Le Père Noël
Le Père Noël
Tout commença avec Saint Nicolas de son vrai nom Nicolas de Myre ou Nicolas de Bari, né au IIIème siècle en Lycie, au sud de l'actuelle Turquie et évêque de Myre. Il était déjà aux yeux de tous ses contemporains le protecteur des enfants, des veuves et des personnes les plus faibles. Il serait mort aux alentours du 6 décembre.
La légende de ce Saint raconte qu’entre Nancy et Metz, l'hiver approchant, trois enfants, partis glaner dans les champs, se perdirent sur le chemin du retour. Attirés par la lumière filtrant des fenêtres d'une maison, ils s'approchèrent et frappèrent à la porte.
L'homme qui leur ouvrit, un nommé Pierre Lenoir, boucher, accepta de leur donner l'hospitalité pour la nuit. En fait, sitôt les enfants entrés, il les tua, puis à l'aide de son grand couteau, les coupa en petits morceaux, pour finalement les mettre dans son saloir (un grand baquet empli de sel), afin d'en faire du petit salé.
Saint Nicolas, chevauchant son âne, vint à passer par là et frappa à son tour à la porte du boucher. L'homme, n'osant pas rejeter un évêque, le convia à dîner. Son invité lui demandant du petit salé, le boucher comprit qu'il était découvert et, pris au piège, avoua tout. Le saint homme étendit alors trois doigts au dessus du tonneau de petit salé, reconstituant et ressuscitant ainsi les trois enfants.
Saint Nicolas enchaîna le boucher à son âne et le garda auprès de lui pour le punir. Il devint le père Fouettard, être mauvais, dont le rôle est de réprimander les enfants désobéissants et les cancre. Toujours vêtu de noir, caché sous une cagoule et une épaisse barbe noire, il incarne tout l'opposé de Saint Nicolas, qui arbore une belle barbe blanche, des vêtements colorés d'évêque (mauve et blanc, avec une crosse, dorée à l'origine, puis rouge et blanche).
Le Père Fouettard
C’est ainsi que Saint Nicolas devient le patron des enfants, leur protecteur et bienfaiteur. Il descend du ciel dans la nuit du 5 au 6 décembre, accompagné d'un âne ou d'un cheval blanc, selon les pays. Il se glisse dans les cheminées, et distribue des fruits secs, des pommes, des gâteaux, des bonbons, des figurines en chocolat et de grands pains d'épices aux enfants qui avaient au préalable laisser leur soulier devant la porte ou devant la cheminée tandis que sa monture se nourrit des pommes et des carottes laissées par les enfants. Mais gare à ceux qui n'ont pas été sages. Le Père Fouettard est chargé de les punir.
Saint Nicolas
Dans le nord de la France, il est de coutume le soir du 5 décembre, que les familles se réunissent pour manger ensemble une coquille de saint Nicolas (une sorte de brioche), qu'on trempe dans le cacao chaud. Saint Nicolas a pour habitude de distribuer là bas une orange, des spéculoos, des nic-nacs, et du pain d’épice à son effigie.
Dans les années 1500, la fête de Saint-Nicolas à Dunkerque est ainsi décrite :
« Le 5 décembre, veille de la fête de la Saint-Nicolas, le patron des enfants, les écoliers nommaient, parmi eux, un évêque. Toute la journée du 6 décembre, l'élu avait le titre et les immunités d'évêque des enfants. En cette qualité, il ordonnait tout ce qui concernait la fête générale des enfants de la ville. Afin d'y contribuer à sa manière, l'échevinage lui faisait délivrer deux kannes (cruche)[] de vin soit : 6 litres. »
Mais c’est surtout en Lorraine que Saint Nicolas est le plus fêté, car en effet il est aussi le Saint Patron de la région depuis 1477.
Fête de St Nicolas 1700
Les célébrations de la Saint-Nicolas vont s’étendre à toute l'Europe du Nord, centrale et de l'Est. En Hollande, Saint Nicolas est appelé Sinterklaas. Et lorsque les Hollandais au XIXe siècle, vont migrer aux Etats-Unis, ils vont importer la tradition de «Sinterclaas», qui deviendra par déformation «Santa-Claus».
La première pierre à la création du mythe du Père Noël est posée en 1821 avec la publication dans un journal américain du poème «A visit from St Nicholas» de Clément Clarke Moore, pasteur américain, poème mieux connu depuis sous le nom de «The night before Christmas». Voir ci dessous.
L'oeuvre raconte la venue de Saint-Nicolas, un sympathique lutin dodu et souriant, qui descend du ciel dans un traineau tiré par huit rennes, et distribue des cadeaux aux enfants dans la nuit du 24 au 25 décembre. En effet les familles trouvèrent plus appropriées que la fête des enfants soit associée à la naissance de l’enfant Jésus et donc peu à peu la tournée de Santa Claus se fit dans la nuit du 24 au 25 décembre.
Le poème transforme quelque peu l’apparence de Santa Claus : Il a pris de l'embonpoint, sa crosse s’est transformé en sucre d'orge, sa mitre est devenu un bonnet, sa mule est remplacée par un attelage de rennes. En outre, l'auteur fit disparaître le Père Fouettard...
En 1863, Santa Claus troqua définitivement ses habits d'évêque contre un costume rouge avec fourrure blanche, rehaussé d'une large ceinture de cuir (il fut représenté ainsi par Thomas Nast, illustrateur et caricaturiste au journal new-yorkais Harper's Illustrated Weekly.).
