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Etuves et bains publics

15 Mars 2020 , Rédigé par srose

 

Etuves et bains publics

Les bains publics et les étuves du Moyen Age sont peut être l’héritage des thermes de l’Antiquité mais plus sûrement les croisés ont ramené cet art de vivre de leur séjour en Orient.

On va d'abord se contenter de s'immerger dans de grandes cuves remplies d'eau chaude. et à la fin du 13ème siècle apparaissent les premiers bains saturés de vapeur d'eau.

Ces établissements sont construits à peu près sur le même schéma : une cave avec des fourneaux en brique, un rez de chaussée divisée en deux grandes pièces : l’une contient une ou plusieurs cuves en bois pour une ou plusieurs personnes. L’autre contient la salle d’étuve dont le plafond est percé de trous au travers desquels s’échappe l’air chaud, des gradins et des sièges. Aux étages il y a les chambres …

A Paris en 1292 on dénombre 27 établissements.

Ils se situent généralement dans les rues appelée rue des bains ou rue des étuves, elles sont situées près des points d’eau et proches de lieux fréquentés, comme le marché, la cathédrale, une rue passante, ou encore aux portes de la ville

À Rodez, des étuves sont mentionnées dans les archives en 1413 rue de la Penavayre, située près de la maison commune et du portail de Penavayre, faisant la jonction entre le Bourg et la Cité.

A Toulouse, les bains se concentreraient, selon Jules Chalande (dans son ouvrage « Histoire des rues de Toulouse »), dans la rue du Pont-de-Tounis, appelée au XIIIe siècle, rue des bains de la Dalbade. Un peu plus loin, il existe deux étuves rue du Comminges, révélées par le cadastre de 1478, et mentionnées dans une lettre de rémission de 1463.

Enfin, des étuves se situeraient également dans le quartier du Bazacle, près de la Garonne : le capitaine du guet, après avoir été réprimandé par les capitouls pour protéger des gens malfamés, avoue avoir vu des personnes s’ébattre dans l’une d’elles : « Et car ledit capitaine a dit et confessé en ladite court avoir esté une nuit ès estuves du Basacle de ladite ville et y avoir trouvé Maturin Besson, ung nomme Godefroy de Billon, et l’abbé du public couchez chacun avec une femme dissolue et car ilz fuerent ne les avoir point prins ne mennez en prison la court a ordonné que lesdits capitaine Maturin Godefroy et abbé seront mis en la Conciergerie ».

Chartres en comptait 5.  

Ces établissements sont extrêmement florissants et rapportent beaucoup d'argent. Dans plusieurs villes de France, certains d'entre eux appartiennent même au clergé !

 

Etuves et bains publics

Valerius Maximus - Facta et dicta memorabilia - fin 15ème

 

Les bains publics ne sont pas tenus par n’importe qui : les étuviers sont constitués en corps de métiers, et leurs prix sont fixés par le prévôt de Paris. Il leur incombe d'entretenir leurs étuves puisque dans leurs statuts, il est écrit que "les maîtres qui seront gardes du dit métier, pourront visiter et décharger les tuyaux et les conduits des étuves, et regarder si elles sont nettes, bonnes et suffisantes, pour les périls et les abreuvoirs où les eaux vont"

Ils doivent observer certaines règles comme fermer le dimanche ou ne pas accepter les malades.

Les étuviers s’occupaient de chauffer l’eau et, quand elle était prête, des crieurs annonçaient l’ouverture des bains

 «Seigneur qu’or vous allez baigner
Et estuver sans délayer ;
Les bains sont chauds, c’est sans mentir… »

 

Une séance d’étuve pouvait être offerte comme pourboire à des artisans, domestiques ou journaliers : « à Jehan Petit, pour lui et ses compagnons varlets de chambre, que la royne lui a donné le jour de l’an pour aller aux estuves : 108 s. »

Les tarifs vont varier en fonction des options que l'on va prendre : bain en cuve, massage, vin, repas, lit car en effet on ne fait pas que s'y baigner ... Ainsi le livre des métiers d'Etienne Boileau au 13ème siècle nous renseigne sur le prix de ces établissements :

« Et paiera chascunne personne, pour soy estuver, deus deniers ; et se il se baigne, il en paiera quatre deniers » mais s'estuver et se baigner coûte huit deniers.

