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Articles récents

Jean Marie FONTANET

2 Janvier 2024 , Rédigé par srose

Jean Marie Fontanet est né le 16 janvier 1892 à Frouzins.

Ses parents se nomment Barthélémy Fontanet et Jeanne Durègne, habitant Cugnaux en 1912

Il est cultivateur en 1912 et cantonnier en 1926 et 1937

Il est châtain et ses yeux sont orangé vert. Il a une fossette au menton, une cicatrice au sourcil droit et mesure 1,62m.

Il sait lire et écrire

IL habite Villeneuve Tolosane en 1919.

Il contracte un engagement volontaire de 3 ans en 1913 pour servir dans le 14ème régiment d'infanterie.

Il a 22 ans quand la guerre éclate.

Le 1er septembre 1914 il est caporal.

Il est évacué le 8 septembre 1914 suite à une éventration post opératoire suite à une blessure par balle le 6 septembre. Il en gardera des séquelles par la suite.

Il passe sergent le 30 janvier 2015.

Il sera rappelé le 2 septembre 1939 à 15ème compagnie de renforcement de la poudrerie nationale de Toulouse mais sera renvoyé dans ses foyers le 19 octobre 1939.

Jean Marie FONTANET

Jean Marie FONTANET

RM 1912, n°1783

 

 

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Le pont du Bazacle

31 Décembre 2023 , Rédigé par srose

Le pont du Bazacle

Le nom « bazacle » vient de vadaculum (petit gué) ; il désigne un site sur la Garonne constitué de bancs de marne dure traversant obliquement le fleuve. La faible hauteur des eaux à cet endroit en fait un passage pratique pour les hommes. Ce devait être d’ailleurs le seul point de passage du fleuve avant la construction du pont antique (le 1er pont vieux).

Il faut bien avoir en tête quand on étudie les ponts de Toulouse, les berges, le guet ou la Garonne elle même que la configuration topographique actuelle n'est pas tout à fait la même que celle des siècles passées et que les aménagements effectués par les hommes ont modifié l'ensemble de façon plus ou moins importante (voir à ce sujet l'article de Henri Molet).

 

Le pont du Bazacle

bloc de marne blanche

 

Des fouilles archéologiques ont ainsi permis de prouver l’utilisation du gué comme passage depuis l’âge du bronze.

Manifestement les hommes ont eu à un moment besoin de pérenniser ce passage par la construction d’un pont : Georges Fouet, et Georges Savès, archéologues,  ont effectué trois campagnes de recherches dans les années 70 sur ce site et ont découvert, sur ce gué, à 40 mètres en aval du barrage actuel (reconstruit en 1719 par l’ingénieur  Joseph Abeille à l'origine de la reconstruction du pont de Pigasse) et à 250 mètres en amont du pont des Catalans, des vestiges prouvant l’existence d’un pont sans doute entièrement en bois dans les 1ers temps puis en maçonnerie.

Ils ont étudié un fragment de pile avec éperon, en briques et galets, située à une vingtaine de mètres à l’est de la tour d’angle de l’hospice de la Grave ; la pile mesurait 5 mètres de long et 3 mètres de large, et était haute de 1,80m.

Ils ont trouvé lors de leurs fouilles sur le gué plusieurs milliers de pièces diverses des 13 et 14ème siècles (monnaies, épingles, etc.) qui prouvent l'importance de la circulation sur ce pont.

 

Le pont du Bazacle

Toulouse au 12ème siècle par Pierre Gérard - 

Plan de Toulouse 1080-1208 soit avant la construction du pont du Bazacle qui a eu lieu quelques années après mais on peut voir en bas de la carte la chaussée et le gué du Bazacle, l'emplacement du chateau et des moulins et la porte Vital Carbonnel

 

Le pont du Bazacle a vraisemblablement été construit au début du 13ème siècle, à la suite de la croisade contre les Albigeois. Il était protégé par un château (le château du Bazacle) qui surveillait le gué et les moulins du même nom ainsi que la porte dite « de Vital Carbonnel ». Il ne s’agissait pas d’un point de passage important car assez excentré. Il servait essentiellement à l’usage des moulins d’après Georges Fouet et Georges Savès (L'emplacement réel du pont du Bazacle, dans L'Auta, n° 399, novembre 1973).

 

Le pont du Bazacle

Toulouse, le patrimoine en images - éditions Privat

 

Le 13 septembre 1217, il était non achevé lorsque Raimond VI entra dans Toulouse. En 1218, on enregistre une donation pour son entretien. La Chanson de la croisade albigeoise, traitant des événements de 1219, spécifie d'ailleurs que ce pont était « nouvellement construit » ; le texte énumère en effet les chevaliers qui « an la charga del ponh nau del Bazacle, lo qual asta fact novelaman » (les ponts de Toulouse de Jean Coppolani, p.23).

