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De la Maison commune au Capitole
Le Capitole de Toulouse se dresse à l’emplacement de ce que l’on appelait autrefois la Maison commune de Toulouse puis l’hostel de ville.
De cette première maison municipale ne reste aujourd’hui que le Donjon (l'ancienne tour des archives) datant du 16ème , les galeries de la cour Henri IV datant du 17ème , la façade du 18ème et la porte du petit consistoire datant de 1546
Donjon du Capitole, 1906
Revenons à notre maison commune.
Elle fut fondée en 1190 par les Capitouls mais on la mentionnera pour la 1ère fois sous cette appellation dans la chanson de la croisade des albigeois de 1216.
En 1190 donc les Capitouls achètent une bâtisse en bordure nord de l’ancien rempart romain appelé aussi mur sarrasin, à la jonction du bourg et de la cité, proche de la tour Charlemagne qui deviendra par la suite la prison communale. L’emplacement de cette tour est aujourd’hui matérialisé par un marquage au sol dans une allée qui va de la rue Lafayette au donjon du Capitole.
Le lieu retenu pour la maison commune est stratégique car loin du pouvoir comtal au sud (porte narbonnaise) et du pouvoir ecclésiastique à l’est (avec Saint Etienne) et en limite de la cité (la ville ancienne) et du nouveau bourg regroupant le quartier de st Sernin, le domaine des cuisines et le terroir de las crosses.
A noter que cette zone est tout proche de ce que l’on appellera plus tard le « quartier latin » toulousain.
Le plan de Toulouse ci dessous ainsi que le dessin un peu peu plus bas sont établis tel qu'on imagine Toulouse sous l'Antiquité : on peut y voir les 3 portes de la Cité et l'emplacement actuel de certains sites ce qui permet de visualiser mieux la ville au début du Moyen Age. La zone de la Porterie nous intéresse plus particulièrement ici.
Plan de Tolosa tiré de l'ouvrage de Jacques Frexinos
"Toulouse, histoire panoramique des origines à la révolution"
La Maison commune se situe juste en face de ce que l’on appelait au Moyen Age la Porterie. Il s’agit de l’une des 3 portes de la ville, celle au nord qui donnait accès à la route de Cahors, notre actuelle rue du Taur et la route d’Albi (actuelle route de Rémusat).
Aujourd’hui à l'emplacement de la Porterie nous avons notre place du Capitole.
Pourquoi ce nom de Porterie ? il s’agit de la déformation de Porta Arietis la porte du bélier; cette appellation nous vient peut être de l'antiquité si l'on en croit un morceau de bas relief avec un bélier trouvé lors des fouilles archéologiques de 1971 près de la tour ouest de la Porterie.
Ce n’est pas une simple porte, c’est en fait une forteresse avec deux tours de guet encadrant un bâtiment circulaire avec une petite cour centrale. Au début du Moyen Age cette forteresse existe toujours. Elle sera démolie avec le mur sarrasin au 13-ème siècle ou sera incorporée dans les maisons qui vont être construite à cet endroit, maisons qui seront à leur tour démolies au 18ème siècle lorsque l'on va dégager cet endroit pour en faire une place. Lors des travaux de 1729/1730 furent découverts en effet sous les maisons démolies les restes de la porterie :"c'est dans cette place et sous les maisons démolies en 1729 (...) qu'on découvrit la porte appelée porta Arietis (...) Dans le temps de cette démolition, on découvrit partie convexe d'une voûte environ trois pieds sous terre plus bas que le niveau de la place. On crut d'abord que c'en était une de cave ordinaire, parce qu'elle servait à cet usage. La pierre qui fut trouvée (...) excita les entrepreneurs de la démolition à pénétrer plus avant (...)Les deux côtés du passage étaient bâtis de gros quartiers de pierre (...) Le milieu de ce bâtiment, quoique presque entièrement dégradé de même que la voûte, était bâti de briques"; c'est ainsi que cette découverte fut racontée par Barnabé Farmian Durosoy, (1745-1792), journaliste et homme de lettres.
