• Formation et rémunération

     

    Formation et rémunération des enseignants au 19ème siècle

     

    Il ne faut pas se voiler la face, sous la Révolution et même après, l’incompétence des instituteurs est manifeste. L’idée d’un établissement qui formerait les futurs enseignants éclot lors de la Révolution mais n’aboutit pas réellement.

    Il faudra attendre 1808 pour que la 1ère école normale primaire voit le jour dans le Bas Rhin : les élèves-maîtres devaient y rester 4 ans et apprendre la langue allemande, l’arithmétique, des éléments de physique, la calligraphie, la géographie, le dessin, la musique, le chant, des notions d’agriculture et de gymnastique et apprendre la méthodologie.

     

    L’expérience fut intéressante mais n’eut pas de succès et on se borna en 1816 à instaurer pour les futurs instituteurs, un brevet de capacité : tout particulier pouvait enseigner du moment qu’il obtint du curé ou du maire de la commune où il avait résidé au moins 3 ans un certificat de bonne conduite et qu’il fut examiné par un inspecteur d’académie.

     

    Le brevet se décomposait en 3 degrés :

    • Le 3ème degré est accordé à ceux qui savent suffisamment lire, écrire et compter
    • Le 2ème est délivré à ceux qui possèdent l’orthographe, la calligraphie le calcul
    • Le 1er pour ceux qui possèdent la grammaire française , l’arithmétique, sont en état de donner des notions de géographie, d’arpentage et tout autre connaissance utile dans l’enseignement primaire

     

    Le principe de ce brevet sera conservé par Guizot qui écrira à ce sujet en 1833 : « « Il est évident que l’instruction primaire tout entière repose sur cet examen […]. Supposez qu’on y mette un peu de négligence, ou de complaisance, ou d’ignorance, et c’en est fait de l’instruction primaire »

     

    Formation et rémunération des enseignants au 19ème siècle

    Brevet de capacité en 1882

     

    Pendant ce temps l’idée des écoles normales primaire fait son chemin et en 1828, 11 écoles normales voient le jour. Toutes dirigées par des congrégations enseignantes.

     

    Il faut attendre 1833 et François Guizot pour que l’Etat se charge enfin de la direction de ces écoles et se réapproprie l’enseignement. Désormais il y aura une école normale primaire par département. Les élèves doivent financer leurs études sauf s’ils sont boursiers.

     

    Le contenu de leur enseignement est le suivant :

    L’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, l’arithmétique, le système légal des poids et mesures, la grammaire française, le dessin linéaire, l’arpentage, des notions de sciences physiques applicables aux usages de la vie , la musique la gymnastique, des éléments d’histoire et de géographie de la France plus de la méthodologie.

     

    Les 1ères écoles normales féminine furent créées en 1838.

     

    Le conseil général du Nord n’attendit pas la loi Guizot et dès 1832 vota les crédits nécessaires pour la création d’une école normale. S’agissant de former des institutrices, ce fut plus difficiles car les moyens manquent. Le Conseil général va se contenter de voter 10 bourses en 1843 pour des élèves maîtresses qui poursuivraient leurs études auprès des Dames de Flines, congrégation religieuse habituée à former des institutrices depuis 1835. Ce ne sera qu’en 1883 que l’école normale de fille ouvrira ses portes à Douai.

     

    Formation et rémunération des enseignants au 19ème siècle

    Ecole normale de Douai - 59

    Les programmes se firent plus pointues et rapidement, ces écoles furent victimes de leurs succès : on les accusa de susciter des idées subversives : c’est-à-dire de favoriser l’émergence des idées démocratiques et socialistes.

     

    Formation et rémunération des enseignants au 19ème siècle

    Entrée de l'école normale de Douai, rue d'Arras

     

    Des voix s’élevèrent dans la société bien pensante pour demander à ce que le niveau de connaissance des maîtres fut plus modeste de façon à ne pas en faire des demi-savants mais des hommes et des femmes dont le seul objectif était de remplir correctement la tête des enfants.

     

    C’est ainsi que la loi Falloux de 1850 allégea les programmes et les modifia dans un esprit plus clérical. L’instruction morale et religieuse figure au premier rang des matières enseignées. Les congrégations religieuses se voient faciliter l'ouverture d'établissements d'enseignement, et les municipalités ont le droit de choisir un congréganiste comme instituteur dans les écoles primaires publiques. Elle déclara également que la création d’écoles normales primaires n’était pas une obligation du moment que les départements se débrouillent pour recruter et former les enseignants. A noter que Victor Hugo était opposé à cette loi.

    Falloux expliquera ainsi la présence de l'Eglise dans l'éducation de l'enfant :

    Formation et rémunération des enseignants au 19ème siècle

     

    Malgré l’amélioration du statut de l’instituteur dès 1833, il est très difficile de les recruter et une fois recrutés de les garder. En effet le métier ne suffit pas à vivre décemment. Les premiers mois, le salaire est trop faible pour les dépenses de la vie courante, comme payer la pension à l’auberge. Les instituteurs sont alors obligés de cumuler les emplois (employés de bureaux, travailleurs à la ferme, secrétariat en mairie…). En 1837 par exemple il est décrit que « tous les ans au mois d’octobre les instituteurs font une quête dans les principales maisons du village ; ces quêtes s’étendent sur le vin, le beurre, les œufs le fromage … ».

