Le 1er pont vieux de Toulouse
Le 1er pont vieux de Toulouse
Le premier pont de Toulouse est le Pont Vieux, 1er du nom (il y en aura un autre plus tard). Le Pont Vièlh est à l'origine un ancien pont aqueduc construit au 1er siècle pour franchir le fleuve et pour alimenter Toulouse en eau. La légende attribue sa construction à la reine wisigoth Pédauque d'où son nom au Moyen âge de Pont de la reine Pédauque ou Pont de la Régine. Il ne s'appellera Pont Vieux que lorsque le Pont de la Daurade sera construit au 12ème siècle mais pour plus de commodité ici nous l'appellerons d'ores et déjà Pont Vieux.
il est à noter toutefois que les historiens ont longtemps contesté le fait que l'ancien pont aqueduc corresponde à ce que les textes médiévaux appellent le pont vieux (le 1er du nom). Les avis sont partagés mais il semblerait toutefois au vu des découvertes archéologiques qui ont été faites que l'on puisse imaginer qu'il s'agisse bien du même ouvrage... Affaire à suivre.
Reconstitution de la Tolosa antique vers le 5ème siècle où l’on voit l’aqueduc à droite et l’emplacement des sites actuels de Saint Sernin , Saint Etienne et le Capitole ainsi que le Pont Neuf qui bien sûr à l’époque n’existaient pas
Voyons un peu comment se présentait le pont aqueduc antique long de près de 9 km : il comprenait deux sections :
- La première est souterraine et va de Monlong à la Cépière en passant sous les immeubles de Bellefontaine (notamment sous l'immeuble Camus), de la Reynerie et du grand Mirail; cette section captait les sources proches et amenait les eaux par un canal souterrain jusqu’à la Cépière où devait se trouver un château d'eau. L'abbé Georges Baccrabère, archéologue et historien toulousain né en 1920, énumère une vingtaine de sources sur ce parcours (dont sept dans le parc du Mirail, cinq dans celui du château de la Réynerie).
- La seconde section, aérienne avec ses 517 arches commençait donc à la Cépière pour virer à 90° plein ouest empruntant le tracé actuel des routes de Saint Simon, de la rue de Cugnaux, où une quinzaine d'arches ont été exhumées au XIXe siècle, et de la rue des Teinturiers, et culminant à 5 mètres au-dessus de l’actuel quartier Saint Cyprien pour rejoindre la Garonne. Le nom de la rue des Arcs Saint Cyprien (Cami dels Arcs) est le souvenir de la présence de l'aqueduc à proximité.
Dessins de Christian Darles d’après les travaux de Pierre Pisani et de Badie et Gassend
Le pont aqueduc traversait ensuite le fleuve environ 200 mètres en amont de l'actuel Pont Neuf, et atteignait la rive droite au niveau de la rue de la Descente de la Halle au Poisson où l'eau était stockée dans un premier réservoir. Puis l'aqueduc, descendant jusqu’au niveau de la chaussée, poursuivait jusqu'à l'actuelle place Rouaix où devait se trouver là aussi un château d'eau.
Tracé du pont aqueduc en fonction des traces et vestiges archéologiques retrouvés
Illustration de Philippe Biard donnant une idée de ce qu'était le pont aqueduc en fonction
de sa situation sur le tracé
On retrouve les vestiges d'un réservoir à l'emplacement de l'actuelle école Lespinasse près de la place Olivier à Saint -Cyprien (article de la Dépêche du 25/08/2017 ).
Autre vestige de ce pont : une arche de pont est enfouie à 3 mètres de profondeur sous le tronçon nord de la rue de la Descente de la Halle aux Poissons et n'est accessible que par les caves des immeubles voisins. Il semblerait que ce soit aussi les vestiges du premier « pont Vieux » de Toulouse qui aboutissait vraisemblablement dans ce secteur après avoir traversé la pointe de l’ile de Tounis.
On peut supposer que le pont adueduc de Toulouse ressemblait à l'aqueduc du Gier près de Lyon, encore debout :
Bertrand du Puy des Grais, avocat né en 1639, donne déjà à l'époque une description (spartiate) du tracé de l’aqueduc de Monlong à la Garonne :
Plan reconstitué de Toulouse antique, dans Bernard Dupuy des Grais, "Tolosae antiquae chorographia", 1713, Bibliothèque municipale de Toulouse, Ms. 1254.
Ce pont est encore utilisé au 12ème siècle mais sans sa fonction d’aqueduc ; plus précisément il apparaît pour la première fois dans les textes en 1152 ; il est le seul pont à cette époque permettant de franchir la Garonne. Il permet le passage des marchandises et des voyageurs notamment les pèlerins qui vont à Compostelle.
