Q comme QUOTIDIEN
Ma belle-mère Josette (née en 1935) a habité Liverdun (près de Nancy) et m’a raconté des anecdotes de son enfance.
En voici quelques-unes : sa mère faisait de la charcuterie avec le cochon qu’elle tuait à Noël dans la cour de la maison. Elle faisait du boudin après avoir pelé des kilos d’oignons et fait griller des chons de lard (petits morceaux de lards provenant de la fonte du saindoux). La sœur de Josette et elle grattaient les tripes avec le dos d’une petite cuillère en faisant attention de ne pas percer les boyaux sinon le boudin « chiait ».
Sa mère faisait aussi de l’andouille qu’elle portait chez le boucher pour la fumer dans un grand fumoir.
L’été, un marchand de sorbets passait dans les rues ; au son de sa corne, les enfants courraient chercher des sous pour pouvoir déguster ce rare plaisir.
Il y avait aussi un marchand de fruits et légumes qui passait et des fois il y avait même des bananes !
L’hiver, le vendredi, la mère Hilaire passait avec une charrette à bras pour vendre des harengs et des moules ; la rue embaumait le hareng ce jour là.
Ma belle-mère se souvient aussi du bruit matinal de Monsieur Royer, cultivateur chargé du ramassage des ordures ménagères qui passait chaque samedi avec son cheval attelé à un tombereau pour la corvée : les femmes mettaient leurs déchets dans de vieilles lessiveuses et Monsieur Royer renversait ces boites métalliques en les tapant un gros coup sur le tombereau ; il allait ensuite déverser ces ordures à l’extérieur du village sur un monticule qui fumait en permanence. Les enfants venaient y chercher des palettes pour jouer, et des boites de conserve de Lerebourg pour imiter des assiettes et jouer avec.
Il y avait aussi l’appariteur avec son tambour qui s’arrêtait à tous les coins de rue pour annoncer un déballage place de la gare ou une coupure d’eau ou une vente aux enchères suite à un décès.
Et bien sûr elle m’a parlé de la lessive : c’était le lundi. Dès 6h du matin sa mère préparait la brouette avec dedans la lessiveuse remplie de linge sale (grosse marmite avec un double fond d’où remonte une cheminée avec au bout un pommeau qui arrose le linge d’eau bouillante ; l’eau redescend en traversant le linge, retombe au fond puis remonte à nouveau ; reste à rincer le linge pour enlever le savon). elle mettait un agenouilloir devant la brouette pour que Josette puisse s’y asseoir.
Et elles partaient toutes les deux au lavoir au bord de la Moselle.
Sa mère décrassait le linge au lavoir avec un gros savon « la girafe » (le linge était été trempé la veille (et les mouchoirs dans une autre bassine !) pendant que ma belle-mère jouait à côté.
Après décrassage et rinçage, sa mère remontait à la maison pour faire bouillir la lessiveuse posée sur un trépied dans la cour ; elle y mettait des cristaux de soude et la lessive st marc.
Puis retour au lavoir pour le rinçage et l’essorage à la main. Le linge était ensuite étendu au grenier ou dans la cour.
Ma grand-tante Renée quant à elle est née en 1931 à Houdain près de Lille. Elle se souvient aussi du jour de lessive : sa mère trempait le linge puis le mettait dans une bouilloire. Le lendemain il était lavé avec du savon de Marseille ; elle utilisait une brosse à chiendent et mettait du bleu dans l’eau de rinçage. Et après on séchait tout ça dans la maison
Elle m’a raconté aussi que son père mettait des briques chaudes enveloppés dans du journal dans le lit pour avoir bien chaud.
Elle aimait aller à la ducasse (fête patronale du village) pour essayer la chenille, le casse gueule (un siège avec des chaînes qui tournait autour d’un pilier central), pour manger de la barbe à papa, des frites et du nougat.
Ma mère enfin est née en 1945 à Lille et m’a raconté les bains du samedi : il n’y avait pas de salle de bain et donc tous les samedis après-midi sa mère faisait chauffer de l’eau pendant que son père tendait un grand drap entre la partie cuisine et la partie séjour. Il mettait une grande bassine en acier galvanisé dans la cuisine, du savon de Marseille et des shampoings Dop et ils se lavaient à tour de rôle
Elle m’a aussi parlé de lessive : sa mère avait une machine à laver avec deux rouleaux qui collaient l’un à l’autre pour pouvoir essorer le linge. On les faisait tourner avec une manivelle.