En 1222, un texte cite « illo loco in quo pons Badaclei est constructus ».

Le pont est mentionné en 1271 et en 1350 ; en 1337 il est réparé de même qu’en 1391. On ne retrouve plus de mention du pont ensuite.

 

Il est à noter qu’en 1613 lors d’une crue de la Garonne qui provoqua la rupture de la chaussée du Bazacle, les vestiges d’un édifice romain apparurent, vraisemblablement un temple. 

Le pont du Bazacle

Deux témoins oculaires de ces vestiges surgis des eaux :

Bertrand de Laroche-Flavin « Recherches sur les antiquités et curiosités de la ville de Thoulouse », 1627, Toulouse. Exemplaire conservé à la B.M. Toulouse, cote res D XVII 499, daté de 1627, mais écrit vers 1618-21. « En cet endroit du moulin du Bazacle, il y a eu au temps passé quelque grand et superbe bâtiment car il se trouve encore dans l’eau de grandes et épaisses murailles et de grandes pièces de marbre et autre pièces élaborées à l’Antique ; y ayant esté trouvée une statue qu’on jugeait être de Pallas ».

 Catel, Mémoires de l’Histoire du Languedoc, 1629, paru en 1633, Toulouse, Colomiez. Pages 123-124: « Temple au Bazacle : …mais je pese qu’il y a plus de raison de dire qu’il estoit tout contre le moulin du Bazacle, et entre l’hospital de la Grave et ledict moulin. Car il y a quelques années que la chaussée du moulin du Bazacle estant quasi du tout rompüe, et par ce moyen la rivière de Garonne estant fort basse du costé du bazacle, on descouvrit dans ladite rivière devers le moulin, des ruines d’un édifice très somptueux, lesquelles ayant esté veües par Souffron, et Bachelier, gens forts ingenieux et sçavans en l’architecture, ils trouvèrent que c’estoient des masures et ruines d’un grand temple, lequel estoit de marbre blanc basty avec telle solidité que les quartiers de marbre estoient liés ensemble avec des lames de fer cramponnées avec du plomb. Dequoy ayant esté adverty je fus aussi tost sur le lieu, et vis partie de ces ruines, entre lesquelles plusieurs batteliers s’occupoient à tirer le plomb qui avoit servy à faire tenir les crampons de fer. Je vis aussi plusieurs grandes pierres de marbre, où estoient entaillés a demy relief de grands personnages vestus à la romaine. Les masures de cet édifice estoient fort grandes, et commme en quarré, tesmoignant que ce temple ou édifice estoit enrichy de colonnes de marbre noir si grandes, quelles avoient trois pieds et demy de diamètre… L’ay appris dudit sieur Souffron que aux corniches desdites colonnes estoient entaillées des hiboux, ce qui donne sujet de croire que c’estoit le temple de Pallas. Ce temple semble avoir esté grandement fréquenté ; car l’on recognoit encores dans la rivière de Garonne des fondements, et vieilles masures de piliers qui estoient sans doute d’un pont pour aller du costé de Sainct Cyprien au susdit temple»

 

Toulouse renferne quantité de vestiges romains en son sein depuis des siècles et les divers vestiges de cette Toulouse romaine furent utilisées depuis le 13ème siècle pour créer notamment la chaussée du Bazacle.

Le pont du Bazacle

Chaussée du Bazacle - collection Trudat (1840-1910)

 

Sources

https://societearcheologiquedumidi.fr/_samf/memoires/t_61/015-034-MOL.pdf

Chanson de la croisade albigeoise : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103147b.image

Les ponts de Toulouse de Jean Coppolani

le pont du bazacle de Henri Paum Eydoux

Autour du Bazacle, la Garonne et les vestiges antiques de Henri Molet

FOUET et G. SAVÈS, « Le gué du ramier du Bazacle », dans L’Auta, août 1971, n° 381, p. 138-145 ; Idem, « Le gué du Bazacle, catalogue sommaire des trouvailles faites avant 1971 », dans L’Auta, janvier 1972, n° 384, p. 8-20 ; Idem, « L’emplacement réel du pont du Bazacle », dans L’Auta, novembre 1972, n° 399, p. 202-207 ; Idem, « Le gué du Bazacle, ses ponts et ses richesses archéologiques », dans L’Auta, mars 1977, n° 426, p. 73-81 ; Idem, « Les premières fouilles du Bazacle au XIXe siècle », dans L’Auta, octobre 1983, n° 489, p. 227-236

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Le pont de Pigasse et l'arche de Tounis

17 Décembre 2023 , Rédigé par srose

Le pont de Pigasse et l'arche de Tounis

Le Pont de Tounis (qui n'a rien à voir avec l'arche de Tounis), reliant l’ancienne île de Tounis à la ville, enjambe la "Garonnette", ancien bras maintenant asséché de la Garonne, et est le plus ancien pont de Toulouse.

