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    Histoire rapide du sucre en Europe et en France

     

    Le sucre, épice rare et coûteuse

    La saveur sucrée connue essentiellement grâce au miel mais aussi au moût de raisin concentré, aux vins cuits, aux raisins secs, figues sèches, dattes, pruneaux etc  est finalement peu répandue dans l’antiquité.

     

    Mais des expériences diverses permirent aux hommes, très tôt, de découvrir d’autres sources de sucre, notamment par la canne à sucre.

     

    Le sucre de canne fut diffusé par les Arabes dans le monde méditerranéen au cours du Moyen Âge au fur et à mesure de leurs conquêtes en particulier en Sicile et en Espagne, en Crête, à Malte et à Chypre dès le 9ème siècle.

     

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    Grâce aux croisades, les chrétiens découvrir le sucre et surent l’apprécier ; à tel point qu’ils le ramenèrent en occident mais il s’agissait d’une denrée rare et coûteuse, réservée aux apothicaires qui le prescrivaient aux malades et surtout aux convalescents affaiblis auxquels il était censé redonner de la vigueur

    Le sucre étant considéré comme une épice, on l’utilisait sur les mets avec parcimonie

    A noter que le sens du mot épices est beaucoup plus large au Moyen Age que de nos jours : cela correspondait à toutes sortes de produits médicaux, pharmaceutiques, voire même tous les produits indispensables à la transformation des textiles et des métaux : aromates, parfums, drogues, bois de brazil, mastic de Chios …

     

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    Pot à sucre - 18ème siècle

     

    Pour les médecins médiévaux, le sucre est un aliment « chaud » et « humide », qui facilite la digestion des aliments ce qui, à l’époque, est perçu comme la condition impérative d’une bonne santé.

     

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    Boutique d'apothicaire

     

    On distinguait différents sucres : le sucre de Malique (Malaga), le sucre de damas (le plus réputé, raffiné deux fois), le sucre de Venise, le sucre de Babylone (considéré comme supérieur au sucre de Damas), le sucre de pot, le miel de sucre ou casson (de couleur brune), le sucre candi.

     

     

    La canne à sucre et le Nouveau Monde : la base de tout une économie

    Suite aux croisades, Venise et Gênes devinrent les plaques tournantes du commerce du sucre, important le sucre d’Orient et le redistribuant en Allemagne, en France, en Angleterre, etc. Au 13ème siècle, le port de Venise est un grand centre de traitement du sucre, celui-ci étant refondu et raffiné sur place afin d’en faciliter la conservation et en améliorer la qualité. Ceci étant, les Vénitiens vendaient aussi des sucres bruns et de la mélasse.

     

    La demande de sucre ne cessant de croître malgré son prix prohibitif, les Portugais, qui avaient découvert Madère en 1419, y apportèrent des plants et des techniciens de Sicile : l’île devint en quelques décennies le principal fournisseur de l’Europe occidentale.

     

    Au cours du XVIe siècle, le sucre prit une place de plus en plus grande parmi les produits exotiques vendus chez les « épiciers ». En 1572, le cartographe anversois Abraham Ortélius écrit : « Au lieu qu’auparavant le sucre n’était recouvrable qu’aux boutiques des apothicaires qui le gardaient pour les malades seulement, aujourd’hui on le dévore par gloutonnerie ».

     

    La découverte du Nouveau Monde va faire évoluer de façon spectaculaire le commerce du sucre et malheureusement devenir la base du commerce négrier à venir : dès son deuxième voyage, Christophe Colomb planta des cannes à Hispaniola (Saint-Domingue) et les Portugais, qui avaient découvert le Brésil en 1500, y multiplièrent les plantations à partir de 1530 :  la quasi-totalité de la production brésilienne était expédiée en Europe. Or cette dernière passa de 2 470 tonnes vers 1560 à 16 300 en 1600 et 20 400 en 1630. Le sucre était envoyé vers Lisbonne et surtout vers Anvers, qui devint, aux dépens de Venise, le grand centre de raffinage et de redistribution du sucre dans l’Europe du Nord.

     

    Au XVIème siècle le goût pour le sucré ne se dément pas : les bonbons, les guimauves, les réglisses se développent dans les milieux aisés : la noblesse et les riches bourgeois adoptent l’usage de drageoirs magnifiques. Le sucrier, posé sur la table, est fermé à clef, et c’est le maître de maison qui le distribue, au dessert, par miettes à ses convives.

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    Drageoir 19ème siècle

     

    Les aristocrates du début de la Renaissance apprécient tellement la saveur sucrée qu’ils demandent toujours à leurs cuisiniers d’en « saupoudrer sur la viande [et sur] le poisson », ainsi que le note Jean Bruyerin-Champier, le médecin de François Ier. C’est ainsi que l’on retrouve du sucre « à grand foison » dans les recettes de chapon, d’esturgeon, de soupe à l’ail par exemple.

    Ce ne sera qu’à partir du XVII° siècle que, progressivement, l’emploi de sucre dans les légumes, les poissons et les viandes commencera à décliner.

     

    Dès la Renaissance un nouveau type d’ouvrages culinaires apparaît : les livres « de confiture » (le terme de confiture désigne alors les aliments bouillis et conservés dans le miel ou le sucre). Un des plus célèbres a pour titre : « Excellent et moult utile opuscule à touts necessaire », publié en 1555 par un médecin, astrologue et alchimiste, Michel de Nostre-Dame, plus connu sous le nom de Nostradamus.

     

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    Livre de confiture de Michel de Nostre Dame

     

    L’engouement pour le sucre est toutefois combattu par Paracelse (1493-1541), médecin bâlois qui remet en cause la théorie des « humeurs » héritée d’Hippocrate et de Galien, et qui affirme que le sucre est très néfaste à la santé. Quelques décennies plus tard, Duchesne, médecin du roi Henri IV, écrit que « le sucre, sous sa blancheur cache une grande noirceur. »

    Mais surtout la consommation de sucre est perçue comme l’expression de la recherche du plaisir, ce qui n’est guère compatible avec les mœurs du temps … Plus le sucre devient accessible, plus se trouve posée la question de la légitimité morale de consommer un aliment, source d’un si grand plaisir.

     

    Le grand essor de la consommation du sucre toutefois est lié à l’engouement des Européens pour trois boissons nouvelles : le chocolat, le café, et le thé, boissons stimulantes qui vont prendre une place importante à côté des boissons alcoolisées traditionnelles dès la seconde moitié du XVIIe siècle.

     

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    La servante au chocolat - Jean Etienne Liotard - 18ème siècle

     

    Bu tel quel, le cacao comme le café ou le thé est amer et peu attractif mais du jour où le Polonais Kulczuski eut l’idée vers 1680 d’y rajouter du lait et du sucre, le tout accompagné d’une pâtisserie briochée en forme de croissant en hommage à la victoire contre les Turcs, ces breuvages furent immédiatement adoptés et se diffusèrent dans toute l’Europe par l’intermédiaire des établissements appelés « café ».

     

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    Jeu de dame au café Lamblin - L.L. Boilly - 1808 

     

    A Paris le nombre de café passa de 300 en 1716 à 1800 en 1788, 4000 en 1807.

