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Les papiers d'un laboureur - 2

19 Mars 2022 , Rédigé par srose

 

 

Les notes de Pierre Bordier relatent le quotidien de son village et tout ce qui lui semble important de noter. On ne retrouve pas d’émotion, de réflexions particulières sur sa vie ou son époque. Ce sont essentiellement des faits qui vont nous donner une idée des moeurs du temps, des rigueurs de la vie et ses aléas.

Ci-dessous quelques exemples (avec l’orthographe de Pierre) de ses notes que j’ai rassemblées en thématiques :

 

Sur la météo et l’impact sur les cultures

  • En février 1754 il note qu’en raison de la neige qui recouvre les champs « les alouettes viennent manger les choux du jardin »
  • En septembre 1754 suite à la sécheresse « touttes les légumes des jardins sont tous perdus : les choux les pois chiches , éricots ou pois blancs ; les chénévriers sont sans chénevis »
  • En décembre 1755 « il est arrivé une grande creux [crue] d’eau à la Loire de Blois qui a fait bien de la perte à ses voisins. Le mardi 2 de ce mois, elle a été si forte que il y a 32 ans qu’elle n’a été si haute. On a vu dans la rivière plusieurs bœufs vivants , du bois en quantité que l’on a tiré contre les ponts. Et a effrayé bien du monde ; elle a emporté deux ou trois maisons de Vienen [faubourg de Blois sur la rive sud du fleuve]. Elle a fait une furieuse peur aussi à Blois […] elle a emporté les ponts et plusieurs maisons qui étoient sur les ponts».
  • En février 1756 : « le mercredi 18 il a fait un grand vent qui a bien fait du dégât à toutes les maisons partout, et jeté (à bas] une grange à Villemorain et a blessé un homme dans ladite grange ». Cette tempête « a jeté la croix du cimetière à bas ».
  • Dernière semaine de juin 1757 : « cette semaine a été si chaude que l’on boillet comme le bœuf cuit entre deux plats en son jus »
  • En janvier 1758, il y a eu une grosse tempête de neige : « la neige et la gelée a été si âpre et rude qu’il y a un nommé Suard de Villeporcher qu’on a trouvé gelé en un chemin et mort avec son âne ; cet homme revenait de l’huile des Roches ; il est mort entre le Grand Breuil et les Haies. »
  • Au printemps 1760 « depuis le commencement (du mois) il a fait beau, un temps propre pour les chénévriers, un temps bas, nuageux et chaud, couvert. Les bleds sont bien préparés ; les vignes encore mieux ; les prés les menus grains, tout est bien et promet beaucoup »
  • En décembre 1762 et janvier 1763 Pierre a noté que « la terre est gelée de 14 à 15 pouces avant le cimetière » (une quarantaine de cm)
  • Le dimanche 13 mars 1763 «  il a gelé jusque dans les maisons»
  • En 1768 « il y avoit beaucoup de pomme, peut de poire, point de serize, un peu de guine »

 

Les papiers d'un laboureur - 2

Tableau anonyme du 18e siècle, exposé au Castello Sforzesco de Milan

 

 

Sur la religion

  • En septembre 1758, « le peintre a commencé [dans l’église] le lundi 11 de ce mois, où il fait le grand tableau, deux autres de chaque côté du grand Autel et un devant l’autel, et peint toutes sortes de boiseries»
  • En juin 1763 : « le 3 de ce mois on a exorcisé tous les bestiaux sur le pastis du prieuré : chevaux, vaches, moutons, brebis, agneaux, cochons, le lendemain de la feste su Saint Sacrement à 2heures après midi».
  • Quelques exemples de cérémonie du Lazare, au cours de laquelle un condamné « pour un cas piteux et rémissible » ayant obtenu une grâce plénière doit porter en procession solennelle un cierge de 33 livres : en 1753, un garçon d’Epuisay âgé de 17 ans qui « avoit tué son camarade à la chasse par mégarde», en 1754, « celui qui a porté le cierge du Lazare est un chirurgien tout proche Le Mans, qui a tué un homme et après l’avoir tué, il a voulu le mettre au feu pour le brûler »