En 1885, Nast décida aussi que l'antre de Santa Claus se trouvait au Pôle Nord (le dessin qu'il réalisa représentait deux enfants regardant, sur une carte du monde, le tracé du parcours de Santa Claus depuis le pôle Nord jusqu'aux États-Unis.
Puis, en 1886, l'écrivain américain George Webster reprit l'idée de Nast, précisant que la manufacture de jouets et la demeure du Père Noël, pendant le reste de l'année, était en fait dans les neiges du pôle Nord.
Enfin, en 1931, l'entreprise Coca Cola donna une nouvelle allure au Père Noël, sous le pinceau d'Haddon Sundblom. Santa Claus y gagna alors son air jovial et son attitude débonnaire, et troqua sa robe contre un pantalon et une tunique rouge. L'objectif de la firme était alors d'inciter les consommateurs à boire du Coca Cola en plein hiver...
Le Père Noël n'est donc pas une invention moderne ni même une invention de Coca Cola d’ailleurs mais est au contraire le résultat d’une lente adaptation au monde moderne !
Il faudra attendre la fin de la Seconde guerre mondiale pour que le Père Noël débarque brusquement dans les foyers européens avec sapin décoré, papier cadeau, cartes de vœux, bûche à déguster et joujoux par milliers …
Il est à noter que ce mouvement n'est pas pour plaire à l'église catholique, qui voit d'un très mauvais oeil ce personnage païen détournant les chrétiens du message de la naissance du Christ. Cette défiance est illustrée de manière spectaculaire à Dijon, le 23 décembre 1951: le Père Noël est brûlé comme hérétique devant les grilles de la cathédrale ! «Il ne s'agissait pas d'une attraction, mais d'un geste symbolique. Le Père Noël a été sacrifié en holocauste. À la vérité, le mensonge ne peut éveiller le sentiment religieux chez l'enfant et n'est en aucune façon une méthode d'éducation », écrivait l'église de Dijon. «Pour nous, chrétiens, la fête de Noël doit rester la fête anniversaire de la naissance du Sauveur».
Navrant ...
La Nuit avant Noël
C'était la nuit de Noël, un peu avant minuit,
À l'heure où tout est calme, même les souris.
On avait pendu nos bas devant la cheminée,
Pour que le Père Noël les trouve dès son arrivée.
Blottis bien au chaud dans leurs petits lits,
Les enfants sages s'étaient déjà endormis.
Maman et moi, dans nos chemises de nuit,
Venions à peine de souffler la bougie,
Quand au dehors, un bruit de clochettes,
Me fit sortir d'un coup de sous ma couette.
Filant comme une flèche vers la fenêtre,
Je scrutais tout là haut le ciel étoilé.
Au dessus de la neige, la lune étincelante,
Illuminait la nuit comme si c'était le jour.
Je n'en crus pas mes yeux quand apparut au loin,
Un traîneau et huit rennes pas plus gros que le poing,
Dirigés par un petit personnage enjoué:
C'était le Père Noël je le savais.
Ses coursiers volaient comme s'ils avaient des ailes.
Et lui chantait, afin de les encourager:
"Allez Tornade!, Allez Danseur!
Allez , Furie et Fringuant! En avant Comète et Cupidon!
Allez Eclair et Tonnerre!
Tout droit vers ce porche,
Tout droit vers ce mur!
Au galop au galop mes amis!
Au triple galop!
" Pareils aux feuilles mortes, emportées par le vent,
Qui montent vers le ciel pour franchir les obstacles,
Les coursiers s'envolèrent, jusqu'au dessus de ma tête,
Avec le traîneau, les jouets et même le Père Noël.
Peu après j'entendis résonner sur le toit
Le piétinement fougueux de leurs petits sabots.
Une fois la fenêtre refermée, je me retournais, J
uste quand le Père Noël sortait de la cheminée.
Son habit de fourrure, ses bottes et son bonnet,
Étaient un peu salis par la cendre et la suie. J
eté sur son épaule, un sac plein de jouets,
Lui donnait l'air d'un bien curieux marchand.
Il avait des joues roses, des fossettes charmantes,
Un nez comme une cerise et des yeux pétillants,
Une petite bouche qui souriait tout le temps,
Et une très grande barbe d'un blanc vraiment immaculé.
De sa pipe allumée coincée entre ses dents,
Montaient en tourbillons des volutes de fumée.
Il avait le visage épanoui, et son ventre tout rond
Sautait quand il riait, comme un petit ballon.
Il était si dodu, si joufflu, cet espiègle lutin,
Que je me mis malgré moi à rire derrière ma main.
Mais d'un clin d'oeil et d'un signe de la tête, I
l me fit comprendre que je ne risquais rien.
Puis sans dire un mot, car il était pressé,
Se hâta de remplir les bas, jusqu'au dernier,
Et me salua d'un doigt posé sur l'aile du nez,
Avant de disparaître dans la cheminée.
Je l'entendis ensuite siffler son bel équipage.
Ensemble ils s'envolèrent comme une plume au vent.
