Le pont du Bazacle
Le pont du Bazacle
Le nom « bazacle » vient de vadaculum (petit gué) ; il désigne un site sur la Garonne constitué de bancs de marne dure traversant obliquement le fleuve. La faible hauteur des eaux à cet endroit en fait un passage pratique pour les hommes. Ce devait être d’ailleurs le seul point de passage du fleuve avant la construction du pont antique (le 1er pont vieux).
Il faut bien avoir en tête quand on étudie les ponts de Toulouse, les berges, le guet ou la Garonne elle même que la configuration topographique actuelle n'est pas tout à fait la même que celle des siècles passées et que les aménagements effectués par les hommes ont modifié l'ensemble de façon plus ou moins importante (voir à ce sujet l'article de Henri Molet).
bloc de marne blanche
Des fouilles archéologiques ont ainsi permis de prouver l’utilisation du gué comme passage depuis l’âge du bronze.
Manifestement les hommes ont eu à un moment besoin de pérenniser ce passage par la construction d’un pont : Georges Fouet, et Georges Savès, archéologues, ont effectué trois campagnes de recherches dans les années 70 sur ce site et ont découvert, sur ce gué, à 40 mètres en aval du barrage actuel (reconstruit en 1719 par l’ingénieur Joseph Abeille à l'origine de la reconstruction du pont de Pigasse) et à 250 mètres en amont du pont des Catalans, des vestiges prouvant l’existence d’un pont sans doute entièrement en bois dans les 1ers temps puis en maçonnerie.
Ils ont étudié un fragment de pile avec éperon, en briques et galets, située à une vingtaine de mètres à l’est de la tour d’angle de l’hospice de la Grave ; la pile mesurait 5 mètres de long et 3 mètres de large, et était haute de 1,80m.
Ils ont trouvé lors de leurs fouilles sur le gué plusieurs milliers de pièces diverses des 13 et 14ème siècles (monnaies, épingles, etc.) qui prouvent l'importance de la circulation sur ce pont.
Toulouse au 12ème siècle par Pierre Gérard -
Plan de Toulouse 1080-1208 soit avant la construction du pont du Bazacle qui a eu lieu quelques années après mais on peut voir en bas de la carte la chaussée et le gué du Bazacle, l'emplacement du chateau et des moulins et la porte Vital Carbonnel
Le pont du Bazacle a vraisemblablement été construit au début du 13ème siècle, à la suite de la croisade contre les Albigeois. Il était protégé par un château (le château du Bazacle) qui surveillait le gué et les moulins du même nom ainsi que la porte dite « de Vital Carbonnel ». Il ne s’agissait pas d’un point de passage important car assez excentré. Il servait essentiellement à l’usage des moulins d’après Georges Fouet et Georges Savès (L'emplacement réel du pont du Bazacle, dans L'Auta, n° 399, novembre 1973).
Toulouse, le patrimoine en images - éditions Privat
Le 13 septembre 1217, il était non achevé lorsque Raimond VI entra dans Toulouse. En 1218, on enregistre une donation pour son entretien. La Chanson de la croisade albigeoise, traitant des événements de 1219, spécifie d'ailleurs que ce pont était « nouvellement construit » ; le texte énumère en effet les chevaliers qui « an la charga del ponh nau del Bazacle, lo qual asta fact novelaman » (les ponts de Toulouse de Jean Coppolani, p.23).
En 1222, un texte cite « illo loco in quo pons Badaclei est constructus ».
Le pont est mentionné en 1271 et en 1350 ; en 1337 il est réparé de même qu’en 1391. On ne retrouve plus de mention du pont ensuite.
Il est à noter qu’en 1613 lors d’une crue de la Garonne qui provoqua la rupture de la chaussée du Bazacle, les vestiges d’un édifice romain apparurent, vraisemblablement un temple.
Deux témoins oculaires de ces vestiges surgis des eaux :
Bertrand de Laroche-Flavin « Recherches sur les antiquités et curiosités de la ville de Thoulouse », 1627, Toulouse. Exemplaire conservé à la B.M. Toulouse, cote res D XVII 499, daté de 1627, mais écrit vers 1618-21. « En cet endroit du moulin du Bazacle, il y a eu au temps passé quelque grand et superbe bâtiment car il se trouve encore dans l’eau de grandes et épaisses murailles et de grandes pièces de marbre et autre pièces élaborées à l’Antique ; y ayant esté trouvée une statue qu’on jugeait être de Pallas ».
