Bourgeois de ...
Etre bourgeois de ... ce n'est pas porter un titre, ni être titulaire d'une charge, c'est avoir un statut au sein de la ville, statut qui comportait des droits mais aussi des obligations qui pouvaient différer selon les communes. Ce statut était accessible à tous et non pas réservé à une "élite".
Toutes les communes ne possédaient pas de bourgeoisie puisque seules les villes ayant reçus privilèges et franchises possédaient la bourgeoisie.
Parmi les communes intéressant mon arbre généalogique dans le Nord, il y a :
- Estaires
- La Gorgue
- Lille
Dans le cas d’Estaires, la bourgeoisie procurait à son détenteur :
1/ le droit d’exercer certaines fonctions municipales (échevins, greffier, receveur…..) certains métiers réglementés par des corporations (marchand drapier, portefaix…..)
2/ l’exonération du droit d’escars qui est un droit de mutation sur toutes les successions
3/ une protection juridique
4/ une très importante protection juridique sur le droit des successions
Quant aux devoirs, outre le fait de relever la bourgeoisie, le bourgeois d’Estaires était tenu de participer à la sécurité de la cité (organisée en milice bourgeoise) et bien sur d’aider tout autres bourgeois.
Il existe trois sortes de bourgeois :
Le bourgeois forain
Il s'agit d'une personne non résidente de la ville. Généralement, les bourgeois forains avaient des obligations supplémentaires par rapport aux bourgeois « intra muros » : ils devaient, par exemple, résider quelques semaines par an dans la ville où ils étaient bourgeois, ou encore avoir un représentant dans la ville… .
Les bourgeoisies de Lille, Ypres, Bailleul, Cassel et Estaires acceptaient les bourgeois forains.
La bourgeoisie d’Estaires attiraient de nombreuses familles du pays de l’Alloeu (La Gorgue, Sailly/Lys, Laventie, Fleurbaix) mais on retrouve aussi des bourgeois d’Estaires habitant dans le Poitou !
Les 2 plus importantes bourgeoisies foraines du secteur (Flandre intérieure) étaient celles de Bailleul et d’Ypres avec une influence européenne (Pays Bas, Italie, Angleterre… !)
Le bourgeois par achat :
La bourgeoisie s’acquerrait dans ce cas par achat. A Estaires, une personne devenait bourgeoise sur l’acceptation du magistrat de la ville en payant une somme d’argent évaluée sur l’ensemble de ses biens en Flandres. Dans certains cas, il était possible d’acquérir la bourgeoisie gratuitement, les bourgeois « reçus gratis » étaient généralement des personnes ayant rendus services à la cité. Lors de sa réception, le bourgeois prêtait serment de sa bourgeoisie au magistrat de la ville. On ne pouvait être bourgeois que d’une seule ville.
Le bourgeois par relief :
La bourgeoisie était alors héréditaire, c'est-à-dire que les enfants d’un bourgeois étaient aussi bourgeois et étaient donc soumis aux obligations de leur bourgeoisie. L’une des obligations était la reconnaissance de cette bourgeoisie. Chaque enfant devait reconnaître sa bourgeoisie en la « relevant ». Le relief de la bourgeoise (on trouve également le terme de rachat de bourgeoisie) se faisait à la majorité de la personnes, généralement lors de son mariage ou d’un état honorable. En fait le relief servait à renouveler le serment de bourgeoisie.
A Estaires, les reliefs de bourgeoisie devaient se faire dans les 8 semaines après le mariage.
Le relief de la bourgeoisie d’Estaires coûtait 1 florins et 10 patars pour tout relief entre un bourgeois et un étranger à la bourgeoisie.
Quant au relief entre 2 bourgeois, il était gratuit.
Comme on ne pouvait être bourgeois que d’une seule ville, quand un mariage avait lieu entre 2 époux tous 2 bourgeois de ville différentes, l’un des époux devait renoncer à sa bourgeoisie.
Le relief était obligatoire, les personnes omettant de la relever devait payer des amendes et pouvaient même en être « escarsser » c'est-à-dire perdre leur bourgeoisie
L’escarssement ou la renonciation à la bourgeoisie
Pour quitter la bourgeoisie d’une ville, le bourgeois devait y renoncer devant le magistrat de la ville. Il renonçait à son état en payant une somme indexée sur le montant des ses biens. Par exemple à Estaires, pour quitter la bourgeoisie les personnes devaient payer en argent 10% de ses biens en Flandres.
On pouvait également perdre sa bourgeoisie sur décision du magistrat de la ville, notamment lors des défauts de reliefs.
Sources
http://asso.nordnet.fr/c.h.g.wasquehal/accueil/bourgeoisie.htm
http://www.gennpdc.net/lesforums/lofiversion/index.php/t5843.html
Fidèle Joseph Deleurence
Il est le frère de mon arrière arrière grand père, Georges Auguste Deleurence.
Il est né le 18/02/1862 à Estaires et est tisserand.
Il a épousé Julienne Clara DUBRULLE (née le 29 mai 1868) le 25 mai 1891 à Estaires.
Sa fiche matricule (Dunkerque, volume 2 - n°725) précise qu'il a les yeux, les sourcils et les cheveux noirs. il mesure 1.68m; menton rond, visage ovale.
son degré d'instruction est de 3.
Est incorporé dans les services auxiliaires pour cause de strabisme.
Ils ont eu un fils Michel David Joseph, né le 12 juin 1888 à Estaires. Sa fiche matricule (Dunkerque, 1908-585) précise comme motif de réforme qu'il a été amputé "de la cuisse gauche, plaie pénétrante du talon droit et de l'extrmité de la gauche avec ablation du calcanéum et de l'astragale".
Georges Auguste Deleurence - SOSA 54
Mon arrière arrière grand père est né à Estaires le 15 mai 1866 et est mort le 21 octobre 1922.
Il a épousé le 29 mai 1895 Elisé Eugénie CARPENTIER (née le 2 juin 1874 à La Gorgue). Il avait 29 ans et elle 19 ans.
Il était tisserand et sa femme lingère et repasseuse.
Service militaire : exempté (table matricule Dunkerque - 1886 p.13)
Recensement de 1906 : habite 35 grand rue à Estaires avec sa femme, Elise (repasseuse-sa propre patronne)et ses enfants : Gabrielle, Claire et Paul. Il est en 1906 journalier chez P. Lecomte.