Le pont de Pigasse

Plan de Toulouse - Rochefort 1670 - on peut voir comment se situe l'île de Tounis 

 

Mais il a existé un autre pont  plus ancien encore, traversant la Garonnette plus en aval, à l'endroit où la Garonnette débouchait dans la Garonne sous l’actuel quai de Tounis. Plus précisément il partait de la halle aux poissons (aujourd'hui rue de la Descente de la Halle aux Poissons) et arrivait à la pointe nord de l’ile. Il s'agit du pont qui se trouve au n°12 ci dessous :

Le pont de Pigasse

Ile de Tounis avec le Pont Neuf tout à droite

Le n°12 correspond au pont de Pigasse ou pont en fil de fer qui est l'emplacement aujourd'hui de l'arche de Tounis (voir plus bas)

Le pont de Tounis est au n°8

La Garonnette figure au n° 7 (aujourd'hui il s'agit de l'avenue de la Garonnette)

La rue des abattoirs au n°11

La rue des Teinturiers au n°6

 

Jules Chalande (historien né en 1854 à Marseille et mort en 1930 à Toulouse) a retrouvé un texte dans les archives de Toulouse qui atteste de l’existence du pont de Pigasse en 1597.

Il semblerait qu’une crue l’ait détruit en 1608 et qu’il fut reconstruit en bois de chêne en 1612.

Il reprenait le tracé du Pont-Vieux, 1er du nom et fut dénommé Pont de la Halle (la Halle aux poissons était toute proche) ou plus simplement Pont de Bois avant de s'appeler pont de Pigasse pour une raison inconnue.

 

Le pont de Pigasse

Hypothèse de restitution cadastrale en 1680

 

Plusieurs fois réparé, voire entièrement refait (il s’écroule en 1690 et fut reconstruit totalement en 1693 pour 1800 livres), il fut emporté par l’inondation de 1709. Malgré un appel d’offres lancé par les capitouls en 1711 puis en 1720, aucun artisan ne souhaite s’emparer du chantier.

En 1731 l’ingénieur Joseph Abeille (né en 1671 à Vannes et mort en 1756 à Rennes) se lance et reconstruit le pont de bois qui s’effondrera en 1764. (Joseph Abeille a apporté son expertise technique ainsi que des capitaux dans la réparation du moulin du Bazacle et la digue qu’il a construite est toujours celle actuellement utilisée pour produire de l'électricité).

 

Le pont de Pigasse

 

Pont de Bois, dit pont de Pigasse. Plan de construction dressé par l'architecte Souffron, 1612, Ville de Toulouse, Archives municipales, DD213/1 (détail)

 

Pierre Barthès auteur des Heures perdues, ouvrage rédigé à partir de 1737 écrit à ce sujet :

« Le dimanche 8ème de ce mois (juillet), jour de la dizaine de l’île de Tounis où l’affluence du monde qui passe et qui se rend dans l’île après vêpres pour se divertir est très grande, entre 9h et 10h du soir, le pont qu’on appelle de Pigasse et qui va de la Halle aux poissons dans l’île, tomba dans l’eau, rongé de vétusté. La 3ème partie de l’édifice qui aboutit à Tounis vis-à-vis la maison de Dubarry, s’étant affaissée sur les piliers qui n’étaient plus que de bois pourri, n’ayant jamais été réparée, fut entrainé dans la chute. Personne ne se trouvait à passer dans ce moment funeste, ce qui a été regardé comme un bienfait du ciel, après la grande quantité de monde qui avait passé dessus pendant cette journée. »

il fut définitivement démoli en 1767.

 

Par la suite un bac sera utilisé pour que les Tounisiens puissent traverser la Garonnette depuis la pointe nord de l’île.

Pierre Barthès précise dans ses Heures perdues que « pour la commodité des bouchers, des habitants, des blanchers, des pêcheurs qui habitent Tounis, ont établi sans doute avec permission, un passage dans une barque pour la traversée où chacun pour le prix d’un liard, peut se faire passer sans pour remonter au pont de la Dalbade, ce qui allongeait beaucoup ».