Les papiers d'un laboureur - 2

Eglise Saint Martin à Lancé

 

Sur l’école de Lancé

  • Mars 1760 « le jeudy 2, M. Lattron est décédé et sa femme le vendredy 14, il estoit sacriste à l’église de Lancé »; « il est venu un appelé David pour être sonneux et enseigner l’école, le jour des Rameaux qui est le 30 mars » ; « on luy donne la jouissance de 12 boisselées de terre par an ; on lui donne 25 sols pour l’enterrement s’une grande personne, 10 sols pour chaque service, 5 pour assister le curé à aller chercher les corps, c’est-à-dire le convoy […] on lui donnera 7 sols pour l’enterrement des enfants »
  • « le jeudy 21 (mai 1767) le sieur David , sacriste et maître d’école à Lancé, s’en est allé d’ol étoit venu, à Blois, pour être aussy maître d’école à En Vienne les Blois ; il y a été (ici) 7 ans » ; « le dimanche 12 (juillet 1767) on a reçu Tondereau pour être sacriste à Lancé aux conditions de David»

 

Sur les animaux et les menaces qu’ils pèsent sur le village

  • 1742 « la Beste qui dévore les anfans a commencé cette année à faire son carnage» - est ce un loup dont il parle ?
  • 1747 : « la Beste resgnes toujours actuellement , qui fait un grand désordre, on a beau y faire la chasse »
  • 12 septembre 1751 : le curé écrit qu’à Saint Arnoult, « a été inhumé la tête et quelque os du corps de Marie Hult (…] duquel corps on n’a pu trouver que ladite tête et une petite poignée des côtes et de petits os, les habits à leur entier et une jambe attenante l’os de la cuisse »
  • Mars 1754 : « on parle actuellement de la Beste qui dévore les enfants surtout en la paroisse de Villeporcher et Saunay. Elle en a haché et étranglé trois cette semaine, à Saunay»
  • Février 1766 : « le Grand Maître des Eaux et forêts a ordonné une chasse aux loups ; on s’est rassemblé devant le château de Bouchet-Touteville ; il y avoit Crucheray, Nourray, Lancé, Gombergean, Pray et Lancômme, un homme de chaque feu. On a tué un renard au Clos Mouchard et tiré quelques loups près de Puterreau […] on n’a rientué ; il faisoit trop grand froid et grand vent»

 

Les papiers d'un laboureur - 2

Un loup en ville ! gravure XIXe - coll. cl. Ribouillault

 

Sur les évènements liés à l’actualité en France et ailleurs

  • 1743 : « il c’es levé une grande gueres entre les François et la Reyne de Hongris »
  • 1746 « les guerres sont si grandes que tout les peuples en sont épouvanté »
  • En août 1754 « on a fait de grandes réjouissances dans Paris (lors) de la naissance de Monseigneur le Duc de Berry, petit fils du Roy, 15ème du nom » (le futur Louis XVI)
  • 1756 : « on fait la guerre avec le roi d’Angleterre sur mer ; on a pris une ille que l’on nomme le Port-Mahon et encore une autre , je ne sais plus son nom»
  • En décembre 1757 « le fils du sieur Challussez (le seigneur) a perdu la vie (à la bataille de Rosbach) par un boulet de canon ; il était capitaine dans la cavalerie, âgé de 30 ans »
  • 1757 : «  il est venu une nouvelle que c’est seur que Louis 15 a été poignardé, mais c’est à Versailles : il en reçu deux coups, l’un au coude et l’autre à la quatrième coste d’en bas ; il n’a pas été percé à jour mais la peau et un peu de chair. […] celui qui a donné les coups de couteau est de la ville d’Arras ; son métier étoient contre porteur de pierre à dégraisser les tâches sur les habits et de pierre à fusil, amadou et autres petites niaiseries comme on en voit dans les foires à trainer. Il avait une grande redingote par-dessus de vieux haillons».

