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F comme instruction des Filles
Comme nous l’avons vu dans l’article sur l’alphabétisation, l’école et le catéchisme sont les outils privilégiés pour façonner les têtes et remettre sur le droit chemin de l’Eglise les égarés (protestants).
Sur ce point aucune différence de principe n’existe entre filles et garçons au 16ème siècle et au début du 17ème siècle. Mais soyons pragmatique, la pauvreté des moyens éducatifs ne permettait pas non plus d’avoir deux écoles sur un même lieu, une pour les filles et une pour les garçons.
Cependant au fur et à mesure que nous avançons dans le 17ème siècle les évêques deviennent de plus en plus hostiles à la mixité des écoles, jugée immorale.
Les écoles rurales étaient financées par des systèmes divers (portion de la dîme, revenus de fondations ... Leur activité est saisonnière et la qualité de l’enseignement n’est pas nécessairement à son meilleur niveau.
Les écoles urbaines sont plus nombreuses, tenues par des religieux/religieuses le plus souvent.
Les couvents par exemple, notamment des Ursulines, auront la vocation de devenir des internats non pour recruter des religieuses mais pour former « les mœurs des filles à la bienséance et honnêteté ... ».
Il est à noter que l’objectif principal des religieuses éducatrices n’est pas l’éducation mais l’enseignement de la doctrine chrétienne et des bonnes mœurs, « réprimant la curiosité des esprits pour les accoutumer à traiter les choses divines avec beaucoup de respect ».
L’éducation des filles reste secondaire même dans l’esprit des philosophes des Lumières
« Ainsi toute l’éducation des femmes soit être relative aux hommes. leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce : voilà les devoirs des femmes de tous les temps et ce qu’on doit leur apprendre dès l’enfance ». Extrait de L’Emile de Rousseau
La Révolution fermant les couvents, comment instruire les jeunes filles ? Tout en sachant que cette époque ne révolutionna pas l’éducation : les rôles de l’homme et de la femme étant différents, leur formation doit être différente. Mirabeau dira même que les filles doivent rester sous la garde de leur mère.
Talleyrand excluera la gente féminine de l’éducation qu’il préconise aux enfants et jeunes gens du fait de « leur constitution délicate, leurs inclinations paisibles, les devoirs nombreux de la maternité ». Il ne leur accorde que l’instruction élémentaire jusqu’à 8 ans et ensuite les jeunes filles rentreront chez leur mère apprendre ce qui leur est nécessaire…
Pour Condorcet en revanche l’instruction doit être donnée en commun, et les femmes ne doivent pas être exclues de l’enseignement. Idée novatrice mais elle ne sera pas retenue.
Condorcet
Condorcet estimait que les femmes ainsi instruites pouvaient mieux surveiller l’instruction de leurs enfants. Il affirmait aussi que les femmes avaient les mêmes droits que les hommes à l’instruction publique.
L’épisode révolutionnaire passé les congrégations et ordres religieux reviennent et reprennent en main l’éducation des filles dans le même esprit de maintenir la femme dans son rôle d’épouse et de mère.
Vers 1860 Victor Duruy ministre de l’instruction publique sous Napoléon III propose d’ « organiser l’éducation des filles car une partie de nos embarras actuels proviennent de ce que nous avons laissé cette éducation aux mains de gens qui ne sont ni de leur temps ni de leur pays ».
Victor Duruy
En 1866 Victor Duruy adresse une lettre à l’impératrice pour lui faire part de ses préoccupations : « L’Impératrice voudra bien d’abord remarquer qu’en France il n’y a pas d’enseignement supérieur pour les femmes … Je ne voudrais pas en faire des bas-bleus ais l’influence de la mère sur l’éducation du fils et sur la direction de ses idées est trop grande pour qu’on ne s’inquiète pas de voir les femmes rester étrangères à la vie intellectuelle du monde moderne ».
Notons que c’est grâce à l’impératrice Eugénie que la première femme médecin a pu accomplir sa scolarité et soutenir sa thèse : Madeleine Gebelin, épouse Brès (1842-1921).
Madeleine Brès
En 1867, Jules Simon, philosophe et homme d’état français, né en 1814 à Lorien et mort en 1896 à Paris, prononce le discours suivant :
« Les filles même dans les pensionnats les plus élevés reçoivent une instruction futile, incomplète toutes d’arts d’agrément mais rien de sérieux et d’élevé. Elles que la nature a douées d’une intelligence si ouvertes, d’un tact si sûr, d’une sennsibilité si fine et délicate, qui sont faites pour comprendre ce qu’il y a de plus grand dans les lettres et pour s’y plaire, qui seraient pour nous des compagnes d’études si utiles et si charmantes nous les réduisons à n’être que des idoles parées ».
Jules Simon
La loi du 10 avril 1867, portée par Victor Duruy va enfin donner sa place à l’instruction des filles :
Toute commune de plus de cinq cents habitants (et non plus de huit cents habitants comme c'était le cas auparavant) doit se doter d'une école publique pour les filles, qui peut être une section au sein de l'école communale. Si l'école est mixte – c'est souvent le cas dans les petites communes –, une femme est nommée par le Préfet pour les travaux d'aiguilles pour les filles. Le financement est assuré non par l'Etat mais par les Communes. Les caisses des écoles sont instituées ; ce sont des cagnottes, composées de cotisations volontaires et de subventions de la commune, destinées à encourager la fréquentation des élèves par des récompenses et à aider les familles les plus pauvres lorsque la commune ne prend pas entièrement à sa charge les frais de l'école.
Mais en pratique, ce fut un échec, peu de filles fréquentant les cours dispensés : hostilité cléricale, manque d’intérêt de la majorité des familles pour l’instruction des filles, difficulté matérielle à entretenir des institutrices.
Mais le processus est lancé. Le 21 décembre 1880 est promulguée la loi qui fonde l’enseignement secondaire des jeunes filles. Cet enseignement est différent de celui donné aux garçons et n’est pas sanctionné par le baccalauréat ; IL est moins long (5 ans au lieu de 7 pour les garçons) ; le latin et les mathématiques sont enseignés de manière rudimentaire car la jeune fille n’a pas besoin de ces matières.
Six mois plus tard, l’école normale supérieure site de Sèvres est créée afin de former des professeurs femmes.
Ecole de Sèvres
Chambre d'élève à l'école de Sèvres
En 1914 les lycées, collèges et cours secondaires de jeunes filles comptent 38000 élèves (100 000 garçons fréquentent l’école à cette époque) ; 20 ans plus tard ce nombre s’élève à 60 000.
L’instruction des filles a évolué et commence à rentrer dans les mœurs. Mais à la veille de la première guerre mondiale, n’oublions pas que cette instruction n’est pas destinée à donner un travail à la femme ni à favoriser son épanouissement intellectuel. L’idée reste toujours que cette éducation lui soit utile dans son rôle d’épouse et de mère.
Suite dans un prochain article …
Sources
L’éducation des filles en France au 19ème siècle de Françoise mayeur
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