Dürer lors de son voyage dans les anciens Pays Bas au début du 16ème indique dans son journal des dépenses : « Aix la Chapelle dépensé au bain avec des camarades : 5 deniers ».

 

Etuves et bains publics

Bains publics de Pouzzoles - Italie - 12ème

 

A noter que le salaire d'un ouvrier qualifié était de 10 à 11 deniers par jour à la même époque (voir site plus bas)

L’étuve est un moment finalement banal dans le quotidien, associé à des pratiques ludiques comme jouer aux cartes ou s’adonner à des activités plus charnelles.

On y converse, on y traite ses affaires et on se restaure en bonne compagnie

 

Etuves et bains publics

 Même les clercs ...

 

Mais il est vrai que certaines  étuves devinrent même d’aimables maisons de passe. Ainsi l’étuve de Jehannotte Saignant est pourvue en 1466 de « jeunes chambellières de haute gresse ».

 

Etuves et bains publics

Miniature du Maître de Dresde - Valerius Maximus - Facta et dicta memorabilia - v. 1480

 

En tous les cas se baigner dans des cuves d’eau chaude aromatisée constituait un véritable art de vivre associé à d’autres voluptés, comme l’évoque cet extrait d’un rondeau du poète Charles d’Orléans (1394-1465) ou même le Roman de la Rose :

« Et on y boit du vieux et du nouveau,
On l’appelle le déduit de la pie ;
Souper au bain et dîner au bateau,
En ce monde n’a telle compagnie. »

L’écolier de mélancolie, Rondeau LXV, 1430-1460

 

Etuves et bains publics

Les dits de Watriquet de Couvin - v.1300

 

 « Puis revont entr’eus as estuves,
Et se baignent ensemble ès cuves
Qu’ils ont es chambres toutes prestes,
Les chapelès de flors es testes »

Le Roman de la Rose, vers 11 132 et suiv. (fin du 13ème siècle).

Philippe de Bourgogne au début du 15ème siècle louera pour la journée la maison de bains de Valenciennes dans le Nord avec les filles de joie pour mieux honorer l’ambassade anglaise venue à sa rencontre.

Etuves et bains publics

Valerius Maximus - Facta et dicta memorabilia - fin 15ème

A la fin du 14ème les étuves commencent à séparer les sexes

Les officiers municipaux d’Avignon interdisent en 1441 l’entrée des étuves aux hommes mariés.

A Toulouse, en 1477, le Parlement condamne Jacques Roy, un étuviste, pour avoir abrité des prostituées : « Il sera dit que la court mete l’appelant et ce dont a esté appellé au neant et au surplus veues ces confessions dudit prisonnier et les confrontations des tesmoins faictes en ladicte court dit sera que pour reparation des rufianage vie deshonneste dont a usé icelui prisonnier ès estuves dudict Thoulouse et ailleurs la court le condamne à fere tout nu le tours par les rues acostumées de la ville de Tholoze et aussi par devant les maisons de bains et estuves et en ce fait est banni et fustigué et sera banny et le bannist la court de toute la ville et viguerie de Tholoze jusques à ung an et l’absoult ayant esgard à son vieulx aage et aussi pour contemplation de ses femme et enfans de plus grand peine par lui defunt. Et enjoin ausdict capitoulz qu’ilz gardent et facent diligence que esdicts bains et estuves ne aillent en ladicte vie dissolue et facent bonne justice de autres personages nommes en proces » .

La licence sexuelle et la promiscuité qui règnent au sein des bains ont contribué à la fin de ces établissements : en effet, c’est le lieu idéal pour répandre les maladies vénériennes et les épidémies.