Ils ont eu 5 enfants :
- Gabrielle (1896-1955)
- Claire (1899-1986)
- Paul François (1902-1907)
- Cécile Agnès Gérard (1907-1909)
- Renée Agnès Gabrielle (1912-1929)
je le retrouve par hasard à Lyon en 1918 grâce au recensement : ils habitent tous les 4 (lui, Elise, Claire et Gabrielle) au 55 rue des tables claudiennes quartier de la croix rousse. Je les y retrouve jusqu'en 1921 et ensuite plus rien. En revanche ils sont à Estaires lors du recensement de 1926. Il trouva à Lyon un travail dans la métallurgie puisqu'il y est indiqué qu'il est métallurgiste.
Estaires
Estaires est située en Flandre, dans la vallée de la Lys, à une altitude de 16,4 m exactement. Elle se trouve à 30 kilomètres à l'ouest de Lille, à 25 kilomètres d'Hazebrouck et d'Armentières.
Au Moyen Âge, la cité estairoise se développe notamment autour de la production textile.
En 1526, la Flandre tombe aux mains des Espagnols. Charles Quint se déplace à Estaires où l'accueillent 2000 hommes.
En 1566, la Révolte des Gueux éclata, n'épargnant pas Estaires. Les icônes catholiques furent saccagés par les calvinistes. A Estaires, le jour de la Fête-Dieu, les Gueux promenèrent en procession un âne sous le dais, à la place du curé, en guise de dérision. Cet épisode restera marqué dans la mémoire de la cité et c'est à partir de là que les Estairois se surnommèrent les Baudets.
La ville devient française en 1769, après l'échange de plusieurs enclaves avec les Pays-Bas. Elle est alors une florissante cité productrice de textile, tout comme Armentières.
En 1866, le choléra s'abat sur la ville en partant de la rue neuve, quartier défavorisé de la ville, faisant plus de 100 morts.
L'élan industrielle de la ville sera brisé par la Première Guerre mondiale. Prise par les allemands au cours de la bataille des Flandres (1918), la ville fut reconquise par les alliés au cours de l'offensive de la seconde moitié de 1918. La quasi-totalité de la ville d'Estaires a été détruite par l'armée allemande lors de la Bataille de la Lys (9 avril 1918).
Lors de la seconde guerre mondiale, beaucoup d'Estairois furent évacués. La ville fut libérée le 5 septembre 1944.
Affaire du trésor royal
Mars 1815 : Napoléon a débarqué à Golfe Juan, le roi Louis XVIII et la famille royale sont en fuite vers Gand.
Le 22 mars sa maison militaire qui le suit à 2 jours d'étape est à Béthune. Elle a à sa tête le Comte d'Artois ( futur Charles X ) et le fils de celui-ci le Duc de Berry. Elle est composée de 300 gardes du corps et mousquetaires ainsi que d'un important matériel et de très nombreux équipages de berlines et de calèches.
Le 24 au soir, elle arrive à La Gorgue. Le Comte d'Artois passe la nuit à Estaires chez M. Vermersch-Hennion, adjoint au maire et le Duc de Berry à La Gorgue dans la famille Fruchart.
Le 25 au matin, par un temps exécrable, le convoi franchit le pont de la Lys et s'engage dans la rue Jacqueminemars, pratiquement à travers champs car à l'époque, ce n'est qu'un chemin de terre impraticable par forte pluie.
Ce qui devait arriver arriva : les voitures s'embourbent. De plus de faux bruits circulent qu'une attaque est imminente. C'est alors la panique et l'abandon de matériels, calèches, chevaux ...
Mais ce n'est pas perdu pour tout le monde et bien des choses sont récupérées par des habitants d'Estaires-La Gorgue..
L'affaire fit couler beaucoup d'encre. Les autorités procédèrent à des enquêtes et des perquisitions eurent lieu dans les deux villes. Du matériel sera découvert et confisqué, des chevaux de la Maison du Roi, vendus à des prix dérisoires, récupérés mais la majeure partie ne fut jamais retrouvée par la police impériale.
La "légende" raconte que quelques fortunes auraient débuté en 1815.
Sources
http://www.estaires.com/histoire/1815
Wikipédia
Le repas sous l'Ancien Régime
Que mange t-on?
Le repas des paysans consiste presque exclusivement en un pain, mélange de seigle et de blé, dont on en consomme 800 grammes par jour et par personne au XVIIIème siècle (500g au XIXème siècle, 150 de nos jours), trempé dans une soupe de légumes cuite lentement dans le pot de terre accroché à la crémaillère. Chacun donc y plonge des morceaux du pain que, traditionnellement, le père de famille rompt au début du repas. Un repas à peine agrémenté par quelques oeufs et, selon les provinces, par une galette de sarrasin, une bouillie de maïs ou une purée de châtaignes. Presque jamais de viande ni de laitages, d'où une carence en graisses dont on aurait grand besoin, surtout l'hiver pour lutter contre le froid. Au dessert, selon la saison, un fruit, des baies, quelques tartines frottées d'ail ou trempées dans du cidre. La chasse et la pêche sont réservées au seigneur, mais certains se risquent à braconner pour ramener un lapin ou du poisson.
le pain est noir pour les plus pauvres (présence dominante de son) et blac pour les plus aisés (utilisation de farine de froment).
Le vin est sur toutes les tables. La teneur en alcool ne dépasse pas 7 à 10 degrés. Le volume consommé est énorme: de un à trois litres par jour et par personne, femmes et moines compris. La bière est attestée dès le XIII°s.
La pomme de terre reste considérée en France comme aliment pour bétail jusqu’en 1772 où la Faculté de médecine de Paris, grâce aux travaux d’Antoine Parmentier, finit par admettre que ce tubercule est sans danger pour l’homme.
Les modes en cuisine
La cuisine du Moyen Age est légère, acidulée et colorée. Les épices étaient utilisées fréquemment non pas pour masquer d'éventuels goûts faisandés mais par un réel engouement pour leurs saveurs (safran, cannelle, gingembre, muscade ...) et ce quel que soit le statut des gourmets (nobles, bourgeois ou paysans).
