• La bataille de Toulouse de 1814

     

    Bataille de Toulouse de 1814 - Théodore Jung

     

     

    Le contexte de la bataille

    Depuis le 18ème siècle une même famille règne sur la France et l'Espagne : les Bourbons. Aussi quand Louis XVI est exécuté le 21 janvier 1793, l'Espagne vient au secours de la famille royale de France et déclare la guerre. Collioure et les rives de la Bidassoa tombent très vite sous les assauts espagnols.

    A noter qu'à cette époque l'Angleterre est une alliée de l'Espagne.

    En 1794, les Français retournent la situation et s'emparent de Figueras, Bilbao, et Vitoria. L'Espagne négocie la paix et le 18 août 1796 le traité de San Idelfonso matérialise l'alliance franco espagnole contre l'Angleterre.

    Par la suite, pour diverses raisons que nous ne développerons pas ici, l'Espagne entreprend de marcher sur le Portugal avec le soutien de Napoléon, celui ci voulant mettre au pas le Portugal pour avoir refusé de participer au blocus contre l'Angleterre : ce sera la guerre des Oranges de 1801.

     

    En 1807, rebelote, le Portugal refuse toujours de participer au blocus et Napoléon envoie des troupes pour occuper le pays. Mais pour ce faire il passe par l'Espagne. Or les troupes françaises se conduisent comme des rustres et pillent les villages espagnols, ce qui ne fait qu'attiser la haine de la population à leur égard. En parallèle, Napoléon tente de profiter de la situation politique chaotique de l'Espagne pour s'immiscer dans les affaires du royaume. Et alors que l'armée napoléonienne occupe Madrid, la population se soulève; cette révolte embrase le pays quand le roi d'Espagne abdique sous la pression de Napoléon au profit de son frère Joseph. La rébellion espagnole sera écrasée dans le sang par Murat. Violence que représentera Goya dans sa peinture.

     

    Francisco De Goya - Tres de Mayo - 1814

    Musée du Prado - Madrid

     

    Et c'est ainsi que la guerre d'indépendance espagnole commença. Elle dura 6 ans et fut un désastre pour Napoléon qui l'avoua d'ailleurs à Sainte Hélène : "cette malheureuse guerre d'Espagne a été une véritable plaie, la cause première des malheurs de la France".

    Entre temps, le Portugal qui est lui aussi occupé par Napoléon qui ne lui pardonne pas son manque de coopération dans le blocus international, recevait de l'aide de l'Angleterre.

    C'est ainsi qu'une coalition Espagne/Portugal/Angleterre va se former contre Napoléon dans cette guerre d'indépendance.

     

    L'assaut de la caserne de Monteleon, 1808 - Joaquin Sorolla (1886)

    Musée Victor Balaguer, Vilanova, Catalogne

     

    En décembre 1809, Napoléon prend le contrôle de la Catalogne qui sera annexée à l'empire le 26 janvier 1812 et le restera jusqu'au 10 mars 1814. Ce territoire sera divisé en 4 départements :

    - les Bouches de l'Ebre avec Lleida comme préfecture

    - Montserrat avec Barcelone comme préfecture

    - Sègre avec Puigcerdà

    - Ter avec Gérone

     

    Mais les Français vont perdre du terrain et en quelques semaines, de mai à juillet 1813, Joseph Bonaparte et son armée reculent jusqu'aux Pyrénées. Napoléon n'eut d'autre choix que d'accepter par le traité de Valencay le retour de Ferdinand VII dans son royaume.

    Début 1814, la Catalogne est reconquise par les Espagnols. La guerre d'Espagne s'achève mais à l'inverse, débute pour les Hispano Britanniques, la campagne de France qui allait amener la chute de Napoléon.

     

    Scène de la campagne de France - 19ème siècle - Horace Vernet

     

    Et c'est ainsi que l'on se retrouve quelques mois plus tard en ce jour de Pâques, le dimanche 10 avril 1814, à Toulouse ...

     

    La bataille de Toulouse 

    La bataille s'est déroulée le dimanche 10 avril 1814 de 6h à 21h et opposa les troupes françaises  commandées par le maréchal Soult aux troupes anglo hispano portugaises menées par le duc de Wellington.

