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Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

27 Mars 2021 , Rédigé par srose

 

Temps libre à la campagne et dans les villes ouvrières au 19ème siècle : l'essor du bistrot

 

Pour le paysan, nul temps libre, il y a toujours quelque chose à faire.

La gestion de son temps n‘est pas la même que celle de l’ouvrier complètement dépendant des machines mais qui une fois sa journée terminée peut vaquer à ses occupations car il dispose à ce moment d'un temps disponible.

Pour le paysan c’est différent : d’abord l’absence de mécanisation va impliquer une absence de répétition des mêmes gestes comme peut le connaître l’ouvrier. Les travaux vont en effet varier dans la journée, la semaine ou le mois du fait de la pluriactivité et de la polyculture. Et surtout le paysan est quelque part maître de son temps, celui-ci étant très poreux ; le temps de travail s’infiltre en effet constamment dans le temps personnel.

Ainsi les veillées d’hiver qui sont utilisées pour du petit artisanat domestique (tricot, filage, ravaudage, émondage des noix, teillage du chanvre, fabrication de paniers …), la garde des troupeaux pour les plus jeunes qui leur laissent finalement une certaine liberté.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Veillée

 

L’embauche des ouvriers agricoles selon les régions va se faire lors de fêtes ou vont donner lieu à des repas de fête.

Les pratiques d’entraide lors des grandes phases annuelles du travail agricole sont également l’occasion de fêtes : poêlée du Morvan, parcée du pays de Caux, reboule du Forez (La Reboule est la fête de la fin des moissons : « les prés sont fauchés, le foin est rentré, les divers fruits ont été ramassés et vendus, il est l’heure de danser, chanter et manger »). 

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Marché Biron - Fête des moissons - Armand Leleux (1818-1885)

 

Les foires et marchés incitent à prendre un verre dans un cabaret. C’est une manière de sortir de son quotidien monotone et de voir du monde, d'aller à la ville.

La lessive au lavoir est un moment sociabilité informelle aussi pour les femmes puisque tous les potins s’y retrouvent …

La messe va réellement être un moment de pause dans la semaine, où l’on va discuter sur le parvis de l’église, prendre le café chez l’une ou l’autre, aller au cabaret mais ne nous y trompons pas, dans la campagne, une femme qui profite de son temps libre pour elle-même est très mal vu. Le contrôle social est constant. Elle ne doit pas négliger les tâches ménagères ni les travaux de la ferme. Ses journées sont finalement plus longues que celles des hommes. Et pas question pour elle d'aller au bistrot !

 

Justement quelle est la place des cabarets dans le temps libre dont disposent l'ouvrier et le paysan? 

Tout d'abord, on peut citer Balzac sur une généralité à propos des cafés qui traverse les frontières et les siècles  : « le cabaret est la salle de Conseil du peuple » et effectivement on y refait le monde sans cesse.

Au XIXe siècle le bistrot porte plusieurs noms : estaminet en Flandres, bistrot, débit de boisson, guinguette, café .. mais aussi assommoir comme dans le roman de Zola, c'est à dire un lieu populaire où les buveurs s’assomment à coup de vin mauvais et d’alcool comme l'absinthe.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Estaminet à Tourcoing - fin 19ème

 

En Normandie vers 1880 on pouvait trouver jusqu’à 10 voire 15 cabarets dans les communes de 300 âmes !

La rue de Menin à Tourcoing dans le Nord compte 22 estaminets en 1898 !!

Auberchicourt, ville minière du nord également, compte en 1886, alors qu'il y a 2453 habitants, 46 débits de boissons...

A Lille on en compte près de 1600 en 1851 soit 1 pour 70 habitants !

Dans le Pas de Calais au début du 20ème siècle, les cabarets sont partout : aux carrefour, à la sortie des grosses exploitations, près de l’église et de la mairie, aux extrémités du village, dans les champs mêmes ….

Leroy Beaulieu, économiste du 19ème siècle, dira que le cabaret est "l'église des ouvriers".

En fait on se rend compte que les débits de boissons n'ont d'autres rôles à l'époque de l'assommoir de Zola que de servir les ouvriers le matin puis l'après midi au sortir de la fosse ou de l'usine ou des exploitations agricoles.