Les papilles médiévales avaient également une préférence pour l'acide, ce qui impliquait l'emploi de vinaigre, de jus d'agrume et de verjus. Au Moyen Age, le verjus était un fond acide préparé par macération dans des épices, fines herbes, jus de citron, jus de raisin vert, jus d'oranges amères, jus de grenades aigres (surtout utilisé dans les pays méditerranéens), jus de pommes ou de poires acides, jus de fruits sauvages comme les prunelles, les merises, les cornouilles ou l'épine-vinette et l'oseille. Aujourd'hui, le verjus désigne le jus de raisins verts cueillis avant maturité.
Le verjus s'utilise pour l'assaisonnement des salades, le déglaçage des viandes et dans les sauces et marinades, sans altérer le mariage avec les vins
"La plus commune façon de faire le verjus en ce pays est de cueillir les grappes vertes des raisins de treilles, ou raisins non encore mûrs que l'on trouve aux vignes après vendanges faites, puis de les fouler, et en exprimer le jus en pressoir, à la façon des raisins mûrs. Mettez le jus de telles grappes en tonneaux et le saler, incontinent après qu'il aura jeté toute son écume par ébullition, comme le moût." (Charles Estienne et Jean Liébault, L'Agriculture et Maison rustique, 1572, in article de Jean Louis Flandrin).
Les liaisons se faisaient avec des amandes broyées, de la mie de pain, de l'oeuf.
Le boeuf n'était pas présent dans les banquets car c'était quand même leur outil de travail. Le porc était la nourriture du pauvre, les nobles préférant les volailles et les oiseaux de haut vol (cygne, héron).
Les légumes poussant sous ou au ras du sol étaient mal vus et étaient accusés de tous les maux.
La cuisine au XVIIème siècle est caractérisée par un rejet des épices et une préférence pour les herbes aromatiques (persil, thym, romarin, basilic ...), l'abandon des mélanges sucrés salés qu'affectionnait le XVIème siècle avec des sauces douces alliant les épices et les fruits secs, la disparition des saveurs acides. Le beurre et la crème sont fréquemment utilisés et les légumes abondent (artichauts, asperges, concombres, salades ...).
Le café et le chocolat font fureur même si certainsmédecins les considèrent comme toxiques (début des "caffés" dont le plus célèbre est le Procope à Paris en 1686)
La cuisine au XVIIIème siècle : La tomate est arrivée d'Amérique au XVIème siècle sur le vieux continent mais est considérée comme dangereuse car elle ressemblait à la belladone et la mandragore (les puritains d'Amérique la conidèrent trop rouge et fessue donc malhonnête ...). Elle est donc considérée comme plante ornementale. C'est sous la Révolution qu'elle va être appréciée grâce aux soldats venant de Provence. Napoléon s'entichera des tomates farcies.
Carences
Prédominance de glucides, insuffisance de protéines animales = carences en lipides et protides, carences en zinc, vitamines B, C, D, calcium ...
Risques de fatigue, dénutrition, irritabilité, baisse des défenses immunitaires ...
Dans les milieux bourgeois et aristocrates où la viande est en excès, le risque concerne surtout la goutte et l'apoplexie.
Dans la cuisine :
Nos ancêtres ne disposaient pas de pièces spécialisées pour préparer les repas. la cuisine se fait jusqu'au XVIIème siècle dans l'âtre de la cheminée où une marmite y est suspendue. L'apparition d'une cuisine distincte apparaît au cours du XVIII ème siècle.
Toujours au XVIIIème siècle, apparaît dans les grandes demeures ce que l'on appele le "potager", l'ancêtre de la cuisinière : venu d'Italie, il se compose d'un ensemble maçonné de briques recouverts de carreaux de faience avec plusieurs fourneaux.
Potager du chateau de Cormatin :
Comment mange t-on?
Le mobilier se résume à des tréteaux, des planches, des bancs ou encore des sacs de paille. Il faut attendre le XVIIème siècle pour voir apparaître du mobilier fixe avec une lourde table, des tabourets, des fauteuils.
On mange dans une écuelle en bois ou en métal, parfois commune ou encore sur un tailloir (tranche de pain rassis). L'assiette apparaît au XVIème siècle mais son usage reste limité à l'aristocratie. La fourchette apparaît au XVème siècle et ne compte que deux dents : elle sert à découper de la viande et à sortir la nourriture des plats; Il faut attendre le XVIIIème siècle pour que son usage se répande et ressemble à celle que nous connaissons.
La cuillère et le couteau était commune (on n'en plaçait que 2 ou 3 par table). Le verre est un objet de luxe. on se sert plutôt de gobelets de terre puis d'étain.
Les objets en faïence se développent au XVIIème siècle.
Une fois à table, le chef de famille se sert en premier après avoir fait le bénédicité puis les convives puisent avec leurs mains dans les plats, mangent avec leurs doigts sur le tranchoir qu'ils partagent avec leur voisin de tabl, saucent leur pai dans les saucières communes, s'essuient les mains avec la nappe et boivent à même la coupe qui circule autour de la table.
Ce sera au cours du XVIIème siècle que les usages changeront puisque chacun aura son assiette, son verre, son couteau, sa cuillère et sa fourchette .
Dans la haute société, le service est à la française c'est à dire que tous les plats sont posés sur la table au même moment. Au XIXème siècle, le service à la russe arrive en France grâce au Prince Kourakine, ambassadeur de Russie en France : les plats sont maintenant présentés au fur et à mesure aux convives.
à voir également : l'alimentation de 1850 à la 1ère guerre mondiale
sources
http://vivre-au-moyen-age.over-blog.com/article-12044673.html
http://www.cavesa.ch/definition/verjus,4871.html
http://www.oldcook.com/medieval-epices
Les excellents livres de Michelle Barrière (Souper mortel aux étuves, Meutre à la pomme d'or, Natures mortes au vatican, Meutre au potager du Roy, Les soupers assasins du régent)
Les épidémies et autres calamités (4)
LA GRANDE FAMINE DE 1693-1694
En 1692, la récolte est médiocre et est suivie à l'automne de pluies diluviennes qui détruisent les semailles et provoquent, en juillet 1693, une moisson désastreuse.