    L'armée française comptaient à peu près 42 000 hommes contre 52 000 pour les coalisés. Le nombre exact est difficile à déterminer car il varie selon les sources mais ce qui est sûr c'est que les coalisés sont supérieurs en nombre.

    A noter que parmi les Français se trouve Louis Joseph Hugo, chef d'état major de la 1ère division d'infanterie de l'armée des Pyrénées, dont le neveu, Victor, n'a alors que 12 ans.

    7 956 soldats seront mis hors de combats dans les deux camps (dont 975 morts) à la fin de la journée selon les comptages. 

     

    Quelle est la situation de Toulouse en 1814 ?

    La ville compte près de 65 000 habitants et constitue la base arrière de l'armée. Elle abrite des casernes, la poudrerie impériale sur l'ile de Tounis, fond depuis 1793 des canons dans l'ancien couvent de Sainte Claire des Salins à l'emplacement de l'actuel Institut catholique, fabrique des armes à l'Arsenal (ancien couvent des Chartreux, rasé en 1960, il ne reste que les vestiges du cloître aujourd'hui) depuis 1792 et organise le ravitaillement des troupes depuis le Lauragais et le piémont ariégeois.

     

    Elle est entourée d'un rempart médiéval en piteux état, avec tours et portes fortifiées et s'étend sur la rive droite à l'intérieur des actuels boulevards, sur la rive gauche à l'intérieur des allées Charles de Fitte; des embryons de faubourgs à Guilheméry, aux Minimes, et à la Patte d'Oie complètent la physionomie de la ville.

     

    Toulouse en 1870 mais cela permet de situer les différents sites, quartiers, faubourgs de la ville

    A consulter avec zoom sur ce lien : https://www.visites-p.net/ville-histoire/toulouse-01.html#b

     

    En 1814, les remparts ne sont plus que l'ombre d'eux mêmes : mal entretenus, crevassés, envahis par des constructions civiles : l'enceinte de Saint Cyprien par exemple "ne consiste plus guère qu'en un mur d'octroi percé de deux grilles, l'une à la barrière de la patte d'oie, l'autre à l'extrémité du Cours Dillon".

    Une partie des remparts a qui plus est été détruit pour laisser place au boulevard Saint Cyprien de la place du Fer à cheval à la place Roguet et à l'allée de Garonne de la place Roguet au pont des Amidonniers.

    Les fossés étaient en partie comblés, et des maisons avaient été adossées aux murailles; d'autres, bâties sur le terrain de l'ancienne contre-escarpe masquaient près de la moitié de l'enceinte, qui conservait néanmoins un terre-plein, ou terrassement, trèslarge , de la Porte du Bazacle, ou de Saint-Pierre, jusqu'à la Porte de Las-Croses, et de celle d'ArnaudBernard jusqu'à la Porte-Neuve.

    Toulouse c'est aussi de l'eau : en plus du fleuve, elle est entourée de rivières et de ruisseaux : le Touch, l'Hers, la Save, la Louge, la Lèze, l'Hyse, l'Aussonnelle, la Sauve, le Girou, la Sausse, la Pichounelle, la Marcaissonne, la Seillonne plus le Canal du Midi et le canal de Brienne.

     

    Carte de Toulouse en 1815 par Vitry à consulter sur :

    https://www.archives.toulouse.fr/documents/10184/405363/20Fi13.jpg/0e37e64c-db58-4cf6-ad17-2725221a1d04?t=1535095546234

     

    Quant à la population toulousaine, elle est a priori plus royaliste que partisane de l'empereur et souffre du blocus continental; par ailleurs elle commence à connaitre les atrocités commises par les Français en Espagne et de ce fait ne montre guère de motivation à venir en aide aux troupes françaises.

     

    Les magasins sont fermés, les affaires commerciales, l'activité des administrations et des tribunaux sont suspendues. Les plus riches propriétaires de la ville sont partis. Les rues vont bientôt être encombrées par les voitures d'artillerie sortant de l'Arsenal, les fantassins, les cavaliers

     

    Toulouse en 1839

    Il s'agit de la plus vieille photo de Toulouse ; elle date de 1839 : un daguerréotype de l'opticien Antoine Bianchi (il avait ouvert un magasin rue de la Pomme) pris en haut du clocher des Jacobins : on voit le Capitole au 1er plan et derrière, la colline de Jolimont telle qu'elle était en 1814 c'est à dire sans habitations ainsi que le cimetière de Terre-Cabade.

