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Odeurs corporelles au fil des siècles - 2ème partie
Comment lutter contre l’action des miasmes putrides à une époque où l’eau n’a pas bonne presse…
Avec l’utilisation des aromates, des résineux odorants, du vinaigre camphré notamment car l’odeur forte mais saine va constituer un barrage olfactif aux épidémies véhiculées par les odeurs putrides, et aux remugles malodorants
En 1800 on utilisait ces recettes contre les épidémies : « on portera à la main une éponge imbibée de vinaigre ou un citron piqué de clous de girofle ou une boule odorante qu’on sentira de temps en temps »
On fera flairer aux ouvriers chargés de curer les marécages des éponges imbibées de camphre.
Aux travailleurs de la pierre, Fourcroy, chimiste (1755-1809) leur demande de descendre dans les carrières « que munis d’une sacoche pendue à leur col dans lequel seront deux gousses d’ail pilées avec un peu de camphre » et « ils se frotteront le visage avec de l’eau de vie camphrée ou du vin aromatique »
On est tout de même au 19ème siècle et on ne se pose toujours pas la question de l’hygiène corporelle en utilisant l'eau ….
Quant aux maisons mal ventilées que l’on sait être un vecteur de contagion (là aussi il y a des odeurs domestiques repoussantes et délétères), comment les désinfecter ?
Lors de la peste de Marseille en 1720 la procédure consistait en 3 fumigations successives : la 1ère avec des herbes aromatiques, la 2nde avec de la poudre à canon, la dernière avec un mélange de drogues dont de l’arsenic.
On fait d’ailleurs de même sur les navires pour désinfecter les lieux rendus putrides par l’entassement des gens et animaux : brûler beaucoup de poudre dans l’entrepont et la cale pour qu’il y ait beaucoup de fumées purificatrice.
Un siècle plus tard, on a un peu plus de progrès en la matière : on va s’attaquer aux odeurs familiales engendrées par la promiscuité à l’intérieur même des maisons, à l’absence de pièce adaptée pour la cuisine …. il faut que les endroits où stagnent les puanteurs privées soient éliminés : chambre où l’on s’entasse, couloirs exiguës, humidité des sols non pavés, manque d’air et de lumière, et à la campagne promiscuité avec les animaux et la puanteur qui en découle, l’air des armoires qui attire les souris, le lit de plume considéré comme un réceptacle de toutes les odeurs, édredons, oreillers et couvertures, « pot-pourri d’émanations méphitiques », odeur du vase de nuit, odeur d’évier, de boites à ordure sans couvercle, odeur du linge lavé en train de sécher difficilement, odeur du poêle ou de la cheminée, odeur stagnante du lit fermé par des tentures, tapisserie poussiéreuse, bref des odeurs de moisi, de rance, de renfermé.
Voir également les articles sur l'habitat : les courées de Lille et les caves à Lille.
Intérieur paysan 19ème siècle
Intérieur ouvrier en Belgique début 20ème siècle
Intérieur ouvrier 19ème siècle
Il faut donc maintenant « remuer chaque jour draps, couvertures, matelas, traversins et pendant cette pratique établir un courant d’air dans l’appartement en laissant ouvertes les fenêtres opposées les unes aux autres » nous dit le médecin Charles Londes en 1827
Le matelas doit être battu chaque année pour le « débarrasser des substances animales putrescentes » ; ceci étant il existe encore des théories au début du 20ème pour affirmer les vertus vitalistes de l’air des étables ou sécurisantes de l’atmosphère familial ….
On va vouloir également concevoir des demeures tenant compte des progrès de l’hygiénisme : dans la maison de type lilloise décrite en 1894 par Alfred de Foville, économiste et statisticien français (1842-1913, tout est mis en place pour exclure les odeur importunes : « la cuisine, la laverie, les lieux d’aisance sont reléguées dans un bâtiment annexe et les odeurs malsaines qui s’en dégagent se perdent dans la cour et dans le jardin sans pénétrer l’habitation »
L'excrément et l'urine vont faire l'objet de nombreuses études tout au long su 19ème siècle (entre fascination et dégoût) et leur élimination tant du paysage urbain pour des motifs de salubrité publique que de nos intérieurs pour des motifs hygiéniques évidentes sera l’objectif absolu des hygiénistes du 19ème siècle (voir article sur les wc, latrines et autres lieux d'aisance).
Suite dans le prochain article ...
Sources
Exposition : Une France de taudis
Le Propre et le sale, l'hygiène du corps depuis le Moyen Age de Georges Vigarello
Le miasme et la jonquille de Alain Corbin
Egouts et égoutiers de Paris de Donald Reid
La civilisation des odeurs de Robert Muchembled
La sémiologie des odeurs au XIXe siècle : du savoir médical à la norme sociale de Jean-Alexandre Perras et Érika Wicky
L’hygiène sociale au XIXe siècle : une physiologie morale de Gérard Seignan
Les hygiénistes face aux nuisances industrielles dans la 1ère moitié du 19ème siècle de Jean-Pierre Baud
« Odeurs corporelles au fil des siècles - 1ère partieOdeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie »
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