    A l’intérieur d’un café du début du 19ème siècle on peut voir une pyramide de morceaux de sucre, ceux-ci étant fabriqués sur place ; en effet ce qui est commercialisé ce sont en fait des pains de sucre en forme de cône.

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    Pain de sucre et son moule

     

    Et l’idée est donc de tailler dans ces pains 35 à 45 morceaux de sucre ; les déchets, éclats et poussières de sucre serviront pour les limonades notamment.

     

    La betterave, nouvelle source de sucre

    Le blocus continental décrété par Napoléon au début du 19ème siècle entraîne une pénurie de sucre et cela ne plait pas aux Français. Il faut donc trouver d’autres sources de sucre. A noter que cette idée d’exploiter une autre source de sucre que la canne germe déjà dans l’esprit d’Olivier de Serres, grand agronome du XVI° siècle. Dans ses écrits, il évoque « une espèce de pastenade, la bette-rave, laquelle nous est venue d’Italie il n’y a pas longtemps. C’est une racine fort rouge, assés grosse, dont les fueilles sont des Bettes et tout cela est bon à manger, appareillé en cuisine ; voire la racine est mangée entre les viandes délicates dont le jus qu’elle rend en cuisant, semblable au syrop de sucre, est très beau à voir pour sa vermeille couleur. » Mais cette observation ne suscite à l’époque aucun intérêt.

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    Mais le blocus fait accélérer les choses et après de nombreuses recherches et expériences, on découvre que la betterave peut effectivement concurrencer la canne à sucre et la mettre de ce fait à la portée de bourses plus désargentée… ; et c’est ainsi que la culture de la betterave sucrière va prendre son essor au 19ème siècle et dominer la production sucrière jusqu’en 1880.

     

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    En 1828, la France compte 585 sucreries implantées dans 44 départements. En 1900, le sucre de betterave représente 53 % de la production mondiale. La guerre de 14-18, en transformant les grandes plaines betteravières en champs de bataille, stoppe toute la production en France et en Belgique et la fait redescendre à 26%.

    Au cours du XIXe siècle, les sucreries se multiplièrent : il en existait, vers 1880, 150 dans le seul département du Nord et une centaine dans le Pas-de-Calais.

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    Sucrerie d'Escaudoeuvre (59)

     

    A Thumeries dans le Nord par exemple, la fabrique de sucre née en 1821 a fait vivre plusieurs générations de Thumerisiens (et les villages alentours). « Il y faisait 30 à 35º, et on travaillait 12 heures par jour, sept jours sur sept ». Les jeunes filles entraient à la « casserie » ou emballaient les pains de sucre. Les garçons commençaient à la base, avec plus de perspectives d’évolution.

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    Usine de Thumeries

     

    En 1898 le curé de Faumont, l’abbé Dal, écrit sur sa traversée de Thumeries : « nous avons sur notre gauche la fabrique de sucre de la famille Béghin l’une des plus anciennes de France. Fondée par messieurs Coget frères, cette usine a reçu sous l’impulsion du neveu, leur successeur, une nouvelle impulsion et de nouveaux développements. On y trouve réunis tous les derniers perfectionnements de l’industrie sucrière. 420 000 kilos de betteraves sont engloutis chaque jour dans ce minotaure qui les rend en sucre raffinés de la meilleure qualité ».

     

    En 1904 des maisons ouvrières seront construites près du site par la famille Béghin

     

    En 1900 l’usine traite 850 tonnes de betteraves par jour, 1000 tonnes en 1910 et 1500 en 1914.

     

    Ferdinand Béghin, 2ème du nom, écrit dans ses carnets : « La raffinerie est un métier complexe qui exige un matériel important, beaucoup de main d’œuvre et beaucoup d’énergie. La technique est la suivante : le sucre brut est affiné dans des turbines. Il est ensuite refondu et mélangé avec du lait de chaux pour fixer don alcalinité et du kieselguhr (terre de diatomées), il est ensuite passé sur des filtres presses. Le deuxième stade est la filtration sur du noir animal, les filtres retiennent les matières organiques et une partie des matières minérales. Le sirop sortant de ces filtres à plus de 99% de pureté est turbiné. Ce sucre de premier jet est envoyé à la casserie pour le conditionnement. Trois cycles semblables sont exécutés pour arriver à de la mélasse. »

     

     

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    Machine à casser le sucre - 19ème siècle

     

    Travail dans les sucreries

    L’activité sucrière est saisonnière : la saison dure moins de 3 mois après la récolte des betteraves, en fait le dernier trimestre de l’année ; cette activité a l’énorme avantage d’offrir du travail à la morte saison.

     

    Le travail dans les raffineries est dur car la chaleur est prégnante, les risques d’incendie existent et les odeurs sont délétères

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    Raffinerie Say - l'un des ateliers de la raffinerie où le sucre est versé dans des moules - 1905

     

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    Raffinerie Delerue - Raismes (59) - Casserie de sucre

     

    En effet, tous les jours les employés allument et entretiennent les fourneaux de la halle aux chaudières, pour pouvoir clarifier le sucre. L’étuve dédiée au séchage des pains de sucre est également chauffée, grâce à un coffre d’étuve où le feu est entretenu à une température constante d’une cinquantaine de degrés, pendant plusieurs jours entre chaque fournée. Dans les temps frais, les greniers, où sont entreposées les formes à sucre le temps de la cristallisation du sucre, sont chauffés à l’aide de poêles pour accélérer l’écoulement de la partie liquide du sucre à l’extérieur des céramiques, dans les pots à mélasse.

     

    Les vapeurs délétères résultent quant à elles de la cuisson d’un mélange de sucre brut, d’eau de chaux, de sang de bœuf et de blancs d’œufs. Les émanations nauséabondes provenant de la cuitte du sang sont d’ailleurs abondamment décriées depuis les années 1700-1710, lorsque les blancs d’œufs, utilisés en très grande quantité lors de la clarification du sucre, sont remplacés par le sang de bœuf dans presque toutes les villes abritant des raffineries de sucre.

     

    Les odeurs provenant de la préparation de l’argile destinée au terrage des pains de sucre sont également jugées malsaines. Eau et argile, dans les mêmes proportions, sont mêlées dans une cuve jusqu’à l’obtention d’un mélange homogène, laissé au repos jusqu’à ce que la terre se dépose au fond du bac et que l’eau ne soit plus trouble ; celle-ci est alors évacuée et remplacée par une eau propre, à nouveau mélangée à l’argile et ce procédé est répété pendant une huitaine de jours, jusqu’à ce que l’eau ne prenne plus ni la couleur ni le goût de la terre. La stagnation et la fermentation de l’eau dans le récipient « dégage[nt] une odeur infecte et une vapeur mordicante qui a la force de dissoudre le plomb des vitres »

     

    En 1810, les propriétés du charbon animal sont jugées supérieures, pour la cristallisation du sucre et la décoloration des cristaux.  Le noir animal semble largement diffusé dans les raffineries de sucre en 1813 et les riverains dénoncent d’ailleurs le méphitisme et l’insalubrité des exhalaisons qui se dégagent des manufactures lorsque le sucre est clarifié à l’aide de cette substance

    Le noir animal sera peu abandonné dans la première moitié du 20ème siècle

     

    Raffinerie Say (13ème arrondissement de Paris) - témoignages des conditions de travail

    Créé à Ivry en 1832, la raffinerie Say va fabriquer du sucre à partir de la canne à sucre puis une fois le process mis au point à partir de la betterave.

