• Prise en charge des enfants trouvés

     

    Enfants trouvés 2

     

    Prise en charges des enfants

    Sous l’ancien régime l’assistance envers les enfants abandonnés s’est exercée de 3 manières différentes :

    Par les seigneurs justiciers en vertu d’un droit d’épave qui fait d’eux les héritiers des bâtards nés dans leur seigneurie ; un arrêt du Parlement de Paris du 13 août 1552 renouvelle cette obligation et l’étend aux enfants trouvés et non aux seuls orphelins. Les seigneurs laïcs ou ecclésiastiques prennent en charge l’entretien de l’enfant et se dédommagent sur les biens que celui-ci pourrait détenir.

    Le Parlement de Paris en 1530 enjoignait par ailleurs les seigneurs justiciers à participer proportionnellement à la dépense nécessitée par ces enfants dans la limite de 960 livres parisis.

    Il est à noter qu’encore en 1777 l’hôpital de Calais se cache derrière cette règle pour ne pas prendre en charge les enfants abandonnés et les envoyer à Paris : « le roi étant seul seigneur foncier, gros décimateur et haut justicier de tout le Calaisis, et jouissant des droits d’aubaine, de bâtardise, etc, devait être chargé des enfants trouvés ».

    Dans les faits force est de constater que les seigneurs justiciers vont s’efforcer de placer l’enfant trouvé ou orphelin au sein des institutions charitables de leur fief.

     

    Par les administrations hospitalières et institutions charitables : comme on l’a vu dans un précédent article il existe peu d’institutions spécialement dédiées aux enfants trouvés au Moyen Age hormis l’ordre du Saint Esprit (ordre hospitalier du Saint Esprit fondé à la fin du 12ème siècle par Guy de Montpellier). Mais surtout ces institutions ne gèrent que les enfants nés « en loyal mariage », ce qui exclut de facto les bâtards, les enfants nés de viol, les enfants nés de la misère…

     

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    Par Anonyme, religieuse du St Esprit

     

    Une lettre patente de Charles VII du 4 août 1445 donne une explication de cette exclusion : « si les revenus dudit hôpital étaient employés à nourrir et gouverner lesdits bastards, illégitimes … pourroit advenir que moult de gens s’abandonneroient et feroient moins de difficultéz de eulx abandonner à pescher quand ils verroient que de tels bastards seroeint nourris davantage et qu’ils n’en auroient pas de charge première ni sollicitude ».

    Toutefois rareté ne veut pas dire absence et des institutions sont mises en place, liées à des initiatives privées. A Saint Omer et à Béthune les Bleuets et les Bleuettes (noms donnés aux orphelins à cause de la couleur de leur costume) sont recueillis dans des asiles spécialement fondés par de généreux donateurs.

    Marguerite de Valois Angoulême, soeur de François 1er  , fonda en 1536 sous le titre d’Enfants Dieu (qui devint ensuite les Enfants rouges du fait de la couleur de leur vêtement) un hospice pour les enfants dont les parents sont morts mais maintint la même exclusion pour les enfants trouvés. Il se situait au 90 rue des Archives à Paris.

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    Ceci étant comme on l’a déjà noté précédemment, face à l’afflux grandissant d’enfants trouvés, les hôpitaux et autres institutions durent les prendre en charge malgré tout.

    L’œuvre de saint Vincent de Paul changea les mentalités à leur égard comme on l'a vu précédemment.

     

    Par les villes et villages par l’intermédiaire de la table ou bourse des pauvres notamment mais pas que ; en effet selon les territoires, les enfants étaient pris en charge par des moyens divers. Ainsi à Lille des officiers appelés gard’orphènes, bourgeois de la ville de par leur statut, étaient nommés par les échevins pour veiller aux intérêts des enfants orphelins. Dans les registres de la ville d’Amiens, se trouve un chapitre intitulé Deniers mis en warde : il s’agit d’une caisse ouverte par les magistrats de la ville destinée à recevoir les capitaux recueillis pour les orphelins. Certes il s’agit là encore d’enfants dont on connait les parents et non d’enfants trouvés…

    L'ordonnance de Moulins de 1566 dans son article 73 énonce de façon claire que les enfants abandonnés sont à la charge des habitants des villes, bourgs et villages dont « ils sont natifs et habitants ». Il n’y a pas de distinction entre les orphelins d’un côté et les enfants trouvés de l’autre mais force est de constater que ce sont les 1ers qui vont être pris en charge de prime abord pour essentiellement éviter que cela n'incite à l'abandon d'enfants.