Catel, Mémoires de l’Histoire du Languedoc, 1629, paru en 1633, Toulouse, Colomiez. Pages 123-124: « Temple au Bazacle : …mais je pese qu’il y a plus de raison de dire qu’il estoit tout contre le moulin du Bazacle, et entre l’hospital de la Grave et ledict moulin. Car il y a quelques années que la chaussée du moulin du Bazacle estant quasi du tout rompüe, et par ce moyen la rivière de Garonne estant fort basse du costé du bazacle, on descouvrit dans ladite rivière devers le moulin, des ruines d’un édifice très somptueux, lesquelles ayant esté veües par Souffron, et Bachelier, gens forts ingenieux et sçavans en l’architecture, ils trouvèrent que c’estoient des masures et ruines d’un grand temple, lequel estoit de marbre blanc basty avec telle solidité que les quartiers de marbre estoient liés ensemble avec des lames de fer cramponnées avec du plomb. Dequoy ayant esté adverty je fus aussi tost sur le lieu, et vis partie de ces ruines, entre lesquelles plusieurs batteliers s’occupoient à tirer le plomb qui avoit servy à faire tenir les crampons de fer. Je vis aussi plusieurs grandes pierres de marbre, où estoient entaillés a demy relief de grands personnages vestus à la romaine. Les masures de cet édifice estoient fort grandes, et commme en quarré, tesmoignant que ce temple ou édifice estoit enrichy de colonnes de marbre noir si grandes, quelles avoient trois pieds et demy de diamètre… L’ay appris dudit sieur Souffron que aux corniches desdites colonnes estoient entaillées des hiboux, ce qui donne sujet de croire que c’estoit le temple de Pallas. Ce temple semble avoir esté grandement fréquenté ; car l’on recognoit encores dans la rivière de Garonne des fondements, et vieilles masures de piliers qui estoient sans doute d’un pont pour aller du costé de Sainct Cyprien au susdit temple»
Toulouse renferne quantité de vestiges romains en son sein depuis des siècles et les divers vestiges de cette Toulouse romaine furent utilisées depuis le 13ème siècle pour créer notamment la chaussée du Bazacle.
Chaussée du Bazacle - collection Trudat (1840-1910)
Sources
https://societearcheologiquedumidi.fr/_samf/memoires/t_61/015-034-MOL.pdf
Chanson de la croisade albigeoise : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103147b.image
Les ponts de Toulouse de Jean Coppolani
le pont du bazacle de Henri Paum Eydoux
Autour du Bazacle, la Garonne et les vestiges antiques de Henri Molet
FOUET et G. SAVÈS, « Le gué du ramier du Bazacle », dans L’Auta, août 1971, n° 381, p. 138-145 ; Idem, « Le gué du Bazacle, catalogue sommaire des trouvailles faites avant 1971 », dans L’Auta, janvier 1972, n° 384, p. 8-20 ; Idem, « L’emplacement réel du pont du Bazacle », dans L’Auta, novembre 1972, n° 399, p. 202-207 ; Idem, « Le gué du Bazacle, ses ponts et ses richesses archéologiques », dans L’Auta, mars 1977, n° 426, p. 73-81 ; Idem, « Les premières fouilles du Bazacle au XIXe siècle », dans L’Auta, octobre 1983, n° 489, p. 227-236
Le pont de Pigasse et l'arche de Tounis
Le pont de Pigasse et l'arche de Tounis
Le Pont de Tounis (qui n'a rien à voir avec l'arche de Tounis), reliant l’ancienne île de Tounis à la ville, enjambe la "Garonnette", ancien bras maintenant asséché de la Garonne, et est le plus ancien pont de Toulouse.