     

    Un ouvrier en 1891 dit en parlant de son travail à la raffinerie : « Au bagne de la raffinerie Say" …

    « On travaille par "64° de chaleur", et les hommes des chambres chaudes devaient fréquemment interrompre leur travail au risque d'être "flambés" au bout de 3 à 4 ans ».

     

    En 1908, l'inspection du travail comptait 2 084 personnes employées dans l'établissement dont 1 131 jeunes filles et femmes, soit 54,3 % du personnel.

     

    Jeanne est entrée à la raffinerie à 16 ans en 1904 et travaillait sur les cassoirs de la raffinerie : « C'était une grande machine qui marchait tout le temps. Nous avions une lingoteuse et une scieuse. La scieuse sortait les plaquettes du chariot des fois toutes très chaudes, pour les mettre dans une scie, et la lingoteuse reprenait ça dans ses mains. Le couteau marchait sans arrêt, sans arrêt pour couper le sucre en morceaux. Pour la lingoteuse c'était très dur parce qu'il fallait qu'elle remplisse des carrés pour que les rangeuses les mettent dans les cartons. Six carrés qu'elle mettait en deux secondes, vous vous rendez compte ! [...] Ces carrés-là, ils marchaient, ils tournaient en-dessous et retournaient au dessus. On était huit rangeuses, quatre rangeuses d'un côté, quatre rangeuses de l'autre. On prenait tous ces carrés qui venaient tout le temps : celle qui était à côté du couteau, elle laissait passer trois carrés, puis elle ramassait le quatrième, puis toujours comme ça… C'est-à-dire que nous avions un banc, et dans ce banc-là, il y avait un moule. Fallait qu'on ouvre un carton pour le mettre dans le moule et ranger dedans le sucre qu'on sortait des cartons […] On faisait des piles de carton à côté de nous et il fallait aller les porter à la peseuse, qui était derrière. Il n'y avait que deux peseuses, une de chaque côté : si on faisait 10 000 kilos par jour, à elle toute seule chaque peseuse pesait 5. 000 kg »

    « Ça usait les doigts ! Le soir on avait les doigts en sang. On mettait des doigtiers. Comme c'était très cher et qu'il fallait qu'on paye ces doigtiers, ça nous arrangeait pas ».

     

    « Quand j'ai débuté en ce temps-là, c'était de 6 h  du matin à 6 h du soir. On partait déjeuner de 11 h à midi. Après, nous avons eu une demi-heure de plus, de 11 h. à midi et demi, mais bien longtemps après. »

     

    Suzanne entrée chez Say en 1942, se souvient : "On travaillait le dos tourné à la machine, dans une chaleur vraiment pénible ; il fallait attraper une plaque de sucre qui descendait d’un entonnoir et l’enfourner pour qu’elle sèche. Mes doigts finissaient par saigner et je pleurais chaque soir. (…) On tenait grâce au café et au sucre – sur place, parce qu’on était fouillées à la sortie." 

     

     

    Histoire rapide du sucre en Europe et en France

     

    Le sucre issu de la betterave sort naturellement blanc de la sucrerie; pas besoin de le raffiner 

     la canne à sucre sort lui naturellement roux.

     

     

    Sources

    Histoire de l’alimentation de Jean Louis Flandrin

    Une brève histoire du sucre et du sucré de Eric Birlouez

    Histoire du sucre de Jean Meyer

    Le raffinage du sucre et ses conséquences environnementales : les cas de La Rochelle et d’Orléans, 17è/19ème siècle de Gaëlle Caillet

    L’art délicat du raffinage du sucre : la discrète évolution des techniques (France, 17è/18ème siècle) de Maud Villeret

    Camille et jeanne, ouvrières à la raffinerie Say - IDHES-Nanterre

    Raffinerie Say : témoignages, photos, histoirehttps://sucrerie-francieres.fr/inventaire-say-paris/

    fabrication du sucrehttps://www.lesucre.com/sucre-a-a-z/les-plantes-sucrieres/process-d-extraction.html  

    Histoire du sucrehttps://www.lesucre.com/sucre-de-a-a-z/histoire/frise-chronologique.html

    Histoire de thumeries :  https://fr.calameo.com/read/0057949844bc23c26a86e

    Céramique de raffinagehttps://craham.hypotheses.org/1166  

     


    2 commentaires
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    L’alimentation paysanne et citadine de 1850 à la 1ère guerre mondiale

     

    Intérieur charolais - Firmin Girard  1838-1921

     

    Jusqu’au milieu du 19ème siècle, le régime alimentaire des gens du peuple (des campagnes comme des villes) est presque strictement végétarien (œufs et laitages inclus) sauf le dimanche où l'ordinaire de légumes secs (haricots, pois, fèves), de soupes (herbes et raves, farine et oignons), de laitages (lait, fromages de fabrication familiale), est amélioré par une tranche de porc salé cuit avec les légumes de la soupe (choux, pommes de terre, carottes).

     

     

    Pour toute boisson, contrairement à ce que l’on pense, c’est de l'eau majoritairement qui est bue.

    L’usage de boisson alcoolisée reste localisé aux régions viticoles ou productrice de cidre par exemple mais souvent le vin ou le cidre sera de mauvaise qualité et coupé d’eau.

     

    Quand on lit le livre de Jean Marie Déguignet on voit que pendant son enfance miséreuse son quotidien est constitué de pain noir et de pommes de terre.

     

     

    De quoi est constitué plus précisément le repas ? 

     

    Le pain, bis ou noir, occupe une place très importante dans les repas. Celui de froment est réservé aux gens aisés, c’est une gourmandise. Le pain est consommé rassis, par économie. A noter que pour faire durer le pain, le taux de sel est très élevé.

    Pour le pain ordinaire, celui réservé aux paysans et ouvriers, les mélanges varient selon les régions. En Savoie, il est fabriqué à base de seigle mêlé à l'orge et aux pommes de terre. En Bretagne, l'orge y est associée au seigle et au froment, sauf dans les terres pauvres où il est de seigle uniquement. Dans le Sud Ouest, il est mêlé de maïs.

    La cuisson du pain se fait dans le four familial tous les huit ou quinze jours voire dans certaines régions dans le four communal.

     

    Les bouillies sont un autre composant des repas. Elles occupent encore une place très importante dans le système alimentaire au 19ème siècle, comme en témoigne le nombre élevé des termes les désignant en fonction de la graine utilisée et du liquide de cuisson. Elles souvent faites avec de la farine de maïs.

     

    A noter que le maïs s'imposa dans les Pyrénées dans le courant du 18ème siècle (à Tarbes en 1700) et devint, de l'Aquitaine au Languedoc, la céréale la plus consommée jusqu'à la fin du XIXe siècle, appelée tour à tour « gros mil », milhàc, « blé d'Inde », turguet ou « blé de Turquie », et encore « blé d'Espagne ».

