Le tulliste
Le tulliste est l'ouvrier en charge de la fabrication de la dentelle. Il conduit, entretien et assure le bon fonctionnement du métier Leavers.
Calais est une des deux villes (avec Caudry) à avoir fait de la dentelle mécanique sa spécialité.
Calais n’a aucune tradition textile particulière mais il s’avéra que deux anglais Clark et Bonnington débarquèrent à Calais en 1816 en toute illégalité un métier de type nouveau pour faire de la dentelle industrielle, en pièces détachées et apportent également leur savoir-faire. D’autres suivirent ; des ouvriers anglais sautèrent le pas et vinrent en France (ils souffraient à l’époque de la surproduction tullière en Angleterre qui abaissait considérablement le prix de la main d’œuvre).
Les premiers tullistes anglais s’installèrent à Valenciennes, Douai et surtout Calais mais le manque de place les contraignirent à développer leur activité dans le faubourg maraîcher de Saint-Pierre-lès-Calais.. En moins d’un demi-siècle, Saint-Pierre devient une ville cosmopolite prospère et dépassa en nombre d’habitants Calais, au point que les deux villes fusionnent officiellement en 1885.
La problématique de surproduction arriva toutefois également outre-Manche : Villermé (médecin français - 1782/1863) en 1840 dit : « aucune classe d’ouvriers n’a vu réduire autant ses salaires depuis 15 ou 16 ans … et n’a passé plus rapidement d’une grande aisance à une grande détresse ».
Un ouvrier tulliste travaillant sur le métier gagne en effet en 1823 entre 15 à 20 francs par jour tandis qu’en 1834 il ne gagne plus que 3 francs au maximum.
Qu’est-ce que la machine Leavers ?
En fait tout part de l’anglais John Heathcoat qui réussit dès 1808, en s’inspirant du travail des dentellières, à tisser mécaniquement du tulle.
A la même époque, le mécanicien français Jacquard inventait le métier à tisser, qui porte d’ailleurs son nom, lequel permettait de créer les motifs à l’aide de cartes perforées.
En 1830, un certain Leavers eut l'idée d'allier la technique Jacquard au procédé mécanique de John Heathcoat. Ce sera la combinaison de ces deux inventions qui donnera naissance aux métiers LEAVERS, de grosses machines de dix à quinze tonnes et dix, douze mètres de long qui fonctionnent dans un bruit assourdissant dû aux milliers des disques métalliques portant les fils qui se croisent pour former les nœuds (ces nœuds empêchent la dentelle de se déchirer si elle est coupée et qui sont la signature d’une dentelle traditionnelle artisanale).
Quelles sont les étapes de la création de la dentelle ?
D’abord, il faut créer le dessin ou le motif (travail de l’esquisseur),
puis le transposer sur une carte. Sur cette carte quadrillée, chaque fil est représenté d’une couleur différente qui reproduit le chemin que le fil doit parcourir dans le métier, comme par exemple deux cases à droites ou une case à gauche. Cette carte quadrillée est ensuite «codée» sur des cartes perforées.
Ces cartes perforées étaient par la suite lues par des machines spéciales, les métiers Jacquard, qui pilotent les grands métiers à dentelle. Ces énormes métiers nouent et serrent des centaines de fils simultanément selon les trous des cartes perforées.
Un métier à dentelle peut avoir besoin de 10.000 bobines de fils. Pour créer ces bobines, on se sert d’une machine comme celles-là:
ou
L’extirpeur va extraire le fil restant des bobines. Cette tâche est souvent confiée à l’apprenti.
Puis la wheeleuse remplit des séries de 100 bobines contenant chacune 100 mètres de fil.
Le presseur de bobines assure la régularité de l’épaisseur des bobines en pressant à chaud des séries de 3 à 5 000 bobines
Le remonteur place les bobines dans les chariots
Le wappeur ou ourdisseur prépare les rouleaux de chaîne, de guimpes et de brodeurs.L’ensemble peut donc compter 10 000 fils, répartis sur des rouleaux disposés sous le métier. Cette opération est exécutée en parallèle au wheelage.
Le tulliste va enfin s’occuper des réglages, répare les 5 000 chariots et bobines contenus dans un métier, et veiller à la parfaite conformité des fils.
Ensuite plusieurs étapes sont nécessaires avant son utilisation finale: on doit repriser les défauts, laver, colorer et sécher la dentelle et ensuite la découper.
Sources
http://lieuxdits.free.fr/denthist.html
http://histopale.net/wp-content/uploads/file/texteMarval3.pdf
https://www.dentelledecalaiscaudry.fr/l-exception/
http://calais-avant-hier.eklablog.com/la-dentelle-a-calais-a118992606
http://www.annelaurecamilleri.com/keyword/Tulliste/
http://www.noyon-dentelle.com/savoir-faire/
Bourgeois de Lille
Cet article complète celui-ci.
La première condition pour devenir bourgeois de Lille était d'y habiter.
IL existe cependant une classe de bourgeois dit forains n'habitant pas Lille mais la Châtellenie de Lille. Ils pouvaient toutefois être astreint à y résider au moins 40 jours par an sur ordre des échevins.
Ceux qui n'étaient pas bourgeois de naissance devaient obtenir l'agrément du Magistrat. Le candidat se présentait au jour fixé devant les échevins et répondait à leurs questions. Puis il prêtait serment. Son nom était ensuite inscrit sur les registres.
On remettait au nouveau bourgeois ses "lettres de bourgeoisie" c'est à dire un certificat d'inscription. Au 18ème siècle c'tait une sorte de quittance de droits à payer qui était de 60 sols d'Artois puis de 15 livres, plus les droits dûs aux officiers de la ville.