Avant de disparaître le Père Noël cria:
"Joyeux Noël à tous et à tous une bonne nuit"
Sources
La Nuit de Noël dans tous les pays de Alphonse Chabot
France pittoresque
Comment vivaient nos ancêtres ? de Jean Louis Beaucarnot
Contes et Légendes Hors série 2017
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k940508c/f7.image le mémorial historique et géographique de la pâtisserie
Le sapin de Noël
Le sapin de Noël
Dans le Journal de Rouen du 25 décembre 1897, Georges Dubosc (journaliste français 1854-1927) écrivait : « Devant les yeux émerveillés des touts petits, le verdoyant sapin, illuminé de mille petites lumières tremblotantes, se dresse tout chargé de jouets et de cadeaux qui, pendant des heures, mettent du bonheur dans les âmes de tout ce monde enfantin.
A ces joujoux d’un jour, on joint quelquefois une large distribution de bons vêtements chauds et de hardes neuves : tricots qui recouvrent les petits membres grelottants, mitaines qui préservent des engelures, foulards où s’enfouissent les petits nez rougis par la bise, bonnes galoches qui sonnent sur le pavé au moment des glissades. Et comme il n’est point de belles fêtes sans chanson, on chante quelques-uns de ces jolis noëls naïfs, sur des airs qui ont traversé les siècles et qui n’en sont pas moins une bonne et égayante musique ».
Le romancier anglais Charles Dickens décrit ainsi l’arbre de Noël : « Cet arbre, planté au milieu d’une large table ronde et s’élevant au-dessus de la tête des enfants, est magnifiquement illuminé par une multitude de petites bougies et tout garni d’objets étincelants. Il y a des poupées aux joues roses qui se cachent derrière les feuilles vertes, il y a des montres, de vraies montres, ou du moins avec des aiguilles mobiles, de ces montres qu’on peut remonter continuellement ; il y a de petites tables vernies, de petites armoires et autres meubles en miniature qui semblent préparés pour le nouveau ménage d’une fée ; il y a de petits hommes à face réjouie, beaucoup plus agréables à voir que bien des hommes réels - car si vous leur ôtiez la tête, vous les trouveriez pleins de dragées. - Il y a des violons et des tambours, des livres, des boîtes à ouvrage, des boîtes de bonbons... toutes sortes de boîtes ; il y a des toutous, des sabots, des toupies, des étuis à aiguilles, des essuie-plumes et des imitations de pommes, de poires et de noix, contenant des surprises. Bref, comme le disait tout bas devant moi un charmant enfant à un autre charmant enfant, son meilleur ami : Il y avait de tout et plus encore ! »
Décoration du sapin
On met sur le sapin de petites choses qui le font paraître briller de mille feux : des coquilles de noix remplies d’huile à la surface desquelles des mèches flottaient ou des chandelles souples nouées autour des branches, des boules de verre ou de petits miroirs qui reflètent, en mille facettes, la lumière des petites bougies suspendues dans l’arbre, des poignées de givre argenté et de neige artificielle, de longs fils d’argent qu’on appelle des « cheveux d’ange », de petits rubans, des bouffettes, des nœuds et des croisettes de bolduc rose.
On ajoute des fruits, de confiserie, de petits gâteaux et des jouets à surprises, et au sommet de l’arbre de Noël, une étoile lumineuse étincelante, symbolisant l’Etoile de Bethléem ou un ange de carton aux ailes d’or et aux mains pleines de présents.
Origine de l’arbre de Noël ?
En 354, l’Eglise institue la célébration de la naissance du Christ, le 25 décembre, pour rivaliser avec la fête païenne du solstice d’hiver durant laquelle il semblerait qu’un arbre, symbole de vie (l’épicéa) était décoré de fruits, de fleurs et de blé.
Toutefois la fête chrétienne de Noël se résumait à la messe de la nativité. Pas de sapin, de bûche, de père Noël à cette époque.
Les premières traces écrites d'une décoration de ce célèbre conifère ont été découvertes en 1510 à Riga, en Lettonie. À cette époque, des marchands dansaient autour d'un arbre décoré de roses artificielles, avant de le brûler sur un bûcher.
Mais c’est peut-être en Alsace qu’il faut chercher l’origine de l’arbre de Noël. La tradition rapporte que dès 1521 on décorait les intérieurs des maisons avec des branches coupées 3 jours avant Noël. De même à Sélestat en Alsace, à la même date, des arbres sont décorés d’hosties et de pommes. En 1546, toujours dans la ville de Sélestat on autorise à couper des arbres verts pour Noël, au cours de la nuit de la Saint Thomas.
La plus ancienne mention de l’arbre de Noël comme sapin entier se trouve dans une description des usages de la ville de Strasbourg, en 1605. On y lit le passage suivant : « Pour Noël, il est d’usage, à Strasbourg, d’élever des sapins dans les maisons ; on y attache des roses en papier de diverses couleurs, des pommes, des hosties coloriées, du sucre, etc. ».
Un autre témoignage de l’existence du sapin décoré pour Noël se retrouve dans l’Essence du Catéchisme que publia en 1642-1646 le pasteur protestant Dannhauer, de Strasbourg. Il constate que depuis quelque temps, en Alsace, on suspend, à la Noël, pour la récréation des enfants, des bonbons et des jouets aux branches d’un sapin. Il déclare qu’il ignore d’où cet usage, qu’il blâme fortement, a pu tirer son origine.
En France, c’est en 1738 que Marie Leszczynska, épouse de Louis XV, aurait installé un sapin de Noël dans le château de Versailles.
En 1765, Goethe se trouvant à Leipsig, chez un ami, exprime la surprise que lui cause le spectacle d’un arbre de Noël qu’il voyait pour la première fois.