Plan de Toulouse - Rochefort 1670 - on peut voir comment se situe l'île de Tounis
Mais il a existé un autre pont plus ancien encore, traversant la Garonnette plus en aval, à l'endroit où la Garonnette débouchait dans la Garonne sous l’actuel quai de Tounis. Plus précisément il partait de la halle aux poissons (aujourd'hui rue de la Descente de la Halle aux Poissons) et arrivait à la pointe nord de l’ile. Il s'agit du pont qui se trouve au n°12 ci dessous :
Ile de Tounis avec le Pont Neuf tout à droite
Le n°12 correspond au pont de Pigasse ou pont en fil de fer qui est l'emplacement aujourd'hui de l'arche de Tounis (voir plus bas)
Le pont de Tounis est au n°8
La Garonnette figure au n° 7 (aujourd'hui il s'agit de l'avenue de la Garonnette)
La rue des abattoirs au n°11
La rue des Teinturiers au n°6
Jules Chalande (historien né en 1854 à Marseille et mort en 1930 à Toulouse) a retrouvé un texte dans les archives de Toulouse qui atteste de l’existence du pont de Pigasse en 1597.
Il semblerait qu’une crue l’ait détruit en 1608 et qu’il fut reconstruit en bois de chêne en 1612.
Il reprenait le tracé du Pont-Vieux, 1er du nom et fut dénommé Pont de la Halle (la Halle aux poissons était toute proche) ou plus simplement Pont de Bois avant de s'appeler pont de Pigasse pour une raison inconnue.
Hypothèse de restitution cadastrale en 1680
Plusieurs fois réparé, voire entièrement refait (il s’écroule en 1690 et fut reconstruit totalement en 1693 pour 1800 livres), il fut emporté par l’inondation de 1709. Malgré un appel d’offres lancé par les capitouls en 1711 puis en 1720, aucun artisan ne souhaite s’emparer du chantier.
En 1731 l’ingénieur Joseph Abeille (né en 1671 à Vannes et mort en 1756 à Rennes) se lance et reconstruit le pont de bois qui s’effondrera en 1764. (Joseph Abeille a apporté son expertise technique ainsi que des capitaux dans la réparation du moulin du Bazacle et la digue qu’il a construite est toujours celle actuellement utilisée pour produire de l'électricité).
Pont de Bois, dit pont de Pigasse. Plan de construction dressé par l'architecte Souffron, 1612, Ville de Toulouse, Archives municipales, DD213/1 (détail)
Pierre Barthès auteur des Heures perdues, ouvrage rédigé à partir de 1737 écrit à ce sujet :
« Le dimanche 8ème de ce mois (juillet), jour de la dizaine de l’île de Tounis où l’affluence du monde qui passe et qui se rend dans l’île après vêpres pour se divertir est très grande, entre 9h et 10h du soir, le pont qu’on appelle de Pigasse et qui va de la Halle aux poissons dans l’île, tomba dans l’eau, rongé de vétusté. La 3ème partie de l’édifice qui aboutit à Tounis vis-à-vis la maison de Dubarry, s’étant affaissée sur les piliers qui n’étaient plus que de bois pourri, n’ayant jamais été réparée, fut entrainé dans la chute. Personne ne se trouvait à passer dans ce moment funeste, ce qui a été regardé comme un bienfait du ciel, après la grande quantité de monde qui avait passé dessus pendant cette journée. »
il fut définitivement démoli en 1767.
Par la suite un bac sera utilisé pour que les Tounisiens puissent traverser la Garonnette depuis la pointe nord de l’île.
Pierre Barthès précise dans ses Heures perdues que « pour la commodité des bouchers, des habitants, des blanchers, des pêcheurs qui habitent Tounis, ont établi sans doute avec permission, un passage dans une barque pour la traversée où chacun pour le prix d’un liard, peut se faire passer sans pour remonter au pont de la Dalbade, ce qui allongeait beaucoup ».
Ce bac sera utilisé jusque vers 1829 date à laquelle on construisit au même endroit, un pont suspendu (réservé aux piétons) appelé par les toulousains le pont de fil de fer, long de 24m et large de 2m ; il a couté 4 295 frs et 99 cts.