Ce bac sera utilisé jusque vers 1829 date à laquelle on construisit au même endroit, un pont suspendu (réservé aux piétons)  appelé par les toulousains le pont de fil de fer, long de 24m et large de 2m ; il a couté 4 295 frs et 99 cts.

Toutefois entre la décision de construire le pont et l’achèvement de celui-ci, les habitants de Tounis ont décidé d’écrire au maire de Toulouse, Joseph Viguerie, le 6 septembre 1830 :

« les habitants de l’île de Tounis ont l’honneur de vous exposer que depuis longtemps un bac placé sur le canal de fuite (la Garonnette) du moulin du Château leur facilitait le passage de l’île au pont, lorsque la construction du pont en fil de fer est venu interrompre le service de ce bac. Par la démolition de l’escalier de la halle (aux poissons) voilà plusieurs mois qu’ils se trouvent privés de ce passage qui leur est si utile, notamment aux bouchers qui sont obligés, chargés d’un lourd fardeau, de faire un long contour. C’est pourquoi Monsieur le maire, ils viennent solliciter de vos bontés, vu l’escalier provisoire établi à la halle, ordonner au fermier dudit bac de continuer son service, jusqu’à ce que le pont soit totalement achevé, et à défaut autoriser momentanément tout autre individu à faire ce service ».

 

Mais ce pont ne dura guère car il fut détruit vers 1854 pour faire place à un nouveau quai construit d’après le projet de l’architecte Urbain Vitry, né en 1802 à Toulouse, mort dans cette ville en 1863.

A la place du pont de Pigasse fut construit dans la maçonnerie du quai de Tounis, l’arche de Tounis pour laisser le passage à la Garonnette dont les eaux permettaient encore le fonctionnement du moulin du Château.

 

Le pont de Pigasse

1ère photo : l'arche de Tounis et les quais avant 1950 (époque où la Garonnette existait encore) - à noter au loin le clocher de la Dalbade qui s'est effondré en 1926 

Seconde photo : l'arche et les quais après 1950 (la Garonnette n'existe plus) et avant 2019, date à laquelle les berges furent rénovées - à noter la buse qui permet l'écoulement de ce qui reste de la Garonnette

Photos tirées du blog : Le Soulier Voyageur http://souliervoyageur.canalblog.com/

 

 

Le pont de Pigasse

L'arche de Tounis et le quai de Tounis après les rénovations de 2018/2019

Photo tirée du blog : Le Soulier Voyageur http://souliervoyageur.canalblog.com/

 

 

Le pont de Pigasse

L'arche de Tounis et sa voûte composée de 9 arcs et au loin le Pont Neuf

 

La largeur de l’arche est de 12 mètres et est composée de 9 arcs en pierres et en briques

Cette arche est aujourd’hui sèche à l’instar du pont de Tounis puisque la Garonnette a été comblée et asséchée dans les années 1950

 

Le pont de Pigasse

 1ère photo : la garonnette et le pont de Tounis  avant 1950

2nde photo : la Garonnette est le ruisseau au milieu de la photo entre les deux espaces de gazon, le pont de Tounis au second plan

Photos tirées du blog : Le Soulier Voyageur http://souliervoyageur.canalblog.com/

 

Le pont de Pigasse

Ce qui reste de la Garonnette aujourd'hui : un ruisseau ; au loin le pont de Tounis

 

 

Sources

Les heures perdues sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k132172x.image

L'île de Tounis de Jean-Marie Arrouy

Les ponts de Toulouse de Jean Coppolani

L’îlot de la rue de la Descente-de-la-Halle-au-Poisson à Toulouse de Yoan Mattalia

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Le 1er pont vieux de Toulouse

4 Décembre 2023 , Rédigé par srose

Le 1er pont vieux de Toulouse

Le premier pont de Toulouse est le Pont Vieux, 1er du nom (il y en aura un autre plus tard). Le Pont Vièlh est à l'origine un ancien pont aqueduc construit au 1er siècle pour franchir le fleuve et pour alimenter Toulouse en eau. La légende attribue sa construction à la reine wisigoth Pédauque d'où son nom au Moyen âge de Pont de la reine Pédauque ou Pont de la Régine. Il ne s'appellera Pont Vieux que lorsque le Pont de la Daurade sera construit au 12ème siècle mais pour plus de commodité ici nous l'appellerons d'ores et déjà Pont Vieux.

il est à noter toutefois que les historiens ont longtemps contesté le fait que l'ancien pont aqueduc corresponde à ce que les textes médiévaux appellent le pont vieux (le 1er du nom). Les avis sont partagés mais il semblerait toutefois au vu des découvertes archéologiques qui ont été faites que l'on puisse imaginer qu'il s'agisse bien du même ouvrage... Affaire à suivre. 