     

    Ainsi l'inspecteur des écoles primaires, Carlier, constate en 1838 : « Ce qui importe le plus en ce moment c'est l'amélioration du sort des instituteurs communaux qui pour la plupart manquent des moyens d'existence. On peut dire que les deux tiers au moins sont loin d'avoir une existence honorablement assurée ».

     

    En 1840, 300 instituteurs sur 650 vivent dans une position proche de la misère. En 1846, la moyenne des salaires ne dépasse pas 450 francs par an. Et encore pour y parvenir, les maîtres d'école cumulent les emplois. La situation est encore plus difficile pour les institutrices communales. Sur 118 maîtresses d'école recensées en 1846, 33 gagnent moins de 400 francs par an, 47 de 400 à 600 francs, 9 de 600 à 700 francs.

    10 seulement atteignent 1 000 francs. Et à la différence de leurs collègues masculins, elles sont tenues de payer leur loyer.

     

    Or la Commission d'enquête du canton de Carnières (du côté de Cambrai) dans sa réponse à une enquête sur la question du travail agricole et industriel estime qu'un célibataire se contentant du strict minimum a besoin de 350 francs par an, un couple avec deux enfants 725 francs. Un instituteur a manifestement du mal à s’en sortir…

     

    Formation et rémunération des enseignants au 19ème siècle

    Le maître d'école dans sa classe - Johann Peter Hasenclever

     

    Sources

    Les enseignants au 19 et 20ème siècle

    Le temps des instituteurs

    Ecoles et écoliers dans le nord au 19ème siècle 

    Le livre des instituteurs 

    Le "bon maître" du 19ème siècle -  Cinq générations d’instituteurs et d’institutrices  d’après les dossiers de récompenses honorifiques (1818-1902), thèse de  Jung-In KIM

    Histoire incorrecte de l'école de Virginie Subias Konofal

    La République des instituteurs de Jacques et Mona Ozouf

    Les instituteurs sous le Second Empire - Pour une approche régionale des mémoires de 1861: l’exemple de l’académie de Rennes - Gilbert Nicolas

    Les instituteurs du 19ème siècle racontent leur vie par Philippe Lejeune

     

     


    votre commentaire
  •  

    Recrutement des enseignants

     

    Il ne faut pas oublier que sous l’ancien régime le plus gros de l’instruction relève des congrégations religieuses ; or en les supprimant, la Révolution se trouva face à un problème extrêmement préoccupant : par qui remplacer les enseignants religieux ? et comment les former très vite ?

    Avant de se focaliser sur ce point, regardons comment, en amont, l’enseignement est perçu à partir de la Révolution.

     

    Le décret du 29 frimaire an II (19 décembre 1793) pose dans son article 1 un principe simple et clair : « l’enseignement est libre » et précise dans son article 2 qu’« il sera fait publiquement » ; nous avons ici les premiers prémices d’un service public.

     

    Mais les parents ont toute latitude dans le choix de l’établissement qui instruira leurs enfants. A noter que les instituteurs étaient rémunérés à raison du nombre d’élèves fréquentant leur école.

     

    Ce droit dans le libre choix est d’ailleurs réaffirmé par la Constitution de l’an III, « les citoyens ont le droit de former des établissements particuliers d’éducation et d’instruction ainsi que des sociétés libres pour concourir aux progrès des sciences des lettres et des arts ».

     

    Cette liberté est malgré tout à double tranchant car les familles aisées ont la possibilité de créer une école privée dispensant un enseignement traditionnel préservant leur descendance des idées nouvelles issues de la Révolution.

    C’est ainsi que le Directoire intervint en s’appuyant sur l’article 356 de la Constitution qui permettait à l’Etat de « surveiller les professions qui intéressent les mœurs publiques, la sûreté et la santé des citoyens ».

    Un arrêté du 17 pluviose an VI (5 mai 1796) ordonna donc aux administrations municipales de visiter une fois par mois les écoles particulières afin de vérifier « si les maîtres ont soin de mettre entre les mains de leurs élèves, comme base de la première instruction, les droits de l’homme, la constitution et les livres élémentaires qui ont été adoptés par la convention ».

     

    Ceci étant il est difficile de contrer les habitudes et traditions : Fourcroy, conseiller d’état, écrit en effet à cette époque que « le défaut d’instruction sur la religion est le motif principal qui empêche d’envoyer leurs enfants à ces écoles. On préfère les envoyer chez des maîtres particuliers que l’on aime mieux payer  parce qu’on espère y trouver une meilleure instruction, des moeurs plus pures et des principes de religion auxquels on tient beaucoup ».

