-
La bûche de Noël
L’allumage de la bûche est issue d’une tradition très ancienne : la bûche représente en effet pour les Chrétiens le Christ sacrifié pour nos péchés. Le feu est signe de joie et de lumière, puisque cette fête de Noël serait une christianisation de la fête païenne du Natalis Invictus, du soleil invaincu dans cette période du solstice.
La cérémonie d’allumage de la bûche réunissait tous les habitants de la maison, les hôtes, les parents et domestiques.
Cette cérémonie consistait à mettre la veille de Noël, une bûche (ou selon les régions tronc, cosse, tison, souche, tréfoir, tréfeu, tréfouet [pour « trois feux » car devait durer les jours de fêtes]) dans la cheminée avec un rituel qui était autrefois bien établi. Cette bûche devait être une grosse branche d'arbre fruitier, cerisier, poirier, prunier mais pas de figuier (il brûle mal, la fumée donne mal à la tête, le Christ a maudit l'arbre stérile et ce serait l'arbre auquel Judas s'est pendu). Ce pouvait être aussi de l’olivier, du chêne, du hêtre selon les régions.
Le choix de l’essence pouvait selon les croyances assurer une bonne récolte dans l’année à venir.
Certains versaient sur l’écorce du vin, de l’huile, du miel du lait, voire du sel ou de l’eau bénite pour se garantir des esprits et des sorciers. D’autres encore y faisaient couler quelques gouttes du précieux cierge de la Chandeleur.
Les cendres et charbons issus de la combustion de la bûche sont dotés de pouvoirs divers (porter chance notamment) et de ce fait seront conservés précieusement pour allumer la bûche de l’année suivante. De même que les brandons du feu de la Saint Jean qui étaient conservés aussi pour allumer la bûche de Noël.
Dans le Berry, les brandons étaient recueillis et mis en réserve sous le lit du maître de la maison. Toutes les fois que le tonnerre se faisait entendre, on en prenait un morceau que l’on jetait dans la cheminée, et cela était suffisant pour protéger la famille contre la foudre.
La bûche devait être assez grosse pour brûler pendant trois jours et même parfois jusqu’au 1er janvier.
Voici en quels termes l’historien et avocat général à la Cour royale de Paris Marchangy (1782-1826) parle de cette coutume en Normandie : « Le père de famille, accompagné de ses fils et de ses serviteurs, va à l’endroit du logis où, l’année précédente, à la même époque, ils avaient mis en réserve les restes de la bûche de Noël. Ils rapportent solennellement ces tisons qui, dans leur temps, avaient jeté de si belles flammes à rencontre des faces réjouies des convives.
L’aïeul les pose dans ce foyer et tout le monde se met à genou en récitant le Pater. Deux forts valets de ferme apportent lentement la bûche nouvelle. À l’instant où l’on y met le feu, les petits enfants vont prier dans un coin de l’appartement, afin, leur dit-on, que la souche leur fasse des présents, et, tandis qu’ils prient, on met à chaque bout de cette souche des paquets d’épices, de dragées et de fruits confits ».
Il arrivait aussi que les pauvres gens qui ne pouvaient se procurer des bûches convenables pour la veillée de Noël, se les fassent donner. « Beaucoup de religieux et de paysans, écrit Léopold Bellisle, recevaient pour leurs feux des fêtes de Noël un arbre ou une grosse bûche nommée tréfouet ».
Autre témoignage de cette tradition : « Dès que la dernière heure du jour s’était fondue dans l’ombre de la nuit, tous les chrétiens avaient grand soin d’éteindre leurs foyers, puis allaient en foule allumer des brandons à la lampe qui brûlait dans l’église, en l’honneur de Jésus. Un prêtre bénissait les brandons que l’on allait promener dans les champs. Ces brandons portaient le seul feu qui régnait dans le village. C’était le feu bénit et régénéré qui devait jeter de jeunes étincelles sur l’âtre ranimé. Cependant, le père de famille, accompagné de ses enfants et de ses serviteurs, allait à l’endroit du logis où, l’année précédente, ils avaient mis en réserve les restes de la bûche. Ils apportaient solennellement ces tisons ; l’aïeul les déposait dans le foyer et tout le monde se mettant à genoux, récitait le Pater, tandis que deux forts valets de ferme ou deux garçons apportaient la bûche nouvelle.
Cette bûche était toujours la plus grosse qu’on pût trouver ; c’était la plus grosse partie du tronc de l’arbre, ou même la souche, on appelait cela la coque de Noël [le gâteau allongé en forme de bûche que l’on donnait aux enfants le jour de Noël portait encore au début du XXe siècle dans certaines provinces le nom de coquille ou petite bûche, en patois, le cogneu.
On mettait le feu à cette coque et les petits enfants allaient prier dans un coin de la chambre, la face tournée contre le mur, afin, leur disait-on, que la souche leur fît des présents ; et tandis qu’ils priaient l’Enfant-Jésus de leur accorder la sagesse, on mettait au bout de la bûche des fruits confits, des noix et des bonbons. A onze heures, tous les jeux, tous les plaisirs cessaient. Dès les premiers tintements de la cloche, on se mettait en devoir d’aller à la messe, on s’y rendait en longues files avec des torches à la main. Avant et après la messe, tous les assistants chantaient des Noëls, et on revenait au logis se chauffer à la bûche et faire le réveillon dans un joyeux repas. »
Une fois la bûche allumée, chaque famille se rendait à la messe de minuit. Et de retour, on donnait du foin aux animaux de l’étable (en plus grande proportion ou meilleure qualité qu’à l’ordinaire) afin de remercier les bœufs et les ânes d’avoir réchauffé l’enfant Jésus. On dit que la nuit de Noël, les animaux ont le pouvoir de parler et d’être compris par ceux qui les écoutent. Gare à celui qui les écouterait car il mourrait dans l’année…
Courant 19ème siècle, la bûche est sortie de l’âtre pour venir sur nos tables sous forme d’un dessert. Quand précisément, nul ne le sait. Certains pensent qu’il s’agit de l’invention d’un pâtisser de la rue de Buci à Paris, dénommé Antoine Caradot en 1879, d’autres disent que la bûche est née dans la cuisine du chocolatier lyonnais Félix Bonnat en 1860 ou que le pâtissier glacier du prince Charles III de Monaco, Pierre Lacam, l’a mis au point en 1898 ; peut être est ce bien plus tôt et qu’un apprenti pâtissier de Saint-Germain-des-Prés en 1834 est l’inventeur de cette nouvelle tradition culinaire.
Quelle importance … ?
Sources
La Nuit de Noël dans tous les pays de Alphonse Chabot
France pittoresque
Comment vivaient nos ancêtres ? de Jean Louis Beaucarnot
Contes et Légendes Hors série 2017
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k940508c/f7.image Le mémorial historique et géographique de la pâtisserie de Pierre Lacam
-
Commentaires