• Journal d'un curé de campagne au 17ème siècle - 7 - On était vraiment las d'être au monde

    "On était vraiment las d'être au monde"

    Au fléau décrit précédemment (les 30 000 florins qu’a dû payer Rumegies aux armes ennemies est venu s’ajouter une moisson déplorable : toutes les terres n'ont pu être ensemencées à l'automne de 1692 notamment en raison de la guerre. Les pluies de printemps reprennent et l'herbe étouffe les blés. Des processions se font un peu partout en France pour obtenir du beau temps mais fin juillet, les blés sont toujours verts et en retard d'un mois.

    Puis la chaleur éclate vers le 15 août et les blés prennent un « coup de chaud », le blé est perdu .La farine que l’on va en tirer  n’est en fait qu’une poussière noirâtre et nauséabonde.

    Le prix du grain augmente considérablement et la misère arrive avec son taux de mortalité qui s’élève d'une façon alarmante : en 1693 on compte 43 décès et l'année suivante encore 26.

    La grande famine de 1693/1694 s'installe. Voir aussi ici.

    Journal d'un curé de campagne au 17ème siècle - 7 - On était vraiment las d'être au monde

    Le paupérisme se développe, atteignant les deux tiers de la population. Voici le tableau désolant brossé par le curé : 

    « Quoy que les contributions eussent ruiné le païs, néanmoins on en avait encore sortie, quoy qu’avec bien de la peine ; mais le dernier des malheurs c’est que la moisson ensuivante fut entièrement manquée, et qui fut cause que le grain fut d’un grandissime prix. Et, comme le pauvre peuple était épuisé tant par les fréquentes demandes de Sa Majesté que par ces contributions exhorbitantes, ils devinrent dans une telle pauvreté qu’on la peut appeler famine. Heureux ceux qui pouvaient avoir un havot de seigle pour mesler avec de l’avoine, des poix, des fèves pour en faire du pain et en manger la moitié de leur soul. Je parle des deux tiers du village, s’il n’y en a pas davantage.

    […] On n’entendait parler pendant ce temps que de voleurs, que de meurtres, que de personnes mortes de faim (récit du paroissien mort d’inanition le 21 avril 1694). Il n’y a que celui-là qui est mort sitôt, faute de pain ; mais plusieurs autres et icy et aux autres villages en sont aussi morts un peu à la fois ; car on a vu cette année partout une grande mortalité (43 décès à Rumegies en 1693 et 26 l’année suivante). Dans notre paroisse seule, il est mort cette année plus de personnes qu’il n’en meurt en plusieurs années ; encore plus de personnes riches que de pauvres. On l’attribue et à la famine et à la peur qu’on a eu des ennemis lorsqu’ils ont forcés les lignes.

    On était vraiment las d’être au monde.

    Les gens de bien avait le cœur percé de voir la misère du pauvre peuple, un pauvre peuple sans argent et le havot de bled au prix de neuf à dix livres sur la fin de l’année, les pois, les fèves et l’avoine à proportion ; et encore que la récolte de mars (les grains semés au printemps : orge, avoine, escourgeon, riz, millet, panic, épeautre, sarrasin) fusse très abondante, l’avoine valait encore une pistole la rasière de Tournay.

    Cette année fut le tombeau de presque tous les ménagers qui n’avaient point de grain à vendre. Mais ce fut l’enrichissement des grands censiers qui pour la plupart avaient encore de vieux grains et qui ont fait des sommes immenses de leurs grains, qui rapportaient des charges d’argent quand ils allaient en ville avec une charretée de grain. »

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