     

    Faite avec du lait, la bouillie devient broyés en Béarn, millas en Ariège, pastet dans les Hautes Pyrénées, gaudes en Jura et Basse-Bourgogne. A l'eau, elle devient polenta en Savoie, farinettes en Auvergne.

     

    Les restes de bouillies, cuits et refroidis seront découpés en morceaux, frits avec un peu de saindoux pour le prochain repas.

     

    La soupe trempée de pain, est consommée au moins une fois par jour, à midi, et constitue un autre élément essentiel des repas . Les légumes verts utilisés restent peu nombreux : choux, oignons, oseille essentiellement et parfois, des haricots, des raves, des pommes de terre, quelquefois des carottes. Le dimanche et, vers la fin du 19ème siècle, deux à trois fois par semaine, on ajoutera au menu une tranche de porc salé.

     

    La pomme de terre est un aliment très utilisé dans les repas surtout dans l’alimentation ouvrière : A Lille, en 1860, les besoins d’une famille de 6 personnes s’élèvent à 5 kg par jour. Les médecins déplorent le déséquilibre alimentaire provoqué par cette surconsommation mais c’est affaire de budget : 1 kg de pomme de terre coûte 1 à 3 sous, 1 kg de viande de bœuf de 27 à 37 sous. On mange la pomme de terre sous différentes formes : en purée, en soupe, en ragoût - le rata-, ou simplement avec la pelure assaisonnée de sel. Les fritures sont peu pratiquées à cette époque car la graisse coûte cher et on craint l’embrasement des bassines à frire.

    A noter qu’en 1925 le français consomme 178 kg/an/habitant de pommes de terre contre 64kg en 1996.

     

    Les fruits restent rares à l'exception des pommes et des poires du verger.

    A noter que la consommation de fruits achetés par an et par habitant passe de 13kg en 1850 à 40kg en 1900/1913. il est bien évident toutefois que le monde paysan et ouvrier ne peut pas acheter de fruits. ce sera le privilège de la bourgeoisie pendant encore plusieurs décennies.

     

    Les produits laitiers : Peu de beurre (on sait encore mal le conserver) ; parmi les produits laitiers on a surtout le lait battu ou babeurre utilisé de multiples façons : la recette du lait battu à la tourquennoise par exemple consiste à faire cuire des morceaux de pommes et de pommes de terre dans du lait ayant reposé toute une nuit. Une fois cuite, la préparation est assaisonnée de cassonade et consommée avec des tartines.

     

    La viande, quand on en mange, c'est du porc, découpé en quartiers et mis au saloir, presque jamais fumé. Une partie du gras est fondu pour servir à la cuisine. Il n’y a pas de charcuterie type saucissons ou pâtés.

    Les volailles sont rares, vendues à la ville, tuées à l'occasion de certaines fêtes et pour les durs travaux de la moisson ou du battage. Le lapin est encore peu répandu.

     

    Repas des poules - fin 19ème siècle - Julien Dupré

     

    On mange de la viande de boucherie deux fois par an : à Mardi gras et à l'occasion de la fête locale. Le poisson est très peu connu : le vendredi, on fait maigre en suivant un régime strictement végétarien additionné de lait.

     

    Les produits d'épicerie comme le chocolat, le café, le sucre, les pâtes restent très rares et consommés seulement à l'occasion des rites de passage, de très grandes fêtes calendaires et de la fête communale

     

    Au final, l’alimentation au 19ème siècle est assez uniforme, très carencée en vitamines et autres nutriments.

    Indépendamment des nombreuses maladies liées à une mal nutrition, les hommes du 19ème siècle souffrait aussi de pellagre du fait d'une alimentation basée quasi exclusivement sur un aliment.

    "Le fermier remarque une tache ronde et prurigineuse, d’un rouge foncé, qui apparaît sur le dos de sa main, pâlit graduellement et disparaît en laissant la peau brillante. L’ année d’après, à la belle saison, la tache est plus ample et sa pigmentation plus prononcée. Ensuite, ces marques se répandent sur les jambes et les pieds, la peau des mains s’écaille et les fissures deviennent des crevasses. Le mal s’étend à la bouche : les gencives saignent, les dents noircissent, cassent et tombent. L’ agriculteur est proie de la faiblesse, de la nausée, de la perte de l’appétit. Le pouls est lent, les vertiges et les délires surviennent, la mort suit. C’est le « mal de la misère ». 

     

    Diversification progressive de l’alimentation au fur et à mesure que l’on s’avance vers le 20ème siècle

    Des modifications sont apportées progressivement au régime alimentaire des français : de façon inégale selon les régions et les milieux toutefois.

     

     

    Peu à peu le porc, jusque-là consommé une fois par semaine, devient quotidien. On commence à mettre le pot-au-feu le dimanche. En Bretagne, terre toujours pauvre, le menu dominical se compose de lard et de choux.

     

    Le pain se mange plus blanc dans les régions à froment. 

     

    Le café et le sucre font des apparitions ponctuelles, plus fréquentes dans le Nord et le Centre. A la fin du XIXe siècle la cafetière sera posée en permanence sur la cuisinière des maisons paysannes. Le café, centre névralgique de tout village qui se respecte va d’ailleurs se répandre très vite dans toute la France.

     

     

    Dans le Nord en ville ou à la campagne, le café accompagne les tartines du matin et du déjeuner ainsi que le repas du soir. En 1840, le docteur Villermé relate : « tous les ouvriers prennent à Lille chaque matin en se levant une et souvent deux tasses de café au lait presque sans sucre ». Le café est la boisson incontournable pour les ouvriers. Appréciée parce qu’elle trompe la faim, elle permet aussi de surmonter la fatigue et de se réchauffer.

     

     

    «Le café mêlé au lait est devenu un aliment indispensable, même pour les personnes les moins aisées. Quel est l'homme mâtineux qui n'a pas vu dans les rues de Paris des marchands de café ambulants ou stationnaires, et les classes laborieuses prenant debout le moka économique que leur distribuent ces cafetiers en plein vent? Courez-vous à la capitale, votre odorat savoure çà et là l'odeur suave qu'exhale le brûloir à café du limonadier ou de l'épicier. Rentrez-vous au logis, vous êtes encore embaumés du parfum qu'il répand lorsqu'il sort en poudre du moulin où il vient d'être broyé; soit au lait, à la crème ou à l'eau, le café est devenu aujourd'hui de première nécessité pour toutes les classes de la société." Ecrit Devily dans son ouvrage : « Histoire pittoresque du café » en 1836.

     

    Paris 

     

    Fin 19ème, le pain est de froment plus ou moins blanc, même en Bretagne. Les bouillies disparaissent en tant que plat principal mais subsistent en dessert, élément tout nouveau du menu dominical.

     

    Le bénédicité - début 20ème siècle - Alfred Desplanques

     

    Pour le petit déjeuner, les femmes et les enfants adoptent le café au lait (ou un équivalent) et les tartines ; les hommes restent fidèles à la soupe. Soupe trempée que l'on retrouve toujours au début des principaux repas, faite des légumes que l’on a vus plus haut (il n’y a pas de réelles nouveautés dans sa composition) et d'un morceau de porc.