Mais il subit les vicissitudes du temps... En 1258 il est emporté par la Garonne en crue ; en 1281 il s’effondra sous le poids de 200 personnes qui regardaient passer une procession de bateaux : « L’an 1281 et la veille du jour de l’Ascension, une partie du Pont-Vieux s’écroula pendant que la Confrérie des Bateliers de la Dalbade faisait sur la Garonne sa procession accoutumée. Les spectateurs qui s’étaient portés en grand nombre sur ce pont furent entraînés dans sa chute et 200 personnes périrent dans les eaux du fleuve ».
Le 30 mai 1485 le pont est entouré par un "soudain débordement de la Garonne". En 1508 il "croula quasi d'un bout à l'autre". En 1508 et en 1523 des crues emportent une partie de l'ouvrage. En 1524, le tablier en bois est refait.
Il sera remplacé progressivement par le pont de la Daurade construit plus en avant à partir de 1153 et sera abandonné totalement à partir de 1556. Il n'apparaitra plus entier sur les plans de la ville à partir du 17ème siècle.
Extrait du plan de Toulouse par Albert Jouvin de Rochefort en 1680 montrant en jaune les restes du pont vieil de pédauque
Extrait du plan de Toulouse de 1663 par Nicolas Berey (Musée Paul-Dupuy, inv. 20.6.1) montrant les ruines de l'aqueduc antique. Tirage photographique couleur, 13 x 18 cm. Ville de Toulouse, Archives municipales, 2 Fi 1305 détail.
Au 17ème siècle, l’historien toulousain Guillaume Catel donne une description des vestiges du pont vieux (Guillaume Catel, Mémoires de l'histoire du Languedoc, 1633, p. 127-128 et 194-195) :
« L'aqueduc [...] estoit continué jusques dans la ville, passant à travers la riviere de Garone, dans laquelle se treuvent encore les fondemens des piliers de brique qui portoient ledit aqeuduc. Et peut estre estoit il continué dans la riviere par piliers & arceaux à la façon d’un pont, d’où vient qu’il est appellé par le peuple, le Pont de la Regine Pedauque, c’est-à-dire pied d’oye, d’autant qu’il estoit si estroit qu’un homme, ou autre animal n’y pouvoit si commodement passer, qu’une oye. [...] Ce Pont est appellé le Pont Vieil depuis longues années, pour le distinguer de celuy de la Daurade [...]. Ce Pont Vieil estoit de structure romaine ou plustost Gotthique ; car il est fait grossierement, comme l’on peut recognoistre à l’arcade, qui reste encores dans la maison du Sieur Raché, laquelle est bastie de brique, & de pierre fort grossierement. »
Vestiges du pont de la reine Pédauque à droite du Pont Neuf et vestiges du pont de la Daurade à gauche -
Gravure de 1730
Il restait encore fin 19ème siècle deux piles visibles aux basses eaux et qui furent emportées lors de la crue de 1875.
En 1949, la dernière pile, qui émergeait à une trentaine de mètres de la rive actuelle de la Prairie des Filtres connue comme le « rocher de Carnaval » ou rocher de Callebe, est démoli. Le terme de Callèbe semble désigner le dispositif de bascule en bois qui y était implanté.
Il est possible que l’on y suspendait une cage en fer, la « gabio » (en occitan gàbia qui veut dire cage), utilisée du XVIe au XVIIIe siècle pour le supplice qui consistait à plonger à plusieurs reprises dans le fleuve une personne condamnée pour prostitution ou proxénétisme ou pour blasphème : ceux qui survivaient à la noyade étaient reconnus innocents... Le terme de gabio va donner son nom au port de la Gabio sur l'ile de Tounis, à proximité de la pile en question.
A noter que la rue du Pont-Vieux dans le quartier Saint Cyprien – nom qu'on lui donne dès le 13ème siècle – rappelle la présence de ce pont qui franchissait la Garonne dans l'axe de cette rue et atteignait la pointe nord de l’île de Tounis pour arriver dans la rue de la Descente de la Halle aux Poissons.
Représentation du Pont Vieux en miniature sur la couverture d’un livre des tailles de 1480.
Ville de Toulouse, Archives municipales, CC 164
Sources
Toulouse au 12ème siècle par Pierre Girard
Les ponts de Toulouse de Jean Coppolani
Evocation du vieux Toulouse de Robert Mesuret
https://aqueduc.jeb-project.net/
https://www.bazarurbain.com/2087/laffaire-de-laqueduc-dit-de-la-reine-pedauque-episode-2/
focus sur l'aqueduc gallo romain : https://www.calameo.com/books/006765105182e1cecfb69
Documents des Archives de Toulouse sur le sort réservé aux maquerelles : https://archives.mairie-toulouse.fr/documents/10184/311548/FRAC31555_Bas-Fonds-2016-10.pdf/96cc1376-1603-4ae4-a80d-fc5bfc6b4fca