     

    Recrutement des enseignants au 19ème siècle

    Antoine François de Fourcroy

     

    La loi sur l’Instruction du 11 floreal an X (1er mai 1802) va trancher les choses de façon un peu simpliste : les petites écoles seront laissés sous le contrôle des communes car elles sont  les mieux à mêmes de savoir ce qui est bon pour leurs paroissiens.

     

    Recrutement des enseignants au 19ème siècle

     

    Les instituteurs seront donc choisis par le maire, leur traitement sera composé du logement (à défaut leur sera versée une indemnité compensatrice)  et d’une rétribution fournie par les parents et déterminée par les conseils municipaux. Les parents qui sont dans la gêne pourront en être exemptés.

     

    Les instituteurs sont sous la coupe des communes… ce qui ne manquera pas d’impacter leur statut comme nous le verrons plus loin.

     

    Il est manifeste que Napoléon se désintéresse de l’instruction du peuple : « le petit peuple les travailleurs des villes et des campagnes ne sont pas nés pour être instruits ; pour eux l’instruction est un luxe inutile voire dangereux car les lumières rendent le peuple raisonneur et critique et le détournent de l’atelier ou des champs ».

     

    En revanche les établissements secondaires ont toute son attention puisqu’il limita dès le consulat ce régime de liberté : « il ne pourra être établi d’écoles secondaires sans l’autorisation du gouvernement ».

     

    La loi du 10 mai 1806 quant à elle affirme qu’« il sera formé sous le nom d’Université impériale un corps chargé exclusivement de l’enseignement et de l’éducation publique dans tout l’empire » ; elle a ses ressources propres et s'administre elle-même sous l'autorité d'un grand maître.

    Recrutement des enseignants au 19ème siècle

    Mais cette loi présente un certain nombre de lacunes et faiblesses très nettes :

    •          L’enseignement primaire n’est pas concerné par cette loi et laissé aux mains des communes
    •         L’instruction des filles est mis de côté : Napoléon ne pense pas qu’ « il faille s’occuper d’un régime d’instruction pour les jeunes filles ; elles ne peuvent être mieux élevées que par leur mère ; l’éducation publique ne leur convient pas puisqu’elles ne sont point appelées à vivre en public  […]  le mariage est toute leur destination »
    •           La neutralité des programmes disparaît puisque « toutes les écoles de l’Université impériale prendront pour base de leur enseignement les préceptes de la religion catholique »

     

    Le décret du 17 mars 1808 ajoute que « l’enseignement public dans tout l’empire est confié exclusivement à l’université.  Aucune école, aucun établissement quelconque d’instruction ne peut être formé hors de l’université impériale et sans l’autorisation de son chef. Nul ne peut ouvrir d’école ni enseigner publiquement sans être membre de l’université impériale »

     

    Enfin les articles 2 et 3 du règlement de l’université impériale du 17 septembre 1808 enfoncèrent le clou en précisant qu’ « à dater du 1er janvier 1809, l’enseignement public dans tout l’empire sera confié exclusivement à l’Université. Tout établissement quelconque d’instruction qui ne serait pas muni d’un diplôme exprès du grand maître cessera d’exister »

     

    La Restauration conservera ce monopole d’état sur la formation des enseignants, l’élaboration des programmes et la délivrance des diplômes.

     

    Quant à aux petites écoles, rien de nouveau puisque l'ordonnance du 29 février 1816 porte que chaque commune doit pourvoir à l'instruction primaire des enfants et ceci gratuitement pour les indigents. Un certificat de bonnes moeurs, un brevet de capacité et une autorisation rectorale sont imposés à tout instituteur tant public que privé. Dans les faits, les vérifications sont pour le moins inexistantes …Il faudra attendre la loi Guizot l’instruction primaire du 28 juin 1833 pour que cette obligation imposée aux communes devienne une réalité.

    Recrutement des enseignants au 19ème siècle

    François Guizot

    La Monarchie de Juillet fut assez hésitante sur la question d’autant plus que la charte de 1830 avait promis la liberté d’enseignement mais le monopole étatique fut maintenu.

     

    Nous verrons dans un prochain article que la loi Guizot et celles qui suivirent vont également améliorer le sort des instituteurs quant à leurs appointements notamment mais vont aussi lui permettre de petit à petit prendre leur indépendance face au maire et au curé de la commune…

     

    Sources

    Les enseignants au 19 et 20ème siècle

    Le temps des instituteurs

    Ecoles et écoliers dans le nord au 19ème siècle 

    Le livre des instituteurs 

    Le "bon maître" du 19ème siècle -  Cinq générations d’instituteurs et d’institutrices  d’après les dossiers de récompenses honorifiques (1818-1902), thèse de  Jung-In KIM

    Histoire incorrecte de l'école de Virginie Subias Konofal

    La République des instituteurs de Jacques et Mona Ozouf

     


    votre commentaire
  •  

     

    Les Lumières et l’éducation du peuple

    L’éducation des enfants est un sujet qui a donné lieu à de nombreux écrits et débats de Montaigne à nos jours en passant par les Lumières. Tant sur le contenu pédagogique que sur les méthodes d’apprentissage mais aussi sur les bénéficiaires de cette éducation (les femmes, les pauvres, ou seulement une élite et dans ce cas laquelle : les petits de la noblesse, les petits du monde bourgeois ….).