Puis l'hiver 1693/1694 s'avère rude et le printemps trop sec.« La misère et la pauvreté sont au-delà de ce que vous pouvez imaginer, écrit le lieutenant général en Normandie. Dans le pays de Caux, une infinité de peuple meurt fréquemment de faim. Il est à craindre que le peuple, qui ne mange que des herbes, ne coupe et ruine tous les blés avant qu'ils ne soient mûris. » Des spéculateurs accaparent le grain, de sorte que son prix va jusqu'à quintupler
→ En 1693-1694, le froid et la famine sévissent sur le royaume : on compte de 1,6 million à 2 millions de victimes . « Pour la première fois depuis plus de 30 ans, on revit le pain de fougère, le pain de gland, les moissons coupées en vert et les herbes bouillies ».
Pour faire face à la famine, le Parlement ordonne aux curés la rédaction d’un état des pauvres dans chaque paroisse et la prise en charge des miséreux par tous ceux qui peuvent le faire (séries GG des AM et H des AD).
En mai 1694, le setier de blé atteint le prix record de 52 livres. Le même mois, le Parlement ordonne trois jours de procession dans toutes les paroisses.
Les conséquences à partir de 1694 :
- accroissement de la mobilité,
- chute brutale des baptêmes avant une forte et rapide récupération de 1695 à 1707,
- mariages retardés,
- hausse des abandons d’enfants et multiplications des décès... parfois 25 % de la population d’une paroisse.
→ Selon Marcel Lachiver, « En deux ans, il ne naît que 1 325 000 enfants, alors qu’il est mort 2 836 000 personnes. Le déficit dépasse les 1 511 000 âmes. En deux ans, (...) la population de la France passe de 22 247 000 habitants à 20 736 000 et diminue donc de 6,8 % ».
François Lebrun ajoute : « Le rapprochement avec les pertes de la Première Guerre mondiale n’a rien d’incongru : la crise de 1693-1694 a fait en deux ans presque autant de morts que celle-ci, mais dans une France deux fois moins peuplée et en deux ans au lieu de quatre ». Les condamnations aux galères pour vol passent de 254 à 401 en 1693-1694.
La famine
Il n'y a plus rien à manger. Quand toutes les céréales sont épuisées - le froment, le seigle, l'avoine après le blé -, es pauvres se trouvent réduits à recueillir les glands ou les fougères pour en faire une sorte de pain. Ces «méchantes herbes» achèvent de ruiner la santé des malheureux, qui enflent après y avoir eu recours. Les orties, les coquilles de noix, les troncs de chou, les pépins de raisin moulus n'ont pas meilleur effet. Les curés, qui nous renseignent sur ces tristes expédients, parlent aussi des bêtes, ( qu'on ne nourrit plus et qui meurent avant les hommes : les charognes de chiens, de chevaux et «autres animaux crevés» sont consommées en dépit de leur état de pourriture des sources indirectes mentionnent des cas de suicides et d'autres, plus rares, d'anthropophagie.
Durant l'hiver 1693, l'Hôtel-Dieu de Paris voit chaque jour mourir de faim plusieurs centaines de personnes. D'autres, faute de lit, périssent en pleine rue. La Reynie, lieutenant général de la police, tente de prévenir d'éventuelles émeutes en faisant construire une trentaine de grands fours dans la cour du Louvre pour y cuire chaque jour 100 000 rations de pain vendues deux sous la livre. La vente s'effectue en cinq endroits : le Louvre, la place des Tuileries, la Bastille, le Luxembourg et rue d'Enfer
On ne s'étonnera pas que Charles Perrault ait conté en 1697, dans Le Petit Poucet, la triste histoire d'un couple de pauvres bûcherons qui, ne pouvant plus nourrir ses sept enfants, va les perdre dans la forêt. En deux ans (1693 et 1694), le royaume voit son nombre d'habitants diminuer de 1 500 000 personnes, soit 6,8 % de la population.
En 1694, Fénelon dans sa Lettre à Louis XIV, critique la politique royale et expose la situation du pays : « (...) vos peuples (...) meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée, les villes et les campagnes se dépeuplent ; tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers ; tout commerce est anéanti (...). La France entière n’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provision ».
« On n’entendait que des cris lugubres de pauvres enfants abandonnés par leurs parents, qui criaient jour et nuit qu’on leur donnât du pain. On ne voyait que des visages pâles et défigurés. Plusieurs tombaient en défaillance dans les rues et dans les places publiques et quelques-uns expiraient sur le pavé. » Témoignage d’un bourgeois d’Orléans en 1693
Quelques annotations sur des actes paroissiaux:
Commune de Joux (69) -14 mai 1694
"petit garçon mendiant qu on a trouve mort dans un chemin ce qui arrive tous les jours en plusieurs endroits a cause de la famine et de la disette "
Commune de Joux
Dans cette longue mention, le curé Combes de la paroisse de Joux rend les hommes responsables de cette famine, par leurs péchés et leurs excès : "les causes de cette disette ne peuvent estre autres que les pechés des hommes, leurs excès et autres debordements dans les temps de prosperité et d'abondance qui ont irrité la colere de Dieu et ont attiré ces fleaux "
Le contexte politique aggrave cette situation avec "une guerre universelle de tous les princes de lheurope contre la france qui a deja dure cinq ou six ans (...) les impots excessifs sur toutes sortes de choses, destats, de conditions et de mestiers"
Sur la commune de Dehault (72) , a été trouvée "le corps d'une fille à nous inconnue agée de douze à treize ans morte de faim dans une raye dans un champ" .
Dans beaucoup de provinces, les épidémies succèdent à la famine, la chaleur accélérant la putréfaction des milliers de cadavres : la typhoïde, appelée fièvres putrides ou malignes et qui se propage par l'eau et les aliments souillés, décime la population sous-alimentée.
sources
http://www.alertes-meteo.com/catastrophe/annees-de-misere-age-glaciaire.htm
Les épidémies et diverses autres calamités (3)
HIVER 1783
Tout commença en Islande : «Sur une distance de 25 km, on trouve 130 cratères qui émirent 14 milliards de m3 de lave basaltique, d'acide fluorhydrique et de dioxyde de soufre, entre 1783 1784, causant l'éruption volcanique la plus importante des temps historiques, avec des conséquences catastrophiques pour l'Islande et des très importantes perturbations météorologiques en Europe.»
