• Etuves et bains publics

     

    Etuves et bains publics

     

    Les bains publics et les étuves du Moyen Age sont peut être l’héritage des thermes de l’Antiquité mais plus sûrement les croisés ont ramené cet art de vivre de leur séjour en Orient.

    On va d'abord se contenter de s'immerger dans de grandes cuves remplies d'eau chaude. et à la fin du 13ème siècle apparaissent les premiers bains saturés de vapeur d'eau.

    Ces établissements sont construits à peu près sur le même schéma : une cave avec des fourneaux en brique, un rez de chaussée divisée en deux grandes pièces : l’une contient une ou plusieurs cuves en bois pour une ou plusieurs personnes. L’autre contient la salle d’étuve dont le plafond est percé de trous au travers desquels s’échappe l’air chaud, des gradins et des sièges. Aux étages il y a les chambres …

    A Paris en 1292 on dénombre 27 établissements.

    Ils se situent généralement dans les rues appelée rue des bains ou rue des étuves, elles sont situées près des points d’eau et proches de lieux fréquentés, comme le marché, la cathédrale, une rue passante, ou encore aux portes de la ville

    À Rodez, des étuves sont mentionnées dans les archives en 1413 rue de la Penavayre, située près de la maison commune et du portail de Penavayre, faisant la jonction entre le Bourg et la Cité.

    A Toulouse, les bains se concentreraient, selon Jules Chalande (dans son ouvrage « Histoire des rues de Toulouse »), dans la rue du Pont-de-Tounis, appelée au XIIIe siècle, rue des bains de la Dalbade. Un peu plus loin, il existe deux étuves rue du Comminges, révélées par le cadastre de 1478, et mentionnées dans une lettre de rémission de 1463.

    Enfin, des étuves se situeraient également dans le quartier du Bazacle, près de la Garonne : le capitaine du guet, après avoir été réprimandé par les capitouls pour protéger des gens malfamés, avoue avoir vu des personnes s’ébattre dans l’une d’elles : « Et car ledit capitaine a dit et confessé en ladite court avoir esté une nuit ès estuves du Basacle de ladite ville et y avoir trouvé Maturin Besson, ung nomme Godefroy de Billon, et l’abbé du public couchez chacun avec une femme dissolue et car ilz fuerent ne les avoir point prins ne mennez en prison la court a ordonné que lesdits capitaine Maturin Godefroy et abbé seront mis en la Conciergerie ».

    Chartres en comptait 5.  

    Ces établissements sont extrêmement florissants et rapportent beaucoup d'argent. Dans plusieurs villes de France, certains d'entre eux appartiennent même au clergé !

     

    Etuves et bains publics

    Valerius Maximus - Facta et dicta memorabilia - fin 15ème

     

    Les bains publics ne sont pas tenus par n’importe qui : les étuviers sont constitués en corps de métiers, et leurs prix sont fixés par le prévôt de Paris. Il leur incombe d'entretenir leurs étuves puisque dans leurs statuts, il est écrit que "les maîtres qui seront gardes du dit métier, pourront visiter et décharger les tuyaux et les conduits des étuves, et regarder si elles sont nettes, bonnes et suffisantes, pour les périls et les abreuvoirs où les eaux vont"

    Ils doivent observer certaines règles comme fermer le dimanche ou ne pas accepter les malades.

    Les étuviers s’occupaient de chauffer l’eau et, quand elle était prête, des crieurs annonçaient l’ouverture des bains

     «Seigneur qu’or vous allez baigner
    Et estuver sans délayer ;
    Les bains sont chauds, c’est sans mentir… »

     

    Une séance d’étuve pouvait être offerte comme pourboire à des artisans, domestiques ou journaliers : « à Jehan Petit, pour lui et ses compagnons varlets de chambre, que la royne lui a donné le jour de l’an pour aller aux estuves : 108 s. »

    Les tarifs vont varier en fonction des options que l'on va prendre : bain en cuve, massage, vin, repas, lit car en effet on ne fait pas que s'y baigner ... Ainsi le livre des métiers d'Etienne Boileau au 13ème siècle nous renseigne sur le prix de ces établissements :

    « Et paiera chascunne personne, pour soy estuver, deus deniers ; et se il se baigne, il en paiera quatre deniers » mais s'estuver et se baigner coûte huit deniers.

    Dürer lors de son voyage dans les anciens Pays Bas au début du 16ème indique dans son journal des dépenses : « Aix la Chapelle dépensé au bain avec des camarades : 5 deniers ».

     

    Etuves et bains publics

    Bains publics de Pouzzoles - Italie - 12ème

     

    A noter que le salaire d'un ouvrier qualifié était de 10 à 11 deniers par jour à la même époque (voir site plus bas)

     

    L’étuve est un moment finalement banal dans le quotidien, associé à des pratiques ludiques comme jouer aux cartes ou s’adonner à des activités plus charnelles.

    On y converse, on y traite ses affaires et on se restaure en bonne compagnie

     

    Etuves et bains publics

     Même les clercs ...