     

    Coût de la prise en charge

    Par souci d'éthique, de morale, de charité mais aussi de coût financier, la recherche des parents est donc prioritaire dès qu’un enfant abandonné est trouvé, pour éviter qu’il ne soit une charge pour la paroisse, le seigneur ou les institutions charitables.

    On va procéder par des criées dans les rues en promenant le bébé. On encourage les dénonciations par des récompenses : ainsi en 1527  à Lille on donne 34 sous à un homme chargé de reconduire à Tournai un enfant dont il a dénoncé l’origine.

    La mère peut dénoncer le « père » sous la foi du serment mais est ce bien le père… en fait tout est mis en place pour trouver finalement non pas le père géniteur mais un père nourricier. Ainsi en février 1676 à Paris un homme marié fut condamné à se charger de l’entretien d’un enfant alors qu’il a pu être prouvé que la mère entretenait des rapports intimes avec le vicaire …

     

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    L'Enfant recueilli, tableau de Michel Philibert Genod

     

    Malgré le nombre d’institutions charitables existantes dans les villes, le nombre d’enfants abandonnés reste énorme et les ressources faibles. Les nourrices manquent en ville et il faut se résigner à envoyer les nourrissons à la campagne. Les hôpitaux vont donc mettre en place tout un réseau d’informateurs pour trouver des nourrices : curés, accoucheuses, anciennes nourrices …  

    Sans compter le fait que la majorité des enfants nés en province ont été rapatriés, faute de moyen sur place, sur l'hôpital de la Couche à Paris mais que celui ci ne peut tous les prendre en charge. Il faut donc les renvoyer en province vers des nourrices en principe dignes de ce nom ...

    Et il faut faire appel à nouveau aux meneurs. Ce sont eux en effet qui vont amener les enfants aux nourrices puis assurer la liaison entre celle-ci et l’hôpital.

    Ils vont servir ainsi d’agent payeur des gages et des vêtures destinés aux enfants. Ils se chargeront de ramener également les effets de l’enfant trouvé décédé chez sa nourrice campagnarde ainsi que  l'acte de décès. Bref, ils sont chargés du recrutement des nourrices, de la surveillance de celles ci, du paiement des pensions et surtout du transport des enfants entre Paris et la province.

    Le meneur peut transporter les bébés dans une hotte et faire le chemin à pied. Ainsi, en 1751, à raison de quarante à cinquante kilomètres par jour, il atteint les villages les plus éloignés de la capitale en trois ou quatre jours. Par le coche d'eau, sur la Seine par exemple, ou en voiture, le périple peut être abrégé. L’aire de nourrissage pour Paris s’étend  tout de même jusqu’à la Normandie et la Picardie.

    La mission étant d’importance, ne devient pas meneur qui veut. A Paris la personne qui postule doit verser une caution variant entre 3 000 et 12 000 livres ; ses biens personnels sont répertoriés et cautionnés. Le curé de la paroisse doit remettre un certificat de bonne conduite authentifié par un juge royal. S’ils sont acceptés, ils perçoivent le vingtième de toutes les sommes versées à la nourrice soit à peu près 5 à 6 sous par mois (d’après les règlements de Paris de 1713).

    S’y ajoutent diverses gratifications en fonction des services rendus : frais de recherche, vêture, retour de l’enfant après le sevrage …

    Cette organisation se prêtent à de nombreux abus : la nourrice ne reçoit jamais l’argent de l’hôpital car le meneur le garde par devers lui, les vêtements alloués aux enfants font l’objet de trafic, les enfants décédés ne sont pas déclarés comme tel pour pouvoir continuer à percevoir les sous de son entretien, ou alors l’enfant décède en route et le meneur ne dit rien, empochant l’argent de la nourrice. Les familles nourricières prennent plus d’enfants qu’elles ne peuvent entretenir, mettant à mal la survie des enfants. Et que dire des parents qui abandonnent leurs enfants et réussissent à les récupérer en nourrice, empochant ainsi les sous de leur entretien !