    On voit en haut à gauche l'obélisque de Jolimont qui a été érigé le 28 juillet 1839 pour commémorer la bataille de Toulouse. C'est en effet à cet endroit notamment (appelé le Calvinet ou Mont Chauve) que s'est déroulée une partie de la bataille. La gare ne s'y trouve pas car elle ne fut inaugurée qu'en 1857avec la mise en service du tronçon ferroviaire Bordeaux Sète.

     

     

    Les différentes portes de Toulouse

     

    Situation de l'armée française et travaux de défense sur Toulouse

    Le 22 mars 1814 l'armée quitte Saint Gaudens et arrive le soir à Martres. Le 23 elle bivouaque dans la plaine de Noé; le 24 elle prend une position semi circulaire en avant de Toulouse, entre les Minimes et Montaudran et entre les allées Charles de Fitte et la Patte d'oie.  Malgré la pluie, "les différents mouvements de troupes avaient pour spectateurs plusieurs milliers d'habitants accourus sur les boulevards à la rencontre de l'armée".

    "Les Toulousains paraissaient saisis de respect et de recueillement à la vue de ces vieux débris des armées d'Espagne et du Portugal auxquels la fatigue de la campagne et la marche pénible du matin, au milieu de la pluie qui dégoutaient encore des armes et des vêtements n'ôtaient rien de leur mâle assurance".

    Soult décide de préparer la ville au siège   

     

    Ses officiers du Génie mettent en oeuvre la défense de la ville sur les deux rives de la Garonne reliées par le seul pont de Toulouse à l'époque, le Pont neuf.

     

    Des maisons furent utilisées pour y construire des plates formes ou y percer des embrasures destinées au tir de l'artillerie ou pour construire des redoutes, sortes de fortin destiné à l'artillerie notamment.

     

    Ils entourèrent par exemple d'une enceinte fortifiée les fermes Aurole et Chastel au nord et au sud de le chemin de Cugnaux : ce furent les redoutes Aurole et Chastel équipée chacune de 6 pièces d'artillerie.

     

    Idem pour la maison Rodolose qui s'élevait près de la route de Bayonne à 700m en avant de la Patte d'oie : elle fut entourée d'une redoute rectangulaire armée de deux pièces.

     

    Près de la caserne Pérignon, deux maisons surplombant la route de Castres (la maison Sacarin et la maison Cambon laquelle se trouvait à l'emplacement de l'actuel Caousou) furent entourées chacune d'une redoute terrassée.

     

    Voici quelques unes des redoutes que l'on pouvait trouver le 10 avril à Toulouse : la redoute Caraman sur le plateau de Montaudran entre la route de Caraman (ou de Castres) et le vieux chemin de Lasbordes, la redoute de la Sipière (qui n'a rien à voir avec la Cépière) à 500 mètres au sud est de la précédente, la redoute du nord et celle des Augustins sur le Calvinet, la redoute du Colombier près du chemin de la Gloire près de la route de Soupetard.

    Exemple de redoute (1900, redoute des Mattes près de Narbonne)

     

    Exemple de redoute adossée à une habitation : redoute de St Pierre près de Narbonne en 1900

     

    La porte Matabiau fut défendue par deux canons de 24 et deux mortiers de 32 cm.

    Entre les portes St Etienne et St Michel, on mit deux pièces pointées sur Montaudran.

    Au Pont des Demoiselles furent construits deux bastions et une courtine qui barrait la route de Revel.

    Le couvent des Récollets et la chapelle furent fortifiés en crénelant les murs, en barricadant les fenêtres et en cerclant le tout d'un fossé.

     

    Le livre de H. Geschwind et F. De Gélis détaille de façon très précise les travaux effectués afin de défendre la ville.

     

    Ces travaux gigantesques réalisés en quelques jours (entre le 24 mars et le 9 avrril) n'ont pas tous pu être menés à terme et ont demandé la réquisition de près de 1000 ouvriers par jour sur Toulouse et ses environs.

