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L'urbanisme toulousain en quête de modernisme

21 Septembre 2025 , Rédigé par srose Publié dans #ville, #Toulouse

Au début du 19ème siècle Toulouse n’est pas une ville industrielle importante en France ; elle va se développer, d’un point de vue économique, plus lentement que d’autres grandes villes.

Jacques Godechot (1907-1989), historien, dira de Toulouse qu’au milieu du 19ème siècle, elle est un grand village (« Un grand village (1815-1914) », in P. WOLFF, Histoire de Toulouse, Toulouse, Privat, 1994 (1ère édition en 1974), p. 445-494).

Il estime en effet qu’en 1851 les « ouvriers de l’artisanat » constituent le premier groupe professionnel avec 44,5 % des actifs, ce qui correspond à peu près à la situation sous l'Ancien Régime; il n'y a donc pas d'avancée majeure en terme économique et industriel. 

Toulouse est une belle endormie..

Les projets d’urbanisme vont eux aussi se concrétiser tardivement par rapport au reste du pays ce qui va entraver l’économie de la ville. En effet si on veut donner juste un exemple, prenons celui du « haussmanisme » : l’arrivée des grands magasins sera souvent concomitante au percement de larges artères dans les centre villes. Or nous le verrons dans un autre article, l’ère haussmannienne est arrivée à Toulouse plus tard que dans les autres villes françaises.  

L’avantage non négligeable de cet état de fait est que Toulouse a conservé sa topographie médiévale que nous pouvons admirer en flânant dans ses rues.

 

Le chevalier Louis de Mondran, urbaniste né à Seysses en 1699 et mort à Toulouse en 1792 avait déjà commencé une amorce de modernisation de la ville avec la création en dehors de la ville du jardin ovale de 247m sur 210 m (Grand Rond ou Boulingrin) dans les années années 1750 et les 6 allées qui y convergent :  la première vers la porte Saint - Etienne (allées François-Verdier), la seconde vers la porte Montoulieu (rue du 8 mai 1945), la troisième et la quatrième rejoignent le Canal du Midi (allées Paul Sabatier et allées des Soupirs), la cinquième relie au pont de Montaudran (allées Frédéric Mistral) et la dernière va jusqu’à la Garonne en passant par la porte Saint-Michel (allées Jules Guesde) .

 

A noter que Boulingrin vient de l'expression bowling-green (jeu de boules et gazon). Voir plus bas dans les sources.

Le jardin ovale comprend au centre « un plateau de gazon », une allée ombragée qui le borde, et un chemin sur l’extérieur pour les charrois. Les six allées mesurent 58 m de large et sont organisées en cinq parties : une allée centrale « engravée » pour les promenades à cheval ou en équipage, elle sera bordée de 2 allées « engazonnées » et ombragées pour les promenades à pied, et enfin sur chaque extrémité un chemin pavé pour les charrois. On disposera des banquettes en pierres de Carcassonne entre les arbres qui serviront de siège aux promeneurs tout en « contenant la circulation ».

Louis de Mondran fut également à l’origine de la création de la place dauphine (place Dupuy) dans le faubourg st Etienne dans les années 1780), et de la construction des quais de la Garonne entre le pont Neuf et le Bazacle, des ports de la Daurade et Saint-Pierre, du canal de Brienne, du cours Dillon, de la porte et des places intérieure et extérieure Saint-Cyprien, des allées de Garonne (aujourd’hui allées Charles-de-Fitte).

Le cours Dillon et le Pont Neuf , début 19ème,  Lithographie de Jean Baptiste Chapuy, Bibliothèque municipale

 

Il avait en effet compris l'importance de la modernisation du tissu urbain : ces travaux étaient rendus nécessaires par la nécessité d’aller au-delà des limites des remparts de la ville rose. La démographie allait bon train tandis que les limites de de la ville restaient inchangées ; le résultat était catastrophique en terme de salubrité public, d’entassement de la population, de dégradation de l’habitat et d’engorgement des rues. En parallèle ce la n’aidait pas au dynamisme économique que Toulouse peinait à retrouver depuis l’âge d’or du pastel.