Certains débits sont tenus par les épouses des mineurs. Le plus souvent une pièce de la maison va servir de bistrot et ne servira donc qu'à boire le café, le genièvre ou la bière. Pas possible donc de s'adonner à des jeux populaires. Il faudra donc aller vers des bistrots plus grands pour cela et que l'on va trouver essentiellement sur les axes principaux des villes et villages et surtout en dehors des corons pour éviter tout rassemblement de mineurs traditionnellement vindicatifs et fortement syndicalisés !

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Estaminet dans Helfaut Bilques (62) - début 20ème

Site consacré à Helfaut Bilques

 

C'est le lieu de rassemblement privilégié des ouvriers. Le midi, on y apporte sa gamelle : « On avait là une assiette de soupe et on mangeait la viande et le pain qu’on avait apportés. C’était toujours du lard cuit dans la soupe du dimanche pour toute la semaine. » Témoignage d’une ouvrière du textile d’Hazebrouck (59) en 1898.

Ces bistrots vont ensuite s'organiser en fonction de différents critères : la nationalité par exemple ; on va trouver dans le Nord de la France des cabarets plus pour les Polonais ou plus pour les Belges par exemple avec des boissons propres à leur pays et des fêtes et jeux propres à leur culture. La fréquentation fréquente de passionnés de tir à l'arc, de colombophilie, de combats de coqs etc va aussi permettre de distinguer un cabaret d'un autre.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Réunion des dames du Rosaire à l'estaminet franco polonais Janicki

Cité des Alouettes - Bully les Mines - années 30

 

En effet la vie associative et sportive va s'organiser autour de ces cabarets puisqu'ils vont devenir le lieu de leurs réunions et de leurs repas festifs voire de leur siège social !

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Le Bar des sports - Lens (62) - fin du 19ème siècle

Le Lensois normand tome 3

 

Indépendamment de ces sociétés ludiques, les hommes y ont coutume d’y passer le dimanche après midi à consommer café, eau de vie et vin, à jouer aux cartes et au billard ou aux fléchettes jusque tard le soir alors qu’auparavant nous dit un instituteur du Laonnais en 1860, les divertissements du dimanche avaient lieu en plein air et en famille.

Le cabaret supplante finalement les veillées bien avant l'arrivée de la télé dans les chaumières et comme les femmes y sont absentes, les conversations sont plus libres …

Et que dire de la vie politique et syndicale des villages et villes ouvrières : les lieux de rendez vous seront bien évidemment le bistrot. Ainsi par exemple le Réveil du Nord en 1894 fait cette annonce :  «Lens. Le citoyen Armand Gossart délégué du syndicat et congédié de la grève, débitant rue de Béthune, organise pour le dimanche 28 janvier, à dix heures du matin, un grand combat de coqs pour des jambons. (...). Nous espérons que les ouvriers s'y rendront en grand nombre étant donné que Gossart est victime du dévouement qu'il a apporté à la cause»

Jusqu'à la première guerre mondiale la quasi totalité des meetings syndicaux ou socialistes se tiennent dans les grands estaminets du Nord Pas de Calais, lesquels peuvent accueillir jusqu'à 300 personnes.

A la campagne, le cabaret est également un lieu polyvalent : on y trouve la boulangerie, le bureau de tabac, l’épicerie, et même l’atelier du maréchal ferrand et du charron

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Café épicerie mercerie à Halluin

Association A la recherche du passé d'Halluin

 

Des débits ambulants sont installés lors des marchés, foires et fêtes, les guinguettes permettent également de s'amuser en dansant avec les divers bals qui sont organisés par leur entremise; ainsi à Lille les personnes se retrouvent pour boire, danser et s'amuser dans les six grandes guinguettes du faubourg de Wazemmes (Le Beau Feuillage, le Casino, La nouvelle Aventure ...

Le cabaret représente donc le cœur des relations sociales : on y scelle une transaction, une embauche, une reconnaissance de dette etc.. On y lit le journal et plus tard on y écoutera la radio. On y refait le monde ..

Bref c’est LE lieu de socialisation et de sociabilité fondamental du village.