Le dimanche soir sa mère faisait tremper le linge et le lundi elle le passait à la lessiveuse galvanisé, (bassine avec au milieu une espèce de champignon dans lequel l’eau passait en bouillant, le tout alimenté par une couronne de gaz). Elle utilisait du savon de Marseille et des cristaux de soude.
Ensuite on sortait le linge pour le mettre dans une autre bassine remplie d’eau froide pour rincer avec du bleu et du javel
Enfin on essorait avec la fameuse machine à deux rouleaux. Le linge pendait ensuite dehors ou dans la pièce principale s’il pleuvait.
Et le mardi c’était repassage …
P comme PIERRE MORNE
En faisant des recherches sur le site des archives municipales de Toulouse j’ai trouvé des informations intéressantes sur la « pierre morne », expression que je ne connaissais pas jusque-là.
En fait la question à se poser ici est que faisait-on quand on découvrait un corps sans vie à Toulouse et ses environs au XVIIIème siècle ?
Une enquête va être faite ; un chirurgien nommé par les capitouls va établir ses constatations, puis éventuellement procéder à une autopsie, et va décider s’il s’agit d’une mort naturelle, accidentelle, ou un cas avéré de mort violente.
Mais ceci fait, comment identifier la personne ?
La solution est de déposer et exposer le corps sur la pierre morne
Ainsi le 28 février 1748 vers les 1 h 00 du matin, on apporte au corps de garde de l’hôtel de ville un homme blessé enveloppé dans un linceul. Malgré les soins du chirurgien appelé sur place, l’homme expire deux heures plus tard. Au petit matin, en l’absence du moindre indice quant à son identité, le capitoul à qui l’affaire est communiquée va donner ordre pour que le corps soit déposé sur la pierre morne. Le greffier criminel des capitouls précisera : « nous avons fait expozer tout de suitte sur la pierre accoutumée pour être expozé au public à l’effet d’en être fait la reconnoissance ». L’homme est « chanceux » ; en effet, quelqu'un dans le public saura finalement reconnaître là le corps sans vie du nommé Rouane, soldat de son état ; il évitera ainsi une inhumation anonyme.
Pourquoi la pierre morne ?
La première mention de cette pierre date de 1709 : elle est alors appelée « pierre accoutumée ».
Elle sera par la suite appelée « pierre morné » voire juste « la morne » et même « la morgue ».
Où est elle située ?
Sur un lieu de passage et un lieu d’échange ; l’idée n’est pas tant de rendre le corps visible mais accessible et de le protéger des intempéries. En 1748 on apprend qu’elle est située dans la première cour de l’hôtel de ville de Toulouse.
Le corps est gardé par un soldat du guet.
Durée de l’exposition
Il ne semble pas y avoir de durée obligatoire mais deux jours semblent le maximum.
Ainsi en février 1766, l’avocat du roi demande à ce que « le corps sans tête d’une jeune fille enveloppée dans une cherpillière attachée sur les épaules soit exposé « pour y rester pendant l’espace de vingt-quatre heures ».
Mais l’identification ne sera malheureusement pas possible, et l’inhumation est ordonnée le lendemain sans même qu’on procède à l’autopsie pourtant évoquée la veille.
L’exposition sur la pierre morne n’est toutefois pas automatique. Ainsi un noyé trouvé en février 1760 ne sera pas amené à la pierre morne ; en effet le chirurgien estime qu’il a séjourné plus de vingt jours dans l’eau et on l’imagine passablement décomposé. Il est toutefois déposé quelque temps « au ravelin du Bazacle où nous l’avons fait exposer aux yeux du public pour qu’on p(e)ut le reconnaitre, ayant commis deux soldats pour garder ledit cadavre jusqu’à ce que tout f(e)ut prêt pour l’enterrer ».
O comme OCCUPATION DANOISE
En faisant quelques recherches historiques dans les environs d’Auberchicourt, ville du Nord où j’ai vécu un certain temps, j’ai appris une bien curieuse histoire que je ne connaissais pas du tout : l’occupation danoise de nos terres au XIXème siècle !
Le 10 juillet 1813 en effet le Danemark signa un traité d’alliance avec la France. Les deux puissances d’engageaient à s’aider militairement l’une l’autre. Mais après la défaite de Leipzig, les troupes danoises durent se retirer vers le Nord poursuivies par Bernadotte à la tête de 40.000 hommes, Suédois, Russes et Allemands. Après une résistance honorable de l’armée, Frédéric VI du Danemark signa, le 14 janvier 1814, la paix de Kiel.