Dès 1752, il préconisait dans son Projet pour le commerce et pour les embellissements de Toulouse « d’aligner et d’élargir les rues, d’ouvrir des places, d’installer des fontaines, de rebâtir les portes de l’enceinte, de créer à l’extérieur de celle-ci un ensemble de promenades et un jardin public, d’aménager des bassins sur le canal. Pour stimuler le commerce, il préconisait de démolir les bastions qui gênaient la circulation devant les portes de la ville, et de faciliter la navigation en dotant d’écluses les chaussées des moulins du Bazacle et du Château, en édifiant un quai et deux ports sur la rive droite de la Garonne et en creusant un canal de jonction entre le fleuve et le canal des Deux-Mers ». Louis de Mondran, urbaniste, homme d’affaires et franc-maçon in Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution de Michel Taillefer, p. 517-520

​​​​​​​Toulouse en plans 

Ceci étant les remparts faisaient partie de l’histoire de la ville et psychologiquement il fut difficile pour les Toulousains de se dire qu’ils devaient être remplacées par des places et des allées. Les mentalités évoluèrent lentement et ce ne fut qu’au début du 19ème siècle que l’on commença par exemple les travaux de démolition des remparts et de la porte Villeneuve pour créer la place Villeneuve (future place Wilson). Le nom de Villeneuve provient de la maison de Vilanòva (Villeneuve en occitan), une influente famille de la noblesse toulousaine du 12e au 15e siècle). Ces travaux furent entrepris sous la direction de Jacques-Pascal Virebent, architecte de la ville.

 

Place Wilson (https://toulouseetlabrique.wordpress.com/accueil/les-places-a-programme/)

 

Ce sera ensuite Urbain Vitry (1802-1863) architecte en chef de la ville qui va continuer à moderniser la ville, rénover et construire des édifices, orner les places de fontaines comme celles de la Trinité ou de st Georges.

Il dessinera l'obélisque commémorant la bataille du 10 avril 1814

 

Maison Lamothe, place de la Trinité avec ses arcades à entresol, édifiée vers 1824 par Urbain Vitry

 

Maison Soucaze avec ses arcades à entresol au 1 rue St Rome construite en 1854 par Urbain Vitry
 Musée Paul Dupuy

 

Mais c’est vraiment avec Urbain Magues (1807-1876) ingénieur en chef du canal du midi que l’on va rentrer dans le paysage hausmannien : il est chargé en effet en 1869 du percement de deux voies achevées en 1874 et 1884 respectivement : la rue d’alsace lorraine ou rue Longitudinale percée de 1867 à 1873, puis de 1874 à 1897. Et la rue Transversale ou future rue de Metz percée entre 1869 et 1873 avant d’être achevée au début du XXe siècle.

Ces rues furent renommée après la défaite de la France face à la Prusse en 1871, en hommage aux "provinces perdues".

Plan de Toulouse en 1860 : pas de rue d'Alsace Lorraine ni de rue de Metz !

Plan de Toulouse en 1875 : la rue d'Alsace Lorraine est percée mais la rue de Metz n'en est qu'à ses débuts !

Plan de Toulouse en 1904, la rue de Metz est percée de part en part !

Toulouse aujourd'hui !

 

Rue de Metz en travaux entre 1895 et 1908 : au fond les Augustins - Archives municipales 51Fi2675


Sources

Toulouse percée de part en part : CINFO-TActu.indd

Toulouse en plans : https://www.revue-belveder.org/wp-content/uploads/2019/07/Toulouse_en_plans_BelvedeR_n5.pdf

https://documents.toulouse.fr/AToulouse/atoulouse_avril2022/version_accessible/patrimoine/percer-la-rue-de-metz.html

https://www.archives.toulouse.fr/histoire-de-toulouse/patrimoine-urbain/plans-anciens/plans1860_1950

le Boulingrin : https://www.archives.toulouse.fr/histoire-de-toulouse/patrimoine-urbain/dans-ma-rue/-/asset_publisher/CLQUBtXHFZEQ/content/jeu-de-boules-sur-gazon-dit-boulingrin?inheritRedirect=false

 

 

 

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Circuler dans Toulouse au 19ème siècle

14 Septembre 2025 , Rédigé par srose Publié dans #transport, #ville, #Toulouse

 

Orloff en 1824 écrit à propos de Toulouse : « l’ensemble n’a rien que de confus et de peu flatteur »

Stendhal en 1838 dans son Journal de voyage : « je ne vois rien que de laid et que de grossier »

Stendhal continue sur les pavés en disant « petits pavés gris noir, de la forme d’un rognon de brochette »

Marcher dans Toulouse n’est en effet pas chose aisée. L’asphalte fait une timide apparition en 1839 rue d’Angoulême et rue des marchands mais l’essai n’est pas concluant et en 1847 on polémique encore sur les avantages et les inconvénients de la chose.