    Le 2 avril, Soult donna l'ordre suivant : "les habitants de la ville seront commandés pour être employés aux ouvrages de défense, chacun dans son quartier, particulièrement aux portes, aux ouvrages avancés et sur les remparts. Ils devront être munis d'outils; ils seront conduits par les commissaires de quartier qui en feront l'appel et resteront avec eux au travail et imposeront des amendes à ceux qui refuseront de s'y rendre".

     

    L'armement

    L’infanterie se sert encore du fusil à pierre du modèle de 1777 dont la portée utile tourne autour de 100 m sans dépasser 150m . S'il pleut, si c’est humide, impossible de tirer. Par ailleurs si un vétéran arrivait à tirer jusqu’à 6 coups par minute, un soldat moins aguerri n’en tirait que 2 ou 3. Dans les 2 cas la précision du tir restait médiocre.

     

     

    L’artillerie n’était pas plus performante et surtout très peu mobile ; il  fallait de 4 à 6 chevaux voir pour les trainer et souvent faute de chevaux on utilisait des bœufs. Ainsi à Véra, au passage de la Bidassoa par Clausel « les premiers obus de sa propre artillerie tombèrent au milieu de son infanterie aux applaudissements ironiques et joyeux des soldats anglais postés sur l’autre rive ».

     

    Le quotidien des soldats français

    Pour ne rien arranger, les soldats de Soult manquait de chaussures. Le 10 mars il écrivait au ministre que 2 à 3000 de ses hommes étaient pieds nus et il demandait à ses généraux à « requérir dans les communes où ils passent ou qui seraient à leur portée , des souliers pour être distribués aux soldats qui en manquaient entièrement , les communes devant être indemnisées par la suite ».

    En arrivant à Toulouse Soult vida les magasins pour remédier à cette situation.

    Et que dire de la charge du soldat français . Elle est trop importante : 60 livres. Le soldat anglais ne porte pas ses gamelles et sa marmite, il ne porte du pain que pour 3 jours, tout le reste est transporté par les animaux de bât : tente, ustensile de cuisine, provisions, etc.

    Le ravitaillement a toujours été une source de préoccupation pour les armées. Les troupes françaises ont pillé au cours de toutes leurs campagnes les villes et villages qu'ils ont traversés alors que les anglais avaient pour habitude de payer ce dont ils avaient besoin.

    De façon générale les Français réquisitionnaient tout ce dont ils avaient besoin sur leur passage : bois de chauffe, tonneaux, volailles, jambons, draps, charrettes, bois de charpente, bétail …

    Un arrêté du 7 avril 1814 stipulait que le département de la Haute Garonne devait fournir à l’armée d’Espagne 4 000 quintaux métrique de grains, 100 de sel, 200 de légumes,  40 000 l d’eau de vie.

     

    Nicolas Jean-de-Dieu Soult (1769-1851), Maréchal d'Empire et duc de Dalmatie

    de Louis Henri de Rudder

     

    Prise en charge des blessés

    Toulouse était en capacité de recevoir près de 1500 malades et blesséa.

    Les évacuations de blessés et malades se faisaient par les lignes d’étape sur la route d’Auch ou celle de Saint Gaudens, par voiture de roulage ou par charrettes à bœufs.

    Toulouse comptaient comme hôpitaux La Grave (900 places),  l’Hôtel dieu St Jacques (400 places), l’Hôpital militaire (400 places)  mais ce ne fut pas assez et furent créés des hôpitaux temporaires : dans la caserne de passage Guibal, au bd Lascrosses (400 places) et dans le dépôt de mendicité de St Cyprien (300 places).

     

    La Grave

     

    S’y ajoutèrent l’ancien couvent de la Visitation de la bienheureuse Vierge Marie fondé en 1646 à la porte Saint-Étienne au 41 de la rue Rémusat (aujourd'hui remplacé par Primark), l’ancienne manufacture Boyer Fonfrède au Bazacle et l’ancien réfectoire des Jacobins 69 rue Pargaminière.

     

    Réfectoire des Jacobins

     

    Ceci étant, les Toulousains, malgré leur hostilité envers les armées françaises, vont venir en aide aux blessés : un témoin des faits écrira que "toutes les maisons de Toulouse étaient autant d'hospices ouverts aux malheureux blessés".

    Soult a également prévu et organisé un transport des blessés et malades par eau de Toulouse vers Castelnaudary et le Lauragais tant pour désencombrer au fur et à mesure les hôpitaux qu’en cas de retraite. Aussi tous les magasins et bâtiments de l’administration ont été réquisitionnés ainsi que les bateaux existants sur le canal, les chevaux pour les tirer, des brancards et des paillasses.