L’arbre de Noël fait son apparition à Paris, en 1837, grâce à la duchesse d’Orléans Hélène de Mecklembourg, duchesse d’Orléans. Mais ce fut un échec, les parisiens y voyant des habitudes protestantes. Cette tradition se généralisera en fait après la guerre de 1870 dans tout le pays grâce aux immigrés d’Alsace-Lorraine qui firent largement connaître la tradition de l’arbre de Noël aux Français.
En 1840, le prince Albert, époux de la reine Victoria, l’introduisit au palais royal de Buckingham, à Londres, et le mit en honneur dans l’aristocratie et la bourgeoisie anglaise et de là le sapin partit à la conquête du monde anglophone …
Sources
La Nuit de Noël dans tous les pays de Alphonse Chabot
France pittoresque
Comment vivaient nos ancêtres ? de Jean Louis Beaucarnot
Contes et Légendes Hors série 2017
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k940508c/f7.image le mémorial historique et géographique de la pâtisserie
La bûche de Noël
L’allumage de la bûche est issue d’une tradition très ancienne : la bûche représente en effet pour les Chrétiens le Christ sacrifié pour nos péchés. Le feu est signe de joie et de lumière, puisque cette fête de Noël serait une christianisation de la fête païenne du Natalis Invictus, du soleil invaincu dans cette période du solstice.
La cérémonie d’allumage de la bûche réunissait tous les habitants de la maison, les hôtes, les parents et domestiques.
Cette cérémonie consistait à mettre la veille de Noël, une bûche (ou selon les régions tronc, cosse, tison, souche, tréfoir, tréfeu, tréfouet [pour « trois feux » car devait durer les jours de fêtes]) dans la cheminée avec un rituel qui était autrefois bien établi. Cette bûche devait être une grosse branche d'arbre fruitier, cerisier, poirier, prunier mais pas de figuier (il brûle mal, la fumée donne mal à la tête, le Christ a maudit l'arbre stérile et ce serait l'arbre auquel Judas s'est pendu). Ce pouvait être aussi de l’olivier, du chêne, du hêtre selon les régions.
Le choix de l’essence pouvait selon les croyances assurer une bonne récolte dans l’année à venir.
Certains versaient sur l’écorce du vin, de l’huile, du miel du lait, voire du sel ou de l’eau bénite pour se garantir des esprits et des sorciers. D’autres encore y faisaient couler quelques gouttes du précieux cierge de la Chandeleur.
Les cendres et charbons issus de la combustion de la bûche sont dotés de pouvoirs divers (porter chance notamment) et de ce fait seront conservés précieusement pour allumer la bûche de l’année suivante. De même que les brandons du feu de la Saint Jean qui étaient conservés aussi pour allumer la bûche de Noël.
Dans le Berry, les brandons étaient recueillis et mis en réserve sous le lit du maître de la maison. Toutes les fois que le tonnerre se faisait entendre, on en prenait un morceau que l’on jetait dans la cheminée, et cela était suffisant pour protéger la famille contre la foudre.
La bûche devait être assez grosse pour brûler pendant trois jours et même parfois jusqu’au 1er janvier.
Voici en quels termes l’historien et avocat général à la Cour royale de Paris Marchangy (1782-1826) parle de cette coutume en Normandie : « Le père de famille, accompagné de ses fils et de ses serviteurs, va à l’endroit du logis où, l’année précédente, à la même époque, ils avaient mis en réserve les restes de la bûche de Noël. Ils rapportent solennellement ces tisons qui, dans leur temps, avaient jeté de si belles flammes à rencontre des faces réjouies des convives.
L’aïeul les pose dans ce foyer et tout le monde se met à genou en récitant le Pater. Deux forts valets de ferme apportent lentement la bûche nouvelle. À l’instant où l’on y met le feu, les petits enfants vont prier dans un coin de l’appartement, afin, leur dit-on, que la souche leur fasse des présents, et, tandis qu’ils prient, on met à chaque bout de cette souche des paquets d’épices, de dragées et de fruits confits ».
Il arrivait aussi que les pauvres gens qui ne pouvaient se procurer des bûches convenables pour la veillée de Noël, se les fassent donner. « Beaucoup de religieux et de paysans, écrit Léopold Bellisle, recevaient pour leurs feux des fêtes de Noël un arbre ou une grosse bûche nommée tréfouet ».
Autre témoignage de cette tradition : « Dès que la dernière heure du jour s’était fondue dans l’ombre de la nuit, tous les chrétiens avaient grand soin d’éteindre leurs foyers, puis allaient en foule allumer des brandons à la lampe qui brûlait dans l’église, en l’honneur de Jésus. Un prêtre bénissait les brandons que l’on allait promener dans les champs. Ces brandons portaient le seul feu qui régnait dans le village. C’était le feu bénit et régénéré qui devait jeter de jeunes étincelles sur l’âtre ranimé. Cependant, le père de famille, accompagné de ses enfants et de ses serviteurs, allait à l’endroit du logis où, l’année précédente, ils avaient mis en réserve les restes de la bûche. Ils apportaient solennellement ces tisons ; l’aïeul les déposait dans le foyer et tout le monde se mettant à genoux, récitait le Pater, tandis que deux forts valets de ferme ou deux garçons apportaient la bûche nouvelle.
Cette bûche était toujours la plus grosse qu’on pût trouver ; c’était la plus grosse partie du tronc de l’arbre, ou même la souche, on appelait cela la coque de Noël [le gâteau allongé en forme de bûche que l’on donnait aux enfants le jour de Noël portait encore au début du XXe siècle dans certaines provinces le nom de coquille ou petite bûche, en patois, le cogneu.