 

Le 1er pont vieux de Toulouse

Reconstitution de la Tolosa antique vers le 5ème siècle où l’on voit l’aqueduc à droite et l’emplacement des sites actuels de Saint Sernin , Saint Etienne et le Capitole ainsi que le Pont Neuf qui bien sûr à l’époque n’existaient pas

 

Voyons un peu comment se présentait le pont aqueduc antique long de près de 9 km : il comprenait deux sections :

- La première est souterraine et va de Monlong à la Cépière en passant sous les immeubles de Bellefontaine (notamment sous l'immeuble Camus), de la Reynerie et du grand Mirail; cette section captait les sources proches et amenait les eaux par un canal souterrain jusqu’à la Cépière où devait se trouver un château d'eau. L'abbé Georges Baccrabère, archéologue et historien toulousain né en 1920, énumère une vingtaine de sources sur ce parcours (dont sept dans le parc du Mirail, cinq dans celui du château de la Réynerie).

- La seconde section, aérienne avec ses 517 arches commençait donc à la Cépière pour virer à 90° plein ouest empruntant le tracé actuel des routes de Saint Simon, de la rue de Cugnaux, où une quinzaine d'arches ont été exhumées au XIXe siècle, et de la rue des Teinturiers, et culminant à 5 mètres au-dessus de l’actuel quartier Saint Cyprien pour rejoindre la Garonne. Le nom de la rue des Arcs Saint Cyprien (Cami dels Arcs) est le souvenir de la présence de l'aqueduc à proximité.

 

Le 1er pont vieux de Toulouse

Dessins de Christian Darles d’après les travaux de Pierre Pisani et de Badie et Gassend

 

Le pont aqueduc traversait ensuite le fleuve environ 200 mètres en amont de l'actuel Pont Neuf, et atteignait la rive droite au niveau de la rue de la Descente de la Halle au Poisson où l'eau était stockée dans un premier réservoir. Puis l'aqueduc, descendant jusqu’au niveau de la chaussée, poursuivait jusqu'à l'actuelle place Rouaix où devait se trouver là aussi un château d'eau. 

 

Le 1er pont vieux de Toulouse

Tracé du pont aqueduc en fonction des traces et vestiges archéologiques retrouvés

 

 

Le 1er pont vieux de Toulouse

Illustration de Philippe Biard donnant une idée de ce qu'était le pont aqueduc en fonction

de sa situation sur le tracé

  

On retrouve les vestiges d'un réservoir à l'emplacement de l'actuelle école Lespinasse près de la place Olivier à Saint -Cyprien (article de la Dépêche du 25/08/2017 ).

Autre vestige de ce pont : une arche de pont est enfouie à 3 mètres de profondeur sous le tronçon nord de la rue de la Descente de la Halle aux Poissons et n'est accessible que par les caves des immeubles voisins. Il semblerait que ce soit aussi les vestiges du premier « pont Vieux » de Toulouse qui aboutissait vraisemblablement dans ce secteur après avoir traversé la pointe de l’ile de Tounis.

 

On peut supposer que le pont adueduc de Toulouse ressemblait à l'aqueduc du Gier près de Lyon, encore debout :

Le 1er pont vieux de Toulouse

 

Bertrand du Puy des Grais, avocat né en 1639, donne déjà à l'époque une description (spartiate) du tracé de l’aqueduc de Monlong à la Garonne :

 

Le 1er pont vieux de Toulouse

Plan reconstitué de Toulouse antique, dans Bernard Dupuy des Grais, "Tolosae antiquae chorographia", 1713, Bibliothèque municipale de Toulouse, Ms. 1254.

 

Ce pont est encore utilisé au 12ème siècle mais sans sa fonction d’aqueduc ; plus précisément il apparaît pour la première fois dans les textes en 1152 ; il est le seul pont à cette époque permettant de franchir la Garonne. Il permet le passage des marchandises et des voyageurs notamment les pèlerins qui vont à Compostelle.

Mais il subit les vicissitudes du temps... En 1258 il est emporté par la Garonne en crue ; en 1281 il s’effondra sous le poids de 200 personnes qui regardaient passer une procession de bateaux : « L’an 1281 et la veille du jour de l’Ascension, une partie du Pont-Vieux s’écroula pendant que la Confrérie des Bateliers de la Dalbade faisait sur la Garonne sa procession accoutumée. Les spectateurs qui s’étaient portés en grand nombre sur ce pont furent entraînés dans sa chute et 200 personnes périrent dans les eaux du fleuve ».