Toutefois entre la décision de construire le pont et l’achèvement de celui-ci, les habitants de Tounis ont décidé d’écrire au maire de Toulouse, Joseph Viguerie, le 6 septembre 1830 :
« les habitants de l’île de Tounis ont l’honneur de vous exposer que depuis longtemps un bac placé sur le canal de fuite (la Garonnette) du moulin du Château leur facilitait le passage de l’île au pont, lorsque la construction du pont en fil de fer est venu interrompre le service de ce bac. Par la démolition de l’escalier de la halle (aux poissons) voilà plusieurs mois qu’ils se trouvent privés de ce passage qui leur est si utile, notamment aux bouchers qui sont obligés, chargés d’un lourd fardeau, de faire un long contour. C’est pourquoi Monsieur le maire, ils viennent solliciter de vos bontés, vu l’escalier provisoire établi à la halle, ordonner au fermier dudit bac de continuer son service, jusqu’à ce que le pont soit totalement achevé, et à défaut autoriser momentanément tout autre individu à faire ce service ».
Mais ce pont ne dura guère car il fut détruit vers 1854 pour faire place à un nouveau quai construit d’après le projet de l’architecte Urbain Vitry, né en 1802 à Toulouse, mort dans cette ville en 1863.
A la place du pont de Pigasse fut construit dans la maçonnerie du quai de Tounis, l’arche de Tounis pour laisser le passage à la Garonnette dont les eaux permettaient encore le fonctionnement du moulin du Château.
1ère photo : l'arche de Tounis et les quais avant 1950 (époque où la Garonnette existait encore) - à noter au loin le clocher de la Dalbade qui s'est effondré en 1926
Seconde photo : l'arche et les quais après 1950 (la Garonnette n'existe plus) et avant 2019, date à laquelle les berges furent rénovées - à noter la buse qui permet l'écoulement de ce qui reste de la Garonnette
Photos tirées du blog : Le Soulier Voyageur http://souliervoyageur.canalblog.com/
L'arche de Tounis et le quai de Tounis après les rénovations de 2018/2019
Photo tirée du blog : Le Soulier Voyageur http://souliervoyageur.canalblog.com/
L'arche de Tounis et sa voûte composée de 9 arcs et au loin le Pont Neuf
La largeur de l’arche est de 12 mètres et est composée de 9 arcs en pierres et en briques
Cette arche est aujourd’hui sèche à l’instar du pont de Tounis puisque la Garonnette a été comblée et asséchée dans les années 1950
1ère photo : la garonnette et le pont de Tounis avant 1950
2nde photo : la Garonnette est le ruisseau au milieu de la photo entre les deux espaces de gazon, le pont de Tounis au second plan
Photos tirées du blog : Le Soulier Voyageur http://souliervoyageur.canalblog.com/
Ce qui reste de la Garonnette aujourd'hui : un ruisseau ; au loin le pont de Tounis
Sources
Les heures perdues sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k132172x.image
L'île de Tounis de Jean-Marie Arrouy
Les ponts de Toulouse de Jean Coppolani
L’îlot de la rue de la Descente-de-la-Halle-au-Poisson à Toulouse de Yoan Mattalia
Le 1er pont vieux de Toulouse
Le 1er pont vieux de Toulouse
Le premier pont de Toulouse est le Pont Vieux, 1er du nom (il y en aura un autre plus tard). Le Pont Vièlh est à l'origine un ancien pont aqueduc construit au 1er siècle pour franchir le fleuve et pour alimenter Toulouse en eau. La légende attribue sa construction à la reine wisigoth Pédauque d'où son nom au Moyen âge de Pont de la reine Pédauque ou Pont de la Régine. Il ne s'appellera Pont Vieux que lorsque le Pont de la Daurade sera construit au 12ème siècle mais pour plus de commodité ici nous l'appellerons d'ores et déjà Pont Vieux.
il est à noter toutefois que les historiens ont longtemps contesté le fait que l'ancien pont aqueduc corresponde à ce que les textes médiévaux appellent le pont vieux (le 1er du nom). Les avis sont partagés mais il semblerait toutefois au vu des découvertes archéologiques qui ont été faites que l'on puisse imaginer qu'il s'agisse bien du même ouvrage... Affaire à suivre.