On mettait le feu à cette coque et les petits enfants allaient prier dans un coin de la chambre, la face tournée contre le mur, afin, leur disait-on, que la souche leur fît des présents ; et tandis qu’ils priaient l’Enfant-Jésus de leur accorder la sagesse, on mettait au bout de la bûche des fruits confits, des noix et des bonbons. A onze heures, tous les jeux, tous les plaisirs cessaient. Dès les premiers tintements de la cloche, on se mettait en devoir d’aller à la messe, on s’y rendait en longues files avec des torches à la main. Avant et après la messe, tous les assistants chantaient des Noëls, et on revenait au logis se chauffer à la bûche et faire le réveillon dans un joyeux repas. »
Une fois la bûche allumée, chaque famille se rendait à la messe de minuit. Et de retour, on donnait du foin aux animaux de l’étable (en plus grande proportion ou meilleure qualité qu’à l’ordinaire) afin de remercier les bœufs et les ânes d’avoir réchauffé l’enfant Jésus. On dit que la nuit de Noël, les animaux ont le pouvoir de parler et d’être compris par ceux qui les écoutent. Gare à celui qui les écouterait car il mourrait dans l’année…
Courant 19ème siècle, la bûche est sortie de l’âtre pour venir sur nos tables sous forme d’un dessert. Quand précisément, nul ne le sait. Certains pensent qu’il s’agit de l’invention d’un pâtisser de la rue de Buci à Paris, dénommé Antoine Caradot en 1879, d’autres disent que la bûche est née dans la cuisine du chocolatier lyonnais Félix Bonnat en 1860 ou que le pâtissier glacier du prince Charles III de Monaco, Pierre Lacam, l’a mis au point en 1898 ; peut être est ce bien plus tôt et qu’un apprenti pâtissier de Saint-Germain-des-Prés en 1834 est l’inventeur de cette nouvelle tradition culinaire.
Quelle importance … ?
Sources
La Nuit de Noël dans tous les pays de Alphonse Chabot
France pittoresque
Comment vivaient nos ancêtres ? de Jean Louis Beaucarnot
Contes et Légendes Hors série 2017
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k940508c/f7.image Le mémorial historique et géographique de la pâtisserie de Pierre Lacam
Non ce n'était pas mieux avant de Johan Norberg
"Non ce n'était pas mieux avant" de Johan Norberg
Chaque jour, à la télévision, dans la presse, sur Internet et dans la bouche des hormmes politiques, nous sommes abreuvés du même discours catastrophiste : le chômage, la pauvreté, les désastres environnementaux, la faim, la maladie et la guerre sont partout. Et pourtant!
Pourtant, l'humanité a fait davantage de progrès au cours des cent dernières années que depuis l'apparition d' Homo sapiens. Pourtant, l'espérance de vie a plus que doublé au XXe siècle, alors qu'elle n'avait pas significativement évolué auparavant. Pourtant, la pauvreté a davantage reculé au cours des 50 dernières années que pendant les 5 siècles qui ont précédé.
Contrairement aux idées reçues, l'humanité a connu, au cours des dernières décennies, un progrès et une amélioration de ses conditions de vie sans précédent . Quel que soit le critère considéré, on peut sans conteste affirmer que "c'est mieux maintenant". Et il y a même toutes les raisons de croire que ce sera encore mieux... demain.
Les milices provinciales
Les milices provinciales
« De par le Roi, soldats, levez la main. Vous jurez et promettez que vous obéirez aux ordres de vos officiers en tout ce qui concerne le service de Sa Majesté, que vous ne quitterez jamais la troupe dont vous êtes et que voulant servir le Roi avec honneur et fidélité vous n'abandonnerez jamais vos drapeaux ».
(Serment des recrues des milices provinciales; XVIIIe siècle).
Le principe La guerre en France sous l’Ancien Régime n’est pas que l’affaire de militaires professionnels. L’armée recrute aussi des mercenaires français ou étrangers et utilise également des milices composées de civils tirés au sort paroisse par paroisse.
Ce type de levée de civils a toujours existé mais de façon ponctuelle et temporaire. Au 17è tout change.
L’ordonnance royale du 29 novembre 1688 imposa en effet à chaque paroisse du royaume l’obligation de désigner un homme qui, incorporé dans une compagnie, contribuait à former un régiment de milice. Désignés pour une période déterminée de 2 à 6 ans selon les époques, ces miliciens devaient servir en tant qu’auxiliaires de l’armée régulière.
Cette ordonnance de 1688 organisa une première levée de 25 050 miliciens, âgés de 20 à 40 ans, répartis en bataillons et compagnies. Chaque homme choisi devait être obligatoirement domicilié dans sa paroisse. Il était désigné à la pluralité des voix par ses concitoyens. Ces miliciens étaient encadrés par la noblesse locale. Tous devaient demeurer au service du roi pendant 2 ans (au départ puis durant 4 voire 6 ans), sans s’absenter de leur paroisse, dans l’attente d’être éventuellement appelés à servir. Ces miliciens étaient habillés et armés par leurs paroisses respectives et, en cas de guerre, soldés par le Roi à raison de 5 sols par jour.
En résumé, cette organisation créée en 1688 par Louvois, supprimée une première fois de 1697 à 1700 puis en 1715, rétablie momentanément en 1719 puis définitivement en 1726 jusqu’à sa suppression définitive en 1791 préfigure le système qui sera celui du XIXe siècle jusqu'en 1875.