L'enfant d'un bourgeois avait un droit acquis par sa naissance à la bourgeoisie et jouissait de tous les privilèges jusqu'à sa majorité ou son émancipation. Il devait alors racheter sa bourgeoisie sinon il perdait le privilège de l'arsin. En rachetant sa bourgeoisie dans le délai requis il n'avait à acquitter qu'un droit minime.
S'il négligeait de la racheter dans l'année de son mariage, il était frappé de déchéance et tombait sous la loi de l'escassement.
Les privilèges des bourgeois de Lille
1/ Les bourgeois n'étaient justiciables que des échevins, leurs pairs; si donc un bourgeois exceptionnellement devait être traduit devant la justice du Comte ou d'un seigneur de la Châtellenie ceux-ci devaient au préalable se pourvoir devant les échevins obtenir l'autorisation nécessaire. A défaut on sonnait la bancloque et l'escalette, la Commune se rassemblait et se rendait en armes, bannières déployées, au secours du bourgeois.
Sceau de échevins de Lille au 14ème siècle
Un bourgeois de Lille ne pouvait donc être appréhendé et incarcéré qu'après l'autorisation expresse des échevins qui devaient le déclarer et mettre " hors le loi de la ville."
Quant aux bourgeois forains, on ne pouvait saisir leurs biens sans qu'ils aient été au préalable abandonnés par la loi de la ville par une action dite de démènement : le bourgeois forain était assigné à comparaitre devant les échevins dans la huitaine au premier son de la cloche annonçant la fermeture des portes. Si l'assigné ne comparaissait pas, on renouvelait la sommation à quinzaine. S'il ne se présentait pas on le déclarait "démené" pour un an et un jour et pour le montant de sa dette.
Enfin ni le prévôt ni le bailli ne pouvait enquêter ou perquisitionner dans la maison d'un bourgeois sans la présence de deux échevins.
2/ Droit d'arsin : si un étranger causait un préjudice à un bourgeois, l'insultait, ... il devenait justiciable des échevins de Lille et le bourgeois lésé avait un droit absolu à l'assistance et même, selon la gravité, à la vengeance de la Commune qui pouvait aller jusqu'à l'arsin quand le coupable possédait une maison dans la Châtellenie.
Une fois l'enquête fini et que le suspect était désigné coupable, on sonnait trois fois la cloche du ban et la petite cloche aussi longtemps que les bannières soient sorties de la ville et qu'une troupe de bourgeois et habitants de la ville viennent faire vengeance.
Une fois arrivé devant la maison du coupable, le bailli l'appelait par son nom et surnom et le sommait de venir amender son forfait. S'il répondait à la sommation et venait devant le bailli on l'appréhendait et on l'emmenait à Lille pour le remettre aux échevins et le juger; s'il ne se présentait pas, le bailli devait mettre le feu à la maison, la détruire entièrement, la raser, c'est ce qu'on appelle le droit d'arsin
Quant au bourgeois forain ne possédant pas de maison dans la châtellenie et qui refusait de se présenter devant les échevins il était banni de la ville et de la Châtellenie.
Le droit d'arsin a toujours été vu comme un droit injuste et cela dès le 14ème siècle mais fut malgré tout confirmé à plusieurs reprises.
3/ Non confiscation des biens : les biens du bourgeois sont sous la protection de la Commune. Ils ne peuvent pas être confisqués. Si la peine capitale était prononcée, même pour crime de lèse majesté divine ou humaine, ils revenaient tout de même aux héritiers.
Les bourgeois étaient également affranchis de toute saisie ou prise de corps pendant au moins 1/4 de l'année : le dimanche et le mercredi (jour de marché), de chaque semaine, les 13 jours de Noël, la huitaine de Pâques, celle de la Pentecôte et de la franche fête de Lille, les 5 fêtes de Notre Dame, les nuits d'apôtres, de la Madeleine, les nuits et jours de la Toussaint et de l'Ascension.
Enfin quand un bourgeois était détenu pour dettes, celui qui avait obtenu la prise de corps devait lui fournir chaque jour "pain d'un denier et fontaine à boire"; il devait lui fournir un lit de plumes, une courtepointe ou couverture ou un tapis pour le préserver du froid et renouveler ses draps chaque quinzaine. Il doit pouvoir aller le jour à une fenêtre donnant sur rue ou chemin. On devait lui assurer lumière et feu, une table avec nappe pour ses repas et une serviette "pour ses mains essuer", une chaise et un coussin.
Blason des Leuridan
En contrepartie de ses droits le bourgeois comme tout habitant de Lille devait 40 jours de service militaire par an
Le guet aux portes et remparts incombait aux bourgeois et autres habitants de la ville. on pouvait s'y faire remplacer par un arbalétrier sermenté.
La renonciation volontaire au statut de bourgeois est impossible : on ne pouvait cesser d'être bourgeois que si on était escassé c'est à dire cassé chassé effacé du registre par décision du magistrat.
L'escassement est donc un jugement qui prononce l'exclusion de tout droit à la protection de l'échevinage et qui est aggravé par la taxe d'escas évalué au 10ème de tout ou partie des biens du condamné.
Les principaux motifs d'escassement sont l'absence prolongée, la désobéissance aux ordres, le refus de se soumettre à la juridiction, l'insolvabilité, la fuite pour dettes, l'aide apportée à un étranger contre un bourgeois
Source
Revue Nord généalogie 1996-3 n°140 p223
scieur de long
Personne dont le métier consiste à débiter avec une scie des troncs d'arbre dans leur longueur.
On les nomme également scieur d'ais.
Sources
http://eric.volat.pagesperso-orange.fr/metiers.htm
http://www.roelly.org/~fleur/auvergne/scieurs.htm
tireur de blanc
Ou extracteur de calcaire
Des carrières de calcaire blanc sont exploitées dans le Nord par puit ou par galerie horizontale ou à ciel ouvert ; elles occupaient à peu près 500 ouvriers dans le nord en 1789.