L’éruption commença le 8 juin 1783. Les cendres recouvrirent l’île, et de 50% à 80% des animaux d’élevages moururent. La famine qui suivit décima environ 20% de la population islandaise.
En été 1783, un anticyclone puissant et centré durablement sur le nord de l'Atlantique envoya les fumées vers le reste de l’Europe, comme ces jours. Il faut savoir que l’«on estime que 122 millions de tonnes de dioxyde de soufre furent émis dans l'atmosphère, l'équivalent de trois fois les émissions industrielles annuelles en Europe et l'équivalent d'une éruption comme celle du Mont Pinatubo en 1991 tous les 3 jours. L'émission de dioxyde de soufre coïncidant avec des conditions climatiques inhabituelles provoqua un épais brouillard sulfuré qui se répandit à travers l'Europe occidentale, provoquant des milliers de morts durant 1783 et l'hiver 1784.»
Un nuage de poussière recouvrit les 2/3 de la France et se déposa en partie au sol.
Les années qui ont suivi l'éruption du Laki en 1783 furent marquées par des phénomènes météo extrêmes, dont des sécheresses et des hivers très rigoureux, puisqu’on disait que le pain et la viande gelaient sur la table de la cuisine et les corbeaux en plein vol. On vit un accentuation du petit âge glaciaire. La ligne de grain orageux qui traversa la France du sud au nord, en été 1788, détruisit presque toutes les récoltes du pays.
Ces modifications climatiques et le volcan Laki ne sont peut-être pas seuls en cause dans la genèse de la Révolution de 1789, mais les historiens admettent que leur influence fut considérable dans les événements politiques qui mirent fin à la royauté
C'est surtout dans le Nord de la France que cet hiver fit sentir ses rigueurs depuis ledébut de novembre jusqu'en avril, et la neige y tomba avec une telle abondance entre le 26 décembre et le 17 février que la circulation fut fréquemment interrompue. Le 30 décembre 1783, le minimum thermométrique à Paris s'abaissa jusqu'à -19.1° et dans la capitale on enregistra 69 jours de gelée consécutifs. La terre fut gelée jusqu'à 65 cm de profondeur.
Commune d'Ochiaz (Ain)
" Cette même année , un brouillard continuel a régné tout
l'été de façon qu'on regardoit aisément et sans être ébloui
le soleil qui paroissoit rouge et d'une circonférence une
fois plus grande . Le peuple s'en effrayoit . On a éprouvé dans
la même année des maladies épidémiques dans bien des endroits
et surtout dans les pays de gex et bresse . On n'avoit jamais
entendu tant et de si furieux tonnerres et on ne se rappelle
pas d'époque où il eut tué tant de monde et causé d'autres
fléaux que dans cette même année
HIVER 1788
L'Europe entière subit les rigueurs de ce remarquable hiver, principalement de la fin de novembre 1788 à la mi-janvier 1789. A Paris, où la Seine resta gelée du 26 novembre au 20 janvier, on compta cinquante six jours de gelée consécutifs avec un minimum absolu de -21.8° le 31 décembre 1788.
Le Rhône fut pris à Lyon, la Garonne à Toulouse, de même que le Rhin, la Tamise et le lac Léman. La masse des glaces intercepta les communictions entre Calais et Douvres et les navires se trouvèrent bloqués dans les ports de la Manche : on traversait à pied et à cheval le port d'Ostende.
A Marseille, les bords du bassin étaient couverts de glace. Au moment du dégel, les blés apparurent très verts et très propres, car la neige qui avait été très abondante les avait protégés et les mauvaises herbes s'étaient trouvées en grande partie détruites. .
sources
Gennpdc
Les épidémies et diverses autres calamités (2)
HIVER 1709
"Le lundi 7 janvier 1709, lit-on dans une chronique de l'époque, commença une gelée qui fut ce jour-là la plus rude et la plus difficile à souffrir : elle dura jusqu'au 3 ou 4 février. Pendant ce temps là, il vint de la neige d'environ un demi-pied de haut : cette neige était fort fine et se fondait difficilement. Quelques jours après qu'elle fût tombée, il fit un vent fort froid d'entre bise et galerne (c'est-à-dire d'entre N et NW) qui la ramassa sur les lieux bas, ils découvrirent les blés qui gelèrent presque tous".
Les céréales manquèrent, en effet, dans la plus grande partie de la France, et il n'y eu guère qu'en Normandie, dans le Perche et sur les côtes de Bretagne qu'on pût juste récolter la quantité de grain nécessaire pour assurer les semences ; aussi dans la région parisienne le prix du pain atteignit-il, en juin 1709, 35 sous les neuf livres au lieu de 7 sous, prix ordinaire. De nombreux arbres furent gelés jusqu'à l'aubier, et la vigne disparut de plusieurs régions de la France. Du 10 au 21 janvier, la température sous abri se maintint à Paris aux environs de -20°, avec des minima absolus de -23.1° les 13 et 14 janvier ; le 11, le thermomètre s'abaissa jusqu'à -16.1° à Montpellier et -17.5° à Marseille.
→ Les prix grimpèrent en flèche (multiplication par 4 entre janvier et juillet 1709) ce qui entraîna une grave crise frumentaire. Conséquences de nombreuses épidémies (notamment la fièvre typhoïde) sévirent provoquant une surmortalité importante.
→ La France subira ainsi une crise démographique sans pareil puisque l'on constate qu'entre le premier janvier 1709 et le premier janvier 1711, la population diminua de 810.000 habitants sur une population globale de 22 millions de Français! Sur ces 810 000 morts, "seulement" 200 à 300 000 moururent de la faim ou du froid.
L'hiver de 1709 fit ressentir ses effet sur une grande partie de l'Europe. L'Ebre, la Garonne, le Rhône et la Meuse gelés, mais la Seine resta libre ; au début d'avril, la Baltique était encore couverte de glaces. Aux dires de Réaumur et de Lavoisier, on n'avait jamais encore observé en France de froids aussi rigoureux que ceux de 1709.
Toutefois la crise démographique ne toucha pas le royaume de France de la même manière : elle frappa durement surtout le nord et l'est du pays.
Au château de Versailles, Louis XIV se voyait contraint d'attendre que son vin daigne bien dégeler près du feu, ce dernier se figeant rien qu'en traversant une antichambre ! Les oiseaux tombaient en plein vol, les animaux succombaient de froid au sein des étables et le prix du blé ne cessait de grimper. Il valait huit fois plus cher que l'année précédente.