Organisation des milices : En 1726, les miliciens forment 100 bataillons de 12 compagnies. Chaque bataillon comporte un nombre variable d’hommes selon les années mais grosso modo cela tourne autour de 700 miliciens par bataillon. Les bataillons portaient le nom de leur commandant et étaient réparties dans les provinces et généralités.
- La généralité de Paris et la Bretagne fournissent chacune 7 bataillons soit 4200 hommes
- Le duché de Bourgogne , le comté de Bourgogne et le Languedoc 6 bataillons
- Les généralités de Rouen, de Châlons, de Tours et de Bordeaux 5
- Les généralités d’Auch et d’Orléans 4
- Les généralités de Soissons, Amiens, Laon, Alençon, Poitiers, Montauban 3
- Celles de Moulins, Limoges, Riom, Lyon, Grenoble les Trois-Evêches, l’Artois, l’Alsace 2
- La Provence, les généralités de Bourges et de La Rochelle, la Flandre, le Hainaut et le Roussillon chacune 1
Une compagnie est composée de 2 sergents, 3 caporaux, 3 anspessades (soldats 1ère classe), 41 fusillés et 1 tambour
Officier de milice
La composition de ces bataillons se modifia au fil des années et des besoins.
Ainsi 30 ans plus tard, la milice comprend 107 bataillons issus des 29 généralités de France. Chacun des bataillons associe 8 compagnies de fusiliers et 2 compagnies de grenadiers, toutes les compagnies sont de 50 hommes.
L'ordonnance du 1er décembre 1774 prévoit quant à elle 105 bataillons formant 48 régiments, dont 10 à 3 bataillons, 37 à 2 bataillons et 1 à 1 bataillon. Chaque bataillon reste à 710 hommes avec une formation en 8 compagnies.
Leurs tâches Les miliciens n’étaient pas tous des combattants. Les milices provinciales remplissaient en effet presque toujours des tâches auxiliaires : garde de ponts de passage, de lignes de communications, de forteresses, de prisonniers mais participaient aussi à des missions de couverture, voire à des batailles rangées.
En Flandre wallonne, comme dans bien d’autres provinces frontières, ils devaient aussi participer à des travaux de terrassement et escorter les convois de ravitaillement destinés aux troupes régulières.
De façon générale les troupes réglées tenaient en peu d’estime les miliciens qui pour la majorité n’étaient que de piètres combattants, sans instructions militaires ou si peu.
Pourtant nombre de miliciens provinciaux servirent hors du royaume pour « boucher » les vides occasionnés par les guerres incessantes : Pays-Bas autrichiens, Allemagne et même Bohême, au cours des guerres de Louis XV.
Certains miliciens sont tellement satisfaisants que le roi Louis XIV en 1744 créa le corps des grenadiers royaux, composé de plusieurs compagnies de grenadiers de milice, réunies sous un même chef.
Uniforme des grenadiers
Fréquence des levées De 1726 à la fin de l’Ancien Régime (avec une courte interruption entre 1758 et 1765), on procéda à 43 levées de milice, soit une levée tous les 17 mois. Bon an, mal an, 10 000 à 12 000 hommes furent appelés avec, en temps de guerre, des crues pouvant s’élever, comme en 1743 par exemple, jusqu’à 66 000 hommes. Ces miliciens, toujours recrutés dans la tranche d’âge des 16 à 40 ans (le minimum fut porté à 18 ans en 1765), devaient effectuer un service de 4 ans (6 ans après 1765)
Instruction La convocation et l'instruction militaire sont irrégulières. Les convocations pouvaient aller d'une fois par mois à une fois par an; cette dernière fréquence fut ensuite imposée par l'ordonnance de 1774. Chaque convocation ne comprenait à l'origine qu'une seule journée d'instruction militaire, forcément sommaire, mais sa durée fut fortement allongée par la suite.
Le lieu de convocation ne devait pas être situé à plus de trois jours de marche du domicile et les miliciens percevaient des frais de déplacement : deux sols par lieue. Au lieu d'assemblée ils recevaient un billet de logement chez l'habitant
Mode de recrutement des miliciens. A l’origine, le cadre du recrutement fut celui de la paroisse. Chaque paroisse devait fournir un milicien. Le choix de cet homme dépendit d’abord du volontariat. Puis, le système évolua et l’on tint compte de l’importance de la paroisse qui se vit dans l’obligation de présenter autant d’hommes qu’elle payait de fois 2 000 livres de taille .
Puis, très rapidement, on introduisit un certain nombre de modalités dans ce mode de recrutement. Dès 1726, par exemple, la levée put se faire selon le nombre de feux que comptait la paroisse . Mais surtout, l’ordonnance du 23 décembre 1692 introduisit dans les procédures de recrutement une nouveauté lourde de conséquences : le tirage au sort.
Si l'on se reporte au Journal d'un curé de campagne (Rumegies dans le Nord), en 1702, cinq garçons furent levés pour la milice
Procédure de levée En 1726 par exemple, le « département de Flandre wallonne et maritime » dut fournir 720 hommes .