    Bref, au dix-huitième siècle l’éducation est encore réservée aux classes aisées et, surtout destinée aux hommes.

     

    Il est vrai que les femmes de bonne famille accèdent à une certaine instruction mais force est de constater que cette instruction reste assez « superficielle » et destinée essentiellement à les préparer aux diverses mondanités qu’elles vont avoir à vivre (Ce thème fera l’objet d’un article ultérieur).

     

    Diderot l’explique très bien dans son ouvrage « Sur les femmes », dans lequel il critique la finalité de leur instruction : « Le soin principal est de prévenir l’ennui, de multiplier les amusements, d’étendre les jouissances. À cette époque, les femmes sont recherchées avec empressement, et pour les qualités aimables qu’elles tiennent de la nature, et pour celles qu’elles ont reçues de l’éducation » .

     

    Quant à la classe populaire, qu’en est-il réellement de leur instruction ?

    L’Eglise dispense à tous, pauvres et moins pauvres, une instruction de base, gratuite, qui leur permettra de ne pas tomber dans les travers de la Religion réformée. Car c’est bien cela l’objectif recherché : éviter que les jeunes âmes ne s’égarent.

    Les Lumières et l'éducation du peuple

    Le grand maître d'école de Jean Jacques de Boissieu - 1780

     

    C’est ainsi que depuis le dix-septième siècle les Jésuites contrôlent l’éducation dans les collèges ainsi que l’enseignement dans quelques universités en imposant leur modèle éducatif dans toute la France mais aussi dans toute l’Europe. Voltaire sera d’ailleurs élève au collège jésuite Louis le Grand à Paris.

    Les écoles de charité de leur côté vont fleurir dans la seconde moitié du 17ème siècle. Elles sont destinées aux enfants pauvres avec le même objectif avoué de conserver ces derniers dans le giron de l’Eglise.

    Les Lumières et l'éducation du peuple

    Le maître d'école - 17ème - Adriaen Van Ostende

     

    Par exemple à partir de 1666, Charles Démia ecclésiastique français, fondateur du séminaire Saint-Charles à Lyon (1637-1689) entame une action éducative dans le diocèse de Lyon en proposant aux autorités municipales un plan d’éducation du peuple : « Les pauvres n’ayant pas le moyen d’élever ainsi leurs enfants, ils les laissent dans l’ignorance de leurs obligations : le soin qu’ils ont de vivre fait qu’ils oublient celui de leur faire apprendre à bien vivre et eux-mêmes ayant été mal élevés, ils ne peuvent communiquer une bonne éducation qu’ils n’ont jamais eue. […] Ils se soucient fort peu que leurs enfants apprennent les bonnes mœurs et les devoirs du christianisme qu’ils ignorent. […] Ainsi l’on voit avec un sensible déplaisir que cette éducation des enfants du pauvre peuple est totalement négligée, quoiqu’elle soit la plus importante de l’État ».

    Les Lumières et l'éducation du peuple

    Charles Démia

     

    En 1689, à la mort de Charles Démia, 16 écoles de charité accueillent garçons et filles à Lyon.

    En 1790 la Révolution supprimera la congrégation Saint Charles et avec elle les écoles pour les pauvres.

     

    Jean Baptiste de la Salle, prêtre, (1651-1719) fonda de son côté, en 1691, l'Institut des frères des écoles chrétiennes qui oeuvreront pour l’éducation des enfants pauvres à Reims puis à Paris et ensuite sur tout le territoire. Là aussi la Révolution mis un terme à cet enseignement.

    Les Lumières et l'éducation du peuple

    Jean Baptiste de la Salle

     

    Il y a aussi les petites écoles de Port Royal qui accueillent des enfants de moins de 12 ans (parmi lesquels il y eut pendant 10 ans Jean Racine, orphelin très jeune). Ces petites écoles sont liées à l’abbaye de Port Royal et sont fidèles à la pensée janséniste. Blaise Pascal fut l’un des professeurs qui exercèrent dans ces écoles. Elles ne durèrent pas longtemps malheureusement, victimes des querelles entre Jésuites et Jansénistes.

    Et enfin quelques initiatives privées à l’instar de celle de cet avocat au parlement de Paris qui fonde à Vierzon en 1763 une école gratuite pour les enfants pauvres de la ville.

    Mais malgré les efforts louables de ces bonnes volontés, force est de constater qu’il ne s’agit là que d’initiatives localisées, hétérogènes et non généralisées à l’ensemble du territoire et surtout il ne faut pas oublier que les parents préfèrent garder leurs enfants pour leur force de travail et l’argent qui en découlera.