Saint-Simon constatait lui aussi :
" un faux dégel fondit les neiges ... ; il fut suivi d'un subit renouvellement de gelée aussi forte que la précédente, trois semaines durant. La violence fut telle que l'eau de la reine de Hongrie, les élixirs les plus forts et les liqueurs les plus spiritueuses cassèrent leurs bouteilles dans les armoires de chambres à feu et environnées de tuyaux de cheminées, dans plusieurs appartements du château de Versailles ..."
«Un vertueux ecclésiastique, qui a voulu être témoin oculaire de ce qu’on disait, écrit de Blois, du 5 mai, qu’il a trouvé, en passant par Étampes et par Angerville, quatre cents pauvres; que la forêt d’Orléans en est pleine; qu’à Orléans même il se trouva accablé de plus de deux mille, que les portes de son hôtellerie furent enfoncées, les murailles escaladées, quelques-uns blessés, pour avoir quelque morceau de pain qu’il faisait distribuer; qu’à la Chalerie il fut investi de plus de deux cents, à à Meun de plus de cinq cents, lesquels étaient tous languissants, comme à l’agonie, et à Beaugency de même; qu’à Blois il en trouva un dans la rue qui tirait la langue d’un demi-pied de long et qui expirait de faim; qu’à Onzain il prêcha à quatre ou cinq cents squelettes, des gens qui, ne mangeant plus que des chardons crus, des limaces, des charognes et autres ordures, sont plus semblables à des morts qu’à des vivants; que la misère passe tout ce que l’on en écrit, et que sans un prompt remède il faut qu’il meure dans cette province seule vingt mille pauvres.»
Le curé de Colombier en Bryonnais (Saône et Loire) écrit en 1709 :
"Dans l'année 1709 le fort de l'hyvert se prit la veille des roys par une rigoureuse bize et par une forte gelée qui dura le reste du mois et davantage. Le froid fut si terrible et si cruel que les noyers, cerisiers, chataigniers et quantité d'autres arbres moururent : mais le plus grand mal fut que les froments et les seigles gelèrent en terre et se perdirent entièrement. Ce qui causa une chère année qui n'a guère eue de semblables car la famine fut si grande que l'on fut contraint de manger pendant longtemps du pain de fougère et de gland et que la cinquième partie du peuple mourut de faim, surtout les petits enfants. enfin l'on ne peut se ressouvenir d'un si triste temps que les cheveux n'en hérissent surtout quand l'on se remet devant les yeux comme la faim avait défiguré le visage des pauvres qui étaient hideux et épouvantables à voir, qui jetaient sans cesse des cris dignes de compassion et qui tombaient souvent morts par les chemins. Dans la paroisse de Collombier qui est de 200 communiants tout au plus, on y fit depuis Pâques (31 mars) jusqu'à la Saint Martin (11 novembre) 72 enterrements, les deux tiers de petits enfants".
Dans le nord de la France :
"L'hiver fut long et le froid si pénétrant que de temps immémorial on n'en avait point vu de pareil. Il commença le jour de l'épiphanie le 6 janvier et durant 17 jours, le vent est si fort et le froid qu'à peine on pouvait demeurer dehors, un grand nombre de personnes furent incommodées, les uns ayant une partie des pieds et d'autres les doigts des mains gelés, particulièrement chez les marchands qui étaient obligés d'aller par les chemins, ou l'on trouva en beaucoup d'endroits des personnes mortes du froid.
Les arbres des campagnes souffrirent beaucoup, la grande partie des chênes, même les plus gros, se fendirent de haut en bas, se faisait entendre de fort loin dans les bois, la moitié des arbres fruitiers périt, toute la nature fut entièrement gelée. Les sangliers et les loups ne purent s'en garantir, il en mourut beaucoup. Les suites furent funestes car au dégel, presque tout le monde se trouva attaqué d'un rhume qui commençait par un débord dans la tête avec de grandes douleurs et ensuite, tombait sur la poitrine souvent avec une douleur de côté et cette maladie fut générale."
Le Curé Boutoille, qui exerçait son ministère à Maninghem-au-Mont (62), écrivait :
"La veille des Rois vers les dix heures du soir on vit une gelée si âpre que le village, tout sale qu'il fût, portait gens, bêtes et chariots, et cette gelée dura jusqu'au 2 avril ... neige et gelée causèrent bien des désordres, premièrement la mort des gens et bêtes le long des chemins, la perte générale de tous les grains d'hiver, le retardement des labours de mars ...
Les arbres comme pruniers, couronniers, poiriers, noyers et plusieurs pommiers sont morts ... Les plus riches ont été réduits à manger du pain mêlé d'avoine "baillard", "bisaille" ... et les pauvres du pain d'avoine dont les chiens n'auraient jamais voulu manger le temps passé ; aussi les peuples sont morts en si grande quantité de flux de sang et de mort subite qu'à tous côtés on parlait de morts".
Description détaillée par le curé François Delaporte de la paroisse de Humbert (62) : " L'hiver qui comença à la St-André de l'année 1708 et qui finit au mois d'avril 1709 a causé toutes les disgrâces qui sont cy après exprimées, il a été si rude que de mémoire d'homes on ait jamais eu de pareil.
La gelée a esté si forte qu'elle glacait tout ce qui était liquide jusque dans les caves et même dans les fours.
Quantité d'arbres et autres plantes ont péris par le vigeur du froid telle que pomiers, poiriers et autres arbres fruitiers come noyers et vignes mêmes jusqu'au houx et buys qui sont les bois les plus durs de ce pays; mais ce qui a le plus désolé le peuple est que la grande quantité de neige qu'il a tombé partout à quatre reprises poussé par les vents de midy couvroit les campagnes et remplissait les vallées en telle abondances qu'il était moralement impossible de marcher à pied et encore moins à cheval.
