• Habitat et intérieur lillois au 18 ème et au 19ème siècle

     

    La maison lilloise type n’existe pas mais on peut trouver un schéma directeur au 18ème siècle par exemple  : une maison à deux étages avec cave et grenier et une façade étroite n’excédant pas 6 mètres.

    façades de maison à Lille

     

    rue du vieux Lille

     

    quai de Wault, maisons et immeubles

    Habitat lillois du 18 au 19ème siècle

    rue St François à Lille

     

    L’entrée se fait généralement par un couloir latéral assez étroit qui débouche dans une cour..

    Le rez de chaussée est partagé entre deux pièces, souvent une salle et une cuisine ; à l’étage 2 chambres, une sur rue et une sur la cour.

    On trouve également au 18ème siècle le modèle ancien de la maison à 2 corps de logis, l’un sur rue et l’autre au fond de la cour : soit on y loge deux familles soit on a une organisation fonctionnelle de l’espace : magasin, bureau, chambre sur rue et les pièces à vivre dans la cour.

     

    Il existe également à Lille des hôtels particuliers lesquels n’obéissant bien sûr pas à cet ordonnancement.

    Par exemple l’hôtel Hangouart d’Avelin, rue Saint Jacques : à la fin du 17ème siècle, Michel d’Hangouart y loge sa famille, ses 10 domestiques, ses cochers et ses chevaux. D’après les inventaires de l'époque, on sait qu’il y avait une grande tapisserie de feuillage, une série de tableaux de chasse, un miroir en bordure d’écailles dans la salle de réception ainsi qu’un lit de parade de damas cramoisi et  une douzaine de fauteuils.

    L’hôtel de Wambrechies sur la rue Royale (aujourd’hui siège de l’archevêché), édifié en 1703 pour Nicolas François Faulconnier, seigneur de Wambrechies, n’est pas en reste avec son vestibule dallé de marbre, sa chapelle, sa bibliothèque, sa salle de réception, sa vaste cuisine, son grand salon, son autre salon, son grand cabinet, son petit cabinet, ses chambres …

     

    maquette de l'hôtel au 18ème siècle

    Il est de bon ton, ne l’oublions pas, de posséder une demeure dans la rue Royale de Lille sous Louis XIV. Si une maison bourgeoise se vend, à la fin du règne de Louis XIV, à 3 000 / 4 000 florin, il n’est pas rare de voir des ventes de maisons de « riches » à 30 000 florins, le plus courant tout de même restant des transactions autour de 13 000 florins.

    Habitat lillois du 18 au 19ème siècle

    rue Royale au carrefour de la rue Léonard Danel à gauche et de la rue d'Angleterre à droite au début du 19èsiècle; avant l'agrandissement de 1670, l'espace au delà de ce carrefour était hors les murs et consistait en terres cultivées

    Habitat lillois du 18 au 19ème siècle

    rue Royale

    Une maison de ce type, appartenant à la noblesse ou à la très haute bourgeoisie, exige une main d’œuvre importante pour faire face au nombre de pièces occupant ces demeures (en moyenne 26 pour la noblesse te 11 pour la haute bourgeoisie).

    Ainsi la baronne de Saint Victor emploie à son service deux laquais, un cuisinier, deux femmes de chambre, un maître d’hôtel, un cocher, une relaveuse, une lingère et un portier dans une maison sise au 112 de la rue Royale.

    Cette maison a été acquise en 1769 par la baronne pour 26 000 florins. L'inventaire de 1772 précise que la demeure de la baronne de Saint Victor contenait pour 37 210 florins de "meubles, effets et vaisselles" : 15 104 livres de bijoux, diamants et vaisselle d'argent, 4 douzaines d'assiettes d'une valeur de 4 070 livres, 15 plats estimés à 2 409 livres, 6 chandeliers pour 362 livres, 2 soupières pour 1 068 livres, 12 couverts au titre de Paris pour 462 livres et divers autres biens estimés à 2 5952 livres.  

     

    La petite bourgeoisie qui englobe le monde de l’artisanat et de la boutique est propriétaire ou locataire d’une habitation de 6 pièces en moyenne d’après les inventaires de 1772.

     

    L’inventaire de Jeanne Delobelle quant à elle, 81 ans en 1772, inventaire estimé à moins de 1000 florins, la classe dans la catégorie des gens humbles, qui sans être dans la misère vivent néanmoins pauvrement : elle vivait dans une seule pièce et possédait à sa mort : « une robe et un jacotin de calemande, quatre autres jacotins, six jupes, deux mauvaises jupes, trois chemises, cinq tabliers et un linge de corps, un mantelet de toile peinte, 26 pièces de coiffure, une faille de camelot, un petit coffre et une boite en chêne, une paire de boucles de souliers à étage de femme, des mauvais souliers et des bas ».

     

    N’oublions pas en effet que le logement des plus humbles, c’est-à-dire du commun des mortels, n’excède pas en moyenne 1.5 pièce au 18ème siècle et que cela ne changera pas au 19ème siècle. On est loin du faste vu plus haut.