 

Le bistrot va malheureusement jouer un rôle important dans l'alcoolisation des personnes les plus pauvres de la société : les ouvriers, les marginaux mais aussi bon nombre de paysans, bref tout ceux qui n'ont plus d'espoir et qui oublient leur vie miséreuse dans l'alcool..

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

La buveuse d'absinthe - Lautrec - 1876

 

 

On comptait 30 000 débits de boisson en 1914 à Paris, 320 000 en France en 1915. Il n'en reste que 34 669 en 2016, regroupés dans un peu plus de 10 000 communes (selon le baromètre France boissons/CREDOC, «comprendre et répondre à la fragilisation de la filière CHR en France»).

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Au bistro - Jean Béraud (1849-1935)

 

 

Sources

L’avènement des loisirs (1850-1960) de Alain Corbin

La culture des cafés au xixe siècle de Susanna Barrows

http://www.dionyversite.org/Docus/Dio-4p_Cafes.pdf

Le débit de boissons, cet inconnu… de Philippe Gajewski

Bistroscope L’histoire de France racontée de cafés en bistrots de Pierrick Bourgault

Le débit de boissons, le cabaret, le bistrot, dans le bassin houiller du Nord/Pas-de-Calais, témoins de la sociabilité populaire de Milan Vulic

Cafés, cabarets, bistrots, caboulots, guinguettes, gargotes, estaminets, bars, assommoirs, restaurants du Paris du XIXe siècle de Laurent Portes (Blog Gallica)

 

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Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

6 Mars 2021 , Rédigé par srose

 

Oisiveté récréative

Ne rien faire, être désoeuvré, paresser, rêver … bref être oisif est très mal vu dans la société depuis toujours ; le démon n’est pas loin, les tentations trop nombreuses ; l’individu doit être occupé à chaque instant de sa journée.

Mais cette disponibilité, ce temps de loisir est malgré tout considéré comme nécessaire à l’épanouissement de l’individu du moins chez les élites, car elle permet l’échange d’idées, l’accomplissement de services non rémunérés, favorise la créativité etc

Bref l’oisiveté des élites n’est pas synonyme d’inutilité surtout si ces loisirs sont volontaires, honorifiques, et désintéressés.

 

Pour la femme de l’aristocratie ou de la haute bourgeoisie l’exercice reste difficile car de par nature elle ne travaille pas ; donc la réserve de temps disponible la concernant est tout simplement énorme. Comment donc peut-elle échapper « à la vacuité des heures » en sachant que son habit entrave le moindre de ses gestes et donc sa liberté de mouvement et qu’en qualité de « vitrine » de son mari elle ne peut pas vaquer à n’importe quelle occupation.

 

Evolution des loisirs

Mode de 1880 à 1890

 

Elle va donc asseoir son autorité sur la sphère domestique et diriger la maison et ses gens ; elle s’occupera de charité et de philanthropie, surveillera l’éducation de ses enfants et se soumettra aux relations mondaines ; il sera de bon ton qu’elle s’adonne au chant ou au piano.

 

Evolution des loisirs

Femme au piano - Renoir (1876)

 

La lecture sera finalement son seul loisir personnel surtout au 19ème siècle, époque au cours de laquelle les textes religieux vont laisser place à un tout autre genre : le roman. La jeune femme va ainsi pouvoir se créer tout un univers uniquement à elle. Le danger de ce tournant fut aussitôt perçu : la société était en danger parce que ce genre de lecture ne prédisposait pas la femme aux idéaux traditionnels de mère, d’épouse, d’éducatrice, de protectrice de la maison, mais au contraire la transportait dans un monde idéalisé, loin des règles habituelles !

 

Evolution des loisirs

La liseuse - Carl Holsoe (1863-1935)

 

A noter à ce sujet que quand les femmes du peuple abordèrent elles aussi la lecture, les conservateurs les plus invétérés ne manquèrent pas d’en souligner les dangers, en la désignant comme un moment d’oisiveté au sens péjoratif du terme. La publication de romans feuilletons ou de fascicules bon marché fut considérée comme une manifestation de mœurs dissolues, une forme de débauche néfaste autant que l’alcoolisme pour l’homme : le roman feuilleton (disait-on) produisait dans les cerveaux des femmes les mêmes ravages que la boisson dans les cerveaux masculins …

 

Industrialisation et naissance du temps libre

Si le loisir est un privilège de l’aristocratie, au 19ème siècle, la bourgeoisie va pouvoir y accéder grâce à la conjonction de plusieurs éléments : le développement du chemin de fer et l’industrialisation de la société.