     

    La bataille ( le livre de H. Geschwind et F. De Gélis détaille très précisément les différentes étapes de cetet bataille)

    Le 25 mars, les coalisés arrivant par le chemin de Boulogne, et donnent l’assaut sur Tournefeuille. Les divisions napoléoniennes se replient sur Saint-Cyprien.

    Le 28 mars un détachement ennemi remonte jusqu'à Roques. Dans la nuit du 30 au 31 mars une partie de l'armée britannique remonte l'Ariège jusqu'au pont de Cintegabelle, l'avant garde poussant dans la direction de Villefranche.

    Le 4 avril les troupes ennemies changent de position et se dirigent vers Blagnac par Cugnaux, Tournefeuille, et la vallée du Touch. 

    Le 8 avril Grisolles, sur la route de Montauban est occupé par Welligton. Des reconnaissances de cavalerie furent envoyés vers Lalande, Croix Daurade et Balma.

    le 9 avril Soult fit sauter les ponts de Balma et de Lasbordes

    La Ville Rose est entourée notamment au niveau de St Cyprien, des Minimes, de la vallée de l'Hers, de Croix Daurade et la bataille s’engage le 10 avril dès 6 heures avec trois coups de canon tirés depuis Croix-Daurade, d’où les Anglais partent sur Le Calvinet ou Mont Chauve ou encore Mont Rave (site aujourd'hui appelé Jolimont).

     

     

     Vues de Toulouse et certains des sites indiqués dans l'article

     

     

    Les anglais s’élancent dans le même temps vers le faubourg Saint Cyprien mais sont arrêtés aux actuelles allées Charles de Fiite. Les combats sont rudes devant le mur d’enceinte, à l’angle de la rue Varsi et des allées Charles-de-Fitte. Les coalisés massés devant l’actuel musée des Abattoirs, canardent les Français perchés sur les redoutes et le mur d’enceinte. 

    Les Espagnols échouent au pont Matabiau et au Calvinet. Les anglais arrivent à rejoindre la route de Castres malgré l'inondation de l'Hers et attaquent en donnant l'assaut à la redoute de la Sipière.

    Il faut se rappeler que les lieux de l’époque ne correspondent en rien à ce que nous connaissons aujourd’hui : à la place du tissu urbain dense que nous connaissons entre l’Hers et la butte de Jolimont se trouvait en 1814 la campagne (voir la photo de 1839 plus haut). Les soldats avançaient donc à découvert. La bataille qui s’est déroulée notamment entre la rivière l’Hers et la colline de Jolimont s’est donc déroulée en rase campagne dans des conditions difficiles, avec des rivières en crues et des sols gorgés d’eau rendant la progression des troupes compliquée.

    Dès 9h les Espagnols lancent un assaut depuis le pont de Périole (le pont qui traverse aujourd’hui l’Hers en direction d’Auchan-Gramont), vers les hauteurs de Périole. Ils sont décimés par l’artillerie française.

    Les Ecossais attaquent à ce moment les Ponts Jumeaux qui sont défendus par 300 soldats et 5 canons : c’est un nouvel échec. Au milieu des soldats, sur le pré aujourd’hui recouvert par le périphérique et le skatepark de l’Embouchure, tombe le lieutenant écossais Thomas Forbes, l’aïeul du fondateur du magazine économique du même nom.

    Après la bataille, ses camarades l’enterrent dans les jardins du château du Petit-Gragnague. Dans les années 1960, on déplacera ses restes pour faire de la place au Stade Toulousain tennis club. Il repose depuis au cimetière de Terre-Cabade et partage la sépulture de Hunter.

    Les suites de cette attaque des Ponts Jumeaux est relatée notamment dans le récit d’un officier du 45th The Sherwood Foresters : « toutes les maisons et chaumières sont pleines de blessés de la 3ème division. Nous entrons dans la pièce où le pauvre Little du 45th agonise. La scène est poignante, la brigade a établi son bivouac derrière un grand château vide car on a donné des ordres pour que les tentes et les bagages arrivent de l’arrière. Je demeure avec eux jusqu'à 22h et puis je retourne au camps. J'essaye de retrouver l'ordonnance blessée de Barnwell dans un hôpital installé dans une grande maison abandonnée où le spectacle est encore plus pénible. Plusieurs de ses malheureux garçons sont morts et d'autres agonisent tandis que le vent sifflant dans des tonnelles semble se moquer des gémissements de ces malheureux...".