L’intendant devait répartir cet effectif entre les paroisses et les communautés relevant de son autorité. Puis, c’était aux subdélégués de superviser l’opération en commençant par envoyer aux différents syndics, curés et autres responsables locaux, la copie du texte qui ordonnait la levée. Ces autorités locales dressaient alors la liste de tous les « miliciables » en retenant les seuls célibataires, âgés de 16 à 40 ans et mesurant 5 pieds de haut (1 m 62 environ). Si le nombre de célibataires ne suffisait pas, on inscrivait des hommes mariés depuis moins d’un an. Les inscrits devaient ensuite se soumettre à un tirage au sort, le dimanche suivant celui où lecture de l’ordonnance de mobilisation avait été faite par le curé au prône dominical. Précisons qu’on devait tirer obligatoirement dans la paroisse où l’on était domicilié : « aucun passager, vagabond, estranger ou habitant d’une autre paroisse ne [pouvait] être admis à servir à la place d’un milicien tiré au sort » précisait l’intendant de la Flandre wallonne et maritime en 1726.
Tirage au sort en 1708
À l’appel de leur nom, les hommes s’avançaient les uns après les autres et prenait un billet qui se trouvait dans un chapeau. Tout le monde tirait mais étaient « bons pour le service » seuls ceux qui se retrouvaient avec un « billet noir », c’est-à-dire un billet sur lequel était inscrit « milicien » . À l’issue de ce tirage au sort était dressé un procès-verbal sur lequel on indiquait le signalement précis de chacun des nouveaux miliciens (nom, âge, taille et autres caractéristiques). Les hommes retenus devaient enfin se rendre au plus vite au chef-lieu de la région pour une première réunion de leur compagnie
Tous étaient, par ailleurs, tenus de demeurer en leur paroisse pendant toute la période qu’allait durer leur service. Cette période de « disponibilité » fut d’abord fixée à 4 ans pour s’élever à partir de 1765 à 6 ans.
Exemptions il existait un grand nombre de cas d’exemption. Échappaient tout d’abord à la milice tous ceux qui ne répondaient pas aux critères physiques adéquats (plus de 20 % des cas en Auvergne).
De façon générale étaient exemptés la noblesse le clergé, leurs domestiques, les bourgeois vivant de leur rente, les marchands et cultivateur aisés, les hommes exerçant des professions libérales, les fonctionnaires publics les gens de robbe et de plume.
Origine sociale des miliciens sur Albi et ses environs
Mais aussi une foule de professions jugées trop utiles pour la communauté nationale ou tout simplement incompatibles avec l'exercice des armes : transporteurs, médecins, élèves de l'école royale vétérinaire, collecteurs d'impôts, employés des fermes du Roy, postiers, changeurs, agents municipaux, pompiers, employés des arsenaux, des constructions navales, des poudres et salpêtres, de la monnaie, personnel hospitalier, artistes et nombre d'artisans exerçant des métiers rares, gardes-chasse et gardes forestiers, domestiques de nobles, d'ecclésiastiques, de veuves vivant seules et d'infirmes, desservants laïques des églises, laboureurs, hommes de loi, étudiants, le berger d’une communauté possédant plus de 300 têtes de bétail, le maréchal ferrand d’une paroisse d’au moins 50 feux et bien entendu les militaires en activité, et en fonction de la durée de leurs services, certains anciens militaires.... Certaines charges publiques dispensaient du tirage : maires, échevins, syndics, membres des milices bourgeoises, comme déjà vu. Noter que différents emplois et charges exemptaient non seulement le titulaire mais aussi son premier valet ou premier commis ou l'aîné de ses fils, voire tous.
Les services rendus à l'État pouvaient entraîner aussi des dispenses : ainsi les fils de capitaines retraités n'étaient pas soumis au tirage.
Certaines situations socio-familiales délicates entraînaient aussi l'exemption : fils aînés de veuves chargées de familles ou vivant seules, et même de pères âgés vivant seuls, orphelins chargés de leurs frères et sœurs…
À Arras, entre 1778 et 1783, près de 17 % des « miliciables » furent ainsi réformés .
Eviter la milice Exceptionnellement, les paroisses étaient autorisées à recruter des remplaçants dont elles devaient rémunérer le « volontariat ». Pour cela, on trouvait l’argent en taxant les paroissiens. Dans les campagnes artésiennes, par exemple, on imposait les paroissiens selon le nombre de charrues (une quarantaine d’ares environ) que comptaient les exploitations . Un contrat précis et détaillé était ensuite établi entre la communauté et celui qui se présentait pour être volontaire pour servir dans la milice, à l’exemple de celui conclu en 1733 devant le bailli d’Aubigny (en Artois) :
« Le soussigné… natif de…, fils de…, demeurant à…, déclare servir Sa Majesté en qualité de milicien pour les villages de Thilloy-les-Hermaville et d’Ofines (?), pendant le temps de 5 années, porté par l’ordonnance du [12 novembre 1733], dont il a eu lecture à son apaisement (?) et à laquelle il promet satisfaire sous les peines portées, et ce, au lieu et par remplacement du nommé Michel Viconne, milicien, décédé depuis quelque temps, lequel servoit de milice pour lesdits villages, moyennant quoy la jeunesse desdicts lieux promet luy paier la somme de 30 livres pour son engagement ou remplacement, et par dessus ce de luy mettre ès mains par forme de gratification, celle de… le tout lorsqu’il aura été reçu par Messieurs des États d’Artois, et admis milicien par M. le Commissaire de guerre ».