Le 30 mai 1485 le pont est entouré par un "soudain débordement de la Garonne". En 1508 il "croula quasi d'un bout à l'autre". En 1508 et en 1523 des crues emportent une partie de l'ouvrage. En 1524, le tablier en bois est refait.

Il sera remplacé progressivement par le pont de la Daurade construit plus en avant à partir de 1153 et sera abandonné totalement à partir de 1556. Il n'apparaitra plus entier sur les plans de la ville à partir du 17ème siècle.

 

Le 1er pont vieux de Toulouse

Extrait du plan de Toulouse par Albert Jouvin de Rochefort en 1680 montrant en jaune les restes du pont vieil de pédauque

 

 

Le 1er pont vieux de Toulouse

Extrait du plan de Toulouse de 1663 par Nicolas Berey (Musée Paul-Dupuy, inv. 20.6.1) montrant les ruines de l'aqueduc antique. Tirage photographique couleur, 13 x 18 cm. Ville de Toulouse, Archives municipales, 2 Fi 1305 détail.

 

Au 17ème siècle, l’historien toulousain Guillaume Catel donne une description des vestiges du pont vieux (Guillaume Catel, Mémoires de l'histoire du Languedoc, 1633, p. 127-128 et 194-195) :

« L'aqueduc [...] estoit continué jusques dans la ville, passant à travers la riviere de Garone, dans laquelle se treuvent encore les fondemens des piliers de brique qui portoient ledit aqeuduc. Et peut estre estoit il continué dans la riviere par piliers & arceaux à la façon d’un pont, d’où vient qu’il est appellé par le peuple, le Pont de la Regine Pedauque, c’est-à-dire pied d’oye, d’autant qu’il estoit si estroit qu’un homme, ou autre animal n’y pouvoit si commodement passer, qu’une oye. [...] Ce Pont est appellé le Pont Vieil depuis longues années, pour le distinguer de celuy de la Daurade [...]. Ce Pont Vieil estoit de structure romaine ou plustost Gotthique ; car il est fait grossierement, comme l’on peut recognoistre à l’arcade, qui reste encores dans la maison du Sieur Raché, laquelle est bastie de brique, & de pierre fort grossierement. »

 

Le 1er pont vieux de Toulouse

Vestiges du pont de la reine Pédauque à droite du Pont Neuf et vestiges du pont de la Daurade à gauche -

Gravure de 1730

 

Il restait encore fin 19ème siècle deux piles visibles aux basses eaux et qui furent emportées lors de la crue de 1875. 

En 1949, la dernière pile, qui émergeait à une trentaine de mètres de la rive actuelle de la Prairie des Filtres connue comme le « rocher de Carnaval » ou rocher de Callebe, est démoli. Le terme de Callèbe semble désigner le dispositif de bascule en bois qui y était implanté.

Il est possible que l’on y suspendait une cage en fer, la « gabio » (en occitan gàbia qui veut dire cage), utilisée du XVIe au XVIIIe siècle pour le supplice qui consistait à plonger à plusieurs reprises dans le fleuve une personne condamnée pour prostitution ou proxénétisme ou pour blasphème : ceux qui survivaient à la noyade étaient reconnus innocents... Le terme de gabio va donner son nom au port de la Gabio sur l'ile de Tounis, à proximité de la pile en question.

 

 

A noter que la rue du Pont-Vieux dans le quartier Saint Cyprien – nom qu'on lui donne dès le 13ème siècle – rappelle la présence de ce pont qui franchissait la Garonne dans l'axe de cette rue et atteignait la pointe nord de l’île de Tounis pour arriver dans la rue de la Descente de la Halle aux Poissons.

  

Le 1er pont vieux de Toulouse

 Représentation du Pont Vieux en miniature sur la couverture d’un livre des tailles de 1480.

Ville de Toulouse, Archives municipales, CC 164

 

 

Sources

Toulouse au 12ème siècle par Pierre Girard

Les ponts de Toulouse de Jean Coppolani

Evocation du vieux Toulouse de Robert Mesuret

https://aqueduc.jeb-project.net/

https://www.bazarurbain.com/2087/laffaire-de-laqueduc-dit-de-la-reine-pedauque-episode-2/

https://documents.toulouse.fr/AToulouse/atoulouse_mai2022/version_accessible/patrimoine/de-leau-par-dessus-la-garonne.html

https://lavilledetoulouseetsonarchitectureauxepoquesantique.wordpress.com/2017/10/02/toulouse-naissance-dune-ville-porte-nord/

focus sur l'aqueduc gallo romain : https://www.calameo.com/books/006765105182e1cecfb69

Documents des Archives de Toulouse sur le sort réservé aux maquerelles : https://archives.mairie-toulouse.fr/documents/10184/311548/FRAC31555_Bas-Fonds-2016-10.pdf/96cc1376-1603-4ae4-a80d-fc5bfc6b4fca

 

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Old maps online

19 Août 2023 , Rédigé par srose

Un outil très intéressant et très utile : Old maps online 

C'est un moteur de recherche qui propose une multitude de cartes à travers le monde. Il permet d’accéder à plus de 400 000 cartes anciennes et historiques en ligne.