Les papiers d'un laboureur - 2

Eau forte aquarellée - Anonyme. 1757 - Musée du barreau de Paris

 

  • « le dimanche 6 (mars 1757) on a chanté le TE DEUM pour rendre grâces à Dieu de la guérison et du rétablissement du roi Louis XV» suite à l’attentat de Damiens
  • Le samedi 23 juillet 1763 est annoncée la nouvelle du traité de Paris mettant fin à la guerre de Sept ans : « la paix a été publiée par le sieur Auriou, huissier à Vendôme, et accompagné de hallebardiers et environ 10 à 12 fusilliers, tous à pied».
  • 1775 : « Louis XVI a été sacré à Reims le 11 juin, jours de la Trinité»
  • Sur la guerre d’indépendance en 1779 : « nous avons de la guerre sur mer ; le comte d’Estin y prend les Englois prisonniers , même il y en a environ d’un cent à Vendôme ; il y a les Amoriquins, l’Espagne et la France qui leurs font la guerre et sont encore les maîtres bien souvent ; ils nous prennent souvent des vessaux et bien des munitions de guerre»

 

Les papiers d'un laboureur - 2

Sacre de Louis XVI - 11 juin 1775

 

Sur la vie de ses concitoyens

  • Représentations : En 1749 « le mercredy 23 avril, il est arrivez à Vendôme plusieurs personnes qui ont un Tableau qui représente la mort et Pation de Nostre Seigneur dont tout le monde en est ravy de joie, et plusieurs oiseaux qui chantent au parfait»
  • En juillet 1753 il rapporte qu « on a fait voir au peuple deux enfants collés l’un à l’autre et un poisson de mer nommé lion marin»
  • « Le mardi 22 may (1754) il s’est nayé un enfant de 2 ans à Armand Rimbault à Chandelay dans un trou d’eau en sa cour » ; il s’agit de Jacques Rimbault frère de marie louise, sa servante et future femme
  • En février 1755 un marchand de vaches tue sa femme à Montoire
  • En octobre 1755 « on a dressé un théatre devant l’abbaye de l’Etoille, par un opérateur nommé Scipion ; ils sont 22 de leur troupe. Il est bien habile dans ses opérations. Il a fait son orviétan devant les magistrats et chirurgiens de la ville de Vendôme en la chambre de la ville » et le 20 décembre 1755, « le théatre aux opérateurs n’est pas encore à bas mais le harlequin en sautant dessus il a défoncé [le plancher] par le milieu et s’est fait grand mal aux jambes ; le sang a parti sur ses bas tout [de] suite»
  • En décembre 1755 : lors des crues de la Loire, « on a trouvé à Amboise en la rivière un berceau avec deux enfants dedans tout vivants, sans aucun mal, avec chacun un grelot en leurs mains ; on regarde cela comme un miracle ; on ne sait pas d’où ils sont natifs»

Les papiers d'un laboureur - 2

 

Scène de sauvetage en val d'Orléans - crue 1846 - musée de la Marine de Loire

 

  • « Le jeudy 25 (septembre 1755) le sieur Delauné , curé de Gombergean est décédé et enterré le 26 ; il est entré dans sa cure à la chandeleur 1744 en la place du sieur Leroux, qui s’en fut curé de Villexanton ; il a été curé environ 11 ans et demy » - deux mois plus tard, « le vendredi 21 (novembre), M. Quetin a pris possession de la cure de Gombergean  a dit sa 1ère messe le jour de la trinité d’hiver »
  • En janvier 1758, « la femme du sieur Derois, de St Amand, est revenue depuis 8 ou 10 jours. Elle a été absente environ 4 ans d’avec luy»
  • En janvier 1760 décès de mme Souchay « agée d’environ 90 ou 91 ans»
  • En 1760 « M Desnoyers, curé de Lancé a etrenné une chappe et une chasuble neuves qui est venue de paris le jour de Pasques qui est le 5 d’avril»