En attendant les rues de Toulouse sont sales ; dans les procès-verbaux de l’époque on trouve ainsi « des jets d’urine sur la voie publique », des "dépôts de matière fécale dans les rues », des « jets de tripaille sur la voie publique », l »élevage de porcs à l’intérieur des maisons »

Les urinoirs ne sont pas en reste : en 1838, ils sont tellement sales et puants que le conseil municipal vote « au nom de la décence et de la salubrité publiques » leur suppression

Des tentatives de mise en place d’un service de balayage ont été faites mais cela n’a jamais duré : en 1837 les propriétaires des rues St Rome, des Changes, de la Trinité, des Filatiers, et de Maison-professe (rue des marchands) contribuent « par un abonnement annuel à raison de deux à trois sols chaque dimanche » à assurer le salaire d’une équipe de balayeurs. Mais 5 mois plus tard la motivation commence à baisser et il n’y a bientôt plus personne qui veut payer

Circuler dans les rues de Toulouse à pied est donc une affaire périlleuse ; il est possible toutefois d’utiliser des chaises à porteurs ; elles sont utilisées par la bourgeoisie ou la noblesse pour aller à la messe ou au bal.

Il existait aussi avant 1838 un service public d’une trentaine de chaises à porteurs que l’on trouvait place Saint Etienne

Elles disparaissent en 1838 pour laisser la place aux voitures de place ou fiacres : en effet en janvier 1838, six « Toulousaines » stationnent de 8h du matin à 10h du soir en 6 lieux différents de Toulouse.

En 1844, ce seront 95 fiacres qui sillonneront la ville

 

 

Toulouse connait ses 1ers omnibus en 1862

Omnibus à impériale de 1863 - archives municipales de Toulouse - 2fi 5626

En effet le maire de Toulouse Jean Patras de Campaigno (1805-1876) a lancé en 1862 un appel d’offre pour équiper la ville d'un réseau de transport en commun : une seule personne a répondu : Eugène Pons, riche minotier d’Auterive ayant ses bureaux Place Dupuy à Toulouse. Eugène fonde ainsi le Service Général des Omnibus .une convention signé entre lui et le maire concède «  … le droit exclusif de faire circuler dans Toulouse les voitures destinées au transport des voyageurs, dites omnibus, (…) et de les faire stationner sur la voie publique… ».

Jean Patras de Campaigno

C’est ainsi que sont ouvertes les trois premières lignes

  • Saint-Cyprien-Capitole-Gare,
  • Saint-Michel-Capitole-Gare
  • Casernes monumentales (Compans-Caffarelli)- Capitole-Gare

Le prix de la course est de 10 centimes contre 1.50 francs de l’heure pour la voiture

De 1863 à 1882, « l'omnibus à impériale » est le seul véhicule assurant les transports en commun à Toulouse.

Eugène Pons décède en 1871 et son fils Firmin lui succède. Celui ci transfère en 1877 le siège et le dépôt sur  au bord du cabal du midi sur l'actuelle rue Danielle Casanova (le bâtiment a été rasé depuis et à la place se trouve l'hôtel du département).

Les tramways « Ripert » arrivent en 1882 et les omnibus sont relégués aux transports en banlieue et aux barrières de la ville.

Tramway Ripert 1882

En effet Firmin Pons va moderniser le réseau en équipant sa flotte de voitures Ripert, du nom du carrossier marseillais qui lança ces voitures à chevaux sans impériale

Les tramways Ripert ne roulent pas encore sur rails, ce sont des véhicules hippomobiles, mieux adapté à la montée et à la descente.

Le 31 juillet 1887 est la journée d'inauguration officielle du tramway hippomobile sur rail

Quinze ans plus tard, en 1902, 118 tramways à chevaux sillonneront Toulouse

 

Tramways sur les boulevards - 1895 - Fonds Trutat
 
Tramways Carrefour Lafayette - 1905

En 1900 Firmin accepte de passer au tramway électrique après moults hésitations et fait une demande en ce sens à la mairie de Toulouse. Pour ce faire, sa société devient la Société Anonyme des Tramways et Omnibus Firmin Pons.

Le 7 mai 1906 trois lignes électriques sont mises en service : le tramway devient électrique

Tramway rue Alsace Lorraine 1919
 
Voir également les articles sur la rue de l'ancien régime au 19ème siècle  et histoires de wc, latrines et autres lieux d'aisance et sur les moyens de transport à Toulouse au 19ème siècle

 

Sources

https://amtuir.org/03_index_htu_gale.htm Musée des transports urbains de France

https://www.attelage-patrimoine.com/article-toulouse-une-capitale-de-la-carrosserie-hippomobile-112189916.html

Jean Fourcassié : Toulouse, une ville à l’époque romantique

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