Simple d'utilisation, en anglais mais la recherche est très intuitive.

A découvrir !

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La bataille de Toulouse de 1814

13 Août 2023 , Rédigé par srose

 

Bataille de Toulouse de 1814 - Théodore Jung

 

 

Le contexte de la bataille

Depuis le 18ème siècle une même famille règne sur la France et l'Espagne : les Bourbons. Aussi quand Louis XVI est exécuté le 21 janvier 1793, l'Espagne vient au secours de la famille royale de France et déclare la guerre. Collioure et les rives de la Bidassoa tombent très vite sous les assauts espagnols.

A noter qu'à cette époque l'Angleterre est une alliée de l'Espagne.

En 1794, les Français retournent la situation et s'emparent de Figueras, Bilbao, et Vitoria. L'Espagne négocie la paix et le 18 août 1796 le traité de San Idelfonso matérialise l'alliance franco espagnole contre l'Angleterre.

Par la suite, pour diverses raisons que nous ne développerons pas ici, l'Espagne entreprend de marcher sur le Portugal avec le soutien de Napoléon, celui ci voulant mettre au pas le Portugal pour avoir refusé de participer au blocus contre l'Angleterre : ce sera la guerre des Oranges de 1801.

 

En 1807, rebelote, le Portugal refuse toujours de participer au blocus et Napoléon envoie des troupes pour occuper le pays. Mais pour ce faire il passe par l'Espagne. Or les troupes françaises se conduisent comme des rustres et pillent les villages espagnols, ce qui ne fait qu'attiser la haine de la population à leur égard. En parallèle, Napoléon tente de profiter de la situation politique chaotique de l'Espagne pour s'immiscer dans les affaires du royaume. Et alors que l'armée napoléonienne occupe Madrid, la population se soulève; cette révolte embrase le pays quand le roi d'Espagne abdique sous la pression de Napoléon au profit de son frère Joseph. La rébellion espagnole sera écrasée dans le sang par Murat. Violence que représentera Goya dans sa peinture.

 

Francisco De Goya - Tres de Mayo - 1814

Musée du Prado - Madrid

 

Et c'est ainsi que la guerre d'indépendance espagnole commença. Elle dura 6 ans et fut un désastre pour Napoléon qui l'avoua d'ailleurs à Sainte Hélène : "cette malheureuse guerre d'Espagne a été une véritable plaie, la cause première des malheurs de la France".

Entre temps, le Portugal qui est lui aussi occupé par Napoléon qui ne lui pardonne pas son manque de coopération dans le blocus international, recevait de l'aide de l'Angleterre.

C'est ainsi qu'une coalition Espagne/Portugal/Angleterre va se former contre Napoléon dans cette guerre d'indépendance.

 

L'assaut de la caserne de Monteleon, 1808 - Joaquin Sorolla (1886)

Musée Victor Balaguer, Vilanova, Catalogne

 

En décembre 1809, Napoléon prend le contrôle de la Catalogne qui sera annexée à l'empire le 26 janvier 1812 et le restera jusqu'au 10 mars 1814. Ce territoire sera divisé en 4 départements :

- les Bouches de l'Ebre avec Lleida comme préfecture

- Montserrat avec Barcelone comme préfecture

- Sègre avec Puigcerdà

- Ter avec Gérone

 

Mais les Français vont perdre du terrain et en quelques semaines, de mai à juillet 1813, Joseph Bonaparte et son armée reculent jusqu'aux Pyrénées. Napoléon n'eut d'autre choix que d'accepter par le traité de Valencay le retour de Ferdinand VII dans son royaume.

Début 1814, la Catalogne est reconquise par les Espagnols. La guerre d'Espagne s'achève mais à l'inverse, débute pour les Hispano Britanniques, la campagne de France qui allait amener la chute de Napoléon.

 

Scène de la campagne de France - 19ème siècle - Horace Vernet

 

Et c'est ainsi que l'on se retrouve quelques mois plus tard en ce jour de Pâques, le dimanche 10 avril 1814, à Toulouse ...