     

    De nouvelles espèces de légumes verts sont cuisinés : salsifis, artichaut en Loire-Atlantique et en Allier, cornichon. En revanche, les légumes farineux comme le pois blanc ou les fèves disparaissent.

     

    Les châtaignes sont délaissées car considérées comme un aliment de gens pauvres.

     

    Les œufs servent à la confection de pâtisseries simples : flans, galettes garnies de migaine dans le Nord et l’Est.

     

    Les paysans se sont habitués au vin ; ils ont même planté des vignes pour leur consommation familiale. Ils fabriquent également de la piquette avec le moût et de la frênette. En Bretagne, la consommation de cidre s'est généralisée.

     

    Les huiles de fabrication locale (navette, faîne, noix, noisette, œillette) qui entraient dans la préparation des salades cèdent la place à l'huile d'olive ou à l'huile d'arachide selon les régions car leur culture est peu rémunératrice et prend beaucoup de temps. A noter que faire la cuisine au beurre est un signe d’ascension sociale !

     

    Le dimanche, on reçoit la famille avec un poulet (réservé jusqu'en 1900 pour le Mardi gras en Picardie) ou encore un lapin en civet ou en gibelotte et un dessert.

     

    Planche pédagogique - Repas en famille - 1904

     

    Après la 1ère guerre mondiale, rares sont les régions où les fermiers font encore leur pain. Mais surtout celui-ci n'est plus l'essentiel du régime ; il perd de sa valeur symbolique et alimentaire.

     

    La soupe demeure essentielle et surtout le porc reste « la viande » de base, même si la charcuterie est bien plus élaborée que jadis.

     

    Le veau, peu consommé non à cause de son goût mais parce qu'il coûte cher, était par excellence la viande des citadins aisés jusqu'au début du XIXe siècle ; il l'emporte désormais sur les bas morceaux du bœuf.

     

    Grâce aux colis de marée envoyés directement des ports de mer et surtout aux tournées des commerçants, le poisson frais entre dans les habitudes : les espèces consommées deviennent plus nombreuses ; en conserve, elles font l'ordinaire des petits repas.

     

    La gamme des légumes s'étend : épinards, choux-fleurs, céleris, artichauts, aubergines, melons ; haricots verts et tomates.

    Ecossage de haricots de Louis Adolphe Humbert de Molard (1800-1874)

     

    La crème se substitue au bouillon de lard salé, les gaufres se font au lait, etc. On mange plus gras et plus sucré. Les nouvelles recettes sont d'origine citadine : les sauces varient, les tourtes deviennent tartes, les brioches « se font avec du beurre et des œufs comme en ville ».

     

    La crémière - Suzanne Hurel 1876-1956)

     

    Les plats très anciens perdent quelquefois leur position centrale, voire unique, pour survivre comme dessert comme le matefaim ou matafan (sorte de galette de pommes de terre) dans le Dauphiné, la Savoie.

    Cette évolution indique que le niveau de vie s'élève et que les habitudes changent : le paysan se permet enfin des aliments considérés jusque-là comme luxueux.

     

    L’alcool au 19ème siècle

    Dans le même temps, de nouvelles boissons apparaissent : bière dans le Midi, limonade et vin en Bretagne. La frênette et la piquette persistent dans le Nord, l'Est et le Jura.

     

    Le paysan comme le citadin vont prendre goût aux alcools plus fort (la bouteille de goutte ou d’eau de vie va se retrouver bientôt sur toutes les tables) ; la distillation artisanale et industrielle prend de l’ampleur.

     

    A la fin de l’année 1918, Le Midi syndicaliste présente, dans son évaluation des dépenses alimentaires quotidiennes du foyer ouvrier, la quantité de vin bue par les ouvriers quotidiennement qui correspond à environ à 1 litre de vin en moyenne par ouvrier mais  Des chiffres plus élevés sont cependant avancés pour certains corps de métier, de l’ordre de quatre litres par jour pour les mineurs, trois litres pour de nombreux travailleurs (terrassiers, coltineurs, débardeurs), deux litres chez les marins-pêcheurs ou les ouvriers agricoles.

     

    De nouvelles habitudes en rapport avec l’alcool vont également être adoptées pour le plus grand malheur des enfants notamment :  on va ajouter plus ou moins discrètement au café quelques gouttes d'alcool : café irlandais avec du whisky, café brulot à la Nouvelle Orléan avec du cognac, café bourguignon avec du vin rouge ou du marc de Bourgogne, bistouille du Nord avec du genièvre.

     

     

    Or on donne aux enfants très souvent ce type de mélange et ce dès l’âge de 6 mois d’après le DR Tourdot à Rouen en 1907 : celui-ci précise dans un article de la même année du journal La Croix : « dans le milieu ouvrier, le premier remède à administrer à l’enfant malade surtout s’il est pris de convulsion, c’est l’eau de vie […]

    L’enfant du second âge s’en va à l’école après avoir pris sa ration de cognac ; et il en prend encore à chaque repas. Il est des mères qui, en guise de provisions pendant la journée d’école, mettent dans le panier de l’enfant une petite bouteille de cognac et du pain pour faire la trempette 

    Les parents sont convaincus que l’alcool donne de la force. Il retire en effet l’appétit et par cela même ils s’imaginent qu’il nourrit. Ces enfants mangent à peine et deviennent des candidats à la tuberculose.

    Dans les campagnes, c’est encore pire, si c’est possible ; les commères s’assemblent et absorbent plusieurs fois par jour de la bistouille”, c’est-à-dire du café mélangé d’un tiers d’alcool et les enfants présents ont leur part du brevage toxique. L’enfant devient aussi nécessairement alcoolique : dès douze ans, il ne rêve plus que bistouille. Telles les mères, tels les enfants. »

     

    En 1896, l'académie de médecine rapporte le cas pas si exceptionnel a priori dans la France de cette époque de deux adolescentes ayant commencé à boire du vin dès leurs premières années. Les conséquences sont effrayantes :  "Il s’agit de deux jeunes filles âgées de 14 ans. La première commença à prendre du vin aux repas à l’âge de 3 ans ; la seconde à 2 ans. Chez toutes deux, on constate l'existence d’une affection du foie, la “cirrhose”, qui se caractérise par le ratatinement de cet organe et sa dégénérescence.

    Mais voici qui est plus intéressant : la première malade présente des symptômes de croissance imparfaite, l’autre, des paralysies diverses coïncidant, aussi, avec un arrêt de croissance tel que sa taille n'est que de 94 centimètres, et ses membres si grêles, qu’ils ne peuvent supporter le poids du corps. En somme, ces jeunes filles de 14 ans paraissent avoir tout au plus 6 ans. Inutile de dire que dans les deux cas on a administré du vin aux enfants “pour les fortifier”. 