 

Les papiers d'un laboureur - 2

Enterrement d'un enfantAlbert Anker, 1863

 

Sur lui : Pierre a écrit très peu de choses sur lui  

  • Juin 1751 : vol avec effraction à la petite musse « pendant que la paroisse de Lancé était allé processionnellement dudit Lancé en station à l’église paroissiale de la paroisse de Saint Amand après les vespres de ladite paroisse de Lancé pour le Jubilé, il fut fait une fracture au cul de leur four de la maison du déposant appelée la petite musse dite paroisse de Lancé » ; le voleur trouve « dans le coffre du déposant qui était au pied du lit [..] un sac de toile où il y avait environ 416 livres en écu de six, trois livres et monnaie, de laquelle somme il prit environ 210 livres, laissa le surplus dans ledit sac » - cela correspond à peu près à une année de salaire de journalier c’est donc une somme importante

On retrouve ce témoignage par une procédure judiciaire en 1776 (soit plus de 20 ans après les faits) ( AD 41 série B, bailliage de Vendôme)

  • En juillet 1754 Il achète « un cheval de ans, gris pour 100 livres»

 

Sur les exécutions et sanctions diverses

  • Le 5 novembre 1757 un homme natif de la Chapelle Gauguin, coupable de vol est exécuté par pendaison ; le 3 mars 1759 ce sera une servante, Marie Lanoux, « âgée de 20 à 21 ans, native de Caen, en Normandie», qui sera pendue pour vol ; elle avait volé en novembre 1758 à l’hôtesse de l’auberge du Petit Paris « un drap de brin de 5 aulnes, un rideau d’indienne ayant ses boucles, un tablier, une paire de bas et une cornette de nuit »
  • En juin 1752 « on a fouetté et flurdelisé un homme de Selommes pour avoir vollé environ 30 boisseaux de bled à son cousin»
  • Le 29/04/1761 « Jallier  est mis en prison à Montoire pour avoir été accusé d’avoir vollé 6 boisseaux d’avoine»
  • En aout 1766, « le samedy 2, on a roué à Vendôme un homme de Mazangé, dans le marché de Vendôme. Il y avoit 4 bourreaux ; on l’a mené la nuit à l’arche du Mauvais Pas où il est exposé sur la roue».

Les papiers d'un laboureur - 2

Flétrissure - archives de Toulouse

 

 

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Les empêchements au mariage

13 Mars 2022 , Rédigé par srose

 

Quels sont les liens de parenté qui pourraient empêcher un mariage ?

 

  • Les liens par consanguinité: les fiancés ont un ancêtre commun. Avant le Concile de Latran en 1215, il était interdit de se marier avec un parent jusqu’au 7ème degré. Le Concile de Latran réduira l’empêchement parental jusqu’au 4ème degré. Donc il était interdit à tous futurs époux de se marier s’ils avaient des trisaïeuls communs (un degré canonique correspond à une génération)

 

  • Les liens par affinité ou par alliance: impossible par exemple pour un veuf d’épouser une parente du premier conjoint (jusqu’au 4ème degré).

 

  • Les liens liés à la parenté spirituelle : Toute personne (sage-femme, parrain, marraine) ayant baptisé un enfant (en cas de nécessité pour la sage femme) contracte avec lui une alliance spirituelle; de ce fait aucun mariage ne peut être contracté entre eux.  De même, le parrain ne peut épouser la mère de l'enfant et, pareillement, la marraine ne peut épouser le père de l'enfant. Ils sont qualifiés respectivement de compères et commères. Enfin l’enfant baptisé ne peut épouser les enfants de son parrain ou de sa marraine

 

  • Les liens liés à la parenté légale : L’enfant adopté ne pouvait épouser un enfant de ses parents adoptifs, ni ses parents au 4ème degré.