© Studio Différemment 2014 Illustrations : Jean-François Binet, Jean-François Péneau
Porte du bélier sous Auguste
4 = rempart
5 = passages latéraux
6= passage central
7 = cour
Vue des restes découverts au début du chantier du parking en 1970 : on voit bien comment était située la Porterie par rapport au Capitole à gauche
© Studio Différemment 2014 Illustrations : Jean-François Binet, Jean-François Péneau
2 et 3 = tour est et ouest
5 = cour circulaire centrale
4 = passages latéraux
Les fouilles de 1971 lors de la construction du parking sous la place du Capitole
Notre Maison commune va tout au long des siècles s’agrandir au grès des achats de bâtisses diverses et changer de nom ... En effet au 16ème siècle les Capitouls engagent des travaux pour agrandir ce qu'ils vont appeler désormais le Capitole : en 1522 jusque là l e nom de cette maison commune est Capitulum qui signifie Chapitre et qui est traduit en Capítol en occitan. En 1522, Pierre Salmon, greffier à l'hôtel de ville, latinise le nom en Capitolium, en référence au Capitole romain.
C’est à cette époque que vont être construits la tour des archives, (notre donjon du Capitole), le poids de l’huile (bureau municipal où les huiles, les jambons, les chairs salées étaient entreposées en entrant dans la ville pour y être pesées avant d’être livrées aux marchands, la tour de la poudre, et la prison des Carces , le logis de l’Agasse (agassa = pie en occitan) ou de l’écu (au 6 de la rue du poids de l’huile) et la chambre de l’artillerie, la bouille et le poids commun où sont conservés les poids municipaux qui permettent de peser et taxer les marchandises qui sont vendues en ville, et le grand consistoire qui sert aux cérémonies puis la chapelle et une nouvelle façade avec des tourelles d’angles de défense.
Au début du 17ème siècle, la cour Henri IV et ses galeries sont crées à leur tour.
Cour Henri IV - deparlemonde.com
C'est donc un ensemble de bâtiments très hétérogènes qui forment la maison commune ou Capitole, ensemble fortifié et percé de portes, le tout sur une superficie correspondant à l'actuel Capitole et le square Charles de Gaulle.
Les deux plans ci dessous nous donnent une image assez précise de ce que cela représentait au 18ème siècle.
Le Capitole, Wikipédia
Tiré de l'article de Messieurs PRIN et TOLLON : un projet inédit pour la façade du Capitole, Toulouse et Rome au 17ème siècle, 1997 dans la revue Mémoires de la société archéologique du Midi de la France
Le souci d’homogénéiser l’ensemble ne prendra véritablement corps qu’entre 1758 et 1768, avec la grande façade élaborée par l’architecte Guillaume Cammas. Mais avant de donner une façade digne de ce nom à la Maison commune, les Capitouls vont vouloir lui donner dès 1676 une place royale comme nous l'avons vu plus haut. Ils vont délibérer en ce sens :
« … que la démolition du moulon (pâté de maisons) qui est au devant de l’Hostel de Ville sera faicte pour y avoir une place carrée au milieu de laquelle sera mise l’effigie de nostre invincible monarque… »
Le Parlement de Toulouse s’y oppose ; les plans ne seront dressé qu’en 1730 par Antoine Rivalz (peintre toulousain, 1667-1735).
« resserré dès l’origine au milieu d’un dédale de ruelles sales et sombres, cet Hôtel (la maison commune) dominait cependant les lourdes et plates toitures de briques de la cité de toute la hauteur d’un donjon, flanqué de quatre tourelles élégantes qui indiquait et proclamait au loin la destination de la noblesse de la Maison commune »
Seront ainsi détruites notamment 11 maisons dans le moulon de Saint Quentin , opposé à l’hostel de ville, depuis la rue du collège Sainte Catherine jusqu'à la rue des Cordeliers, , le moulon où se trouvent les 7 maisons de mr de Puget, lieutenant des maréchaux de France, la maison du sieur Cassé et du sieur Pied pour continuer la façade jusque la rue du Petit Versailles, deux maisons attenant au collège Saint Martial, la maison qui fait le coin de la rue Sainte Catherine
Cette place nommée Royale, changera de nom au gré des régimes qui vont se succéder : c'est ainsi qu'en 1794 elle fut nommé place de la Liberté, en 1800, place d'Armes, en 1804, Place commune, en 1805, place de la Mairie, en 1812, place Impériale, en 1815, place Royale et en 1844 place du Capitole.