    Bien mieux, chez la seconde – la plus malade –, comme le vin était très mal supporté, la mère a cru devoir terminer chaque repas par un petit verre de crème de menthe, afin de faire digérer le vin de Bordeaux. […]

    Puissent ces funestes exemples être une leçon pour les jeunes mères trop faibles pour contrarier les désirs et les caprices des bébés. »

     

     

     

    Voir aussi : les repas sous l'Ancien Régime

     

    Sources

    L’alimentation paysanne en France entre 1850 et 1936 de Rolande Bonnain Moerdijk 

    Boire et manger en France de 1870 au début des années 1990 de Dominique Lejeune

    http://www.chl-tourcoing.fr/expo-les-collections-a-table/index.html

    Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres de Morgan Poggioli

    La culture des cafés au 19ème siècle d’après Suzanna Barrows de Anne emmanuelle demartini

    Recette du broyé du Poitou  

    Recette du millas d’Ariège 

    Recettes ancestrales à base de maïs 

    Recette des gaudes 

    Recette des farinettes  

    Recette de polenta 

    Recette du matafan 

     


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    Jean-Marie Déguignet est né en 1834 dans une famille bretonne très pauvre. Il a grandi dans un milieu "où presque personne ne savait lire ou même parler un mot de français". Mais, dévoré par le désir de s'instruire, le petit vacher misérable apprit d'abord seul à lire et à écrire.

    Après s'être engagé dans l'armée, il prit part à presque toutes les campagnes de Napoléon III, de l'Italie au Mexique en passant par Jérusalem qu’il visita en « touriste ».

    Anti cléricaliste et républicain convaincu, il revient en Bretagne avec pour tout objectif de se suffire à lui-même. Le destin en décida autrement : il se maria un peu contraint et forcé et devint tour à tour agriculteur, assureur, buraliste. Ruiné et oublié de tous, il mourut en 1905 à l'hospice dans le plus grand dénuement peu après avoir achevé la rédaction de ses mémoires.

    Ses écrits sont un réel témoignage des mœurs de l’époque. On y découvre le poids énorme de l’église et des superstitions dans la façon de raisonner et d’agir de ces paysans et de ces petits bourgeois. Les nouveautés font peur et sont l’œuvre du malin, aller à l’encontre des traditions ne peut être que mauvais, essayer de comprendre le monde est un pêché.

    Bref, je suis certaine que ce portrait sans concession de la Bretagne du 19ème siècle se retrouve dans n’importe quelle région de France.

    A lire impérativement !


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  • Revenons à nos odeurs corporelles :

    Sous l’Ancien Régime alors que l’eau n’avait donc pas bonne presse car source de maladie et d’immoralité, on se préoccupe de soigner l’apparence : les vêtements, perruques, manchons et autres linges vont être parfumés pour cacher les odeurs … odorantes du corps, ce qui va de surcroît permettre de faire barrage aux maladies.

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Pomme de senteur

     

    Mais les senteurs utilisées sont fortes à tel point que l’ouverture d’un coffre à linge peut devenir une épreuve : myrrhe, musc, storax, benjoin par exemple.

    Le Moyen Age et la Renaissance aiment les odeurs fortes mais au Moyen Age, contrairement à ce que l’on pense, on se lave. Les odeurs fortes issues de parfums sont utilisées par goût de plaire et de paraître mais aussi dans un objectif sanitaire (et n’oublions pas que plus la personne dégage une odeur naturelle forte, plus elle est en bonne santé - voir article précédent ICI ).

    Les aromates auraient en effet la capacité de purifier et fortifier les organes internes or selon une théorie en vogue sous l'Ancien Régime, ce n’est pas la crasse qui rend malade mais l’encrassement des organes. Les parfums sont donc pour cette raison très prisés et prendront de plus en plus de place dans la panoplie médicinale et dans l’hygiène quotidienne tandis que l’eau sera de moins en moins utilisée.

    A la Renaissance en effet l’eau est devenue diabolique et on s’en méfie. Les parfums puissants sont donc là pour cacher les mauvaises odeurs corporelles un peu fortes et que l’on commence à ne plus trop aimer …

    Les Temps Modernes se méfient toujours plus de l’eau, accusée de rendre léthargique, d'entraîner la luxure, d'ouvrir les pores de la peau et d'attirer ainsi les maladies ..., bref, on ne lave toujours pas le corps ou si exceptionnellement ! Ainsi la princesse Palatine après un voyage harassant sous le soleil d’août 1705 arrive à Marly le corps baigné de sueur et le visage gris de la poussière du voyage. Elle se lave exceptionnellement le visage, change de vêtement et là voilà toute propre …

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Jeune femme à sa toilette - Nicolas Régnier - 1626

     

    Peu à peu toutefois les aromates forts et surtout le musc vont être mal vus ; on les accuse de cacher la misère en quelque sorte ; ce qui n’est pas tout à fait faux… : s’il y a des odeurs fortes de musc par exemple c’est pour cacher l’odeur de crasse - ce ne sera vraiment qu’au milieu du 18ème siècle que ces senteurs vont disparaître même si certains continuent à l’apprécier comme c’est le cas de Napoléon et de Joséphine.

    Rappelons également que le musc était utilisé par les femmes notamment, non pour cacher leur odeur mais pour la souligner. Il y avait là une connotation sensuelle et sexuelle marquante mais la mode a passé ; et l’emploi de senteurs tel le musc, l’ambre ou la civette sont condamnées du fait de leur incitation à la sensualité.

    Aux 16 et 17ème siècles la « mode » est en effet à la diabolisation des odeurs féminines, naturelles ou pas. Cette mode est essentiellement religieuse et moraliste : ne l'oublions pas, nous sommes au 16/17ème siècle, époque des guerres de religion.

    En 1570 le frère mineur franciscain Antoine Estienne (vers 1551 -1609) publie une « Remonstrance charitable aux dames et damoyselles de France sur leurs ornemens dissolus », qui connut un grand succès, atteignant sa 4ème édition en 1585 ; il y fustige les femmes qui ont recours à un arsenal odorant et il réprouve plus particulièrement l’usage du musc et des pommes de senteur ; le maquillage ne trouve pas plus grâce à ses yeux.

     

      

    En 1604 le médecin Louis Guyon dénonce des pratiques intimes luxurieuses : « on se parfume les habillements et les cheveux mais aussi beaucoup en mettent sur le gland viril et dans la vulve avant le coït pour en recevoir plus grande volupté. D’autres portent des patenôtres qu’on dit de senteurs non pour s’en servir en leurs prières mais seulement par gloire et pour attirer les personnes à s’entraîner voluptueusement et sembler plus agréable ».

    Mais ce n’est pas que la morale et la mode qui sont en cause ici : c’est surtout que le seuil de tolérance olfactive descend de plus en plus à mesure que l’on avance dans le temps et dans les progrès hygiénistes. Fin 18ème on énumère en effet enfin les dangers de la malpropreté corporelle : la crasse obstrue les pores en retenant les humeurs excrémentielles, favorise la fermentation et la putréfaction des matières ; et les odeurs qui émane de ce corps non lavé ne sont finalement plus du tout un signe de vitalité et encore moins de santé.