En 1573, Nicolas Houel, apothicaire de Paris, tint les étuves pour responsables de nombreuses contaminations. Ce dernier écrivit dans son traité de la peste : « Bains et étuves publiques seront pour lors délaissés, pour ce qu’après les pores et petits soupiraux du cuir, par la chaleur d’icelle, sont ouverts plus aisément, alors l’air pestilent y entre ».

En plus au 16ème siècle, l’église y met sérieusement son nez et sa morale : l’eau est source de plaisir donc c’est immoral. Se laver va devenir de plus en plus rare voire interdit par les instances ecclésiastiques et médicales, l'eau étant dangereuse en plus d'être pernicieuse.

A Dijon la dernière des 4 étuves est détruite au 16ème siècle (La plus réputée se situait dans le quartier de la paroisse Saint-Jean. Une autre, celle du Vert-Bois, était connue dans l’actuelle rue Verrerie).

Etuves et bains publics

Pas loin de la cathédrale Ste Bénigne - Dijon

Le « livre commode des adresses » ne recense plus à Paris en 1692 qu’un tout petit nombre de bains publics dont un bain de femmes rue Saint André des Arts.

 

Etuves et bains publics

Au 17ème siècle il reste encore des établissements mais plutôt destiné à la noblesse, tenus par un baigneur et leur visite reste quand même peu fréquente : avant un mariage ou un rendez vous galant ou pour y cacher des amours secrètes …

Il faudra attendre le 18ème siècle et surtout le 19ème pour qu'enfin, timidement, la propreté et l'hygiène passent à nouveau par l'usage de l'eau ...

 

Sources

http://medieval.mrugala.net/

Espaces et pratiques du bain au Moyen Âge de Didier Boisseuil

Le propre et le sale de Georges Vigarello

 

 

 

 

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Vies oubliées - Au coeur du 18ème siècle - Arlette Farge

1 Mars 2020 , Rédigé par srose

 

 

Vies oubliées - Au coeur du 18ème siècle - Arlette Farge

 

Comment saisir les vies oubliées, celles dont on ne sait rien ? Comment reconstituer au plus près l’atmosphère d’une époque, non pas à grands coups de pinceau, mais à partir des mille petits événements attrapés au plus près de la vie quotidienne, comme dans un tableau impressionniste ?


Arlette Farge offre ici ce qu’on appelle les « déchets » ou les « reliquats » du chercheur : ces bribes d’archives déclarées inclassables dans les inventaires, délaissées parce que hors des préoccupations présentes de l’historien. Ce sont des instantanés qui révèlent la vie sociale, affective et politique du siècle des Lumières. Prêtres, policiers, femmes, ouvriers, domestiques, artisans s’y bousculent.


De ces archives surgissent des images du corps au travail, de la peine, du soin, mais aussi des mouvements de révolte, des lettres d’amour, les mots du désir, de la violence ou de la compassion.
Le bruit de la vague, expliquait Leibnitz, résulte des milliards de gouttelettes qui la constituent ; Arlette Farge immerge son lecteur dans l’intimité de ces vies oubliées. Une nouvelle manière de faire de l’histoire.

 

Historienne du XVIIIème siècle, directrice de recherches au CNRS-EHESS,  Arlette Farge est l'auteure d'une trentaine d'ouvrages dont Essai pour  une histoire des voix et La déchirure. Souffrance et déliaison sociale au XVIIIe siècle aux éditions Bayard.

 

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La rue de l'Ancien Régime au 19ème siècle

1 Mars 2020 , Rédigé par srose

 

La rue de l'Ancien Régime au 19ème siècle

 

La rue de l’Ancien Régime est bordée de maisons basses, mal alignées, de 1 à 3 étages, avec de grandes portes cochères donnant sur des cours intérieures. Elle est étroite, tortueuse, le jour n’y pénétrant pas à cause des avancées de toit. La rue est remplie d’obstacles mouvants : des hommes, des animaux de basse-cour et de boucherie, des animaux domestiques, les charrois, les nuisibles comme les rats ; elle est le réceptacle des eaux usées, des déjections animales, du sang des animaux abattus. S’y empilent les pailles et fourrages pour les chevaux, les fagots pour les boulangers, l’huile pour l’éclairage ou le chauffage…

Un voyageur de la fin du 18ème siècle écrit à propos de Toulouse : "Toulouse n'a que quelques quartiers agréables, et ce sont les plus modernes Tout le reste n'est qu'un amas confus de vieilles maisons mal construites, sans goût, sans agrément , sans architecture,  et dont les communications ne sont assurées que par une foule de vilaine rues sales, tortueuses, et étroites".