Par ce traité, Frédéric VI renonçait à certains droits sur la Norvège et à certaines terres mais surtout, en ce qui nous concerne, le Danemark devait entrer dans la coalition contre Napoléon, et un corps d’armée danois, sous le commandement du successeur au trône de Suède, se voyait obligé de prendre part aux combats contre l’Empereur.
Après la bataille de Waterloo, perdue par Napoléon le 18 juin 1815, le traité de Paris, signé le 20 novembre 1815, prévoyait la France serait occupé par une armée de 150.000 hommes comme garantie de paiement d’une dette de guerre de 700 millions de francs, et également pour le maintien de l’ordre.
Il fut décidé que les troupes danoises (5000 hommes au total) prendraient possession de la place forte de Bouchain et des environs : ils se déployèrent plus précisément dans le Cambrésis, le Douaisis, et les actuels secteurs de Lens et d’Hénin Carvin.
Les troupes logeaient chez l’habitant. Ou dans des casernes.
Le prince Frédéric Ferdinand de Hesse Cassel commandait l’armée d’occupation et avait établi son quartier général à Lewarde où se trouvaient deux châteaux. Il s’y installa dans le plus grand des deux dès le 18 janvier 1816 avec son épouse et sa suite.
6 mois plus tard, le maréchal de Wellington passera à Lewarde pour emmener le prince à une revue de troupe.
L’état major danois fut établi quant à lui à Hénin Beaumont (à l’époque Hénin Liétard). Les Dragons danois ont ainsi dû apprendre à cohabiter avec les habitants de Bouchain, Aniche, Corbehem, Douai, Izel, Bois Bernard, Billy Montigny, Hénin, Lens et Carvin.
Et des unions eurent naturellement lieu.
Des soldats danois emmenèrent leurs épouses au Danemark et d’autres restèrent pour fonder une famille.
Cette occupation danoise dura 2 ans de 1816 à 1818. La cohabitation n’alla pas sans mal : cette occupation coûta cher à nos communes et donc aux habitants qui durent payer des impôts supplémentaires et les soldats ne furent pas tous des enfants de chœur. L’ouvrage que je cite plus bas nous donne un aperçu assez réaliste de la vie de nos aïeux à ce moment.
Les soldats danois, au cours de leur séjour, érigèrent à la limite entre Lewarde et Roucourt une sorte d’obélisque de 11m de haut pour marquer leur passage. Cet ouvrage est toujours visible de nos jours.
Source : l’invasion et l’occupation du département du Nord par les alliés (1814-1815) par Max Bruchet.
N comme NOBLESSE
En regardant sur Geneanet les diverses correspondances que je pouvais avoir sur la branche des Legros (branche paternelle), quelle ne fut ma surprise en voyant que je pouvais ainsi remonter d’une traite jusque Charlemagne !
Passé l’instant de surprise et je dois dire aussi de fierté à cette idée, je suis revenue sur terre en me rappelant que 9 français sur 10 tout de même descendraient de cet illustre aïeul d’après certains généalogistes.
Je n’en suis bien sûr pas restée là et j’ai donc essayé de vérifier tout ça. Je me suis aidée entre autre de l’ouvrage de Michel Champagne, la Châtellenie de Longvilliers du 12 au 14ème siècle.
Là où bute pour l’instant c’est au niveau de Catherine Fontaine (née vers 1629 à Licques et décédée le 19/2/1701 à Blendecques) et de sa fille Marguerite Caron (née le 6/1/1672 à Licques et décédée le 28/4/1722 à Licques) car je ne suis pas encore sûre de cette parentèle ni même des dates les concernant.
Maintenant imaginons que tout cela soit exact, comment peut-on expliquer que de pauvres cultivateurs et journaliers puissent avoir des ancêtres nobles.
On n’en sera jamais sûr, c’est évident ; entre les viols, adultères, droit de cuissage en tout genre, les aléas sont nombreux. Toujours est-il qu’une famille noble mais désargentée ou d’un rang pas très élevé avec de nombreux enfants ne pouvaient pas « caser » tout ce petit monde de façon égalitaire : l’aîné aura le titre et les terres, les suivants seront prêtres ou serviront dans l’armée. Les filles seront mariées à des hommes aisés (un riche laboureur, un notaire..). Et ainsi de suite jusqu’à retrouver une branche plus « prolétaires » va-t-on dire.