    Le 14 mai 1665 Sébastien Locatelli, prêtre italien raffiné, écrit lors d’un séjour à Saulieu en Bourgogne : « Nous allâmes voir les filles à marier danser comme il est d’usage tous les jours de fête. Elles faisaient la première danse qu’animait le son d’un fifre énorme mais les cornemuses de leurs bras sonnaient bien mieux ! […] ce spectacle était plus agréable de loin que de près car une puanteur extraordinaire gâtait la fête. […] Filipponi, homme d’humeur gaie, mit en train une danse dans laquelle on se baisait de temps en temps ; comme on changeait tour à tour de main et les danseurs de compagnes, il baisa toutes les danseuses avant la fin. Mais ce plaisir fut, je vous assure, bien compensé par le dégoût car il fallait avoir bon estomac rien que pour rester près de certaines de ces femmes ».

    Mais ne pas oublier que l’usage inconsidérée de l’eau amollit l’organisme et conduit à l’indolence et en plus favorise le plaisir sensuel … ce ne sera donc pas encore à l’eau d’enlever la crasse.

    Comment faire donc pour se laver? Pour paraître propre il va falloir jouer sur le vêtement et changer fréquemment de linge blanc. Charles Sorel, écrivain français, écrit en 1644 : « quant aux habits, la grande règle qu’il y a à donner c’est d’en changer souvent et de les avoir toujours le plus à la mode que possible».

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Charles Sorel

     

    On pourra se laver les mains, les pieds et le visage fréquemment mais le corps tout entier, non, de temps en temps seulement.

    Selon Fagon, premier médecin du roi soleil, celui-ci empestait des pieds. Nicolas de Blégny suggère de les laver fréquemment dans de l’eau chaude contenant de l’alun dissout. Il donne des moyens de lutter contre la mauvaise odeur des aisselles : cataplasme de racines d’artichauts cuites dans du vin ou de pâte de racines de chardons ; poudre de feuilles de menthe ; liniments à base de feuilles de myrrhe et d’alun liquide.

    S’agissant des bonnes odeurs à utiliser désormais, ce seront sans conteste les odeurs végétales : l’eau de rose, de violette, de lavande. L’eau de néroli et l’eau de bergamote que l’on appellera eau de Cologne plus tard sont inventées vers 1680/1690. L’eau de bergamote fit la fortune de Jean Marie Farina, italien installé à Cologne.

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

     

    On se lave désormais la bouche à l’eau de rose et on se parfume l’haleine à la pâte d’iris. L’eau reste dangereuse donc elle ne fait pas partie de la panoplie hygiénique de l’époque. On va utiliser des poudres à base de rose, d’iris, de girofle, de lavande.

    Les vêtements sont toujours parfumés mais moins qu’avant, de même que les gants, les éventails, des sachets de senteur que l’on porte sur soi mais toujours avec des odeurs légères. Même les tabacs à priser sentent le jasmin, la tubéreuse ou la fleur d’oranger.

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Pomme de senteur

     

    Ne nous y trompons pas … la propreté encore une fois ne passe toujours pas par l’eau mais par des senteurs simplement plus légères qu’avant.

    L’eau cependant fait ses débuts peu à peu, très timidement avec l’apparition notamment de la communauté des barbiers perruquiers baigneurs étuveurs en 1673 chez qui on va prendre un bain pour avoir le corps net. Mais pas trop souvent non plus.

    Les bains vont peu à peu se faire plus fréquents : soit annuellement soit une fois par semaine ou une fois par mois selon les goûts. Les bains seront complets ou jusqu’au nombril ou seulement pour les pieds.

    Des vinaigres de toilettes à base de bergamotes, fleurs d’oranger, de lavande, thym ou serpolet font leur apparition vers 1740 pour agrémenter le bain de senteurs. Le goût des ablutions va ainsi revenir à la mode dans l’aristocratie et la bourgeoisie aisée. La baignoire devient un symbole de luxe. Dans son château de Bellevue, la marquise de Pompadour fait aménager une salle de bain raffinée ornée de peinture de Boucher : la Toilette de Vénus et Vénus consolant l’amour.

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Vénus à sa toilette - Boucher

     

    Le début du 19ème siècle pérénisera ses senteurs légères et végétales. L’ambre et le musc font un petit retour ainsi que le note Mme Celnart dans son Manuel des dames ou l’art de l’élégance en 1833 : « Les odeurs fortes telles que le musc, l’ambre, la fleur d’oranger, la tubéreuse, et autres semblables, doivent être entièrement proscrites. Les parfums suaves et doux de l’héliotrope, de la rose, du narcisse, etc., sont mille fois préférables, à moins que vous ne consommiez que très-peu ; car ces odeurs délicates se perdent ou du moins s’affaiblissent avec le temps : alors les huiles et pommades au jasmin, à l’oeillet, à la vanille, conviennent principalement : elles sont un intermédiaire entre ces derniers parfums et les premiers, qu’il faut vous interdire complètement. De fréquentes migraines, un malaise nerveux, quoique inaperçu à cause de l’habitude, une notable diminution d’incarnat, et le désagrément de paraître prétentieuse et coquette, voilà les fruits que vous en retirerez ».

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Eau de Cologne Farina

     

    Pierre-François-Pascal Guerlain (1798-1864) créera en 1853 l'Eau de Cologne impériale qu'il dédiera à l'impératrice Eugénie. Cette fragrance est composée essentiellement de citron, de bergamote et d’orange associés au thym et à la fleur d’oranger.

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Intérieur du magasin de Guerlain, parfumeur vinaigrier,  rue de Rivoli à Paris

     

    Eau impériale de Guerlain

     

    Toujours est-il que l’odeur va désormais devenir un signe de reconnaissance sociale : la mauvaise odeur est celle du pauvre. 

    L’usage du parfum peut cacher un manque d’hygiène ou même un dysfonctionnement physique (Delestre dans sa Physiognomie écrit par exemple que les personnes rousses exhalent parfois une odeur de transpiration assez désagréable pour nécessiter l’emploi de parfum ...  !

    Mais force est de constater que les règles d’hygiène élémentaire ne seront réellement appréhendée et banalisées par la population que vers 1930. Car on part de loin, on l’a vu.

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    L'homme à sa toilette - Maximilien Luce - 1886

     

    L’eau est toujours diabolisée par les bien pensants du 19ème siècle et aussi du début du 20ème siècle. L’hygiène corporelle est souveraine « contre les vices de l’âme» écrit Moleon, rapporteur du conseil de salubrité en 1821 mais l’eau provoque toujours autant de méfiance de la part des médecins. Rares sont ceux qui conseillent de prendre plus d’un bain par mois. Prendre un bain est risqué : il faut moduler la température, la durée, la périodicité suivant l’âge, le tempérament, le sexe. Les théories médicales insistent sur le fait que la courtisane est inféconde à cause des excès qu’elle porte à sa toilette, que les femmes qui prennent des bains en excès sont peu colorées et ont plus d’embonpoint et qu’il y a même un risque de débilité, c’est dire !

    S’essuyer les organes génitaux pose également un énorme problème lié à la décence ! Il ne faut surtout pas ouvrir les yeux pendant cette opération…

    Les cheveux ne doivent pas être trop lavés ; il faut surtout les démêler et ôter la poussière avec une serviette sèche ; l’usage des shampoings ne se développera que sous la IIIème république.

