800-1874)

 

La crème se substitue au bouillon de lard salé, les gaufres se font au lait, etc. On mange plus gras et plus sucré. Les nouvelles recettes sont d'origine citadine : les sauces varient, les tourtes deviennent tartes, les brioches « se font avec du beurre et des œufs comme en ville ».

 

La crémière - Suzanne Hurel 1876-1956)

 

Les plats très anciens perdent quelquefois leur position centrale, voire unique, pour survivre comme dessert comme le matefaim ou matafan (sorte de galette de pommes de terre) dans le Dauphiné, la Savoie.

Cette évolution indique que le niveau de vie s'élève et que les habitudes changent : le paysan se permet enfin des aliments considérés jusque-là comme luxueux.

 

L’alcool au 19ème siècle

Dans le même temps, de nouvelles boissons apparaissent : bière dans le Midi, limonade et vin en Bretagne. La frênette et la piquette persistent dans le Nord, l'Est et le Jura.

Le paysan comme le citadin vont prendre goût aux alcools plus fort (la bouteille de goutte ou d’eau de vie va se retrouver bientôt sur toutes les tables) ; la distillation artisanale et industrielle prend de l’ampleur.

A la fin de l’année 1918, Le Midi syndicaliste présente, dans son évaluation des dépenses alimentaires quotidiennes du foyer ouvrier, la quantité de vin bue par les ouvriers quotidiennement qui correspond à environ à 1 litre de vin en moyenne par ouvrier mais  Des chiffres plus élevés sont cependant avancés pour certains corps de métier, de l’ordre de quatre litres par jour pour les mineurs, trois litres pour de nombreux travailleurs (terrassiers, coltineurs, débardeurs), deux litres chez les marins-pêcheurs ou les ouvriers agricoles.

 

De nouvelles habitudes en rapport avec l’alcool vont également être adoptées pour le plus grand malheur des enfants notamment :  on va ajouter plus ou moins discrètement au café quelques gouttes d'alcool : café irlandais avec du whisky, café brulot à la Nouvelle Orléan avec du cognac, café bourguignon avec du vin rouge ou du marc de Bourgogne, bistouille du Nord avec du genièvre.

 

 

Or on donne aux enfants très souvent ce type de mélange et ce dès l’âge de 6 mois d’après le DR Tourdot à Rouen en 1907 : celui-ci précise dans un article de la même année du journal La Croix : « dans le milieu ouvrier, le premier remède à administrer à l’enfant malade surtout s’il est pris de convulsion, c’est l’eau de vie […]

L’enfant du second âge s’en va à l’école après avoir pris sa ration de cognac ; et il en prend encore à chaque repas. Il est des mères qui, en guise de provisions pendant la journée d’école, mettent dans le panier de l’enfant une petite bouteille de cognac et du pain pour faire la trempette 

Les parents sont convaincus que l’alcool donne de la force. Il retire en effet l’appétit et par cela même ils s’imaginent qu’il nourrit. Ces enfants mangent à peine et deviennent des candidats à la tuberculose.

Dans les campagnes, c’est encore pire, si c’est possible ; les commères s’assemblent et absorbent plusieurs fois par jour de la bistouille”, c’est-à-dire du café mélangé d’un tiers d’alcool et les enfants présents ont leur part du brevage toxique. L’enfant devient aussi nécessairement alcoolique : dès douze ans, il ne rêve plus que bistouille. Telles les mères, tels les enfants. »

 

En 1896, l'académie de médecine rapporte le cas pas si exceptionnel a priori dans la France de cette époque de deux adolescentes ayant commencé à boire du vin dès leurs premières années. Les conséquences sont effrayantes :  "Il s’agit de deux jeunes filles âgées de 14 ans. La première commença à prendre du vin aux repas à l’âge de 3 ans ; la seconde à 2 ans. Chez toutes deux, on constate l'existence d’une affection du foie, la “cirrhose”, qui se caractérise par le ratatinement de cet organe et sa dégénérescence.

Mais voici qui est plus intéressant : la première malade présente des symptômes de croissance imparfaite, l’autre, des paralysies diverses coïncidant, aussi, avec un arrêt de croissance tel que sa taille n'est que de 94 centimètres, et ses membres si grêles, qu’ils ne peuvent supporter le poids du corps. En somme, ces jeunes filles de 14 ans paraissent avoir tout au plus 6 ans. Inutile de dire que dans les deux cas on a administré du vin aux enfants “pour les fortifier”. 

Bien mieux, chez la seconde – la plus malade –, comme le vin était très mal supporté, la mère a cru devoir terminer chaque repas par un petit verre de crème de menthe, afin de faire digérer le vin de Bordeaux. […]

Puissent ces funestes exemples être une leçon pour les jeunes mères trop faibles pour contrarier les désirs et les caprices des bébés. »

 

 

 

Voir aussi : les repas sous l'Ancien Régime

 

Sources

L’alimentation paysanne en France entre 1850 et 1936 de Rolande Bonnain Moerdijk 

Boire et manger en France de 1870 au début des années 1990 de Dominique Lejeune

http://www.chl-tourcoing.fr/expo-les-collections-a-table/index.html

Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres de Morgan Poggioli

La culture des cafés au 19ème siècle d’après Suzanna Barrows de Anne emmanuelle demartini

Recette du broyé du Poitou  

Recette du millas d’Ariège 

Recettes ancestrales à base de maïs 

Recette des gaudes 

Recette des farinettes  

Recette de polenta 

Recette du matafan 

 

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M
En Berry les paysans mangeaient la fromentée :blé cuit dans l'eau puis égoutté, séché, pilé dans la "pierre à pilé" et enfin recuit dans le lait salé. Quand on en avait on pouvait y ajouter un morceau de beurre. Peu à peu, au fur et à mesure de l'amélioration de leur nourriture  on y a ajouté du sucre et des fruits secs voir de la crème pâtissière et de l'alcool. C'est devenu un dessert.<br /> Bien cordialement
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