     

    Mais revenons à nos Lumières …

    Si, au temps des Lumières, les débats se concentrent donc essentiellement sur le contenu de l’éducation à apporter au petit enfant et à l’homme en devenir, il va également porter sur les destinataires de cette précieuse éducation.

    Et c’est là que l’on ne peut qu’être étonné du parti pris de certains philosophes des Lumières …

    Ainsi Louis-René de Caradeuc de La Chalotais (1701-1785), procureur général au Parlement de Bretagne est manifestement peu touché de la nécessité de développer l'instruction du grand nombre ; pour lui seul l’éducation d’une élite est nécessaire.

    Certes ce monsieur n’est pas philosophe mais son positionnement face à l’éducation du peuple sera repris sans restriction par l’un de nos plus célèbres penseurs du 18ème siècle, Voltaire.

    Les Lumières et l'éducation du peuple

     De la Chalotais

     

    De La Chalotais rédige donc en 1763 son "Essai d’éducation nationale" où il fustige l’instruction d’alors essentiellement dispensée par l’Eglise, notamment les Jésuites dont il est un farouche opposant. Or leur enseignement s’adresse à tous et c’est justement là que de la Chalotais fulmine : « n’y a t-il pas trop d’écrivains, trop d’académies, trop de collèges ? (…) il n’y a jamais eu autant d’étudiants dans un royaume où tout le monde se plaint de la dépopulation : le Peuple veut étudier ; des Laboureurs, des Artisans envoient leurs enfants dans les Collèges des petites Villes, où il en coûte peu pour vivre et quand ils ont fait de mauvaises études qui ne leur ont appris qu’à dédaigner la profession de leurs pères ils se jettent dans les Cloitres et dans l’état ecclésiastique ou prennent des offices de justice. (…) le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s’étendent pas plus loin que ses occupations. Tout homme qui voit au-delà de son triste métier ne s’en acquittera jamais avec courage et patience. »

    Les Lumières et l'éducation du peuple

    Voltaire

     

    Voltaire (1694 - 1778) le félicitera d’en exclure les enfants du peuple : « Je vous remercie de proscrire l’étude chez les laboureurs. Moi qui cultive la terre je vous présente requête pour avoir des manœuvres et non des clercs tonsurés».

    Voltaire réitèrera ses positions sectaires dans une lettre écrite en mars 1766 à Damiaville, homme de lettre né à Bordeaux en 1723 : « Il est à propos que le peuple soit guidé et non pas qu’il soit instruit ; il n’est pas digne de l’être… ».

    Le 1er avril, il persiste dans un nouveau courrier toujours adressé à Damiaville : « je crois que nous ne nous entendons pas sur l’article du peuple, que vous croyez digne d’être instruit. J’entends par peuple la populace qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyen ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire ; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes. Il me parait essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir comme moi une terre et si vous aviez des charrues vous seriez bien de mon avis ».

     

    Rousseau (1712-1778) n’est pas en reste puisque dans l’Emile il écrit : « Le pauvre n’a pas besoin d’éducation ; celle de son état est forcée, il n’en saurait avoir d’autre ; au contraire, l’éducation que le riche reçoit de son état est celle qui lui convient le moins et pour lui-même et pour la société ».

     

    Les Lumières et l'éducation du peuple

    Rousseau

     

    Diderot (1713-1784) heureusement est d’un autre avis puisqu’il écrit dans son ouvrage le "Plan d’une université ou d’une éducation publique dans toutes les sciences", (qu’il rédige pour Catherine II dès son retour de Russie en 1775) ces diverses lignes démontrant bel et bien qu’il est en faveur de l’instruction des masses laborieuses :

    Les Lumières et l'éducation du peuple

    Diderot

     

    Le principe d'une éducation pour tous : « Depuis le 1er ministre jusqu’au dernier paysan il est bon que chacun sache lire, écrire et compter » ou encore : « Instruire une nation, c’est la civiliser. Y éteindre les connaissances, c’est la ramener à l’état primitif de barbarie".

    Les raisons de ce principe : « Je dis indistinctement, parce qu’il serait aussi cruel qu’absurde de condamner à l’ignorance les conditions subalternes de la société. Dans toutes, il est des connaissances dont on ne saurait être privé sans conséquence. Le nombre des chaumières et des autres édifices particuliers étant à celui des palais dans le rapport de dix mille à un, il y a dix mille à parier contre un que le génie, les talents et la vertu sortirons plutôt d’une chaumière que d’un palais ».

    "Quoiqu’il en soit, les basses conditions de la société seront donc dans tous les empires la pépinière des moeurs, des connaissances, des talents, de la gloire et de l’illustration présente et à venir de leurs nations".

    La naissance n'est pas un gage de réussite : "Dans toutes les contrées, presque tous les hommes qui se distinguent dans les sciences et les arts sont de basse extraction, et la raison en est simple. Ces conditions communes fournissent mille hommes contre un de naissance. Les premiers sont élevés plus sévèrement ; moins chers à leurs parents indigents, ils sont moins corrompus ; ils n’imaginent pas qu’on sait tout sans rien apprendre ; ils se tourmentent ; ils travaillent ; ils se hâtent de sortir de leur obscurité, l’unique moyen d’obtenir les aisances de la vie qui leur manquent, ou de s’en consoler par la considération générale, l’estime de leurs semblables, et la conscience de leur valeur ».