Bref remontons à mon illustrissime aïeul présumé dont je serais la descendante à la 42ème génération.
Peut-être est-ce exact , peut-être pas ; en tout cas cela me permet de me concentrer sur une zone géographique que je ne connaissais pas : le boulonnais et sur une période que je ne maîtrise pas beaucoup : le haut Moyen âge et du coup j’apprends plein de choses.
Et c’est ça la richesse de la généalogie : découvrir l’histoire locale et quand on peut la petite histoire de ceux qui sont peut-être nos ancêtres …
M comme MA MAISON
J’ai habité de 1978 (j’avais 7 ans) à 1992 une grande maison à Auberchicourt, petit ville du Nord, près de Douai.
Cette maison appartenait alors aux Houillères du Nord, mon père étant ingénieur chez eux. Elle était située au 28 de la rue Jean Lebas anciennement 30 de la Grande rue ou encore de la rue Buisson.
Cette maison était énorme : 400m2 au bas mot, des écuries, une cave sous la terrasse, des chambres de bonnes, un jardin magnifique avec un marronnier au moins une fois centenaire. Bref, une maison d’ingénieur comme on le disait à l’époque. Dans un mur extérieur, il y avait un anneau scellé qui je pense permettait d’attacher un cheval. Il y avait aussi ce que l’on appelait à mon époque un garage mais qui en fait devait loger une voiture à cheval et entreposer des tonneaux dans le temps.
Cette fameuse cave sous la terrasse on n’a jamais su pourquoi c’était là et on n’a jamais pu la visiter car trop dangereux. Ça m’a toujours intriguée mais je n’ai trouvé le fin mot de l’histoire que récemment.
En fait cette demeure était une brasserie et logeait effectivement (au moins en 1906) une servante (Rosalie Jaspart, née à Féchain en 1879) et un cocher (Jules Hecquet, né en 1882).
la maison au premier plan est devenue une école maternelle
et au second plan, c'est ma maison, la brasserie Buisset
La brasserie appartenait à la famille BUISSET dont l’un des membres, Pierre François Buisset (né le 5 octobre 1809 à Auberchicourt et décédé le 6 avril 1887 à Auberchicourt), n’était autre que le maire de cette ville.
Quelle ne fut ma surprise quand je m’aperçue au détour de recherches généalogiques que je cousinais (de loin quand même) avec l’un des gendres de Pierre François Buisset : Léon Menu (né le 18 avril 1849 à Douai et décédé le 11 mars 1930, notaire à Wavrin), lequel avait épousé la fille de Pierre, Marthe Gratienne Buisset.
Le lien de parenté est le suivant : je suis descendante à la 4ème génération d’une cousine au 9ème degré de Marthe Gratienne pour la simple raison que Josse Leuridan (1540, Armentière-1627, Fleurbaix – bourgeois de Lille et censier de la Boutillerie à Fleurbaix) est mon ancêtre à la 13ème génération mais également l’ancêtre à la 9ème génération de Léon Menu, époux de Marthe Gratienne.
Jolie coïncidence généalogique ….
il semble que François Buisset, petit fils de Pierre François, soit le dernier brasseur ayant exercé et vécu dans cette maison. Il est né le 2 juillet 1878 à Auberchicourt et est décédé à Asvenelles le 21 novembre 1947.
Je suis revenue il y a deux ans là-bas et il ne reste que les écuries qui ont été transformées en plusieurs logements. La maison a disparu, le jardin n'existe plus et son marronnier majestueux a été coupé … tout ça pour laisser place à de petits maisons entassées les unes sur les autres sans goût ni histoire ….
L comme LILLE
Lille est une ville importante dans ma généalogie car ma famille maternelle y est majoritairement présente.
En essayant de comprendre comment Lille avait évolué je me suis rendue compte que l’histoire du Nord n’était pas un long fleuve tranquille et entre les Flamands, les Bourguignons, les Espagnols et les Français je m’y perds complètement.
Au moins le fait d’avoir repris succinctement les grands moments de cette ville me permet d’y voir un peu plus clair.
Donc cet article se cantonne à être un petit cours d’histoire puisqu’il n’a comme vocation qu’à me donner un cadre chronologique.
La première trace écrite mentionnant l’existence de la ville de Lille se trouve dans une charte de 1066 par laquelle Baudouin V, comte de Flandre, dote la collégiale Saint-Pierre.