Les carrières se trouvaient par exemple à Annappes, Lesquin, Ronchin, Inchy, Iwuy, Ribecourt,Hordain, Esquermes, Loos, Seclin, Auberchicourt, Denain, Douchy, Walincourt …
Source
Statistique du département du Nord, Volume 1 Par Christophe Dieudonné
garennier
Garannier, garandier.
Gardien, surveillant d'une garenne. IL s'agit donc d'un paysan qui a pris à ferme l'exploitation de la garenne seigneuriale.
La garenne est un espace réservé à certaines espèces de gibier et où les animaux peuvent trouver pâture (surtout les lapins et lièvres).
Le droit de garenne permettait de chasser et de pêcher sur la garenne.
Sources
Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris au XIIIème siècle d'Alfred Franklin
MAJ janvier 2017
cabaretier
Le cabaretier vend du vin « à assiette » tandis que le tavernier vend du vin « à pot », c'est à dire à emporter.
Vendre du vin "à assiette" signifie le vendre au détail, couvrir la table d’une nappe avec des assiettes et y servir certains mets.
Les cabaretiers appartenaient à la corporation des marchands de vins.
Une déclaration royale de 1680 permit aux taverniers de vendre des viandes qui avaient été cuites à l’avance par les maîtres rôtisseurs ou les charcutiers.
De nombreuses ordonnances défendaient aux cabaretiers de servir à leurs clients de la viande durant le Carême et les vendredis et samedis ; de donner à boire le dimanche pendnat la durée des offices. Celle du 26/7/1777 leur enjoignit de ne tolérer chez eux aucun jeu et de fermer leurs portes à 11h en été et 10h en hiver.
A Paris, le cabaret fréquenté le plus par les étudiants après la Pomme-de-Pin, que Racine, Molière, la Fontaine, ne dédaignaient point, était la Corne, près de la place Maubert.
Les cabarets où se réunissaient les poètes, les littérateurs, les gens d’esprit, furent remplacés, au dix-huitième siècle, par les cafés, où l’on causait mieux et où l’on buvait moins
Sources
Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris au XIIIème siècle d'Alfred Franklin
épeuleur
Epeuleur, époulman, bobineur.
Ouvrier enroulant le fil à tisser sur les épeules (canettes ou bobines sans support au milieu).
La canette ou épeule ou bobine permettait de passer le fil de trame dans un sens puis dans l'autre.
C'était souvent les enfants qui étaient chargés d'enrouler le fil sur les épeules.
Se soigner autrefois (2)
Qu’en est-il des épidémies ?
La peste : on ne connait pas à l’époque le bacille de Yersin, on se sait pas ce qu’est exactement la peste ni comment la soigner ; On sait en revanche qu’elle est très contagieuse et qu’il faut pour la contenir isoler les malades.
La peste bubonique, qui est consécutive à une piqûre de puce, entraine la mort dans 60 à 80% des cas, le plus souvent dans la première semaine.
Sous sa forme pulmonaire la mortalité est de 100% des cas dans les 2/3 jours après le début des troubles.
La France connait plusieurs épisodes de peste :
- De 1628 à 1631 aucune province n’est épargnée
- En 1636/37 tout le quart nord-est est atteint
- En novembre 1667 Lille et Cambrai sont atteint puis l’épidémie descend pour ne disparaître qu’en 1670
- 1720/21 Marseille est atteint et une partie de la Provence
La dysenterie semble être le mal le plus fréquent et le plus meurtrier : la dysenterie bacillaire touche surtout les enfants et les adolescents et sévit en périodes chaudes.
Le paludisme sévit à l’état endémique partout mais plus fréquemment dans les bas quartiers et dans les régions mal drainées et infestées de moustiques comme la Sologne, la Saintonge, le Bas Languedoc, la Camargue, les Landes.
La variole ou petite vérole est redoutable pour les enfants et adolescents et ceux qui survivent en gardent les stigmates toutes leur vie. Cette maladie tue tout de même entre 15 à 20 % des malades.
La grippe dont le terme est inventé lors de l’épidémie de 1742/43 nous est décrite ainsi par l’avocat parisien Barbier justement en 1742 : « il règne cet hiver une maladie générale dans le royaume que l’on appelle la grippe, qui commence par un rhume et mal de tête ; cela provient des brouillards et d’un mauvais air. Depuis 15 jours même un mois il n’y a point de maisons dans Paris où il n’y ait eu des malades ; on saigne et on boit beaucoup, d’autant que cela est ordinairement accompagné de fièvre ; on fait prendre aussi beaucoup de lavements ; on guérit généralement après quelques jours».
Quels sont les médicaments dont on dispose à cette époque ?
Je complète ici l’article que j’avais rédigé sur la médecine de nos aïeux. La pharmacopée des 17 et 18ème siècles est essentiellement basée sur les plantes (indigènes et exotiques) que l’on appelle les « simples » auxquels s’ajoutent des produits d’origine animale et quelques remèdes chimiques.
Les plantes que l’on retrouve le plus fréquemment dans les recettes sont les suivantes mais cette liste n’est pas exhaustive :
La gousse d’ail est vermifuge antispasmodique et fortifiante
La racine et les graines d’angélique stimulent la digestion, sont diurétiques et sudorifique
Le fruit de l’anis vert est expectorant et carminatif
La plante et la racine d’aristoloche sont antinflammatoires
La plante et la racine d’armoise commune sont apéritives
La feuille d’artichaut stimule les fonctions hépatiques et biliaires
La racine de bardane cicatrise les plaies
La fleur de lavande est calmante
La fleur de pavot est somnifère
Des plantes exotiques se trouvent également dans la pharmacopée de l’époque
L’opium est somnifère est analgésique
La feuille et le fruit du séné est purgative
La noix de muscade est tonique et digestive
Le clou de girofle est antiseptique
etc...
Le chocolat est recommandé car il rafraichit les estomacs trop chauds et réchauffe les estomacs trop froids.