    Dans les années 1730, saint étienne qui rassemble moins de 20% de la population lilloise concentre 48.7% des logements de 4 pièces et plus tandis que saint sauveur n’en accueille que 5.1%.

    Pire, près des 2/3 des pauvres vivent dans une seule pièce, nécessairement polyvalente (voir les articles sur les courées et sur les caves) Le lit sera la pièce maîtresse avec le coffre et la cheminée (plus tard le poêle). La vaisselle de ces foyers est en cuivre et en étain. La marmite ne fait pas défaut alors que l’on ne trouvera pas de tournebroches ni de tourtières. On retrouve en revanche une quantité importante d’objets religieux : livres de prières, images pieuses, bénitiers.

    Pour les foyers un petit peu plus riche, on trouve l’achelle : buffet simplifié formé de quelques planches à rebord posées contre le mur et qui sert de vaisselier.

    Habitat lillois du 18 au 19ème siècle

    Dictionnaire du patois de la Flandres française ou wallonne

    Les lits en bois avec rideaux (de préférence en serge – étoffe souple à base de laine) sont réservés aux plus aisés.

    Les buffets et les commodes ne s’imposent pas dans l’habitat prolétaire. La garde robe rentre dans les intérieurs bourgeois au détriment du coffre, plus archaïque et réservé aux plus pauvres.

    Il est à noter que le poêle n’apparait à Lille que vers 1750. A défaut de poêle, reste la cheminée dans laquelle brûle de l’orme, du hêtre et plus rarement du chêne.

    ancien poêle en fonte Godin

     

    poêle en fonte et en laiton

     

    Que peut on trouver d’autres dans ces intérieurs ? Des bassinoires pour réchauffer les lits.

    Des objets liés à l’hygiène font leur apparition dans les années 1730 : bassins, aiguières.

    En 1780 on note chez le manufacturier Durot une baignoire placée dans une « cabine au bain ».

    34% des foyers ont en 1787 des pots de chambre, 37% des chaises percées.

    Cela reste bien rudimentaire (voir article sur l'hygiène).

    Certaines maisons possèdent des dépendances : des caves et des greniers essentiellement. Les écuries sont présentes dans 7% des logis en 1787 d'après les inventaires après décès.

    En terme de vaisselle, les inventaires de la fin du 18ème siècle montrent l'existence et la progression des tasses, sous tasses, théières et cafetières, preuve de l'intérêt pour les nouvelles boissons "dopantes". Les assiettes se spécialisent : à soupe et à dessert, les plates et les petites. L'étain disparaît au profit de la porcelaine et de la faïence. Les soupières, les moutardiers, huiliers, porte huiliers sont rares au 18ème siècle contrairement à la salière et a saladier. Les casseroles sont de plus en plus utilisées alors que les faitouts et les poêlons perdent du terrain. Apparition de la poissonnière permettant de faire cuire au court bouillon les poissons et de la bouilloire.

    Des réchauds et des fourneaux sont présents dans les inventaires.

    Un petit détail de décoration intéressant : l'apparition de la tapisserie de papier ou papier peint. Elles sont assez prisées car beaucoup moins chères qu'une tapisserie classique (même si l'utilisation est différente : la tapisserie classique est destinée certes à la décoration d'une pièce mais surtout à protéger du froid et de l'humidité). Le papier peint va se développer à la fin de l'Ancien Régime (elles représentent 38% des tapisserie inventoriées en 1787) et vont s'utiliser soit à même le mur soit sur un support (papiers sur toile).

     

    Habitat et intérieur lillois au 18 ème et au 19ème siècle

    papier peint 1803

    Habitat et intérieur lillois au 18 ème et au 19ème siècle

    papier peint 1799

     

    Finissons par une famile ouvrière du 19ème siècle : le mobilier tient toujours à peu de choses : un ou plusieurs lits (en fait des paillasses posées à terre et bourrées de fannes de pommes de terre , de copeaux ou de paille de colza), un poêle en fonte vertical (les pauvres se contentent de le louer au mois : 2 francs) sur lequel la cafetière « trône su l’buich’ du poël comm’ un guetteu sur eun’ tour » (Alexandre Desrousseaux, père du P'tit Quinquin), quelques chaises, une table.

    Habitat lillois du 18 au 19ème siècle

    Alexandre Desrousseaux

     

    A la fin de la Monarchie de Juillet on estimait à 20 francs la valeur moyenne d’un mobilier ouvrier.

     

    Il n’y a finalement pas de différence avec le siècle précédent et malheureusement aucune non plus avec le siècle suivant du moins jusqu’au premier tiers du 20ème siècle …

     

    Sources

    http://peccadille.net/2014/01/27/papier-peint-xviiie-siecle-gallica/

    Habitat ouvrier et démographie à Lille au 19ème siècle sous le second empire de Pierre Pierrard

    http://www.lilledantan.com/index.html

    Vivre à Lille sous l'ancien régime de Philippe Guignet

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