La ville y est nommée Isla, du mot latin insula signifiant littéralement île. Lille est en effet située sur une ancienne zone marécageuse, le long de la Deûle, affluant de la Lys.
Lille est très bien située puisqu’elle est sur un axe de circulation majeur, entre les grandes villes flamandes et les foires de Champagne ce qui va lui permettre de se développer très vite et devenir rapidement le lieu de résidence des seigneurs flamands.
En effet, Lille est tout d’abord la possession des puissants comtes de Flandre et est dès le début très convoitée par les rois de France. Après la bataille de Bouvines (1214) où son mari Ferrand de Portugal est fait prisonnier, la Comtesse Jeanne de Flandre, fille de Baudoin IX, empereur de Constantinople, gouverne seule. Elle octroiera une Charte à la ville.
Il est à noter que Lille constitue une division administrative sous l'Ancien Régime appelée la châtellenie de Lille ; celle-ci est est mentionnée pour la première fois en 1309 et se divisait en six quartiers :
- Mélantois (chef-lieu : Seclin)
- Carambault (chef-lieu : Phalempin)
- Pévèle (chef-lieu : Orchies)
- Ferrain (chef-lieu : Commines)
- Weppes (chef-lieu : Wavrin)
- Alleu
La ville de Lille est très peuplée pour l’époque : Un document fiscal de 1318 mentionne ainsi un nombre de 6446 maisons ce qui pourrait donner le nombre approximatif de 40 000 habitants.
Puis de possession flamande la ville va passer entre les mains des Bourguignons, famille tout aussi puissante face au roi de France : en effet en 1369, après une courte tutelle de la France sur Lille (de 1304 à 1369), Marguerite de Mâle, dernière comtesse de Flandre, épouse en secondes noces Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Dès lors Lille appartient à la maison de Bourgogne, et ce jusqu'à la fin du XVème siècle.
Pour loger sa cour qui compte 1200 personnes, le Duc de Bourgogne Philippe le Bon ordonne en 1453 la construction de l’immense Palais Rihour (actuel siège de l'Office du Tourisme de Lille).
Ensuite vient la domination espagnole en 1477 à la mort de Charles Le Téméraire. Sa fille, Marie de Bourgogne, épouse Maximilien d’Autriche, fils de l’empereur Frédéric III, de la famille des Habsbourg. Lille fait dès lors partie des Pays-Bas espagnols, de Charles Quint à Philippe IV d'Espagne (de 1500 à 1667).
En 1598, Philippe II, roi d'Espagne, cède à sa fille Isabelle les Pays-Bas. S'ouvre alors pour Lille une période appelée "Siècle d’or". De nombreux couvents sont fondés et la ville connait deux agrandissements successifs, de 1605 à 1606 et de 1618 à 1621.
Enfin, en 1667, la ville tant convoitée des rois de France devient enfin française avec la conquête de la ville par Louis XIV, en pleine guerre de Dévolution. Elle sera conquise par les Hollandais quelques années plus tard mais le traité d’Utrecht de 1713 la rattache définitivement au royaume.
L’Ancien Régime a fait de Lille une puissante cité grâce à l’activité du textile (production de laine, activité drapière) ; le XIXème siècle en fera une grande puissance industrielle dont les piliers seront la métallurgie, la chimie et toujours le textile (coton et lin).
Voilà c’est un peu plus simple pour moi. Reste à trouver de jolies cartes pour comprendre le mouvement des frontières du Comté de Flandres au cours des siècles.
Ne pas hésiter à aller voir le site très riche et très bien fait sur la Chatellenie de Lille
K comme KM
De prime abord quand on pense à nos aïeux, on se dit qu’ils ne devaient pas bouger beaucoup et ce d’autant plus que les moyens de locomotion étaient somme toute réduit. Mais j’ai toujours été surprise que justement eu égard à ce qu’ils avaient sous la main, ils se déplaçaient beaucoup plus que je ne le croyais.
Ainsi dans ma branche paternelle mes ancêtres ont sillonné Pas de Calais petit à petit à chaque génération. Ce ne sont pas de grandes distances pour nous (une vingtaine de m à chaque fois) mais pour eux ça l’était. Comment se rencontraient ils ? par le biais de foire ? de fêtes de village ? de pèlerinage ? ou était ce professionnel : le drapier recherchant des tissus, le propriétaire qui vient percevoir ses redevance…
En fait, nos ancêtres sont de grands marcheurs.