La Tasse de Chocolat, de Jean Baptiste Charpentier le Vieux, 1768
Le café fortifie les membres, et guérit l’obstruction des viscères, la corruption du sang
L’écrevisse est souveraine contre les fièvres putrides, le poumon de renard contre les maladies pulmonaires, le cerveau de moineau contre l’épilepsie, le ver de terre contre les ulcères …
Le plomb fournit le céruse et la litharge qui sont utilisées en emplâtre
Le mercure soigne la grande vérole
L’antimoine rentre dans la composition de l’émétique, vomitif souverain
Dès la fin du 17ème siècle, apparaissent la quinquina contre les fièvres et l’ipécacuanha contre la dysenterie.
Ces deux remèdes sont efficaces mais du fait d’une préparation et d’une utilisation mal codifiées ils ne révèleront leur pleine efficacité qu’à partir du 19ème siècle.
Lire aussi : manuel de vulgarisation thérapeutique
Quid de la chirurgie ?
Les opérations les plus classiques sont en vrac l’incision des abcès, la réduction des fractures, la pose de cautères et ventouses, le pansement des plaies, l’extraction des dents…
David Teniers le Jeune, Le Chirugien-barbier, milieu du XVIIe s., Norfolk, The Chrysler Museum of Art
Mais certains chirurgiens vont plus loin sans rien pour lutter contre la douleur, l’hémorragie, les infections.
Ils vont ainsi suturer les estomacs et les intestins perforés, enlever des hernies, extraire les calculs de la vessie, pratiquer des césariennes sur des femmes mortes puis vivantes, trépaner, extraire le cristallin …
L’anesthésie générale à l’éther ou au chloroforme ne va apparaître qu’à partir de 1847, l’anesthésie locale avec la cocaïne est découverte vers 1860, la pince hémostatique voit le jour en 1868.
L’infection post opératoire quant à elle reste le plus souvent fatale faute de connaître les règles d’asepsie et l’existence des microbes et autres virus. L’utilisation de vin aromatique ou de poudre de myrrhe fera office d’antiseptique sans le savoir en attendant les travaux de Pasteur.
Et les remèdes magiques ?
Bien sûr on va utiliser également d’autres types de remèdes et de « médecins » : des guérisseurs, des rebouteux, et autres sorcier et aussi les saints guérisseurs.
Toutefois rappelons qu’il est illicite de recourir aux sorciers même pour en obtenir un bien comme la guérison du corps car « jamais ils n’ôtent le mal d’un corps qu’ils ne le renvoient en un autre »
A partir du milieu du 17ème siècle l’attitude à l’égard des envouteurs, rebouteux et sorciers change : ils sont surtout traités en exploiteur de la crédulité humaine ne méritant ni la corde ni le bûcher tout au plus le bannissement.
Furetière exprime sa pensée ainsi : « encore que je sois persuadé que les véritables sorciers soient très rare, que le sabbat ne soit qu’un songe et que les parlements qui renvoient les accusations de sorcellerie soient les plus équitables, cependant je ne doute point qu’il ne puisse y avoir de sorciers , des charmes et des sortilèges »…
Un malade qu’aucun remède dit normal ne guérit va donc se croire possédé par un mauvais sort.
Que faire dans ce cas ? il faut lever le sort par exemple de la façon suivante : « faire tenir le malade à l’opposite du soleil avant qu’il soit levé, lui faire prononcer son nom et celui de sa mère ; nommer 3 fois le jour pendant 6 jours les anges de gloire qui sont dans le 6ème degré ; le faire tenir tout nu le 7è jour puis écrire sur une plaque les noms de ces anges dans la créance qu’il sera guéri le 20è jour du mois ».
Si cela ne marche pas il faut chercher un leveur de sort ou conjureur qui va entr’autre chose adresser des prières conjuratoires ; par exemple pour la colique : « Mère Marie, Mme Sainte Emerance, Mme Sainte Agathe, je te prie de retourner en ta place entre le nombril et la rate au nom du Père etc ».
Il est possible et plus licite d’invoquer les saints guérisseurs ; ainsi Sainte Appolline à qui le bourreau a arraché les dents guérit les maux de dents, Sainte Odile née aveugle guérit les maux d’yeux, Saint Vincent, éventré, guérit les maux de ventre …
Notons que la spécialisation d’un saint peut tenir à un jeu de mot sur son nom : Saint Quentin est invoqué pour les quintes de coqueluche, Sainte Claire pour les maux d’yeux, Saint Aurélien pour les maux d’oreilles …
Des pèlerinages thérapeutiques sont pratiqués dans toute la France : voyage dangereux que l’on fait parfois à jeun et les pieds nus sur des routes où règnent l’insécurité la plus totale.
Une fois arrivé, diverses pratiques ritualisées sont appliquées notamment l’immersion ou l’ablution partielle dans une fontaine, le toucher d’une statue ou d’un reliquaire, réciter une neuvaine, …
Albert Hirtz Procession in brittany
Ainsi les habitants de Boissy Sans Avoir (78) firent le 8 décembre 1724 une procession à la chapelle de Sainte Julienne au Val St Germain à 30 km de là ; le curé raconte en 1760 cette journée:
« une maladie contagieuse arrivée en notre paroisse de Boissy Sans Avoir en 1724 qui enleva en peu de temps plusieurs personnes par une mort prompte et violente, donna occasion à procession et nous porta à invoquer singulièrement le secours de Dieu par les mérites et intercessions de St Sébastien de St Roch et nommément de Ste Julienne invoquée dans pareilles circonstances ; on n’eut pas plus tôt recours à cette sainte que nous en ressentîmes de puissants secours et une protection singulière, que cette maladie contagieuse se dissipa et que plusieurs qui en était attaqué n’en moururent pas et conservèrent la santé ;et quelques un subsistent encore aujourd’hui parmi nous ».