 

 

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Les papiers d'un laboureur - 1

13 Mars 2022 , Rédigé par srose

 

Les papiers d'un laboureur - 1

 

Le livre de Jean Vassort (*), écrit en 1999, est basé sur les papiers qu'a écrit sur plusieurs décennies, Pierre Bordier, laboureur à Lancé au 18ème siècle : un Compendium (1741-1781) et un Journal (1748-1767). Ces notes nous donnent une idée du quotidien d’un petit village rural au 18ème siècle.

 

La famille de Pierre et son village

La vie de Pierre s’étale de la toute fin du règne de Louis XIV au tout début du règne de Louis XVI

En effet il nait le 17 janvier 1714 à Crucheray (41) donc dans les dernières années du règne de louis XIV

Le village se situe en Loir et Cher, dans la Beauce. Y vivent une centaine de familles (77 feux en 1713, 87 en 1768, 94 feux en 1790).

Les papiers d'un laboureur - 1

 

L’église Saint Martin ne ressemble alors pas à celle que l’on connait aujourd’hui puisque le clocher n’est en réalité qu’une petite flèche de bois placé sur le comble.

La production agricole concerne essentiellement le froment (bled), l’avoine, l’orge. Il y a également de l’élevage puisque l’on recense sur Lancé en 1790 80 chevaux, 3 juments, 2 poulains, 9 ânes, 3 bœufs, 153 vaches, 2 taureaux, 58 génisses, 15 veaux, 55 moutons, 19 béliers, 524 brebis, 373 agneaux, 8 chèvres et 31 porcs.

Son père, Jean est un laboureur demeurant, au moment de la naissance de Pierre, à Pinoche paroisse de Crucheray. Il est noté dans le registre de la paroisse qu’il est également fabricier (1730-1739) et syndic à Lancé (à 4 km de Crucheray). 

Sa mère, Marie Lucquet est la fille de Pierre Lucquet, laboureur demeurant au Grand Fontenaille, paroisse de Nourray situé à 2km de Crucheray.

Pierre a plusieurs frères et sœurs tous nés à Crucheray 

    - Marie e le 22 janvier 1716 et décédée le 20 novembre 1723 à Crucheray, à l'âge de 7 ans

    - Louise, née le 3 mars 1917 et décédée le 4 mai 1747 à Sainte Anne à l'âge de 30 ans

    - Jean né le 8 avril 1719 et décédé le 26 décembre 1725, à l'âge de 6 ans

       -   Marguerite née le 23 décembre 1720 et décédée le 25 février 1722  à Crucheray à l'âge de 14 mois 

La mère de Pierre meurt le 16 octobre 1721, moins d’un an après la naissance de son dernier enfant. Elle avait 30 ans.

 

Les papiers d'un laboureur - 1

 

Pierre bordier se mariera, mineur (la majorité à l’époque pour les garçons est fixée à 30 ans),  le 1er mars 1734 à Anne Brethon (née le 25 janvier 1711 à St Amand Longpré – se situe à 5km de Lance). Elle est un petit plus âgée que lui.

Le couple habitera avec Jean Bordier dans la ferme située au Pont à Lancé mais en 1750 Jean abandonnera la ferme pour vivre à Sainte Anne chez Jean Gallois,  gendre de sa défunte fille, Louise. Sainte Anne se trouve à 8km de Lance

Pierre et sa femme quitteront la ferme du Pont et iront vivre à la petite Musse à Lancé. Pas très loin de leur ancienne ferme puisque par un côté ls dépendances de la petite Musse jouxtent la terre labourable de la métairie du Pont.

 

Le couple n’aura pas d’enfant.