Ainsi un exemple entre mille : celui du sire de Gouberville au XVIème siècle qui vivait près de Cherbourg. Il a effectué en 10 ans uniquement pour se rendre en ville plus de 26 000 km soit 520h de marche par an (Jean Louis Beaucarnot – Qui étaient nos ancêtres ?). On apprend ainsi qu’il faut parfois près de 6 heures à notre sire pour faire 16 km du fait que les routes ne sont ni sûres ni pratiques.
C’est un sport qui perdura longtemps puisque ma mère me racontait que pour aller à l’école il lui fallait faire plusieurs km à pied deux fois par jour chaque jour !
Mais revenons au sire de Gouberville : il lui est arrivé une fois de se déplacer jusqu’à Blois, à 280 km de chez lui. IL fit le voyage en 6 jours. Cela lui coûta l’équivalent de 86% de ses dépenses annuelles. Certes il voyageait à cheval mais il ne se déplaçait pas sans son laquais qui lui était à pied.
Parmi mes ancêtres Charles Louis Théry dont j’ai parlé dans un précédent billet partit de Lille en 1844 à l’age de 52 ans pour mourir aux Invalides à Paris soit un voyage de 230km.
Louis Thery quant à lui est parti en 1849 à l’âge de 28 ans avec sa femme en Algérie à pied de Lille via Châlon et Marseille pour démarrer une nouvelle vie. Las, ce ne fut pas un franc succès et il revint avec sa famille en 1853 à Lille, toujours à pied.
Chapeau !
J comme JEUX
Ma belle-mère qui est née à Liverdun près de Nancy en 1935 m’a raconté ses passe temps et jeux divers quand elle était enfant : à l’époque on jouait avec « des riens » :
La balle au mur, cache tampon (un enfant cachait un objet et les autres partaient à sa recherche guidés par des « tu brûles », « tu gèles »), cache cache. Elle jouait aussi à la palette avec un morceau de vieux carrelage ou un pied de verre cassé sur un dessin à la craie au sol, à la dînette, au téléphone arabe (un enfant disait une phrase à un deuxième qui le répétait à un troisième … jusqu’à ce qu’une phrase qui n’avait rien à voir avec la phrase originale soi dite).
Il y avait aussi greli-grelot combien j’ai de sous dans mon sabot ?, les osselets, le machipot (les lettres avaient tous une signification : m pour mariage, a pour amour, c pour caresse, h pour haine, i pour ivresse, p pour passion, t pour tendresse et les filles tiraient des noms de garçons associés aux lettres.
Elle fabriquait des échasses avec des boites de conserve vides percées de deux trous dans lesquels on avait fait passer de la grosse ficelle ; il fallait monter sur les boites et on tenait la ficelle en marchant…
Ma belle-mère faisait également des colliers avec des vieux boutons , de la luge l’hiver, des ombres chinoises sur les murs et des farces : elle m’a raconté qu’une fois elle avait pris le chat du voisin et lui avait mis des coquilles de noix vides au pied avec de la glue !
Une autre fois elle avait endormi les poules de sa voisine en leur mettant la tête sous l’aile et en les balançant quelques minutes !
Ma grand tante qui est née en 1931 à Houdain dans le Nord lisait beaucoup quant à elle-même si son père n’aimait pas trop car elle ne faisait rien pendant ce temps. Son premier livre lui a été offert par ma grand-mère, sa grande sœur : les Mésaventures de Jean Paul Choppart de Louis Desnoyers qui raconte les tribulations d’un jeune garçon sans aucun vice mais avec de nombreux défauts et qui vit toutes sortes d’aventures moralisatrices.
Ma mère enfin est née en 1945 à Lille ; elle me racontait que quand elle était jeune elle jouait à cache cache , faisait la chasse aux papillons, tressait des couronnes de liserons, jouait à la balle au prisonnier, au diabolo (2 baguettes étaient reliées à un fil et il y avait une bobine en caoutchouc sur la ficelle qu’on lançait en l’air : il fallait rattraper la bobine sur le fil) ; elle jouait aussi à la marelle et lisait beaucoup grâce à son père qui était typographe et qui de ce fait ramenait à la maison plein de livres de la collection Artima : Tim l’audace, Tarou, Buck Dany, Kro Magoule le singe qui parle, Tintin, Météor et bien d’autres …
Autre temps, autre jeux ….