Ces neiges et gelées furent suivies d'une pluie abondantes qui dura tout le long du mois d'avril, après lesquelles on s'est apperçu de ruissellement dans tout le pays que les blés et autres grains d'hiver étaient générallement péris, ce qui a causé une telle chereté de grains que le blé a vallu dans le mois de maye 1709 quarante livres le septier mesures de Montreuil; le soucrion a vallu trente sols le boisseau; la paumelle quatre livres le boisseau, le blé sarazin ou "bocquager" quatre livres quinze sols aussi le boisseau de Monteuil, l'avoine a vallu une pistole ou dix livres le septier, et on a été obligé de rassemencer toutes les terres où on avait semé du blè l'après août précédent; Il paraît à présent que les "bas" grains furent en abondances, ils la promettent par les pluies fréquentes qui arrosent les campagnes.
Voilà une partie des misères qui nous accablent et qui causent une famine très grande dans les terres que j'aye la main à la plume pour les descrire et affin de les laisser lire à ceux que Dieu envoyra après nous au gouvernement de cette paroisse d'Humbert ou à ceux qui les liront afin qu'ils puissent par la connaissance qu'ils auront par ce moyen prendre leurs mesures en pareil accident que celuy qui nous réduit dans la misère si grande que celle que nous ne pouvons empêcher de voir souffrir à la plus "saine"partie du peuple que la providence a comis à nos soins étant hors d'état de les secourir par la suitte.
Si Dieu par un effet de sa main toute puissante n'arrête le cour de ces calamité par la récolte des bons grains que nous espérons qu-elle nous donera et dont nous serons heureux de pouvoir user au lieu de blez dont il n'est nullement question d'attendre de faire récolte car je donerais sans exagérer le produit de mes dixmes qui année pour autres me fournissait quatorze cent de grains d'hyver pour dix gerbes cette année
Icy tout ce que dessus n'excède en rien les bornes de la vérité les choses étant ainsi quelle sont exprimé et c'est en foy de tout ce que dessus que j'ai signé le jourd'huy septième jour du mois de juin l'année mil sept cent noeuf."
Le curé de Marcq en Baroeul (59) écrit :
"Cet hyver dura 3 mois, d'une force incroyable, entremêlés de dégels qui ne duraient que quelques heures, de neige que le vent chassait dans les endroits les plus bas de sorte que tous les blés généralement furent genés ... A Dunkerque, la mer aussi est gelée".
Chronologie
- 6 janvier : Début de la vague de froid qui touche l'Europe et particulièrement la France. C'est le début du « Grand Hiver » de 1709. La Seine gèle. Les intempéries rendent le ravitaillement de Paris impossible pendant trois mois.
- 13 janvier : Température record à Paris avec -23.1°C.
- 20 janvier : Dixième jour consécutif où la température est inférieure à -10°C à Paris. Record jamais battu. Record de -26°C à Paris. 24 000 morts de froid à Paris durant le mois de janvier.
- 15 mars : Début de la spectaculaire débâcle de la Seine générant une importante inondation rendant encore impossible le ravitaillement de Paris.
- fin mars : Dégel après le « Grand Hiver » qui laisse plus d'un million de morts en France. Presque tous les cours d'eau français ont gelé et même l'océan Atlantique fut pris par le gel le long des côtes françaises! Nombreuses « émeutes de la faim ». Point culminant de l'impopularité de Louis XIV en France.
- 5 avril : Bloqué par les rigueurs de l'hiver, Paris est approvisionné pour la première fois depuis trois mois.
- 12 juin : Appel de Louis XIV au peuple qui est lu dans toutes les églises du royaume. L'appel est entendu et l'effort de guerre est maintenu malgré l'urgence de la disette.
- 20 août : Emeute de la faim à Paris. La troupe fait feu sur la foule et la ville est mise en état de siège.
- Révoltes dans le Jura
Famine
Tous les cours d’eau étant gelés, les moulins s’arrêtèrent de tourner et la farine vint à manquer. Le prix des céréales doubla du 1er février au 14 avril ; le pain de neuf livres passa de 8 sous à 23 sous, soit trois fois plus ; le 15 juin, il était à 35 sous. D’une façon générale, tous les prix indiqués dans les diverses chroniques ugmentèrent du double au quintuple.
La famine fut si grande qu'au mois d'avril il parut un arrêt du conseil qui ordonnait à tous les citoyens sans distinction, ainsi qu'aux communautés, de déclarer exactement leurs approvisionnements en grains et denrées sous peine de galères et même de mort.
Autres conséquences de la famine :
- un afflux massif des pauvres vers les villes. Un arrêt du Parlement de Paris le 19/04/1709, vite imité par les parlements de Paris, ordonne que les mendiants sortent des villes à bref délai pour retourner dans leur paroisse d'origine sous peine de 8 jours de prison et du carcan pour les hommes (3 ans de galère en cas de réécidive), du fouet et du carcan pour les femmes non enceintes et les garçons valides de moins de 12 ans. Les estropiés et les incurabls devaient être enfermés dans l'hôpital le plus proche.
- Les secours sont organisés pour subvenir aux besoins des mendiants revenus dans leur pays natal. Notables et curés établirent la liste des pauvres et des la liste des contribuables capables de payer une contribution déterminée en fonction de leurs biens, contribution qui servirait notamment à acheter du blé. Ceux qui ne voulaient pas payer virent leurs biens saisis.
Dans certains endroits, on institua la soupe populaire. Un échevin de Paris, Chrestien, raconte comment cela s'organisa
"Nous fîmes faire par de bonnes dames qui s'offrient à cette oeuvre méritoire des soupes et potages avec des pois, des herbes (des légumes) et de bon pain de blé coupé par petits morceaux carrés, le tout bien assaisonné avec un peu de beurre et de graisse pour en faire chaque jour au nombre de 400 à 500 de pleines cuillers à pot, dont on faisait la distribution en nos présences à autant de pauvres hommes, femmes et enfants qui se présentaient sur les mémoires que nous donnèrent les dames de la charité et miséricorde de cette ville. Toutes ces soupes revenaient à 25 ou 30 livres par jour. Elles n'étaient pas suffisantes pour nourrir ces pauvres mais elles les empêchèrent de mourir de faim pendant 8 mois qu'elles furent distribuées jusqu'au temps de la récolte de l'année 1710 qui fut assez prompte et avantageuse".
À cette catastrophe naturelle devait s’ajouter la guerre de succession d’Espagne (1701-1714) qui entraîna un surcroît d’impôts et de taxes. Le 11 septembre 1709, la bataille de Malpaquet contre les coalisés (Anglais-Autrichiens), à elle seule, provoquait dix mille morts supplémentaires. Les populations ne pouvant plus faire face, de nombreuses révoltes éclatèrent un peu partout en France.