Le recours à ces pratiques magiques est le dernier recours après avoir tout essayé ; ainsi en 1661 à l’âge de 13 ans Jean Dache, fils d’un forgeron d’Armentières est paralysé complètement.
Le père a cherché tous les remèdes auprès des médecins de Lille, Cambrai et Ypres.
En 1663 on lui conseille de faire exorciser son enfant ; le père a donc déposé l’enfant aux pères minimes ; aucun effet.
L’enfant demande à être porté devant une image de Jésus flagellé dite de Gembloux qui se trouve chez les soeurs grises d’Armentières ; il y commence une neuvaine et au neuvième jour il est retourné chez lui sans bâton ni assistance.
Les hommes d’Eglise sont bien sûrs totalement contre les guérisseurs et dénoncent ces superstitions mais sont plus embarrassés quand il s’agit de ces pèlerinages et autres invocations de saints. Est-ce encore de la superstition ? Doit-on inciter les gens à y recourir ? Les en dissuader ?
A côté de ces invocations magiques, la guérison peut être recherchée par le biais des plantes. Là aussi l’Eglise désapprouve et interdit ces utilisations. « On ne peut cueillir certains simples, certaines feuilles, certains fruits ou certaines branches d’arbre le jour de la Nativité de St Jean Baptiste avant le soleil levé dans la créance qu’elles ont plus de de vertu que si elles avaient été cueillies dans un autre temps ». En effet les herbes de St Jean tiennent leur vertu curative du fait d’être cueillies la nuit du 24 juin : ce sont essentiellement l’armoise, le millepertuis et la verveine.
On trouve également d’autres plantes « magiques » : la mandragore par exemple ; Hildegarde de Bingen préconise à celui qui souffre de « prendre une racine de mandragore, (de) la laver soigneusement, en mettre dans son lit et réciter la prière suivante : mon Dieu toi qui de l’argile a créé l’homme sans douleur considère que je place près de moi la même terre qui n’a pas encore pêché afin que ma chair criminelle obtienne cette paix qu’elle possédait tout d’abord »
Les menthes soignent de nombreux troubles ; pour la rate Pline indique cette recette : « la menthe guérit aussi la rate si on la goute au jardin sans l’arracher et si en y mordant on déclare qu’on se guérit la rate et cela pendant 9 jours ».
Un recueil du 17ème siècle intitulé « Recueil des remèdes faciles et domestiques recueillis par les ordres charitables d’une illustre et pieuse dame pour soulager le pauvres malades » donne lla recette suivante : Pour le haut mal c’est-à-dire l’épilepsie : « il est bon que la personne affligée de ce mal porte un morceau de gui de chêne pendu à son col mais ce morceau doit êrte tout frais et sans avoir été mis au feu »
La racine de bryone ou navet du diable soigne la goutte en la portant là aussi autour du cou.
Dans les Côtes d’Armor on préservait les vaches de la maladie en mettant à leur cou un collier de branche de chêne et dans le Limousin un collier de pervenches.
Le gui servait aussi à guérir de la jaunisse au 17ème siècle : « faites tremper 9 boules de gui dans l’urine d’un enfant mâle et attachez les ensuite sur le sommet de la tête du malade ».
Hildegarde de Bingen recommande la bétoine pour les mauvais rêves : « on peut poser sur la peau nue chaque soir une ou deux petites feuilles de plantes fraîche ou faire un coussin en tissu fin que l’on bourre avec des tiges feuillues sèches de bétoine ».
Un marron sauvage dans la poche était « un remède magique tout puissant contre les hémorroïdes »
La fumée d’aristoloche brulée « sous le lit des enfants les ramènera à la santé car elle chasse toutes les diableries et supprime tout tourment et tout mal »
Les feuilles de bouleau chauffées dans un four mises dans le berceau d’un enfant doit lui donner de la force.
« Un enfant n’aura ni froid ni chaud pendant toute sa vie pourvu qu’on lui frotte les mains avec du jus d’absinthe avant que la 12ème semaine de sa vie ne s’écoule »
Pour faire tomber la fièvre : « on nouera une cordelette autour de la taille que l’on attachera par la suite à un arbre appelé tremble afin de lui communiquer son état fébrile. Ce faisant on récite la prière suivante : tremble, tremble au nom des 3 personnes de la trinité »
Pour les verrues on les frotte avec une pousse de chélidoine fraichement coupée que l’on jette derrière soi par-dessus l’épaule sans se retourner.
Quelle est la formation de ces praticiens ?
Commençons par les sages-femmes : si l’on s’en réfère à un règlement de 1730, pour être sage-femme il faut passer un examen de moralité devant le curé de la paroisse et être reçue par la communauté de chirurgiens la plus proche. Un apprentissage théorique et pratique de deux ans devra être dispensé, sanctionné par un examen.
Le problème est qu’en pratique l’apprentissage est lacunaire car les chirurgiens à cette époque ont la théorie mais très peu la pratique de l’obstétrique.
Le seul lieu de formation pratique existant dans le royaume est l’Office des accouché crée en 1630 à l’hôtel Dieu à Paris qui reçoit chaque trimestre 3 ou 4 élèves qui vont se former en accouchant les femmes pauvres de la ville. Mais il n’y a aucun enseignement théorique de dispensé et de toute façon le nombre d’élèves est ridiculement faible.
Donc au final les matrones accouchent les femmes sans formation préalable et donc sans moyen face à un accouchement difficile.
Seule passage obligé, le curé qui vérifie si la dame est catholique, si elle est capable d’ondoyer dans les formes le nouveau-né en danger de mort, et si elle jure ne jamais utiliser de pratiques abortives ou infanticides.