Les boutiques sont devant les portes, sur des tréteaux à même la rue ce qui accentue l’encombrement.

 

La rue sous l'Ancien Régime jusqu'au 19ème siècle

 

C’est ainsi que le registre de la prison du grand Chatelet indique que le 1er septembre 1775 le sergent de poste a été requis de se transporter à la descente du pont Notre Dame où une infinité de revendeuses de fruits étalent leurs marchandises au mépris des différentes ordonnances des magistrats de police rendues pour faire cesser les embarras qu’elles occasionnent à la voie publique et aux boutiques qu’elles masquent et y a été arrêtée l’une d’entre elles qui a maltraité d’un coup de maillet un perruquier qui l’a voulu renvoyée. Elle a dit se nommer Elisabeth Vallentin, 21 ans native de Paris marchande de fruits, demeurante rue st Victor ».

 

La rue est un lieu de divertissement pour les grands et les petits. Les artistes de rue y jouent de leur instrument et amusent les bonnes gens. 32 fêtes sont données par an à Paris au 18ème siècle sans compter les dimanches. La foule est importante à ces occasions, réunissant les pauvres en haillons et les bourgeois dans leurs beaux habits. Mais les jeux divers et variés des petits et des grands peuvent finir mal. Ainsi « le 18 février 1746 une sentence de police condamne à 100 livres d’amende chacun les nommés Bosselot Jean et Mignot dont les enfants en jouant avec des charbons dans des pots avaient mis le feu sur la voie publique à une voiture de paille et renouvelle les défenses faites aux pères, mères, et maîtres de laisser jouer et vagabonder les enfants apprentis et domestiques dans les rues ou places publiques »

A partir de 1822 à Paris ils sont interdits car « sous prétexte de jouer d’un instrument, tel que la vielle, la guitare, la harpe, etc., des individus pénètrent dans les cours, dans les cafés, les cabarets, et y donnent lieu à des plaintes, soit à raison des chansons licencieuses qu’ils chantent, soit à raison des embarras qu’ils causent dans les rues et places où ils stationnent ». 

 

La rue est aussi le lieu des plaisirs : "on enlève tous les mois sans beaucoup de façons et sur simple ordre d'un commissaire 3 à 400 femmes publiques. On met les unes à Bicêtre pour les guérir, les autres à l'Hôpital pour les corriger" nous dit Mercier - Voir les articles sur l'enfermement des pauvres ICI et ICI.

Le nombre de prostituées diffèrent selon les auteurs : Pour Mercier "on compte à ¨Paris 30 000 flles publiques c'est à dire vulgivagues et 10 000 environs moins indécents qui sont entretenues et passent d'année en année en différentes mains. On les appelait autrefois filles folles de leur corps". Et de rajouter : "si la prostitution venait à cesser tout à coup, 20 000 filles périraient de misère, les travaux de ce sexe malheureux ne pouvant pas suffire ici à son entretien ni à sa nourriture".

 

Et que dire des chevaux ? ils y sont les rois : jusqu’à l’aube du XXe siècle, la rue est en effet le domaine du cheval : Paris, vers 1900, compte plus de quatre-vingt mille chevaux en activité, pour tirer les diligences, les fiacres et les camions, sans parler des chevaux de promenade et de la cavalerie militaire. Progressivement les chevaux vont céder la place aux vélocipèdes qui prennent une place de plus en plus importante tout en effrayant chevaux et piétons (on compte 60 000 vélos à Paris en 1893, 94 255 en 1898, 212 510 en 1900). Les 1ères voitures vont faire leur apparition ainsi que les transports en commun type tramway d’abord à traction animale dans les années 1850 puis à traction mécanique vers les années 1875.