    Les conditions de l'éducation : « C’est des basses ou dernières conditions de la société dont les enfants restent sans aucune sorte d’éducation que sortent toutes les sortes de malfaiteurs. On a voulu à Paris les enlever à leurs parents, et cette violence a causé une révolte ; c’est qu’il fallait les contraindre à se rendre dans les écoles publiques et leur fournir du pain dans ces écoles".

    « Moins il y a d’opulence autour du berceau de l’enfant qui naît, mieux les parents conçoivent la nécessité de l’éducation, plus sérieusement et plus tôt l’enfant est appliqué ».

     

     

     

    Sources

    L’éducation des enfants au XVIIIe siècle de Luisa Messina

    Diderot et l’éducation du peuple de Liliane Maury

    Les sociétés au XVIIe siècle de Annie Antoine et Cédric Michon

    Histoire incorrecte de l’école de Virginie Subias Konofal


    7 commentaires
  •   

    Petite histoire des vacances scolaires

     

    Sous l’Ancien Régime, les jours de congés correspondent essentiellement aux fêtes chrétiennes et au calendrier liturgique (Epiphanie, Saint-Charlemagne, Sainte Geneviève, Pentecôte, Carnaval, Assomption, Toussaint, Sainte-Catherine, Ascension, Fête-Dieu, fête paroissiale etc). Le plus gros des congés étant condensé sur août/septembre. Ces vacances d’été correspondant en effet à l’aide que les enfants devaient apporter lors des vendanges et de la moisson.

    PETITE HISTOIRE DES VACANCES SCOLAIRES

    Kermesse - détail d'un tableau de Pieter Brueghel l'Ancien

     

    Mais même ainsi les usages en matière de début des congés et de durée de ceux ci restent essentiellement locaux et le resteront longtemps d’ailleurs: ainsi début 1600, au collège d'Arras la sortie a lieu le 25 août et les vacances durent jusqu'au 10 octobre; au collège d'Abbeville, au XVIIIe siècle, les vacances débutent le 15 août et durent environ un mois et demi.

    Avec la révolution, la durée des vacances reste fixée à une soixantaine de jours entre le milieu d'août et la fin septembre et des jours de repos sont prévus à certains moments de l’année.

    Une fois la période révolutionnaire terminée, retour aux pratiques d’antan : dans toutes les écoles, les congés dits extraordinaires (donc autres que ceux d’été) sont liés à nouveau aux fêtes religieuses comme par le passé. Mais avec une volonté de réduire le nombre de ces petits congés.

    Ainsi au début du Consulat en 1800 les seules vacances accordées sont celles d’été et il faudra attendre 1860 pour que Napoléon III accorde 5 jours de vacances supplémentaires pour les fêtes de Pâques.

    Il est même question à cette époque de réduire les vacances dans les écoles secondaires à une quinzaine de jours en août. Un arrêté du 2 septembre 1800 va aller jusqu'à les supprimer, accordant seulement « aux élèves qui se seront bien conduits, la permission d'aller en vacances tous les deux ans ».

    Finalement en 1803 on revient aux pratiques d’antan en réinstaurant 7 semaines de congés d’été ainsi que d’autres petites périodes de vacances au cours de l’année.

    La durée de ces congés d’été est toutefois très fluctuante et va dépendre essentiellement des pratiques de vie des différentes époques : d’une société essentiellement paysanne jusqu’au milieu du 20ème siècle la France va en effet se transformer peu à peu en une société de consommation et de loisirs avec les premiers congés payés et l’apparition du tourisme ; tout cela va nécessairement influer sur les vacances de nos chères têtes blondes.

    Et c’est ainsi qu’en 1814 on rabote un peu les vacances d’été : on en est à 6 semaines.

    En 1851, il est confié aux recteurs départementaux le soin de fixer la date et la durée des vacances d’été entre août et octobre pour une durée de l'ordre d'un mois.

    En 1875, le début des congés est fixé au 9 août.

    1882 marque la grande année de l’éducation nationale puisque la loi Ferry rend l’école laïque, publique et obligatoire. Mais en pratique ne nous leurrons pas, cela ne va pas changer grand-chose dans l’immédiat.

    PETITE HISTOIRE DES VACANCES SCOLAIRES

    Classe de garçons à Hellemmes (Nord) fin 19ème siècle

     

    D’abord parce que ce seront les préfets qui désormais vont donner la date de départ en vacances ; on est donc toujours sur des plages de vacances différentes en fonction des départements. Rien n’est uniformisé.

    Et surtout l'absentéisme ne va pas disparaître comme ça. On estime en 1890 qu'il est de l'ordre de 15 %. En 1929, le taux d'absentéisme est encore d'environ 10 % et c'est en 1942 que le régime de Vichy décide de supprimer les allocations familiales aux familles coupables de ne pas envoyer leurs enfants à l'école.