Il faut attendre les années 1760 pour que s’impose la nécessité d’une réelle formation des sages -femmes et notamment les cours d’Angélique Le Boursier Du Coudray, maîtresse sage-femme brevetée, nommée par le roi en 1767 pour enseigner « l’art des accouchements dans toute l’étendue du royaume ». Elle exercera de 1759 à 1783 et sillonnera l’ensemble des provinces à l’exception du Languedoc où elle se heurte à l’opposition de la faculté de médecine de Montpellier. On estime à plus de 10 000 le nombre de sage- femme qui sur cette période ont été ainsi formées par elle et les chirurgiens qu’elle va également former.
Mme du Coudray a mis au point une machine très pratique pour l’apprentissage puisqu’il s’agit d’un mannequin figurant le tronc d’une femme avec bassin et cuisses, le tout grandeur nature.
Différentes pièces complètent ce mannequin pour expliquer l’anatomie et les différentes phases de l’accouchement : parties de la génération, jumeaux, tête de fœtus, matrice à différent moment de la grossesse, …
Les apothicaires exercent cette partie de la médecine qui consiste en la préparation des remèdes.
Ce sont des marchands artisans regroupés souvent avec les épiciers et les droguistes au sein d’une même communauté de métier.
L’enseignement est complet à Paris : théorique et pratique ; mais en province l’enseignement théorique est inexistant sauf s’il existe pas loin une faculté de médecine pourvue d’une chaire de pharmacie.
Le chirurgien ne va s’occuper que des maladies externes au contraire du médecin qui, lui, est un savant. Le chirurgien ne s’occupe au final que de ce qui est «mécanique ».
Initialement le terme adéquat est chirurgien barbier . Dès la fin du 13ème siècle déjà un certain nombre de chirurgiens à Paris abandonnent la barberie et se concentrent sut la partie chirurgicale de leur métier.
Ce ne sera qu’en 1691 que le métier de chirurgien va définitivement être séparé de l’activité de barbier perruquier
Au milieu du 18ème siècle un parcours d’apprentissage est règlementé mais il ne s’agit pas d’un savoir livresque, savant, comme peut l’être celui des médecins, l’apprentissage demeurant nécessaire à tout activité « mécanique ».
La durée et la nature de cet apprentissage va différer en fonction du lieu où la personne va exercer, du nombre de maître chirurgien présents sur place, de la qualité des apprentissages ; la partie théorique est enseignée par des médecins mais là aussi la qualité et la durée des enseignements va dépendre de l’endroit où le futur chirurgien va exercer.
A la veille de la Révolution seules 15 écoles publiques de chirurgie existent : Aix, Bordeaux, Besançon, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Orléans, Paris , Rennes, Rouen, Toulouse, Tours + 3 écoles de chirurgie navale à Brest, Rochefort et Toulon.
Ces écoles sont toutefois toutes d’un niveau de qualité différent (locaux exiguës, matériel inadapté, peu d’enseignement théorique …).
Le médecin a la chance d’avoir au 17ème siècle le choix entre une vingtaine de facultés dispensant un enseignement de la médecine mais là aussi la qualité des enseignement varie grandement, que ce soit en terme de nature des épreuves, de durée des études, du nombre de professeurs , du contenu des enseignements …
La nature de l’enseignement est par ailleurs essentiellement théorique et abstrait ; il s’agit de savoir raisonner. Au 18ème siècle, quelques séances de dissections existent dans certaines facultés mais il est difficile de trouver des cadavres et ce jusqu’à la fin du 18ème siècle. Quant à l’enseignement au chevet des malades, il reste très exceptionnel.
Notons pour la petite (et grande histoire) que la première femme médecin est Elisabeth Blackwell qui devint docteur en médecine aux USA en 1847.
La vie de nos ancêtres était beaucoup plus dure que ce que l’on imagine. Il faut bien comprendre finalement « le tragique de leur existence » et il est important de « montrer l’omniprésence de la maladie et de la mort et l’impuissance à lutter efficacement contre elles ». Face à cette vie très dure, soulignons « le courage de ces hommes et de ces femmes qui échappaient au fatalisme et à la peur en plaçant leur espoir au-delà des apparences ».
Sources
"Se soigner autrefois" de François Lebrun
"Enquête sur les plantes magiques" de Michèle Bilimoff
Revue "Nos ancêtres" n°18 sur les médecins et chirurgiens du 15 au 19ème siècle
Se soigner autrefois (1)
Au 18ème siècle, un enfant sur 4 meurt avant 1 an contre 15% en 1900, 5% en 1950 et 0.3% en 2012
L’espérance de vie n’est à cette époque que de 28 ans …
En 1810, l'espérance de vie atteint 37 ans en partie grâce à la vaccination contre la variole. La hausse se poursuit à un rythme lent pendant le XIXe siècle, pour atteindre 45 ans en 1900.
Pendant les guerres napoléoniennes et la guerre de 1870, l’espérance de vie décline brutalement et repasse sous les 30 ans.
Comment était perçue la maladie au 18ème siècle ?
En 1677, Claude Joly, évêque d'Agen écrit que Dieu nous envoie les maladies « pour mortifier notre corps et le rendre obéissant à l'esprit, pour nous détacher de l'amour des créatures et pour nous convertir à lui, pour nous préparer à bien mourir ».
Au début du 18ème siècle, Antoine Blanchard, prêtre de Vendôme écrit dans son "Essai d'exhortations pour les états différents des malades" que la maladie "est un véritable remède. Elle afflige le corps mais contribue à la guérison de l’âme […] Les maladies ne sont pas seulement des remèdes mais elles sont des châtiments salutaires".