 

Anne meurt le 14 novembre 1770 à Lancé. Elle avait 59 ans.

 

Dix-huit mois plus tard, Pierre se retrouve papa d’une petite Marie Louise qu’il a eu avec Marie Louise Rimbault, 22 ans, servante chez Pierre et sa propre filleule. La parenté spirituelle va poser souci car elle constitue un cas d’empêchement au mariage

Pour pouvoir lever cet empêchement il faut un bref pontifical ; celui-ci sera donné le 5 juin 1772, ce qui permettra le mariage le 15 juin de cette même année.

Quatre autres enfants suivront :

-              -  Pierre né en 1773 et mort en 1778

-              -   Jean baptiste né à Lancé le 19 septembre 1775 et mort à Lancé, le 2 mai 1834, marchand laboureur

-              -  Anne Marie née en 1777 et morte en 1837

-              -  Pierre né en 1779 et mort en 1836, marchand laboureur

 

Milieu social

Pierre est issue d’une famille de laboureur relativement aisé : Jean est en effet pendant un quart de siècle fermier de la métairie du Pont, la plus grosse de la paroisse de Lancé d’après le rôle de taille de 1789. Son grand père Mathurin était déjà laboureur à Pinoche.

L’un de ses neveux, Mathurin Gallois, est quant à lui prêtre curé de la paroisse Saint Nicolas de Blois ; il sera le tuteur des enfants de Pierre à son décès

Le père de Pierre, Jean, exerce également d’importante fonction administrative : il est syndic de la paroisse en 1734 c’est à dire qu’il est en charge des intérêts de la communauté villageoise et également fabricier durant 9 ans.  A ce titre, il gère les comptes de la paroisse et administre les biens et revenus de l’église de Lancé. C’est donc lui qui baille à ferme les biens de la paroisse (souvent des legs ) il gère les dépenses indispensables : achat de cierges, entretien du mobilier de l’église (dais, balustres, confessionnaux), remplacement de la corde de la cloche, réparation des murs du cimetière.

Le cumul des deux charges (syndic et fabricier) est peu courant et indique une position sociale importante au sein de la communauté.

Pierre sera lui aussi syndic mais pas fabricier.

Il est désigné par le prêtre de la paroisse comme étant tantôt marchand laboureur, tantôt que laboureur ou que marchand. A partir de 1770 il est indiqué plutôt dans les actes de la paroisse qu’il est « ancien fermier », ancien laboureur fermier » voire même « ancien marchand laboureur fermier ».

 

Sa fortune

La petite Musse où il habite comprend à sa mort en 1781 une maison composée d’une chambre à cheminée, un four, une petite chambre froide, une écurie, une petite grange, un hangar « le tout sous même toit et couvert de thuille, grenier sur lad. chambre et écurie » elle se complète à l’est d’ « un autre petit corps de bâtiment  composé d’une petite buhanderie d’un cellier, grenier sur yceux couvert à thuille » et au sud du bâtiment principal « un autre petit corps […] composé d’une étable à vaches et têts à porc, couvert de chaumes »

Il y a aussi des « jardins devant et derrière et au bout desdits bâtiments clos de terre labourable et vigne, le tout en un tenant » ainsi qu’ « une pièce d’autre terre labourable de 12 boisselées et 2 boisselées de pré ».

En 1781 à son décès l’inventaire indique : 