En effet jusqu’alors le temps de travail, le temps lié aux tâches ménagères et le temps lié au repos était poreux ; l’importance du travail à domicile tant pour les femmes que pour les hommes rend difficile la distinction entre ces divers moments. Or avec la mécanisation du travail et l’essor des usines, le temps va être contrôlé et cloisonné. Les cloches des églises ne vont désormais plus égrener le temps quotidien , de même que les saisons ne vont plus rythmer nos occupations  mais bien plutôt la sirène des usines et bientôt l’horloge …

Le corollaire de cela est que l’on va s’apercevoir que la fatigue est liée à un temps de travail atteignant un seuil anormal. la machine n'a pas besoin de se reposer mais l'homme, oui; les médecins commencent à avoir peur que la mécanisation entraîne la dégénérescence de la race. La fatigue ne va plus être considérée comme inéluctable mais comme un état pouvant être évité ou au moins atténué. Le repos va être désormais considéré comme nécessaire.

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Repasseuses - Degas (1884)

 

Ce qui va entraîner tout naturellement aux 19ème et 20ème siècles les divers mouvements revendiquant la baisse du temps de travail. Ce qui va mécaniquement augmenter le temps disponible pour les loisirs .... 

Le repos du dimanche est plébiscité par les médecins qui y voient le remède au surmenage et qui prévient le délabrement physique. Mais attention, ce repos doit être occupé à des activités récréatives et non à la paresse. En 1905, le sénateur Poirier, rapporteur de la loi sur le repos hebdomadaire vante le plaisir de "goûter la joie naïve des enfants". Et cerise sur le gâteau, le nombre de divorce fléchira, l'homme ne laissant plus sa femme seule et désoeuvrée le dimanche ...

Le repos le dimanche ne sera proclamée officiellement que le 10 juillet 1906 mais avant cette loi, dans les faits, nombre de patrons parisiens ont décidé de ne plus ouvrir le dimanche dès la fin du 19ème siècle. En Province, le rideau baisse à 4h voire 2h. Les bureaux de poste parisiens qui ne fermaient qu'à 9h du soir le dimanche ferment à 4h dès 1894.

 

Revenons à nos bourgeois : le loisir va s’inscrire surtout dans le cercle familial avec diverses activités tel que la lecture , les réunions dominicales, les ouvrages de dames, les promenades, les réceptions…

Alfred Motte, industriel roubaisien (1827-1897) écrit à son fils : « Ce dimanche nous avons dîné en famille chez votre tante Delfosse. Notre réunion a été fort gaie. J’avais pu offrit 200 belles asperges et 120 grosses fraises qui ont été fort appréciées. Chaque convive en a eu 3. Notre repas a été suivi d’une promenade rue St Jean . Toute la société s’est ainsi transportée dans notre jardin. Les hommes de tt âge se sont séparés en deux camps et sept contre sept nous avons lutté à la boule. »

 

Evolution des loisirs

Frédéric Bazille - Réunion de famille

 

On flâne aussi sur les grands boulevards hausmanniens de Paris et des grandes villes, on regarde les vitrines des grands magasins, on sirote un café, on fréquente les théâtres, les guingettes, bals, et concerts …

S’agissant du bal,  il s’agit d’une occasion de rencontre, d’un moment de socialisation auquel les mères préparaient leurs filles très scrupuleusement et avec une attention méticuleuse, suivant les principes inspirés par la bonne tenue, l’élégance, l’amabilité, la modestie.