    Toutefois il faut bien garder en tête que globalement la situation des villes et des campagnes est très différente : dans les écoles primaires rurales, l'absentéisme saisonnier est beaucoup plus important que dans les villes. Ainsi le Manuel général de l'instruction primaire signale en 1834 que, des premiers jours d'avril ou de mai jusqu'à la fin d'octobre ou quelquefois de novembre, « le retour régulier des travaux agricoles enlève à nos écoles toute leur population ». Ce sera un mal récurrent chaque année qui ne va réellement disparaître qu’avec la fin de la petite paysannerie française au XXème siècle.

    PETITE HISTOIRE DES VACANCES SCOLAIRES

     

    En 1888 la durée des congés d’été passe de 4 semaines à 9 semaines.

    L'arrêté du 4 janvier 1894 restreint les grandes vacances à six semaines, mais prévoit que « lorsque les besoins des populations l'exigent et avec l'assentiment du conseil municipal », la fermeture des classes peut être limitée à quinze jours.

    L'arrêté du 24 juillet 1905 s'attaque aux congés extraordinaires et les réduit à une semaine pour les fêtes de Pâques, au premier de l'an, au lundi de Pentecôte et au lendemain de la Toussaint; s'y ajoutent les jours de fêtes patronales et la célébration du 14 juillet.

    En 1912, le début des ‘’grandes vacances’’ est avancé au 14 juillet ; mais elles durent jusqu’au 1er octobre.

    En 1922 le manque de main d'oeuvre dans les champs se fait cruellement sentir. Le ministre de l'Instruction publique octroie donc aux écoliers deux semaines de vacances supplémentaires afin qu'ils puissent aider au travail agricole.

    En 1925, les petites vacances sont à l’honneur ! on a désormais deux semaines de vacances à Noël ; les vacance de Pâques passent d’une semaine à deux.

    Sous le Front populaire, en 1936, des ‘’petites vacances’’ apparaissent : quatre jours en février, si Pâques arrive tard ; quatre jours à la Pentecôte, si Pâques est tôt.

    PETITE HISTOIRE DES VACANCES SCOLAIRES

    Premiers congés payés en 1936

     

    En 1938 le ministre Jean Zay considère, dans une note officielle au Conseil supérieur de l'éducation nationale, que « les vacances des enfants doivent être mises en harmonie avec les congés payés des parents » . L'arrêté ministériel du 11 juillet 1938 fixe donc les dates et durées des congés comme suit : deux jours pour la Toussaint, dix jours pour Noël et le jour de l'an, un jour pour mardi-gras, quinze jours pour Pâques, le lundi de Pentecôte et des vacances d'été du 15 juillet au 30 septembre.

    En 1959, les grandes vacances sont déplacées dans leur ensemble de deux semaines : elles commencent plus tôt ( le 1er juillet) et finissent plus tôt ( à la mi-septembre ) ; on définit également trois zones académiques décalées l'une par rapport à l'autre en particulier pour les petits congés.

    PETITE HISTOIRE DES VACANCES SCOLAIRES

    Camping à Trouville (14) en 1952

    En 1960, les vacances d'été débutent le 28 juin et se terminent le 16 septembre. Mais la France est encore majoritairement paysanne et la circulaire fixant le calendrier scolaire de l’année 1960/1961 précise qu’il est prévu des autorisations d’absences entre les 15 et 30 septembre accordées par l’Inspecteur d’académie, sur demande des personnes responsables, aux enfants ayant au moins douze ans qui sont occupés aux travaux agricoles (article 5, loi du 28 mars 1882), dans les départements viticoles compte tenu des travaux de vendanges (Circulaire du 19 septembre 1960).

    En 1972, (après les jeux olympiques d’hiver de Grenoble) les vacances d’hiver deviennent désormais une véritable institution et un marqueur de notre temps : les loisirs et le tourisme se diversifient considérablement et cela ne va plus s'arrêter !

    PETITE HISTOIRE DES VACANCES SCOLAIRES

    Déjà en 1910 ! Skieurs de Morez - Jura

     

    Début des années 80 : rééquilibrage des vacances scolaires :

    - « les grandes vacances » devenues « les vacances d’été » vont être amputées de 2 semaines au profit des vacances de la Toussaint avec 10 jours accordés de la fin octobre au 2 novembre, et d’hiver : 2 semaines reparties entre février et mars suivant les académies.

    - Les deux semaines de vacances de septembre disparaissent définitivement avec l’extinction de ce que l’on a appelé la petite paysannerie française ; nous sommes définitivement rentrés dans l’ère de la société de loisirs !

     

    Bonne rentrée !