    À 10h, après avoir repoussé une offensive française, les Britanniques lancent des assauts sur les positions françaises et atteignent le Calvinet (juste en dessous du Jolimont actuel) et tentent de percer les défenses françaises situées entre la colline et l’enceinte médiévale. Mais ils sont repoussés par une contre-attaque menée par Darmagnac et Soult.

    À la mi-journée, les Espagnols tentent toujours de contourner les défenses par Montaudran tout en maintenant une forte pression sur Jolimont. 

    La position des Français devient critique en début d’après-midi puisque l’armée de Soult est menacée d’encerclement. Si bien que vers 16h, le maréchal Soult ordonne l’évacuation définitive des positions du Calvinet pour se retirer derrière le canal du Midi. 

    Les Français racontent :

    "Après l’évacuation (du Calvinet), les Espagnols et les Portugais s’emparèrent des retranchements inférieurs délaissés qui enveloppaient la base du Calvinet, où il n’y avait plus personne. C’est alors qu’ils purent juger de la grandeur des sacrifices qu’ils avaient faits, par le nombre de cadavres dont cette pente, qu’ils furent obligés de traverser, était couverte"

    "Un témoin oculaire qui visita la pente de la montagne du côté de la Ville, l’après-midi vers le soir, estima que le nombre des blessés dont le champs de bataille était couvert à ce moment pouvait se porter à 1 500. Les tertres, les chemins creux en étaient comblés, tant des nôtres que de ceux de l’ennemi; mais celui-ci surtout semblait , avoir semé les siens depuis Croix-Daurade, Lapujade, la vallée de l’Ers, Montaudran et le Pont des Demoiselles, jusque à l’embouchure du canal; et de là, au sommet du Calvinet comme s’il avait voulu avec les traces de son sang marquer toute l’étendue du terrain qu’il avait parcouru".

     

    il est environ 21h quand les combats s’arrêtent.

    "A neuf heures du soir les pièces du pont des Demoiselles, commandées par le lieutenant Marcoux, terminèrent la fatale journée par urne dernière explosion qui sonna la retraite; et avertit ceux qui n’étaient ni morts ni blessés de préparer leurs armes pour  le lendemain. Cependant, les Français avaient besoin de prendre quelques moments de repos pour se refaire de tant de fatigues de toute espèce, un grand nombre d’entre eux s’étant battus à jeun; et de son côté l’ennemi avait trop de morts et de blessés pour pouvoir recommencer au jour la même scène. La Ville néanmoins était dans l’effroi, les Anglais se vantant sur toute la ligne d’avoir les moyens de l’incendier avec leurs fusées à la Congrève (du nom de l’inventeur - Ça ne fait pas beaucoup de dégâts mais ça effraie les chevaux et les soldats sans expérience. Avec ces fusées, les Anglais ont fait fuir des régiments entiers de conscrits à Saint-Cyprien et surtout à l’emplacement de la Cité de l’Espace). C’était pour en terrifier les habitants et les soulever contre l’armée. Ils ont ensuite nié qu’ils en eussent l’intention, ni même que la chose fut possible".

    Les Français se sont regroupés du côté du faubourg Saint-Etienne et préparent leur départ de la ville : ils partiront dans la nuit du 11 au 12 avril. L’armée de Soult, sauf les blessés intransportables quittent Toulouse pour Avignonet-Lauragais puis Castelnaudary d’où le maréchal Soult a finalement signé l’Armistice le 18 avril.  

    Le 12 avril, Wellington entre triomphant dans Toulouse accueilli sous les acclamations des royalistes qui firent allégeance à Louis XVIII lors du conseil municipal tenu le même jour.