Quelques décennies plus tard, les mentalités n’ont guère changé puisqu’en 1770 Yves Michel Marchais, curé d'une petite paroisse de l'Anjou nous explique que "de quelque côté que nous les envisagions, les souffrances sont des traits de miséricorde à notre égard et des moyens efficaces de sanctification […] Elles nous purifient, perfectionnent notre vertu, nous font aimer Dieu pour lui seul…"
Les épidémies répondent au même besoin de châtiment de Dieu. Ainsi, lors d'une épidémie de dysenterie en Anjou en 1707, l'évêque d'Angers affirme dans un mandement du 30 septembre que Dieu ne fait que punir les coupables : "il ne nous livre à la corruption de notre corps que pour nous punir de celle de notre âme. Ce sont pour ainsi dire les vapeurs de nos crimes qui ont répandu dans l'air la malignité dont nous nous plaignions".
Louis Marie Grignion de Montfort écrit en 1703 à sa sœur tombée malade au cours de son noviciat : "ma chère sœur, je me réjouis d'apprendre la maladie que le bon Dieu vous a envoyé pour vous purifier comme l'or dans la fournaise".
Ces mentalités entraînent inéluctablement une indifférence voir une haine du corps et donc le refus d'intervenir par de moyens humains pour recouvrer la santé.
Le curé Marchais toutefois nous explique que "des malades et des infirmes peuvent et doivent chercher leur guérison dans des remèdes naturels et employer tout ce qu'ils croient pouvoir leur être utile pour se soulager"
Bien sûr il est hors de question de recourir à des moyens surnaturels relevant de la magie.
Cette intervention humaine implique aussi que tout ce qui relève de la médecine « de précaution » ne soit pas utilisé : d'où le débat sur la variolisation ouvert en 1735 par Voltaire qui préconise cette pratique tandis que nombreux ecclésiastiques sont contre car c'est tenter Dieu que de donner à une personne une maladie qui ne lui serait peut être pas venue naturellement. En 1775 les curés bretons y voient d’ailleurs un crime contre la loi divine.
La maladie relève donc clairement du médecin et du prêtre : le premier devoir du médecin n'est-il pas devant un malade gravement atteint de veiller à ce qu'il se confesse? Une déclaration royale de 1712 oblige d’ailleurs les médecins à agir de la sorte en leur interdisant après la 3ème visite de retourner chez un malade gravement atteint si celui-ci ne leur présente pas un certificat du confesseur.
Dieu est donc la cause première de la maladie ; qu'en est-il des causes secondes?
Comme je l’ai expliqué dans un précédent article, les phénomènes qui se produisent dans le microcosme qu'est le corps humain (donc la maladie) est en relation avec les phénomènes du macrocosme (l'univers, la terre les cieux) : c’est la théorie en vigueur à cette époque.
Donc aux 4 éléments du macrocosme (la terre, l'air, le feu et l'eau) et leur qualités respectives (le sec, le froid, le chaud et l'humide) répondent les 4 humeurs (substances liquides sécrétées par le corps humain) :
- le sang sécrété par le cœur, chaud et humide,
- la pituite ou phlegme sécrétée par le cerveau, froide et humide,
- la bile sécrétée par le foie, chaude et sèche,
- l'atrabile ou mélancolie sécrétée par la rate froide et sèche
Selon qu'une humeur l'emporte sur l'autre, un individu sera de tempérament bilieux, sanguin, phlegmatique ou mélancolique
La maladie va intervenir quand ces humeurs vont se dérégler soit par surabondance soit par altération.
A partir du milieu du 18ème siècle, grâce aux Lumières notamment, le fatalisme ambiant devant la maladie et les épidémies est contesté par de nombreux médecins qui sont persuadées des possibilités infinies de la médecine; beaucoup notamment refusent de considérer comme inéluctable la mort de tous ces enfants au berceau d’où une profusion d’ouvrages les concernant vers cette époque.
Reproduction of Luke Fildes' painting The Doctor, by Joseph Tomanek
N’oublions pas en effet qu’ «un quart du genre humain périt pour ainsi dire avant d’avoir vu la lumière puisqu’il en meurt près d’un quart dans les premiers mois de la vie » (Buffon 1777 – naturaliste et biologiste français 1708-1788).
Jeune mère contemplant son enfant endormi dans la chandelle . 1875. Albert Anker (1831-1910)
Entre 1740 et 1789 une étude a montré que le taux de mortalité des enfants de moins d’un an était de 280/1000.
Les causes de ces décès de touts petits se divisent en 3 catégories :
- Les malformations congénitales,
- les lésions subies au cours de l’accouchement,
- les maladies diverses.
Ainsi la diarrhée du nourrisson plus fréquente en été induit une mortalité saisonnière élevée (n’oublions pas qu’elle est encore aujourd’hui la 2ème cause de mortalité dans le monde des enfants de moins de 5 ans).
Au 18ème siècle un peu plus de 50 enfants sur cent atteignent 10 ans. Ils sont attaqués de toute part par la coqueluche, les oreillons ou oripeaux, la varicelle assimilée à une variole atténuée, la rougeole, la scarlatine, la rubéole ….
Et les soins se résument souvent à des enveloppements, des cataplasmes, des infusions de bourrache, de persil ou de coquelicot.
Et que dire de la diphtérie ou angine pestilentielle ou putride, ou croup ou mal de gorge gangréneux qui sévit tant chez les jeunes que chez les plus âgés.
Voir également l'article sur la naissance au cours des siècles.
Une maladie qui fait peut : la rage
En 1714 un loup enragé pénètre dans les faubourgs d’Angers et mord, avant d’être abattu, de nombreux chiens et bestiaux et une centaine de personnes. Une trentaine d’entre elles meurent dans des conditions épouvantables : elles sont parquées dans une tour désaffectée et « on les voyait se déchirer, et crier pitoyablement et enfin expirer » »
Quid des autres maladies
La gale, la gratelle et la dartre sont moins graves mais très fréquentes. Les malades se grattent furieusement faisant ainsi « rentrer l’humeur » provoquant des infections et aggravant le pronostic initial.
La plupart des affections pulmonaires sont confondues sous le nom de phtisie.
La tuberculose que l’on ne connait pas et qui n’est pas décrite existe bien avant le 19ème siècle.