H comme grand HYVER de 1709
Le 6 janvier 1709 commence ce qu’on appela plus tard le Grand Hyver.
Cet épisode fut dramatique pour la France puisqu’entre le premier janvier 1709 et le premier janvier 1711, la population diminua de 810.000 habitants sur une population globale de 22 millions de Français!
J’ai trouvé quelques témoignages datant de cette époque dans le Nord de la France
"L'hiver fut long et le froid si pénétrant que de temps immémorial on n'en avait point vu de pareil. Il commença le jour de l'épiphanie le 6 janvier et durant 17 jours, le vent est si fort et le froid qu'à peine on pouvait demeurer dehors, un grand nombre de personnes furent incommodées, les uns ayant une partie des pieds et d'autres les doigts des mains gelés, particulièrement chez les marchands qui étaient obligés d'aller par les chemins, ou l'on trouva en beaucoup d'endroits des personnes mortes du froid.
Les arbres des campagnes souffrirent beaucoup, la grande partie des chênes, même les plus gros, se fendirent de haut en bas, se faisait entendre de fort loin dans les bois, la moitié des arbres fruitiers périt, toute la nature fut entièrement gelée. Les sangliers et les loups ne purent s'en garantir, il en mourut beaucoup. Les suites furent funestes car au dégel, presque tout le monde se trouva attaqué d'un rhume qui commençait par un débord dans la tête avec de grandes douleurs et ensuite, tombait sur la poitrine souvent avec une douleur de côté et cette maladie fut générale."
Le Curé Boutoille, qui exerçait son ministère à Maninghem-au-Mont (62), écrivait :
"La veille des Rois vers les dix heures du soir on vit une gelée si âpre que le village, tout sale qu'il fût, portait gens, bêtes et chariots, et cette gelée dura jusqu'au 2 avril ... neige et gelée causèrent bien des désordres, premièrement la mort des gens et bêtes le long des chemins, la perte générale de tous les grains d'hiver, le retardement des labours de mars ...
Les arbres comme pruniers, couronniers, poiriers, noyers et plusieurs pommiers sont morts ... Les plus riches ont été réduits à manger du pain mêlé d'avoine "baillard", "bisaille" ... et les pauvres du pain d'avoine dont les chiens n'auraient jamais voulu manger le temps passé ; aussi les peuples sont morts en si grande quantité de flux de sang et de mort subite qu'à tous côtés on parlait de morts".
Description détaillée par le curé François Delaporte de la paroisse de Humbert (62) : " L'hiver qui comença à la St-André de l'année 1708 et qui finit au mois d'avril 1709 a causé toutes les disgrâces qui sont cy après exprimées, il a été si rude que de mémoire d'homes on ait jamais eu de pareil.
La gelée a esté si forte qu'elle glacait tout ce qui était liquide jusque dans les caves et même dans les fours.
Quantité d'arbres et autres plantes ont péris par le vigeur du froid telle que pomiers, poiriers et autres arbres fruitiers come noyers et vignes mêmes jusqu'au houx et buys qui sont les bois les plus durs de ce pays; mais ce qui a le plus désolé le peuple est que la grande quantité de neige qu'il a tombé partout à quatre reprises poussé par les vents de midy couvroit les campagnes et remplissait les vallées en telle abondances qu'il était moralement impossible de marcher à pied et encore moins à cheval.
Ces neiges et gelées furent suivies d'une pluie abondantes qui dura tout le long du mois d'avril, après lesquelles on s'est apperçu de ruissellement dans tout le pays que les blés et autres grains d'hiver étaient générallement péris, ce qui a causé une telle chereté de grains que le blé a vallu dans le mois de maye 1709 quarante livres le septier mesures de Montreuil; le soucrion a vallu trente sols le boisseau; la paumelle quatre livres le boisseau, le blé sarazin ou "bocquager" quatre livres quinze sols aussi le boisseau de Monteuil, l'avoine a vallu une pistole ou dix livres le septier, et on a été obligé de rassemencer toutes les terres où on avait semé du blè l'après août précédent; Il paraît à présent que les "bas" grains furent en abondances, ils la promettent par les pluies fréquentes qui arrosent les campagnes.