- « Votre peuple, Sire, que vous devriez aimer comme vos enfants, et qui vous a toujours été si dévoué, est en train de mourir de faim, écrit Fénelon à Louis XIV. Plutôt que de le saigner à blanc, vous feriez mieux de le nourrir et de le chérir ; la France entière n'est plus qu'un grand hôpital désolé et sans provisions. Vos sujets croient que vous n'avez aucune pitié de leurs souffrances, que vous n'avez d'autre souci que le pouvoir et la gloire. »
Pour info, détail des relevés à Achicourt ( à côté d'Arras)
1708 9 décès
1709 42 décès
1710 103 décès
à Camblain l'Abbé ( à quelques kms à l'ouest d'arras)
1708 5 décès
1709 7 décès
1710 160 décès essentiellement entre juillet et décembre . l'armée de Hollande est venue s'installer dans la région à partir de juillet)
En 1710 le curé de RENESCURE notait sur le registre paroissial en fin d'année:
baptemes 9
mariages 29
sépultures 202
alors qu'en 1708/09 il a noté :
Baptemes 18
Mariages 10
Sepultures 28
à Merville, en 1709: 228 décès alors qu'en 1710 et en 1711 il y en a eu 1330
Ennevelin 1707 à 1711
1707: bapt 45; mar 7; Décès 12
1708: bapt 47; mar 5; Décès 19
1709: bapt 13; mar 1; décès 92
1710: bapt 5; mar 7; décès 21
1711: bapt 29; mar 15; décès 5
sources : généawiki
wikipedia
histoire-genealogie
gennpdc
revue Votre Généalogie n°60
Les épidémies et diverses autres calamités (1)
Quelques catastrophes au début du XVIIème siècle :
1600-1601 - Hiver très rigoureux en Belgique
1602 - Tremblement de terre en Belgique et aux Pays-Bas
1602 - La peste à Enghien
1602 à 1604 - La peste à Lille, Douai, Orchies
1603 - La peste à Bruxelles et Gand
1603 à 1605 - La peste sévit durant 3 ans à Anvers
1604 - 1605 - Epidémie de peste à Saint-Omer et dans le Luxembourg
1606 - Chasse aux sorcières, nombreuses exécutions - Un enfant sur deux est mis à mort
1606 - En mars, ouragan près de Liège
1607 - 1608 Hiver très rigoureux
1609 Guerres - Inondations importantes dans le Tournaisis
1613 Invasion de sauterelles en Belgique
1615 - 1617 Sécheresse, famine, épidémie de peste à Lessines, Ath, Mons et Liège
1617 - 1618 La peste à Anvers, Enghien, Lille, Douai (7000 victimes)
La naissance au fil des siècles ...
Quelques chiffres
Mortalité en couches
le taux de mortalité maternelle représente le nombre de décès liés à la maternité (complication de la grossesse, accouchements et complications)
- 1947/1948 = 85.5 décès pour 100 000 naissances
- 1957/1958 = 56.3 décès pour 100 000 naissances
- 1967/1968 = 30.5 décès pour 100 000 naissances
- 1975/1977 = 16.3 décès pour 100 000 naissances soit 0.163 décès pour 1000 naissances
... contre 1700/1829 = 11.5 décès pour 1000 naissances
Jusque vers 1730, la césarienne est considérée comme un meurtre. Elle est interdite sur les femmes vivantes. On laisse donc mourir la mère puis dans la minute, le foetus ets sorti pour être baptisé vivant.
Après 1730, la césarienne est autorisée mais la mère meurt dans 80% des cas.
À noter toutefois que la césarienne est "au point" au 16ème siècle :
La première opération connue et réussie sur une femme vivante date de l'an 1500. Cette année-là, Jacques Nuffer, un castreur de porcs Suisse qui, voyant sa femme sur le point de mourir en travail, demande aux magistrats la permission de lui fendre le ventre. Il réussit parfaitement son exploit, puisque son épouse eut plusieurs autres enfants par la suite, tandis que son fils vécut 83 ans.
Par ailleurs, à Avignon, en 1581, le Français François Rousset décrit l'intervention de la césarienne dans son traité Enfantement césarien. Il précisait notamment comment il fallait procéder:
- la vidange de la vessie avant l’opération;
- l’incision paramédiane droite ou gauche;
- l’utilisation de deux types de bistouris: l’un rasoir à pointe, l’autre rasoir à bouton «pour ne pas blesser le bébé»;
- pas de suture de l’utérus qui se resserre de lui-même;
- drainage de l’utérus par la mise en place d’un pessaire en cire.
- fermeture de la paroi abdominale
Mais même encore au 19ème siècle, la suture de l’hystérotomie, seule capable de juguler l’hémorragie, est considérée dangereuse se compliquant d’infection et empêchant un bon drainage. Aucun manuel d’obstétrique ne conseille d’administrer aux patientes un calmant ou un narcotique. Les médecins refusent de suturer la paroi de l’utérus, laissant une plaie interne béante par laquelle les écoulements utérins pénètrent directement dans la cavité abdominale. Les femmes succombaient à une hémorragie ou à une septicémie, les médecins passant directement de la salle d’autopsie à la salle d’accouchement
En 1878, un médecin milanais, Edoardo Porro, fait progresser l'intervention en y ajoutant des mesures d'hygiène, soit la désinfection des mains du médecin et le nettoyage des plaies au champagne ou au laudanum. Il pratique également une hystérectomie partielle sur la mère. Ces aménagements engendrent une baisse des mortalités maternelles et fœtales (qui atteignent respectivement 25% et 22%).
Baptême
Le baptême est primordial pour éviter que le bébé erre dans les limbes, plus important même que sa vie.
Mortalité infantile
Elle est de 25% au XVIIIème siècle avant le 1er anniversaire à 20% en 1815 et 3 % en 1913.
Le taux passe à 90% chez les enfants abandonnés ou mis en nourrice.
Voir aussi l'article "l'accouchement .. avant"
Sources
La mortalité maternelle en France au XVIIIè siècle par Jacques Houdaille et Hector Guttierez
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1983_num_38_6_17819