Attention toutefois car le roi punissait sévèrement toute tentative pour échapper au tirage au sort et au service de milice : « ceux à qui le sort sera échu », précisait-on en 1776 en Flandre wallonne, « ne pourront en substituer d’autres en leur place, sous tel prétexte que ce puisse être, quand même des garçons de la même paroisse offriront de servir pour eux ». Jusqu’en 1705, ceux-ci étaient condamnés aux galères avec ablation du nez et des oreilles, puis on se contenta de la peine du fouet et de la flétrissure.
Mais tous les moyens sont bons pour échapper à la milice : postuler à une place qui permettait d’être exempté (laquais d’un ecclésiastique, par exemple), se marier en urgence, devenir marchand ambulant pour expliquer le pourquoi de son absence lors du tirage au sort… On essayait aussi de tomber malade en ayant recours à divers artifices…on fuyait hors du royaume : à Arras, entre 1778 et 1783, on enregistra jusqu’à 22 % de déserteurs. D’autres encore se mutilaient.
«Ils criaient et pleuraient qu’on les menait périr et il était vrai qu’on les qu’on les envoya presque tous en Italie dont il n’en était jamais revenu un seul » écrira Saint Simon en 1705 (Duc et pair de France, mémorialiste, 1675-1755)
Charles Pinot Duclos (écrivain et historien 1704-1772) dira dans Mémoires secrets ; « j’ai vu dans mon enfance ces recrues forcées conduites à la chaine comme des malfaiteurs ».
Le tirage au sort est honni, la milice haïe « Que le tirage à la milice soit supprimé dans toute la France », réclamaient les députés des négociants d’Arras en 1789, « comme attentatoire à la liberté naturelle des citoyens, nuisible au commerce, à l’agriculture, ne pouvant fournir au roi que des soldats qui le servent contre leur gré, et qui pourroient être très utiles dans d’autres professions, et que dans le cas où l’État auroit besoin de miliciens, les communautés soient libres de fournir leur contingent en hommes de bonne volonté et de se les procurer de telle manière qu’elles trouveront convenir… »
En 1710, le duc d’Aumont, gouverneur du pays, argumentait déjà dans le même sens en regrettant qu’après le départ des miliciens, il ne resta « plus d’hommes pour la moisson… » .
En 1701 Lille devait fournir 182 hommes et se plaignait de ne plus posséder d’artisans « ceux qui restent sont criblés de dettes et émigreront certainement pour éviter la nouvelle imposition ; Douai ville sans commerce et sans trafic remplie de couvents, casernes, arsenaux, collèges ne vit que de son université ; l’annonce de la levée la dépeuplera et ses étudiants retourneront » en Flandre, Hollande, Allemagne et ailleurs
Une levée de milice coûtait fort cher À partir de 1726, les paroisses devaient équiper leurs miliciens. Certes, le roi fournissait l’armement, soit un fusil, une baïonnette, une épée, une giberne, un ceinturon, et habillait le milicien : un justaucorps de drap blanc, une veste et une culotte de serge blanche doublée de toile grise avec, pour la veste, un revers, un collet et des parements bleus.
Mais les populations devaient, quant à elles, continuer à payer le petit équipement, soit un chapeau bordé d’un galon d’argent faux, deux chemises de toile, deux cols, une paire de souliers, une paire de guêtres et un havresac .
Uniforme des régiments provinciaux sous Louis XVI
En janvier 1746, le coût de ce « petit équipement » pour 290 miliciens levés en Flandre wallonne et maritime s’éleva à 8 263 livres 10 sols.
À ces frais s’en ajoutaient d’autres. Il fallait, en effet, payer l’homme qui conduisait le ou les miliciens au lieu de regroupement.
Les paroissiens devaient aussi verser en temps de paix une solde, prise en charge par le Roi en temps de guerre. Cette solde payée par les paroisses fut fixée à 4 sols par jour par l’ordonnance de 1705. Pour un service d’une durée d’environ 5 ans, une communauté pouvait donc débourser près de 365 livres, soit 70 livres par an. C’est ce que payèrent le 6 mai 1784, au milicien Alexandre Lhomme, les communautés d’Arleux, Mont d’Arleux, Thélus, Bailleul-sir-Berthould et Willerval.
Au total, l’entretien d’un milicien pouvait approcher la centaine de livres et on comprend donc pourquoi certaines paroisses s’associaient pour supporter ces frais
Un avantage fiscal est tout de même prévu à partir de 1732 :
Le père du milicien jouit pendant durée du service du fils d’une dispense complète de l’impôt de la taille si sa quote part était fixée à moins de 20 livres ; au dessus de ce chiffre il ne payait que l’excédent
Le milicien quant à lui ne peut être imposé à la taille que deux ans après sa libération pour ses bien propres ou pour ceux de sa femme s’il venait à se marier pendant ces deux années. S’il était marié avant de tober au sort sa côte personnelle tait diminuée de 10 livres durant des années de miliciens
Les milices disparaissent en 1791 mais en 1798 un autre type de levée de recrues est mis en place : la conscription. Avec les mêmes inégalités .....
Sources
Les milices et les troupes provinciales, volume 1834 – Léon Clément Hennet
Les milices provinciales dans le Nord d royaume de France à l’époque moderne (17è-18è) – Revue du Nord, volume 350, n°2, 2003, pp279-296 - Alain Joblin
La milice dans l'intendance de la Flandre Wallonne au XVIIIe siècle – revue du Nord, 1937, volime 23, n°89, pp5-50 – Marie Agnès Robbe
L’obligation militaire en France sous l’Ancien régime – Lieutenant Colonel Alain Huyon