Voilà une partie des misères qui nous accablent et qui causent une famine très grande dans les terres que j'aye la main à la plume pour les descrire et affin de les laisser lire à ceux que Dieu envoyra après nous au gouvernement de cette paroisse d'Humbert ou à ceux qui les liront afin qu'ils puissent par la connaissance qu'ils auront par ce moyen prendre leurs mesures en pareil accident que celuy qui nous réduit dans la misère si grande que celle que nous ne pouvons empêcher de voir souffrir à la plus "saine"partie du peuple que la providence a comis à nos soins étant hors d'état de les secourir par la suitte.
Si Dieu par un effet de sa main toute puissante n'arrête le cour de ces calamité par la récolte des bons grains que nous espérons qu-elle nous donera et dont nous serons heureux de pouvoir user au lieu de blez dont il n'est nullement question d'attendre de faire récolte car je donerais sans exagérer le produit de mes dixmes qui année pour autres me fournissait quatorze cent de grains d'hyver pour dix gerbes cette année.
Icy tout ce que dessus n'excède en rien les bornes de la vérité les choses étant ainsi quelle sont exprimé et c'est en foy de tout ce que dessus que j'ai signé le jourd'huy septième jour du mois de juin l'année mil sept cent noeuf."
Le curé de Marcq en Baroeul (59) écrit :
"Cet hyver dura 3 mois, d'une force incroyable, entremêlés de dégels qui ne duraient que quelques heures, de neige que le vent chassait dans les endroits les plus bas de sorte que tous les blés généralement furent genés ... A Dunkerque, la mer aussi est gelée".
G comme GUERRE
Ma grand tante Renée avait 8 ans quand la guerre 40 a éclaté. Elle vivait à Houdain dans le Nord. Elle m’a raconté quelques anecdotes de cette époque. Elle se souvient que son père qui n’aimait pas Pétain avait été rendre à l’école les timbres à son effigie qu’elle devait vendre. Autre souvenir : celui d’un allemand qui s’est arrêté devant chez elle lors d’un défilé de l’armée allemande pour demander de l’eau pour son cheval.
Il y avait des bombardements et son père avait installé des matelas dans la cave et étayé l’endroit avec du bois de mine et des madriers. La cave a finalement surtout servi pour les réfugiés. Une fois un couple de réfugiés est resté une nuit. La mère de Renée leur a fait une saurée (hareng saur) et ma grand tante m’a dit qu’ils avaient tellement faim que le monsieur mangeait les yeux !
Un jour un parachutiste est tombé tout près du village et a donné son parachute : beaucoup de femmes se firent de jolis chemisiers avec. Un autre parachutiste, un Canadien, est tombé plus tard mais lui n’a pas eu de chance ; il est mort. Une messe a été dite pour lui devant ses parents après la guerre.
A deux km de Houdain, les allemand construisaient des V1 et une fois sa mère et elle n’ont rien trouvé de mieux que d’aller chercher des mûres dans le coin : les Allemands les ont pourchassées et ont vidé leur sac !
A la fin de la guerre, les sirènes ont sonné. Ma grand tante avait mis une jupe plissée et un chemisier blanc ainsi qu’une cravate et elle est partie défiler. Les Américains étaient là avec leurs tanks et leurs jeeps et leur lançaient des chewing gums, des chocolats et des cigarettes et les embrassaient de joie !
Ma belle mère Josette vivait quant à elle à Liverdun près de Nancy quand la guerre a éclaté. Elle avait 4 ans en 1939. Elle est partie avec sa mère et son petit manteau blanc genre astrakan pour prendre le train de Toul et rejoindre la caserne où son père avait été mobilisé. Elle ne le reverra qu’à son retour de Nuremberg en 1945. Il a été fait prisonnier et est resté tout ce temps en Allemagne. La maman de ma belle-mère lui confectionnait des colis rempli de pain d’épice fait maison et des conserves de lapin sauce chasseur qu’elle faisait elle-même. Elle lui envoyait aussi du vin qu’elle achetait avec ses tickets de rationnement et du savon de ménage qu’elle fabriquait pour qu’il puisse laver son linge.
Pendant la guerre la maman de Josette travaillait chez Lerebourg (confiturier important à l’époque) et elle se portait volontaire pour le poste appelé « au sucre ». Il fallait déverser des seaux en bois plein de sucre semoule dans de gros chaudron en cuivre dans lesquels cuisaient les fruits ; c’était très physique mais il y avait un avantage : elle s’était confectionné un tablier en toile bleue avec une grande poche devant dans laquelle elle y mettait du sucre en cachette ce qui lui permettait de confectionner des gâteaux pour les enfants …