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C comme CLAIRE
Je vais évoquer ici mon arrière grand tante, Claire, que l’on appelait Tante Claire, la sœur de mon arrière-grand-mère paternelle, Gabrielle.
J’avais 15 ans quand elle est morte en 1986 mais je me rappelle très bien d’elle, une vieille dame toute petite, toute voûtée, avec des cheveux blancs et des lunettes fumées. Elle était réservée, discrète, ne se plaignait jamais, faisait tout toute seule.
Je me rappelle avoir entendue qu’elle est morte dans d’atroces souffrances, sans se plaindre, jamais.
En grandissant j’ai appris qu’en fait sa vie n’avait été que souffrance et peine.
Claire Julie Léonie Deleurence est née le 25 janvier 1899 à Estaires, petite commune du Nord. Elle est la deuxième d’une fratrie de 5 enfants dont deux seulement vivront au-delà de l’enfance.
Elle était confectionneuse comme sa sœur Gabrielle, plus âgée qu’elle de 3 ans.
Lors de la guerre 14/18, ses parents Elise et Georges, ses sœurs Renée et Gabrielle, et elle même partirent à Lyon. Je ne sais pas comment encore : de leur propre initiative ou via des convois qui partaient loin de la guerre ? Toujours est-il qu’ils ont fui la guerre. Le père Georges Deleurence , tisserand de son métier, trouva un travail dans la métallurgie.
J’ai retrouvé leur trace par hasard en cherchant des IGOU sur Lyon dans les recensements : quelle ne fut ma surprise quand je découvris Georges Deleurence, Elise Carpentier, Claire et Gabrielle au 55 rue des tables claudiennes - quartier de la croix rousse à Lyon. Je les y retrouve jusqu’au recensement de 1921 mais cette fois sans Claire (je suppose qu’elle vit ailleurs qu’à Lyon car je ne retrouve pas sa trace dans les recensements). En revanche je les retrouve tous à nouveau à Estaires sur le recensement suivant en 1926.
Claire a rencontré là-bas Marius Fernand IGOU qu’elle épousera en 1920. On s’est longtemps demandé dans la famille qui était Marius ; on se doutait que Marius venait de là-bas mais sans en être sûrs. En fait on ignorait tout de sa vie ; on ignorait d’ailleurs que les Deleurence étaient tous partis à Lyon ; jusqu’alors on pensait que mon arrière-grand-mère Gabrielle y était allée accompagnée de Claire pour accoucher de ma grand-mère Raymonde. Mais cela fera l’objet d’un article prochain.
Revenons à Marius Fernand Igou : je suis partie de l’hypothèse qu’il avait à peu près le même âge que Claire et j’ai visionné tous les registres matricules de cette période. Et je l’ai trouvé (fiche matricule Lyon nord 1915 n°91 p. 238). Et de là j’ai retrouvé son acte de naissance. Il est donc né à Vizille dans l'Isère en 1895 et est issu d'une famille qui travaillait dans la métallurgie apparemment. Lui était tapissier décorateur. Son père Victor était forgeron et lamineur et son grand père Louis était puddleur; il avait un oncle Claudius né à Givors dans le 63, tourneur de son métier et un frère Victor né en 1889, et dont je n'ai pas encore retrouvé la trace. Sa mère s'appelait Adèle Antoinette SAMUEL et était ouvrière en soie tout comme la sœur de cette dernière.
Marius était de constitution fragile, très fragile. Sa fiche matricule indique qu’il a été réformé le 20/2/1917 pour pseudarthrose scapulo-humérale gauche et atrophie du deltoïde.
Il mesurait 1.62m et était châtain avec les yeux marrons ; il savait lire et écrire mais pas compter
Il fut incorporé le 15 décembre 1914 en tant que soldat de 1ère classe. Peu après la guerre il épousera Claire, à Lyon, le 30 octobre 1920.
Mais son service sous les drapeaux lui fut fatal car il mourut un an après son mariage, le 4 décembre 1921 à Lyon, à son domicile du 55 rue des tables claudiennes. La mémoire familiale a retenu qu’il serait mort suite à son exposition au gaz moutarde.il avait 26 ans. Claire devenait veuve à l’âge de 22 ans.
Ils ont eu un fils Georges que je suppose être né là-bas mais pas moyen de retrouver sa trace ; je sais juste qu’il est né en 1921.
Tante Claire est donc revenue à Estaires en 1921 avec son fils, ses parents, ses sœurs et sa nièce.
Ils reprirent le cours de leur vie sur les ruines laissées par la guerre mais cela fera l’objet d’un prochain article également,
Tante Claire ne s’est jamais remariée. Elle a exercé un métier désuet aujourd’hui : elle jouait du piano dans les cinémas pour les films muets !
Mais elle avait elle-même des problèmes de santé : elle devenait aveugle peu à peu et avait des problèmes de dos qui la « voûtèrent » progressivement.
Elle devint vendeuse dans un magasin de liqueur et ses employeurs, sensibles à sa situation lui laissèrent le logement au-dessus du magasin. Elle resta là-bas très longtemps.
Je ne sais pas encore grand-chose de Georges ; j’ai une photo de lui en costume de marin avec le béret et le pompon. Il faisait du cheval. Il a épousé dans le Nord une dame, Madeleine Kasse et eu 2 filles Danièle née en 1945 et Michèle née en 1946.
Georges mourut en 1946 à 26 ans des suites de maladie. Danièle mourut en 1945 et Michèle en 1946.
On pense qu’elles eurent la méningite.
Claire se retrouve seule sans plus personne, sans son fils et ses petites filles. Elle avait 45 ans.
Ses yeux lui firent de plus en plus défaut ; une maladie que je ne connais pas pliait son dos en deux.
Et jamais elle ne s’est plainte, jamais.
Elle est morte le 24 décembre 1986 et sa mort fut à l’image de sa vie, discrète et douloureuse.
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