Reconstitution de la Tolosa antique vers le 5ème siècle où l’on voit l’aqueduc à droite et l’emplacement des sites actuels de Saint Sernin , Saint Etienne et le Capitole ainsi que le Pont Neuf qui bien sûr à l’époque n’existaient pas
Voyons un peu comment se présentait le pont aqueduc antique long de près de 9 km : il comprenait deux sections :
- La première est souterraine et va de Monlong à la Cépière en passant sous les immeubles de Bellefontaine (notamment sous l'immeuble Camus), de la Reynerie et du grand Mirail; cette section captait les sources proches et amenait les eaux par un canal souterrain jusqu’à la Cépière où devait se trouver un château d'eau. L'abbé Georges Baccrabère, archéologue et historien toulousain né en 1920, énumère une vingtaine de sources sur ce parcours (dont sept dans le parc du Mirail, cinq dans celui du château de la Réynerie).
- La seconde section, aérienne avec ses 517 arches commençait donc à la Cépière pour virer à 90° plein ouest empruntant le tracé actuel des routes de Saint Simon, de la rue de Cugnaux, où une quinzaine d'arches ont été exhumées au XIXe siècle, et de la rue des Teinturiers, et culminant à 5 mètres au-dessus de l’actuel quartier Saint Cyprien pour rejoindre la Garonne. Le nom de la rue des Arcs Saint Cyprien (Cami dels Arcs) est le souvenir de la présence de l'aqueduc à proximité.
Dessins de Christian Darles d’après les travaux de Pierre Pisani et de Badie et Gassend
Le pont aqueduc traversait ensuite le fleuve environ 200 mètres en amont de l'actuel Pont Neuf, et atteignait la rive droite au niveau de la rue de la Descente de la Halle au Poisson où l'eau était stockée dans un premier réservoir. Puis l'aqueduc, descendant jusqu’au niveau de la chaussée, poursuivait jusqu'à l'actuelle place Rouaix où devait se trouver là aussi un château d'eau.
Tracé du pont aqueduc en fonction des traces et vestiges archéologiques retrouvés
Illustration de Philippe Biard donnant une idée de ce qu'était le pont aqueduc en fonction
de sa situation sur le tracé
On retrouve les vestiges d'un réservoir à l'emplacement de l'actuelle école Lespinasse près de la place Olivier à Saint -Cyprien (article de la Dépêche du 25/08/2017 ).
Autre vestige de ce pont : une arche de pont est enfouie à 3 mètres de profondeur sous le tronçon nord de la rue de la Descente de la Halle aux Poissons et n'est accessible que par les caves des immeubles voisins. Il semblerait que ce soit aussi les vestiges du premier « pont Vieux » de Toulouse qui aboutissait vraisemblablement dans ce secteur après avoir traversé la pointe de l’ile de Tounis.
On peut supposer que le pont adueduc de Toulouse ressemblait à l'aqueduc du Gier près de Lyon, encore debout :
Bertrand du Puy des Grais, avocat né en 1639, donne déjà à l'époque une description (spartiate) du tracé de l’aqueduc de Monlong à la Garonne :
Plan reconstitué de Toulouse antique, dans Bernard Dupuy des Grais, "Tolosae antiquae chorographia", 1713, Bibliothèque municipale de Toulouse, Ms. 1254.
Ce pont est encore utilisé au 12ème siècle mais sans sa fonction d’aqueduc ; plus précisément il apparaît pour la première fois dans les textes en 1152 ; il est le seul pont à cette époque permettant de franchir la Garonne. Il permet le passage des marchandises et des voyageurs notamment les pèlerins qui vont à Compostelle.
Mais il subit les vicissitudes du temps... En 1258 il est emporté par la Garonne en crue ; en 1281 il s’effondra sous le poids de 200 personnes qui regardaient passer une procession de bateaux : « L’an 1281 et la veille du jour de l’Ascension, une partie du Pont-Vieux s’écroula pendant que la Confrérie des Bateliers de la Dalbade faisait sur la Garonne sa procession accoutumée. Les spectateurs qui s’étaient portés en grand nombre sur ce pont furent entraînés dans sa chute et 200 personnes périrent dans les eaux du fleuve ».
Le 30 mai 1485 le pont est entouré par un "soudain débordement de la Garonne". En 1508 il "croula quasi d'un bout à l'autre". En 1508 et en 1523 des crues emportent une partie de l'ouvrage. En 1524, le tablier en bois est refait.