     

    Le 19 avril, Soult faisait paraître l'ordre du jour suivant :

    "La Nation ayant manifesté son voeu sur la déchéance de l'Empereur Napoléon et le rétablissement de Louis XVIII au trône de ses anciens rois, l'armée, essentiellement obéissante et nationale, doit se conformer au voeu de la Nation. Ainsi au nom de l'armée, je déclare que j'adhère aux actes du Sénat-conservateur et du Gouvernement provisoire relatifs au rétablissement de Louis XVIII au trôn de St Louis et de Henri IV et que nous jurons fidélité à Sa Majesté.

    Au quartier général à Castelnaudary, le 19 avril 1814

    Le Maréchal, Duc de Dalmatie"

     

    Qui a gagné ?

    Victoire à la Pyrrhus ou coup nul !

    En tout cas, totalement inutile, puisque Napoléon Ier avait abdiqué quatre jours plus tôt, le 6 avril ... Soult et Wellington ne l'apprirent que le 12.

    Il est évident que la ville n'a pas été prise d'assaut, Soult a pu évacuer ses blessés, ses armes, son matériel. Son armée a eu moins de pertes que chez les coalisés donc on pourrait imaginer une victoire française.

    D'un autre côté, Wellington est entré dans Toulouse en libérateur.

    Depuis 1814, les avis divergent sur la question !

     

    Toulouse pendant cette journée : "Les citoyens, épouvantés dès les 1ers coups de canon, se cachèrent au fond  de leurs maisons dont les portes restèrent fermées [...] Remis de la première frayeur, ils accourent dans les rues et sur les places, plusieurs se portent sur les remparts, un petit nombre va même explorer le champ de bataille. Mais la majeure partie, penchée sur les toits et les clochers attend avec impatience l'issue de cette effrayante lutte".

     

    Les dégâts

    - 60 maisons furent brûlées, 85 endommagées

    - 200 dossiers de demandes de dédommagement pour 178 propriétaires

    - L’état récapitulatif des pertes se monte à 103 450 francs

     

    Commémoration de la bataille

    Depuis le 24 juillet 1839 se dresse, dans le parc de la Colonne, un obélisque commémorant la bataille de Toulouse.

    Cet obélisque construit de 4,50 mètres de côté et de 32,60 mètres de haut, avec une échelle intérieure, permettait à l’époque d’avoir une vue complète sur le champ de bataille et sur les buttes des redoutes

     

    Obélisque de Toulouse, Jolimont

     

    Epilogue

    Le 28 juin 1838, à Westminster, Soult et Wellington se retrouvent pour un banquet célébrant le couronnement de la reine Victoria. Lorsqu’on demande à Wellington s’il ne voit pas d’inconvénient à avoir Soult comme voisin de table, il répondra : “Je préfère l’avoir à côté qu’en face.”

     

    Sources

    Précis historique de la bataille de Toulouse livrée le 10 avril 1814, entre l'armée française, commandée par le maréchal Soult, duc de Dalmatie et l'armée alliée sous les ordres de Lord Wellington, éd. Delboy, Toulouse, 1852 de Alexandre de Mège 

    La bataille de Toulouse de 1814 de H. Geschwind et F. De Gélis

    Toulouse une métropole méridionale – 20 siècles de vie urbaine de Jean Paul Escalettes

    10 avril 1814, la bataille de Toulouse de Jean Paul Escalettes

     

    Un article  de 2021 sur la bataille de Sébastien Vaissière (photo : Rémi Benoit et illustrateur ; Laurent Gonzalez) sur le site : https://www.boudulemag.com/2021/05/la-bataille-de-toulouse-de-1814-un-choc-pour-l-honneur-napoleon-et-nous/

     

    Sur les armes : http://armesfrancaises.free.fr/fusil%20d%27infanterie%20Mle%201777%20an%20IX.html

    https://www.musee-armee.fr/fileadmin/user_upload/Documents/Support-Visite-Fiches-Objets/Fiches-Louis-XIV-Napo-Bonaparte/MA_fusil-1777.pdf

     

    Cartes de Toulouse

    https://www.flickr.com/photos/archives-toulouse/albums/72157664247082820/with/25111159875/ différentes cartes de Toulouse sur plusieurs siècles

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8441589z/f1.item.zoom : carte fin 18ème

    cartes de Toulouse à consulter sur : https://www.archives.toulouse.fr/histoire-de-toulouse/patrimoine-urbain/plans-anciens/plans1772_1847

    « Comment survivre quand on est pauvre aux 18 et 19ème siècles ?Old maps online »

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