 

La circulation dans les grandes villes devient si intense que Louis Figuier (écrivain et vulgarisateur scientifique né en 1819 à Montpellier et mort à Paris en 1894) écrit dans les années 1880 que « la circulation devient chaque jour plus difficile dans les rues de la capitale » et reste stupéfait devant « le mouvement des véhicules au carrefour du boulevard Montmartre et de la rue Montmartre, vulgairement nommé le Carrefour des écrasés, [qui] est de plus de 100 000 par jour… ».

 

Au 18ème siècle déjà la circulation à Paris est vivement critiquée : « quant aux carrosses il y en a ici un nombre infini qui sont délabrés et couverts de boue et qui ne sont faits que pour tuer les vivants. Les chevaux qui les tirent mangent en marchant (…) tant ils sont maigres et décharnés. Les cochers sont si brutaux , ils ont a voie si enrouée et efroïable, et le claquement continuel de leur fouet augmente le bruit d’une manière si horrible qu’il semble que toutes les Furies soient en mouvement pur faire de Paris un enfer. Cette voiture cruelle se paye par heure, coutume inventée pour abréger les jours dans un temps où la vie est si courte » JP Marana Lettre d’un sicilien à un de ses amis, fin du 17ème.

 

La rue sous l'Ancien Régime jusqu'au 19ème siècle

 

La rue est un lieu de violence et ce d’autant plus que l’éclairage est inexistant la nuit : « 10 juin 1785, midi, Marie Jeanne Quelin, 54 ans, femme de P. Grignon, cordonnier, dépose qu’elle a été attaquée dans la rue, qu’ils levèrent ses jupes et lui firent des attouchements malhonnêtes en lui portant les mains sur les cuisses, et autres parties de son corps ».

17 août 1775. Xavier Billod compagnon menuisier dit qu'il y a une heure sa femme a été attaquée sous la porte cochère par la femme Mage qui lui a jetée une assiette de faïence qu'elle avait à la main et avec les morceaux lui a asséné des coup au visage, et elle est blessée au point d'être au lit et qu'elle est bien mal".

9 avril 1783. 11h du soir, Bailley, huissier audiencier en la chambre des comptes du Roy demeurant à Paris rue St Antoine face la vieille rue du Temple, se plaint que passant de jour d'hui rue de Gèvres, en face la rue St Jérôme, à l'heure ci dessus indiquée, on lui a jeté d'une fenêtre à grand carreau du 2ème sur le devant des immondices dont le sieur Bailley s'est immédiatement récrié, desquels immondices il nous est apparu, tant sur son habit que sur son chapeau qui en étaient tout imbibés".

 

La rue est d’autant plus violente qu’elle abrite une population ouvrière miséreuse prompte aux émeutes. Louis Sébastien Mercier (écrivain et philosophe né en 1740 et mort à Paris en 1814) écrit que « si l’on abandonnait le peuple de Paris à son premier transport, s’il ne sentait lus derrière lui le guet à cheval, le commissaire et l’exempt, il ne mettrait aucune mesure dans son désordre ; la populace délivrée du frein auquel elle est accoutumée, s’abandonnerait à des violences d’autant plus cruelles qu’elle ne saurait elle-même où s’arrêter ».

 

"3 juin 1775. 8 h du soir, le caporal vient d'arrêter rue Neuve St Martin à la réquisition d'un officier de robe courte, un particulier prévenu de l'avoir insulté dans ses fonctions et a voulu exciter une émotion populaire".