La façade de 135 mètres de long sera quant à elle construite de 1750 à 1760 en pierre calcaire et en briques.
L'article de Messiers Maurice Prin et Bruno Tollon, paru en 1997 dans la revue Mémoires de la société archéologique du Midi de la France, "Un projet inédit pour la façade du Capitole, Toulouse et Rome au 17ème siècle", nous donne un aperçu de ce que pouvait être le Capitole, du moins sa façade, avant d'être complètement refaite par Guillaume Cammas (peintre et architecte français, 1698-1777) au 18ème siècle.
Ce relevé daterait d'après 1671 si l'on se réfère au portail que l'on voit sur le dessin. C'est donc cette façade qu'a dû voir Guillaume Cammas, une façade de 68 mètres de long, aux allures de maison forte (à but défensif), avec un rez de chaussée aveugle et la présence d'échauguettes aux angles et à l'étage des ouvertures réduites.
La façade va donc être construite en pierre calcaire et en briques mais en 1771 les briques seront cachées par de la peinture blanche selon la coutume de l'époque; en 1883 on peignit les briques en rouge et la pierre en blanc et ce n'est qu'en 1988 que le la façade retrouva ses briques et ses pierres dans leur couleur originelle.
Pierre Barthès, toulousain né en 1704 dans une famille de foulonneurs de draps, est témoin de la construction de la façade dès 1750 et écrit ceci dans son livre "les Heures perdues" :
"le 26 de ce mois (août), à midi, les fondements de la façade de la Maison de Ville ont commencé à l'angle, près du collège Saint Martial, jusqu'à la porte de la Commutation. La première pierre fut posée en cérémonie par M. Lassère, Capitoul, avocat et chef du Consistoire, assisté par MM. ses collègues. On posa tout d'abord une tuile neuve, au milieu de laquelle on avait pratiqué un vide en rond, dans lequel on plaça une petite couronne de paille, sur laquelle on posa une pièce d'or de la grandeur d'un double louis, représentant d'un côté la figure du roi, et de l'autre une inscription relative au sujet. On la montra à tous les assistants puis l'ayant mise dans le vide, on la couvrit d'une couronne de pareille paille sur laquelle on renversa la première pierre, sur laquelle était gravée l'année et l'époque de ce nouvel ouvrage qu'on éleva sous la direction de M Cammas, peintre de la ville qui en a donné le plan :"Ceci arriva sous le Pontificat de Benoit XVIII, Louis XV, roi de France, étant Capitouls M. Lassère, avocat, chef du Consistoire, M. Filhol, M. Laulanié de Rigaud, M. Simorre de Lourdes, M. David de Baudrigues et M. Robert Cammas, dirigeant des travaux; les nommés Azéma dit Tatore et Quercy maçons, étant les entrepreneursla paix étant générale en 1750"".
Reproduction d'un daguerréotype de Bianchi de 1839 avec la façade du Capitole en blanc - Archives municipales de Toulouse
Sources
https://www.toulouse-brique.com/hoteldeville.html
http://www.studiodifferemment.com/telechargement/PDF/toulouseb32-porterie.pdf : une porte romaine sous la place du Capitole
https://www.urban-hist.toulouse.fr/uhplus/?context=adxg
https://www.inrap.fr/la-maison-commune-de-toulouse-ancetre-de-l-hotel-de-ville-11891
« L'ancienne place royale (Place du Capitole) », Revue de Toulouse et du Midi de la France, t. 23, 1866, p. 247-269
https://pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA31133207 : site du ministère de la culture
https://books.openedition.org/psorbonne/3296?lang=fr : Toulouse au Moyen Age, les pouvoirs dans la ville de Quitterie Cazes
https://societearcheologiquedumidi.fr/_samf/memoires/T_57/07_Prin_Tollon.pdf : article de Messieurs Prin et Tollon sur la façade du Capitole
https://shs.cairn.info/revue-historique-2014-4-page-833?lang=fr : Les Heures perdues de Pierre Barthès, une chronique privée au xviiie siècle de Mathieu Soula
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