Un manuel du savoir-vivre de 1912, Le buone usanze (Les bonnes manières) précisait : « Au bal, la jeune fille ne va pas trop décolletée, c’est de très mauvais goût [...]. Elle ne danse jamais deux fois avec le même cavalier, mais elle peut dans la soirée lui accorder plus d’un tour ; en dansant elle se tient droite mais pas raide morte, elle n’a pas l’air de s’abandonner dans les bras de son compagnon, elle ne boude pas mais il ne faut pas qu’elle bavarde trop ou qu’elle rie avec son danseur ; elle ne doit pas le regarder dans les yeux, mais elle ne doit pas non plus tourner la tête d’un autre côté comme s’il lui répugnait ; enfin elle est polie et sérieuse d’abord parce qu’elle doit l’être, ensuite parce qu’elle ne peut qu’y gagner ».

 

Evolution des loisirs

Jeune fille au bal - Renoir

 

Emergence de nouveaux loisirs 

Le 19ème siècle est Le siècle des cures avec la découverte des plages et des « eaux ».

Boulogne et Dieppe, proche de Paris, se développent en ce sens dès la Restauration : En 1822 la première Société Anonyme des Bains de mer de Dieppe est créée par le comte de Brancas ; il y invite la duchesse de Berry, belle-fille du roi Charles X, en 1824 et depuis toute l’aristocratie française s’y rend chaque année en été pour prendre des bains de mer.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Le Croisic - Léon-Auguste Asselineau (1853)

 

Trouville, Royan, La Rochelle, Les Sables d’Olonne, Biarritz et d’autres suivent ; Biarritz sera d’ailleurs la station préférée de l’impératrice Eugénie sous le 2nd Empire.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Trouville - Monet (1870/1871)

 

L’essor de ces sites touristiques est dû au développement du chemin de fer puis de l’automobile : en 1840 une voiture attelée gagne Dieppe de Paris en 12h ; sous le 2nd Empire par train, il faudra 4 heures ce qui permet donc non seulement des allers retours mais surtout on va aller plus loin pour s’amuser et se détendre.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

 

A noter que le train va offrir de plus en plus d’attrait avec les wagons lit, les wagons restaurants, les salons luxueux et confortables, les trains internationaux comme l’Orient Express..

La 1ère classe est bien sûr favorisée : Paris Fécamp au début du 20ème prend 4h en 1ère , 5h en seconde et 6 à 7h en 3ème.

Les cures thermales vont aussi se développer toujours grâce au train  : Vichy, Aix les bains, Bagnères de Bigorre sous le 1er Empire puis Evian, Vittel, La Bourboule sous le 2nd Empire

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Vichy

 

Hippolyte Taine (1828-1893), philosophe et historien, décrit la vie menée par un curiste à Bagnères de Bigorre ou à Luchon en 1855 : « les jours de soleil on vit en plein air. Une sorte de préau qu’on nomme le Jardin anglais s’étend entre la montagne et la rue, tapissé d’un maigre gazon troué et flétri ; les dames y font salon et y travaillent ; les élégants couchés sur plusieurs chaises lisent leur journal et fument superbement leur cigare ; les petites filles en pantalon brodé, babillent avec des gestes coquets et des minauderies gracieuses »

 

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Buvette à l'établissement thermal d'Uriage

 

On se promène, on fait des tours en bateau, on pratique la pêche à la crevette, on va au casino et au courses de chevaux  à Deauville dès 1864

Les montagnes attirent également par les excusions que l’on peut y faire et les cures climatiques comme à Cauteret.

Les 1ères pistes de luge sont tracées en 1868 à Saint Moritz en Suisse : les plaisirs d’hiver arrivent !

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Chamonix 1913

 

Les hôtels se développent : à Deauville de 5 en 1861 on se retrouve à 28 hôtels en 1927

Les plus luxueux sont proches des lieux de bain et offrent casino, salle de danse, salon, cabinet de lecture, salle de concert etc

Dans la seconde moitié du siècle apparaissent les maisons de vacances : les rentiers, les hauts fonctionnaires, les banquiers, les négociants, les professions libérales viennent avec leurs domestiques pour la saison.