Le cancer est défini par Antoine Furetière (homme d’église, poète et romancier – 1619-1688) comme « une maladie qui vient dans les chairs et qui les mange petit à petit comme une sorte de gangrène ».
Un cancer déjà fréquent : le cancer du sein ; par pudeur beaucoup de femmes hésite à se confier à un chirurgien.
Saint Simon (duc et pair de France, mémorialiste français – 1675-1755) ainsi nous dit que Mme de La Vieuville qui meurt en 1715 dans un âge peu avancé d’ « un cancer au sein dont jusqu’à deux jours avant la mort elle avait gardé le secret avec un courage égal à la folie de s’en cacher et de se priver par là des secours ».
Il nous signale le cas de Mme Bouchu qui cachait un cancer depuis longtemps ; « avec le même secret, elle mit ordre à ses affaires, soupa en compagnie, se fit abattre le sein le lendemain de grand matin et ne le laissa apprendre à sa famille ni à personne que quelques heures après l’opération : elle guérit parfaitement ».
Les maladies vénériennes : longtemps confondues entre elles sous le nom de vérole. Elles sont très fréquentes.
Le compagnon vitrier Jacques Ménétra (18ème siècle) avoue une dizaine d’accident contracté à frayer ici ou là à Paris ou lors de son tour de France.
Il se guérit à chaque fois avec des remèdes à base de mercure manifestement. En effet « le mercure et les préparations mercurielles sont l’unique remède capable de détruire radicalement la vérole pourvu qu’on les emploie avec précaution ».
A Paris on soigne la vérole à Bicêtre, l’une des maisons de l’hôpital général.
On enferme les malades mentaux, les hystériques, les mélancoliques, les déments auxquels on assimile les épileptiques.
Dès la création de l’hôpital général en 1656 il est prévu d’y enfermer « les fous et insensés », les mendiants valides ou non, les vieillards indigents, les vénériens et les enfants abandonnés.
Mirabeau (écrivain français - 1749/1791) est scandalisé de la façon dont sont traités les enfermés, laissés à croupir avec leurs chaines et dans leurs ordures.
Les conditions de vie font-elles la différence en terme de mortalité ?
Une étude réalisée dans le Thimerais entre Chartres et Dreux fait apparaitre une différence certaine : entre 1765 et 1791 il a été calculé que les probabilités de survie à 15 ans pour 1000 enfants de laboureurs (le « haut du panier » paysan) y sont de 587 alors que le chiffre tombe à 515 pour les journaliers agricoles.
Dans les villes sales et empuanties par les eaux usées, les ordures de toutes sortes, la situation ne fait qu’aggraver les épidémies voir même les déclencher.
L’entassement dans des maisons de bois ou de torchis mal entretenues et mal aérées aggravent nécessairement les conditions de vie des habitants.
A Angers en 1769 dans la petite rue Putiballe (aujourd’hui rue Tuliballe), 403 personnes s’entassent dans 39 maisons et 9 de ces maisons abritent 206 personnes (soit une moyenne de 23personnes par maison). Je vous invite à lire les articles sur l’habitat lillois au 19ème siècle qui explique bien l’indigence et l’insalubrité de ces habitions (voir mes articles sur l'habitation lilloise au 19ème siècle 1 et 2).
Dans les campagnes ce n’est guère brillant : l’habitation se résume là aussi le plus souvent à une pièce où l’on dort, mange, vit. Les maisons sont souvent basses, mal aérées, humides : or « l’on sait qu’un air trop renfermé occasionne les fièvres malignes les plus fâcheuses ; et le paysan ne respire chez lui jamais qu’un air de cette espèce. Il y a de très petites chambres qui renferment jour et nuit le père, la mère, 7 ou 8 enfants et quelques animaux, qui ne s’ouvrent jamais pendant 6 mois de l’année et très rarement les autres 6 mois » (Simon André Tissot, médecin suisse 1728-1797 – Avis au peuple sur sa santé 1761).
Et que dire du tas de fumier à proximité du ruisseau ou du puit ?
L’alimentation concourt également à aggraver l’état général des individus. Les gens pauvres ont 70 à 80% de leurs calories provenant des céréales (surtout seigle, blé orge noir) sous forme de pain ou de bouillie (lire également l'article sur le repas sous l'Ancien Régime).
Peu de poisson ou de viande, peu de fruits (quand ils existent, ils sont surtout cuits), quelques légumes pour la soupe et un peu de graisse (beurre ou huile).
Au 17/18è on mange moins de viande qu’au 15ème siècle ou que les siècles plus tard.
Ce régime entraîne fatalement de nombreuses carences en vitamines. La mauvaise qualité des aliments est quant à lui responsable du pelagre, du scorbut, de l’ergortisme ou mal des ardents.
Parlons un peu de l’ergotisme qui est dû à l’absorption de farines contenant du seigle ergoté ce qui entraîne la gangrène des pieds et des mains.
En 1776, Tessier donne une description de l’ergotisme sévissant en Sologne : « les hommes malades surtout les mieux constitués éprouvaient les deux ou trois premiers jours des douleurs de tête et d’estomac ; la fièvre survenait, ils sentaient tous des lassitudes douloureuses dans les extrémités inférieures ; ces parties se gonflaient sans inflammations apparentes ; elles devenaient engourdies, froides et livides et se gangrenaient… Les doigts tombaient les premiers et successivement toutes les articulations se détachaient. Les extrémités supérieures, quoique plus rarement, éprouvaient le même sort. On a vu des malheureux auxquels il ne restait que le tronc et qui ont vécu dans cet état encore quelques jours ».
Les Mendiants – P. Brueghel
Sources
"Se soigner autrefois" de François Lebrun
"Enquête sur les plantes magiques" de Michèle Bilimoff
Revue "Nos ancêtres" n°18 sur les médecins et chirurgiens du 15 au 19ème siècle