     

    Mais il est vrai que certaines  étuves devinrent même d’aimables maisons de passe. Ainsi l’étuve de Jehannotte Saignant est pourvue en 1466 de « jeunes chambellières de haute gresse ».

     

    Etuves et bains publics

    Miniature du Maître de Dresde - Valerius Maximus - Facta et dicta memorabilia - v. 1480

     

    En tous les cas se baigner dans des cuves d’eau chaude aromatisée constituait un véritable art de vivre associé à d’autres voluptés, comme l’évoque cet extrait d’un rondeau du poète Charles d’Orléans (1394-1465) ou même le Roman de la Rose :

    « Et on y boit du vieux et du nouveau,
    On l’appelle le déduit de la pie ;
    Souper au bain et dîner au bateau,
    En ce monde n’a telle compagnie. »

    L’écolier de mélancolie, Rondeau LXV, 1430-1460

     

    Etuves et bains publics

    Les dits de Watriquet de Couvin - v.1300

     

     « Puis revont entr’eus as estuves,
    Et se baignent ensemble ès cuves
    Qu’ils ont es chambres toutes prestes,
    Les chapelès de flors es testes »

     Le Roman de la Rose, vers 11 132 et suiv. (fin du 13ème siècle).

     

    Philippe de Bourgogne au début du 15ème siècle louera pour la journée la maison de bains de Valenciennes dans le Nord avec les filles de joie pour mieux honorer l’ambassade anglaise venue à sa rencontre.

    Etuves et bains publics

    Valerius Maximus - Facta et dicta memorabilia - fin 15ème

     

    A la fin du 14ème les étuves commencent à séparer les sexes

    Les officiers municipaux d’Avignon interdisent en 1441 l’entrée des étuves aux hommes mariés.

    A Toulouse, en 1477, le Parlement condamne Jacques Roy, un étuviste, pour avoir abrité des prostituées : « Il sera dit que la court mete l’appelant et ce dont a esté appellé au neant et au surplus veues ces confessions dudit prisonnier et les confrontations des tesmoins faictes en ladicte court dit sera que pour reparation des rufianage vie deshonneste dont a usé icelui prisonnier ès estuves dudict Thoulouse et ailleurs la court le condamne à fere tout nu le tours par les rues acostumées de la ville de Tholoze et aussi par devant les maisons de bains et estuves et en ce fait est banni et fustigué et sera banny et le bannist la court de toute la ville et viguerie de Tholoze jusques à ung an et l’absoult ayant esgard à son vieulx aage et aussi pour contemplation de ses femme et enfans de plus grand peine par lui defunt. Et enjoin ausdict capitoulz qu’ilz gardent et facent diligence que esdicts bains et estuves ne aillent en ladicte vie dissolue et facent bonne justice de autres personages nommes en proces » .

     

    La licence sexuelle et la promiscuité qui règnent au sein des bains ont contribué à la fin de ces établissements : en effet, c’est le lieu idéal pour répandre les maladies vénériennes et les épidémies.

    En 1573, Nicolas Houel, apothicaire de Paris, tint les étuves pour responsables de nombreuses contaminations. Ce dernier écrivit dans son traité de la peste : « Bains et étuves publiques seront pour lors délaissés, pour ce qu’après les pores et petits soupiraux du cuir, par la chaleur d’icelle, sont ouverts plus aisément, alors l’air pestilent y entre ».

     

    En plus au 16ème siècle, l’église y met sérieusement son nez et sa morale : l’eau est source de plaisir donc c’est immoral. Se laver va devenir de plus en plus rare voire interdit par les instances ecclésiastiques et médicales, l'eau étant dangereuse en plus d'être pernicieuse.

    A Dijon la dernière des 4 étuves est détruite au 16ème siècle (La plus réputée se situait dans le quartier de la paroisse Saint-Jean. Une autre, celle du Vert-Bois, était connue dans l’actuelle rue Verrerie).

    Etuves et bains publics

    Pas loin de la cathédrale Ste Bénigne - Dijon

     

    Le « livre commode des adresses » ne recense plus à Paris en 1692 qu’un tout petit nombre de bains publics dont un bain de femmes rue Saint André des Arts.

     

    Etuves et bains publics

     

    Au 17ème siècle il reste encore des établissements mais plutôt destiné à la noblesse, tenus par un baigneur et leur visite reste quand même peu fréquente : avant un mariage ou un rendez vous galant ou pour y cacher des amours secrètes …

    Il faudra attendre le 18ème siècle et surtout le 19ème pour qu'enfin, timidement, la propreté et l'hygiène passent à nouveau par l'usage de l'eau ...

     

    Sources

    http://medieval.mrugala.net/

    Espaces et pratiques du bain au Moyen Âge de Didier Boisseuil

    Le propre et le sale de Georges Vigarello

     

     

     

     

    « Vies oubliées - Au coeur du 18ème siècle - Arlette FargeLa grippe espagnole 1918/1919 »

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