     

    PETITE HISTOIRE DES VACANCES SCOLAIRES

    Rentrée des classes à Paris en 1930

     

     

    Sources

    Les rythmes scolaires en France : permanences, résistances et Inflexions - Paul Gerbod

    Vacances en France de 1830 à nos jours - André Rauch 

     


    8 commentaires
  •  

    Vie d'une lingère à Lille au milieu du 19ème siècle

    En 1856, l’ingénieur Pierre Guillaume Frédéric Le Play (1806-1882) fonde la Société internationale des études pratiques d’économie sociale, qui initie des enquêtes très minutieuses sur les ouvriers, fondées sur l’observation du terrain et l’évaluation quantitative du budget. Il a lui-même parcouru l’Europe pendant près de 18 ans à des fins d’observations des populations et de leurs conditions de vie. Il en est sorti un ouvrage en 1855 : Les ouvriers européens et près de 300 monographies.

     

    Conditions de vie des ouvriers : une lingère à Lille au 19ème - 4

    La lingère - Léon Delachaux

     

    L’une d’elles concerne la vie d’une lingère à Lille vers 1856.

    En voici quelques extraits :

     

    « L’ouvrière a été séduite par un ouvrier serrurier. Il est résulté de cette union un enfant du sexe masculin […] L’ouvrière a de l’intelligence, de l’esprit, un dévouement inaltérable pour son enfant et un fond de gaieté qui l’abandonne rarement. Son heureux caractère lui fait supporter aisément ses souffrances physiques. Dans l’hiver, lorsqu’elle est sans feu et n’a pour passer la nuit sur son grabat qu’une simple couverture de coton gris, elle entasse ses vêtements sur l’enfant pour le garantir du froid. Sa conduite n’a pas toujours été pure; mais les circonstances dans lesquelles la malheureuse fille a succombé, les souffrances morales et physiques qu’elle a endurées, son dévouement pour son enfant, semblent devoir racheter sa faute […]

     

    Jusqu’à l’âge de 8 ans, époque où elle a perdu son père, elle est allée à l’école; elle sait passablement lire, mais elle ne sait pas écrire […] Tout en elle annonce une constitution affaiblie par les privations, l’excès de travail et les souffrances physiques […] Son enfant est pâle, maigre, et toute sa constitution est empreinte de débilité […] L’état de mère fille la place au dernier rang de la société : elle rencontre peu de sympathie et de pitié […]

     

    L’ouvrière peine à suffire aux premières nécessités de la vie. Son salaire est ordinairement absorbé d’avance par de petites dettes contractées envers les fournisseurs. Son matériel : 12 aiguilles diverses (0,15 F) ; 1 paire de ciseaux (0,50 F) ; 1 pelote de coton (0,15 F) ; 1 dé à coudre (0,15 F). Total, 0,95 F.

     

    La plus importante subvention dont profite l’ouvrière consiste dans le paiement de son loyer par un de ses frères […] Un couple de chemises lui sont données annuellement par son patron, et des vêtements hors de service, qu’une personne bienfaisante lui envoie de temps à autre, servent à habiller l’enfant. (…)

     

    Tout le travail de l’ouvrière est exécuté chez elle, au compte d’un patron, et à la pièce. L’ouvrière monte des chemises d’hommes ou tire des fils [ce qui] n’est confié dans les ateliers qu’aux meilleures ouvrières; c’est le travail le plus fatiguant, mais aussi le mieux rétribué. Avec la couture qui forme les plis des devants, le tirage des fils est payé, à Lille, à raison de 3,50 F les 100 plis […]

    Le temps nécessaire pour tirer les fils et coudre 100 plis est au moins de 20 heures de travail. L’ouvrière, consacrant 10 heures par jour à sa besogne, gagne donc 1,75 F quotidiennement ; mais il y a lieu de déduire un quart de produit pour chômages résultant des déplacements et des maladies […]

     

    L’ouvrière et son enfant font généralement quatre repas par jour. Le déjeuner, à 8 heures du matin, se compose d’un peu de pain légèrement beurré qu’ils trempent dans du lait pur ou coupé d’eau de chicorée. Le dîner, qui a lieu à midi précis, consiste en pain et légumes (le plus souvent des pommes de terre) auxquels s’ajoute parfois un peu de viande. Autant que possible l’ouvrière met le pot-au-feu deux fois par semaine, mais avec des morceaux de viande de qualité inférieure […] Le goûter, vers 4 heures du soir, ne comporte qu’une tartine, longue et mince tranche de pain légèrement beurrée. Enfin le souper, qui se prend ordinairement à 8 heures du soir, se compose, comme le déjeuner, de pain trempé dans du lait pur ou mélangé. L’ouvrière ne consomme aucune boisson fermentée […]

     

    L’ouvrière habite à Lille une seule pièce […] La surface totale de la pièce est de 10 mètres […] Les murs sont absolument nus. Il n’y a point de cheminée ; celle-ci est remplacée par un poêle […] Le mobilier a l’aspect le plus triste […] Les meilleurs vêtements de l’ouvrière sont engagés au mont-de-piété

     

    Sources

    J. Marseille, « Une vie de lingère »,  L’Histoire, n° 349, janvier 2010.


    4 commentaires