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Jeune fille se brossant les cheveux - Renoir - 1884

     

    Les dents doivent être toutes brossées et pas uniquement celles de devant

    L’homme du 19ème siècle cesse de se parfumer : le code de l’élégance masculine prône le bourgeois désodorisé !

    La femme continue d’être la vitrine de son mari : ses toilettes sont l’occasion de montrer la position sociale de son époux mais le parfum est de plus en plus mis à l’écart ; les eaux distillées de rose, de plantin, de fève ou de fraise ou l’eau de cologne sont autorisées mais vraiment pas davantage et très discrètement. En effet le Dr Rostan en 1826 écrit « l’abus des parfums donne naissance à toutes les névroses comme l’hystérie, l’hypocondrie, la mélancolie » surtout chez les jeunes filles et les femmes enceintes…

    Bref il y a du chemin, beaucoup de chemin encore pour libérer les esprits de ce carcan moral qui empêche de se laver correctement, de se prélasser dans un bain, de se pomponner sans être jugé et étiqueté …

    Mais l'usage de l'eau s'impose progressivement du tub à la pièce entièrement dédiée à la toilette - Voir aussi ICI

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

    Affiche Henri Gervex

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 3ème partie

     

     

    Sources

    Exposition : Une France de taudis

    Le Propre et le sale, l'hygiène du corps depuis le Moyen Age de Georges Vigarello

    Le miasme et la jonquille de Alain Corbin

    Egouts et égoutiers de Paris de Donald  Reid

    La civilisation des odeurs de Robert Muchembled

    La sémiologie des odeurs au XIXe siècle : du savoir médical à la norme sociale de Jean-Alexandre Perras et  Érika Wicky

    L’hygiène sociale au XIXe siècle : une physiologie morale de Gérard Seignan

    Les hygiénistes face aux nuisances industrielles dans la 1ère moitié du 19ème siècle de Jean-Pierre Baud

    Les parfums à Versailles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Approche épistémologique de Annick Le Guérer


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    Comment lutter contre l’action des miasmes putrides à une époque où l’eau n’a pas bonne presse

    Avec l’utilisation des aromates, des résineux odorants, du vinaigre camphré notamment car l’odeur forte mais saine va constituer un barrage olfactif aux épidémies véhiculées par les odeurs putrides, et aux remugles malodorants

     

    En 1800 on utilisait ces recettes contre les épidémies : « on portera à la main une éponge imbibée de vinaigre ou un citron piqué de clous de girofle ou une boule odorante qu’on sentira de temps en temps » 

     

    On fera flairer aux ouvriers chargés de curer les marécages des éponges imbibées de camphre.

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 2ème partie

     

    Aux travailleurs de la pierre, Fourcroy, chimiste (1755-1809) leur demande de descendre dans les carrières « que munis d’une sacoche pendue à leur col dans lequel seront deux gousses d’ail pilées avec un peu de camphre » et « ils se frotteront le visage avec de l’eau de vie camphrée ou du vin aromatique »

     

    On est tout de même au 19ème   siècle et on ne se pose toujours pas la question de l’hygiène corporelle en utilisant l'eau ….

     

    Quant aux maisons mal ventilées que l’on sait être un vecteur de contagion (là aussi il y a des odeurs domestiques repoussantes et délétères), comment les désinfecter ? 

    Lors de la peste de Marseille en 1720 la procédure consistait en 3 fumigations successives : la 1ère avec des herbes aromatiques, la 2nde avec de la poudre à canon, la dernière avec un mélange de drogues dont de l’arsenic.

    On fait d’ailleurs de même sur les navires pour désinfecter les lieux rendus putrides par l’entassement des gens et animaux : brûler beaucoup de poudre dans l’entrepont et la cale pour qu’il y ait beaucoup de fumées purificatrice.

     

    Un siècle plus tard, on a un peu plus de progrès en la matière : on va s’attaquer aux odeurs familiales engendrées par la promiscuité à l’intérieur même des maisons, à l’absence de pièce adaptée pour la cuisine …. il faut que les endroits où stagnent les puanteurs privées  soient éliminés : chambre où l’on s’entasse, couloirs exiguës, humidité des sols non pavés, manque d’air et de lumière, et à la campagne promiscuité avec les animaux et la puanteur qui en découle, l’air des armoires qui attire les souris, le lit de plume considéré comme un réceptacle de toutes les odeurs, édredons, oreillers et couvertures, « pot-pourri d’émanations méphitiques », odeur du vase de nuit, odeur d’évier, de boites à ordure sans couvercle, odeur du linge lavé en train de sécher difficilement, odeur du poêle ou de la cheminée, odeur stagnante du lit fermé par des tentures, tapisserie poussiéreuse, bref des odeurs de moisi, de rance, de renfermé.

    Voir également les articles sur l'habitat : les courées de Lille et les caves à Lille.

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 2ème partie 

    Intérieur paysan 19ème siècle

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 2ème partie

    Intérieur ouvrier en Belgique début 20ème siècle

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 2ème partie

    Intérieur ouvrier 19ème siècle

     

    Il faut donc maintenant « remuer chaque jour draps, couvertures,  matelas,  traversins et pendant cette pratique établir un courant d’air dans l’appartement en laissant ouvertes les fenêtres opposées les unes aux autres » nous dit le médecin Charles Londes en 1827

     

    Le matelas doit être battu chaque année pour le « débarrasser des substances animales putrescentes » ; ceci étant il existe encore des théories au début du 20ème pour affirmer les vertus vitalistes de l’air des étables ou sécurisantes de l’atmosphère familial ….

     

    On va vouloir également concevoir des demeures tenant compte des progrès de l’hygiénisme : dans la maison de type lilloise décrite en 1894 par Alfred de Foville, économiste et statisticien français (1842-1913,  tout est mis en place pour exclure les odeur importunes : « la cuisine, la laverie, les lieux d’aisance sont reléguées dans un bâtiment annexe et les odeurs malsaines qui s’en dégagent se perdent dans la cour et dans le jardin sans pénétrer l’habitation »

     

    Odeurs corporelles au fil des siècles - 2ème partie

     

    L'excrément et l'urine vont faire l'objet de nombreuses études tout au long su 19ème siècle (entre fascination et dégoût) et leur élimination tant du paysage urbain pour des motifs de salubrité publique que de nos intérieurs pour des motifs hygiéniques évidentes sera l’objectif absolu des hygiénistes du 19ème siècle  (voir article sur les wc, latrines et autres lieux d'aisance).

     

     

    Suite dans le prochain article ...

     

    Sources

    Exposition : Une France de taudis

    Le Propre et le sale, l'hygiène du corps depuis le Moyen Age de Georges Vigarello

    Le miasme et la jonquille de Alain Corbin

    Egouts et égoutiers de Paris de Donald  Reid

    La civilisation des odeurs de Robert Muchembled

    La sémiologie des odeurs au XIXe siècle : du savoir médical à la norme sociale de Jean-Alexandre Perras et  Érika Wicky

    L’hygiène sociale au XIXe siècle : une physiologie morale de Gérard Seignan

    Les hygiénistes face aux nuisances industrielles dans la 1ère moitié du 19ème siècle de Jean-Pierre Baud


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