• La vie d'un simple d'Emile Guillaumin

     

    La vie d’un simple d'Emile Guillaumin

    La vie d’un simple, publié en 1904, n’est pas une autobiographie, mais un vrai roman sur la vie paysanne en France dans la seconde moitié du XIXe siècle.

    Criant de réalisme, on parcourt la seconde moitié du 19ème siècle avec Etienne Bertin, dit Tiennon, paysan du Bourbonnais qui nous conte ses peines et ses joies, ses espoirs et sa vie de tous les jours. On comprend mieux la dureté de la vie paysanne : un métier rude, soumis aux aléas climatiques et au bon vouloir des propriétaires fermiers, une vie sans grand espoir d’évolution sociale ou même simplement d’amélioration du quotidien. Mais une vie émaillée malgré tout de petits instants de bonheur, certes rares et fugaces mais vivifiants.

    Guillaumin nous montre très bien que les paysans, du moins les journaliers et les métayers sont trop pauvres pour s'instruire – l’école n’est pas encore gratuite et obligatoire pour Tiennon. Leurs maîtres ne veulent de toute façon pas qu'ils s'instruisent , à quoi cela leur servirait il? De ce fait, ils sont analphabètes, comptent mal, se font avoir … ; ils sont corvéables à merci, vivent dans des taudis et peuvent être renvoyés au bout de quelques années de bail et de bons et loyaux services à la moindre contestation tout à fait légitime !

     

    La vie d'un simple d'Emile Guillaumin

    Léon Lhermitte La Paye des moissonneurs 1882
    Huile sur toile RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
     

    On se rend compte aussi que s’ils n’ont pas la santé, ils sont une charge pour la famille et meurent très vite dans la plus grande misère, que le médecin est coûteux et qu’ils ne font appel à lui qu’en toute dernière extrémité et souvent bien trop tard. 

    Le travail des enfants est une triste réalité que Tiennon déplore d’ailleurs mais comment faire autrement ? Guillaumin nous montre une amélioration timide à ce sujet grâce à la loi de 1841 puis celle de 1882 mais loin d’être suffisante…

    La révolution de 1848 et la guerre de 1870 sont évoquées en filigrane; l'avènement de la République suscite des espoirs chez certains mais qu'en reste il au bout du compte?

    Enfin le livre nous montre le l’arrivée du train puis de l’automobile et le sentiment mitigé que ce progrès suscite auprès des paysans ainsi que les nuisances que cela entraine fatalement. On voit l'avancée de l'industrialisation et l'exode rural qui s'ensuit. Tous ces bouleversements que Tiennon subit de près ou de loin.

     

    A lire et relire pour mieux appréhender le quotidien de nos ancêtres paysans.

     

    Ce livre fut un événement à la fois littéraire et sociologique car pour la première fois un paysan accédait à la littérature et évoquait la réalité du quotidien par la voix de son protagoniste principal, un petit paysan du nom de Tiennon, métayer de son état. Emile Guillaumin est lui-même paysan dans ce même bourbonnais et syndicaliste agricole ; il a écrit son livre en s’inspirant des diverses personnes qu’il a côtoyées dont un voisin qui servit de modèle pour le personnage de Tiennon.

    « Le père Tiennon est mon voisin : c’est un bon vieux tout courbé par l’âge qui ne saurait marcher sans son gros bâton de noisetier. Il m’a conté toute sa vie par tranches, elle n’offre rien de bien saillant : c’est une pauvre vie monotone de paysan, semblable à beaucoup d’autres. Il a eu ses heures de joies ; il a eu ses jours de peine ; il a travaillé beaucoup ; il a souffert des éléments et des hommes, et aussi de l’intraitable fatalité ; il lui est arrivé d’être égoïste et de ne valoir pas cher ; il lui est arrivé d’être humain et bon » 

     

    La vie d'un simple d'Emile Guillaumin

    Emile Guillaumin devant sa ferme à Ygrande dans l'Allier

     

    Né en 1873 dans l’Allier, Émile Guillaumin n’a jamais quitté son village d’Ygrande et la culture de ses trois hectares de terre. Cinq années d’école primaire lui ont fait découvrir une passion : l'écriture : il a écrit des poèmes en patois, puis des articles et des romans qui ont rencontré un vif succès.  La vie d’un simple a même été nommé au prix Goncourt 1904. Il mourra en 1951.

    L'ensemble de ses livres nous offre un témoignage précieux sur la vie rurale du 19ème et du début du 20ème siècle.

     

     

    A NOTER

    Le "métayage" est le nom que l'on donne à la location d'une propriété rurale sous la condition que le métayer en partage les récoltes avec le bailleur.

    Les métayers possédaient une compétence technique, ils pouvaient détenir du matériel agricole et une partie des animaux mais pas systématiquement. En tous les cas ils disposaient rarement de l’ensemble de leur capital d’exploitation : bœufs et moutons leur étaient loués par le propriétaire, avec partage de la moitié du croît (laine, toisons et agneaux pour les ovins,veaux et laitages pour les bovins).

    Toute la production du métayer était passée au peigne fin avant qu’il puisse disposer de sa part. Le métayer au final n’était pas libre de disposer de son bétail et il était assujetti à des charges importantes

    Les métayers se sont en fait appauvris tout au long du 18 et 19ème siècle ; d'ailleurs le personnage de Jacquou le Croquant souligne bien, sous la plume d’Eugène Le Roy, la détresse des métayers du Périgord, en cours de prolétarisation au début du XIXe siècle.

     

     

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