     

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    La nourrice, Le Camus Pierre Duval, 1ère moitié du 19è, Musée du Louvre

     

    Comment endiguer la mortalité des nouveaux nés abandonnés ?

    En réponse à la mortalité effrayante de ces enfants, on va déjà tâcher d’éviter les transports mortifères.

    Il ne faut pas oublier que beaucoup d’hôpitaux de province refusent d’accepter les enfants abandonnés dans leur ressort et les font systématiquement envoyer sur Paris ou bien pratiquent des envois groupés d’enfants abandonnés qu’ils avaient recueillis pendant un certain temps et dont ils se débarrassent par la suite car trop coûteux à entretenir.

    En 1772 par exemple on enregistre des envois massifs d’enfants par les hôpitaux de Troyes ,Thiers, Auxerre, Caen et Metz.

    En 1778 les hôpitaux de Troyes, Auxerre ,Vendôme, Orléans ,Rouen et Sens sont les principaux points de départ de ces convois enfants souvent assez âgés de 1 à 10 ans (parfois davantage).

    Les survivants de ces premiers voyages vont ensuite comme on l'a vu plus haut devoir subit un second voyage vers des nourrices de campagne !

    En octobre 1777, Jacques Necker adresse un courrier aux intendants du royaume dans le cadre d’une enquête nationale sur le problème des enfants abandonnés : « Le sort des enfans trouvés, Monsieur, est de tous les objets que le Roy a eu en vue, en établissant une commission pour subvenir aux besoins des hopitaux, un des plus intéressans pour l’humanité et pour l’ordre public. Il a été reconnu que le transport qu’on fait chaque jour d’un très grand nombre d’enfans à Paris où ils affluent des provinces les plus éloignées, est la cause principale de l’état fâcheux où se trouve l’hopital des enfans trouvés : ses facultés, ni même ses emplacemens ne suffisent plus pour cette multitude ; mais ce qui est encore plus touchant, ces enfans conduits sans précaution et exténués par une longue route, ne peuvent y arriver que languissants et périssent bientôt après. »

    C’est ainsi qu’un arrêt du Conseil du Roi du 10 janvier 1779 interdit leur transport vers Paris et prescrit leur dépôt dans l’hôpital le plus proche de leur découverte. Cet arrêt ne fut que médiocrement suivi d'effet ...

     

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    Frédéric Henri Schopin (1804-81) : Grand Prix de Rome 1831.
    Religieuse recueillant un enfant abandonné (1854)

     

     

    Sources

    https://www.histoire-genealogie.com/Un-village-nourricier-ou-le-destin-tragique-des-enfants-trouves-de-Paris#:~:text=Au%20XIX%20e%20si%C3%A8cle%2C%20les,des%20enfants%20trouv%C3%A9s%20soit%2050%25.

    https://www.archives-manche.fr/_depot_ad50/_depot_arko/basesdoc/2/17896/didac-doc-46-marques-de-reconnaissance-d-un-enfant-expose-coutances-11-juin-1763-.pdf

    Géographie des enfants trouvés de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles Isabelle Robin de Agnès Walch

    Vivre pauvre, quelques enseignements tirés de l’Europe des Lumières de Laurence Fontaine

    Enfants trouvés, enfants ouvriers 17/19ème siècle de Jean Sandrin

    De l’enfant trouvé à l’enfant assisté de Anne Cadoret

    Les enfants assistés dans le Pas de Calais avant et pendant le 19ème siècle de Eugène Carlier

    Les enfants abandonnés à Paris au 18ème siècle de Claude Delasselle

    L’assistance hospitalière au secours des orphelins. L’exemple des hôpitaux généraux du Nord de la France de Olivier Ryckebusch

    Histoire des enfants abandonnés et délaissés : étude sur la protection de l'enfance aux différentes époques de la civilisation de Léon Lallemand

    « Enfants trouvés Comment survivre quand on est pauvre aux 18 et 19ème siècles ? »

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