Il sera remplacé progressivement par le pont de la Daurade construit plus en avant à partir de 1153 et sera abandonné totalement à partir de 1556. Il n'apparaitra plus entier sur les plans de la ville à partir du 17ème siècle.
Extrait du plan de Toulouse par Albert Jouvin de Rochefort en 1680 montrant en jaune les restes du pont vieil de pédauque
Extrait du plan de Toulouse de 1663 par Nicolas Berey (Musée Paul-Dupuy, inv. 20.6.1) montrant les ruines de l'aqueduc antique. Tirage photographique couleur, 13 x 18 cm. Ville de Toulouse, Archives municipales, 2 Fi 1305 détail.
Au 17ème siècle, l’historien toulousain Guillaume Catel donne une description des vestiges du pont vieux (Guillaume Catel, Mémoires de l'histoire du Languedoc, 1633, p. 127-128 et 194-195) :
« L'aqueduc [...] estoit continué jusques dans la ville, passant à travers la riviere de Garone, dans laquelle se treuvent encore les fondemens des piliers de brique qui portoient ledit aqeuduc. Et peut estre estoit il continué dans la riviere par piliers & arceaux à la façon d’un pont, d’où vient qu’il est appellé par le peuple, le Pont de la Regine Pedauque, c’est-à-dire pied d’oye, d’autant qu’il estoit si estroit qu’un homme, ou autre animal n’y pouvoit si commodement passer, qu’une oye. [...] Ce Pont est appellé le Pont Vieil depuis longues années, pour le distinguer de celuy de la Daurade [...]. Ce Pont Vieil estoit de structure romaine ou plustost Gotthique ; car il est fait grossierement, comme l’on peut recognoistre à l’arcade, qui reste encores dans la maison du Sieur Raché, laquelle est bastie de brique, & de pierre fort grossierement. »
Vestiges du pont de la reine Pédauque à droite du Pont Neuf et vestiges du pont de la Daurade à gauche -
Gravure de 1730
Il restait encore fin 19ème siècle deux piles visibles aux basses eaux et qui furent emportées lors de la crue de 1875.
En 1949, la dernière pile, qui émergeait à une trentaine de mètres de la rive actuelle de la Prairie des Filtres connue comme le « rocher de Carnaval » ou rocher de Callebe, est démoli. Le terme de Callèbe semble désigner le dispositif de bascule en bois qui y était implanté.
Il est possible que l’on y suspendait une cage en fer, la « gabio » (en occitan gàbia qui veut dire cage), utilisée du XVIe au XVIIIe siècle pour le supplice qui consistait à plonger à plusieurs reprises dans le fleuve une personne condamnée pour prostitution ou proxénétisme ou pour blasphème : ceux qui survivaient à la noyade étaient reconnus innocents... Le terme de gabio va donner son nom au port de la Gabio sur l'ile de Tounis, à proximité de la pile en question.
A noter que la rue du Pont-Vieux dans le quartier Saint Cyprien – nom qu'on lui donne dès le 13ème siècle – rappelle la présence de ce pont qui franchissait la Garonne dans l'axe de cette rue et atteignait la pointe nord de l’île de Tounis pour arriver dans la rue de la Descente de la Halle aux Poissons.
Représentation du Pont Vieux en miniature sur la couverture d’un livre des tailles de 1480.
Ville de Toulouse, Archives municipales, CC 164
Sources
Toulouse au 12ème siècle par Pierre Girard
Les ponts de Toulouse de Jean Coppolani
Evocation du vieux Toulouse de Robert Mesuret
https://aqueduc.jeb-project.net/
https://www.bazarurbain.com/2087/laffaire-de-laqueduc-dit-de-la-reine-pedauque-episode-2/
focus sur l'aqueduc gallo romain : https://www.calameo.com/books/006765105182e1cecfb69
Documents des Archives de Toulouse sur le sort réservé aux maquerelles : https://archives.mairie-toulouse.fr/documents/10184/311548/FRAC31555_Bas-Fonds-2016-10.pdf/96cc1376-1603-4ae4-a80d-fc5bfc6b4fca