 

Cet encombrement permanent est un obstacle à la circulation tant des personnes que des biens et donc un obstacle au commerce. La promiscuité entre hommes, animaux et déchets en tout genre est également propice à la saleté, aux maladies et aux incendies.  Ainsi « une voiture est indispensable ici au moins pour les étrangers. Mais les français savent d’une façon merveilleuse marcher au milieu des saletés sans se salir. Ils sautent artistement de pavé en pavé (…). L’illustre Tournefort qui avait fait presque le tour du monde après être revenu à paris fut écrasé par un fiacre après être revenu à Paris parce que durant son voyage il avait désappris l’art de bondir comme un chamois dans les rues, talent indispensable pour tous ceux qui vivent ici. » N. Karamzine voyages en France 1789-90

 

La rue sous l'Ancien Régime jusqu'au 19ème siècle

L'embarras de Paris - Nicolas Guérard 1648-1719

 

Louis Sébastien Mercier écrit dans son Tableau de Paris en 1783 qu’ « on vient d’établir dans tous les corps de garde des civières ou brancards garnis d’un matelas (…) de même on trouve chez le commissaire de quartier des bandes, des compresses, de la charpie (…) car marcher dans Paris toute la journée pour ses affaires c’est aller pour ainsi dire à l’assaut ».

 

La rue sous l'Ancien Régime jusqu'au 19ème siècle

BnF - Les couvreurs de Paris/Embarras de Paris

« Le 8 octobre 1763 minuit et demi est trouvé Jean François Cassagne, juste âgé de 15 ans, sans asile, vendant des épingles depuis hier attendu que son père l’avait mis dehors, est envoyé au petit chatelet de police »

 A partir du 16ème siècle, de multiples règlements tentent avec plus ou moins de succès de s’attaquer à l’assainissement et la propreté de rues. Mais aussi à la sécurité.

Mettre des trottoirs, paver les rues, mettre des rigoles, cartographier précisément la ville, codifier la voierie , relever les noms des rues, éclairer les rues, les agrandir, créer des espaces spécialisées comme les marchés aux fleurs, aux poissons, aux bestiaux va constituer le début de la transformation de la ville qui va conduire à la rue haussmannienne, régulière, large, aérée, bordée d’immeubles plus ou moins chargés de décorations, de six ou sept étages. Le modèle hausmannien va s'imposer peu à peu dans les grandes villes : Lyon en 1853, Marseille et Lille en 1858, Montpellier en 1861, Toulouse en 1864. L'hausmannisation va permettre enfin la mobilité et les échanges au sein des villes.

 

La rue sous l'Ancien Régime jusqu'au 19ème siècle

Louise Marie de Schryver - Rue Royale à Paris - 1898

 

Lille détruit ses remparts et annexe Fives, Moulin et Wazemmes, perce de grandes artères comme la rue de la gare (actuelle rue Faidherbe) en 1869/1870 et la rue Impériale en 1862 (actuelle rue Nationale).

 

La rue de l'Ancien Régime au 19ème siècle

Percement de la rue de la Gare à Lille - 1869 - Le Blondel

 

Les rues vont porter des noms officiels grâce à des plaques en fer blanc à partir de 1728 mais la pluie et le mauvais temps effacent les caractères. Donc le nom des rues fut gravé dans la pierre. Louis Sébastien Mercier précise que « les graveurs de noms de rue ont été obligés de  travailler de nuit tant ils étaient assaillis de quolibets, de coups et de menaces de séditions lorsqu’ils travaillaient en plein jour ».

 

Progressivement les chemins et rues se vêtent de macadam, technique mise au point en Angleterre vers 1814 par John Loudon MacAdam, qui consiste à déposer sur un sol bien drainé, trois couches de cailloux tassés au rouleau. Ce procédé n’est pas parfait car il demande un entretien important des rues. Dès 1835, à Paris, l’asphalte revêt les trottoirs puis vient le tour du bitume et du goudron qui vont permettre une étanchéité plus importante des rues macadémisées. Un réseau d’égout est créé sous la ville de Paris dans la 2ème moitié du 19ème. Lire l'article sur les latrines ..ICI

 

Sources

Vivre dans la rue à Paris au 18ème siècle de Arlette Farge

Histoire de la rue de Maurice Garden (Pouvoirs 2006/1 n° 116) 

La rue parisienne au xixe siècle : standardisation et contrôle ? de Sabine Barles ( Romantisme 2016/1 n° 171) 

 

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