  • 2 chevaux de 7 et 9 ans et leur équipement « colliers, brides, traits de charrue et charrette »
  • « une charrue roulante en rouelles de bois »et les éléments de rechange (un versoir, 3 oreilles, un coutre et 4 socs »
  • Une charrette, une brouette, divers outils : une faux avec ses battements, des fourches, 3 crocs, une marre, 3 pelles en bois, une pelle-bêche, une pelle-râteau, un pic, un râteau en fer, un fléau, un van, une « meule à émondre », un arrosoir, un entonnoir, un boisseau de Vendôme, un minot de bois
  • Du blé, de l’avoine, du foin, du chanvre, du bois
  • « 6 septiers de bled froment compris une petite partye de segle »
  • « cinq poinçons et un quart de vin de l’année dont ¾ en blanc »
  • 9 poinçons de futaille
  • 5 vaches
  • Une taure
  • 5 vaisseaux de mouches abeille
  • 3 vieilles ruches
  • 30 livres de viande de porc conservées dans le saloir
  • 25 boisseaux de glands
  • Un baquet à égoutter le fromage
  • Une pelle à four
  • Une baratte
  • 30 pots à couler le lait

 

Dans la maison et plus précisément la principale chambre, on trouve :

  • Un coffre en bois de noyer sans la clé
  • Une petite armoire de bois fruitier de mauvaise qualité
  • Un lit complet
  • Un buffet en forme d’armoire neuf et fait de différentes espèces de bois »
  • Une table de bois de poirier
  • 10 chaises de paille de mauvaise qualité
  • Un petit vaisselier de faible valeur
  • 2 petits lits de mauvaise qualité
  • Une couchette d’enfant

Dans la petite chambre voisine

  • Un petit lit
  • Un coffre de médiocre qualité

 

Quant au linge, Pierre possédait :

  • Six draps de grosse toile d’usure variée
  • 8 nappes «  au trois quart usées »
  • 9 petites serviettes
  • 9 petits essuye-mains
  • 20 chemises dont 9 neuves et « les autres plus que my-usées »
  • 9 petits mouchoirs
  • 2 petits fichus
  • 11 coiffes de bonnets de nuit
  • Une douzaine d’habits, vestes et culottes de mauvaise qualité
  • Un manteau de cavalier en drap de mauvaise qualité

La plupart des vêtements sont de couleur sombre à une époque où les couleurs vives sont à la mode

 

 Dans la cuisine, on retrouve :

  • un équipement de cheminée
  • 3 poeles
  • 2 poelons
  • Une boite à sel
  • 2 marmites avec leur couvercle
  • 3 chaudrons de fonte
  • Une cuillère à pot en cuivre
  • Des plats en terre
  • 11 assiettes de fer « mauvaises »
  • 11 assiettes de faïence
  • 16 autres d’étain dont 6 très petites
  • 19 cuillères d’étain
  • 7 gobelets d’étain
  • Pas de verre ni de couteau
  • 2 seilles (sceau) à eau
  • Un « mauvais réchaud de cuisine »
  • Une petite pendule
  • Un fusil
  • Une gibecière
  • Un bassin à barbe
  • Un « pezet » (balance)
  • Une « plumée é
  • Une lampe
  • Un lampion
  • 1500 livres dont 25 louis de 48 livres)

 

L’ensemble de l’inventaire n’atteint pas 400 livres. Si Pierre a été riche, cela n'apparait pas clairement au vu de cet inventaire.

Ceci étant, entre les divers loyers et fermages , les activités d’élevage et les prés, il tire chaque année à peu près 2000 livres ce qui reste correct mais sans plus ;  ça le situe tout de même aux tout premiers rangs de la société villageoise.

A noter que le rôle de taille de 1789 contient 112 côtes dont 21 concernent les laboureurs imposés pour "exploitation de labour", "pour exploitation de sa ferme", "pour sa ferme" ; ces 21 côtes représentent les ¾ de l’imposition totale de la paroisse . On y retrouve la ferme du Pont, longtemps exploitée par la famille Bordier et qui en 1789 appartient à la veuve Jacques Gombault : elle est taxée 193  livres , la plus haute du rôle.

 

La suite : ICI

 

 

 (*) Jean Vassort est agrégé d'histoire, docteur d'État, professeur honoraire de khâgne au lycée Descartes de Tours.

Il a écrit divers ouvrages très intéressants que je vous recommande : voir ICI et ICI

 

 

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