Qui sont ces gens qui viennent profiter des cures thermales ou de la mer : essentiellement des rentiers, des aristocrates et la grande bourgeoisie. Les ecclésiastiques bénéficient de prix de faveur voire de gratuité ; quant à l’uniforme il offre des privilèges dans les casinos, les concours hippiques…

Dans le dernier quart du 19ème siècle, les classes sociales moins aisées mais dont le revenu va augmenter progressivement tout au long du 19ème et du 20ème siècle cherchent à imiter les modes de vie de « la haute »  mais pour économiser sur le voyage, elles n’iront pas très loin tandis que le grand bourgeois va dorénavant s’évader plus loin.

 

Sport et loisirs

Le sport avec notamment la bicyclette est un autre loisir en vogue dans la bourgeoisie qui a d’ailleurs accompagné la formation de la « femme nouvelle » en lui ouvrant de nouveaux espaces, une grande liberté de mouvement, et aussi un habillement plus léger, débarrassé des crinolines encombrantes, des corsets rigides et des mille lacets et cordons qui l’enveloppaient.

La bicyclette en ce sens est le symbole de l’émancipation de la femme par le sport.

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

 

La bicyclette était essentiellement vu comme un passe-temps mondain pour les hommes, mais les femmes à bicyclette étaient observées d’un regard de reproche et critiquées (il était inévitable pour monter sur le vélocipède de remonter sa jupe et de montrer sa cheville). On en vint à dire que pédaler n’était pas naturel pour les femmes, et même nocif pour leur santé ; les femmes sortaient de chez elles,

En 1896 alors que le vélo est de plus en plus populaire, une journaliste anglaise explique qu’elle était convaincue qu’une femme sur sa selle de bicyclette ne pouvait en aucun cas inspirer le désir d’être protégée et en tirait la conclusion qu’elle ne pouvait « éveiller l’intérêt de l’autre sexe ». En 1897 dans un journal de Hanovre on pouvait lire un article dont l’auteur allait jusqu’à soutenir que « les hommes préfèrent rester célibataires, plutôt que passer la vie aux côtés d’une pédaleuse ».

C’est le 12 juillet 1817, que le baron allemand Drais présenta, un engin à 2 roues reliées par une traverse en bois sur laquelle est installé un siège : la draisienne.

Mais le vélo nait vraiment en 1867 lors de l’expo universelle avec Pierre Michaux et son fils Ernest qui proposent la Michaudine ; en effet en 1861 ils eurent l'idée d'adapter des manivelles à pédales sur le moyeu de la roue avant ; 'l’exposition universelle de Paris en 1867 qui fit prospérer ses affaires puisqu’en 1869 le constructeur est submergé de commandes et employait 500 ouvriers pour une production de 200 machines par jour.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

La Michaudine

 

De nombreux journaux en font la promotion , un magasine sportif voit le jour en 1892 : « le vélo » et un livre « la France velocipédique illustrée »

Mais en 1890 il n’y a pas plus de 50 000 bicyclettes en circulation en France

Le vélo coûte encore cher en 1890 : 600f en 1890 voire plus surtout qu’il est livré nu : il faut acheter en plus les freins, les pneus  ..

En 1893 Manufrance commercialise l’Hirondelle et étend sa gamme à tous les publics : du modèle démocratique à 185f aux modèles de luxe avec pneu michelin autour de 540f et le modèle routier pour les commerciaux, vétérinaires, médecins à 310 f.

 

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L'Hirondelle

 

En 1894 une taxe de 10 f est appliquée sur le vélo ; il y a alors 203 626 vélos en France

Autour de 1900 le tourisme moderne en groupe ou en famille voit le jour avec des randonnées sur plusieurs jours en vélo mais tout le monde ne peut pas se l’offrir..

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Tout le monde à bicyclette - Edward Loevy (1894)

 

 

Voir aussi l'article sur les vacances scolaires

 

Sources

Divertissements et loisirs dans les sociétés urbaines à l’époque moderne et contemporaine Robert Beck, Anna Madoeuf

Espaces urbains du temps libre des femmes aux xixe et xxe siècles - Fiorenza Tarozzi

http://cnum.cnam.fr/expo_virtuelle/velo/draisienne.html

Vacances en France de 1830 à nos jours André Rauch

L’avènement des loisirs 1850/1960 – Alain Corbin

La révolution matérielle Jean Claude Daumas

 

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