 

La bataille de Toulouse 

La bataille s'est déroulée le dimanche 10 avril 1814 de 6h à 21h et opposa les troupes françaises  commandées par le maréchal Soult aux troupes anglo hispano portugaises menées par le duc de Wellington.

L'armée française comptaient à peu près 42 000 hommes contre 52 000 pour les coalisés. Le nombre exact est difficile à déterminer car il varie selon les sources mais ce qui est sûr c'est que les coalisés sont supérieurs en nombre.

A noter que parmi les Français se trouve Louis Joseph Hugo, chef d'état major de la 1ère division d'infanterie de l'armée des Pyrénées, dont le neveu, Victor, n'a alors que 12 ans.

7 956 soldats seront mis hors de combats dans les deux camps (dont 975 morts) à la fin de la journée selon les comptages. 

 

Quelle est la situation de Toulouse en 1814 ?

La ville compte près de 65 000 habitants et constitue la base arrière de l'armée. Elle abrite des casernes, la poudrerie impériale sur l'ile de Tounis, fond depuis 1793 des canons dans l'ancien couvent de Sainte Claire des Salins à l'emplacement de l'actuel Institut catholique, fabrique des armes à l'Arsenal (ancien couvent des Chartreux, rasé en 1960, il ne reste que les vestiges du cloître aujourd'hui) depuis 1792 et organise le ravitaillement des troupes depuis le Lauragais et le piémont ariégeois.

 

Elle est entourée d'un rempart médiéval en piteux état, avec tours et portes fortifiées et s'étend sur la rive droite à l'intérieur des actuels boulevards, sur la rive gauche à l'intérieur des allées Charles de Fitte; des embryons de faubourgs à Guilheméry, aux Minimes, et à la Patte d'Oie complètent la physionomie de la ville.

 

Toulouse en 1870 mais cela permet de situer les différents sites, quartiers, faubourgs de la ville

A consulter avec zoom sur ce lien : https://www.visites-p.net/ville-histoire/toulouse-01.html#b

 

En 1814, les remparts ne sont plus que l'ombre d'eux mêmes : mal entretenus, crevassés, envahis par des constructions civiles : l'enceinte de Saint Cyprien par exemple "ne consiste plus guère qu'en un mur d'octroi percé de deux grilles, l'une à la barrière de la patte d'oie, l'autre à l'extrémité du Cours Dillon".

Une partie des remparts a qui plus est été détruit pour laisser place au boulevard Saint Cyprien de la place du Fer à cheval à la place Roguet et à l'allée de Garonne de la place Roguet au pont des Amidonniers.

Les fossés étaient en partie comblés, et des maisons avaient été adossées aux murailles; d'autres, bâties sur le terrain de l'ancienne contre-escarpe masquaient près de la moitié de l'enceinte, qui conservait néanmoins un terre-plein, ou terrassement, trèslarge , de la Porte du Bazacle, ou de Saint-Pierre, jusqu'à la Porte de Las-Croses, et de celle d'ArnaudBernard jusqu'à la Porte-Neuve.

Toulouse c'est aussi de l'eau : en plus du fleuve, elle est entourée de rivières et de ruisseaux : le Touch, l'Hers, la Save, la Louge, la Lèze, l'Hyse, l'Aussonnelle, la Sauve, le Girou, la Sausse, la Pichounelle, la Marcaissonne, la Seillonne plus le Canal du Midi et le canal de Brienne.

 

Carte de Toulouse en 1815 par Vitry à consulter sur :

https://www.archives.toulouse.fr/documents/10184/405363/20Fi13.jpg/0e37e64c-db58-4cf6-ad17-2725221a1d04?t=1535095546234

 

Quant à la population toulousaine, elle est a priori plus royaliste que partisane de l'empereur et souffre du blocus continental; par ailleurs elle commence à connaitre les atrocités commises par les Français en Espagne et de ce fait ne montre guère de motivation à venir en aide aux troupes françaises.

 

Les magasins sont fermés, les affaires commerciales, l'activité des administrations et des tribunaux sont suspendues. Les plus riches propriétaires de la ville sont partis. Les rues vont bientôt être encombrées par les voitures d'artillerie sortant de l'Arsenal, les fantassins, les cavaliers

 

Toulouse en 1839

Il s'agit de la plus vieille photo de Toulouse ; elle date de 1839 : un daguerréotype de l'opticien Antoine Bianchi (il avait ouvert un magasin rue de la Pomme) pris en haut du clocher des Jacobins : on voit le Capitole au 1er plan et derrière, la colline de Jolimont telle qu'elle était en 1814 c'est à dire sans habitations ainsi que le cimetière de Terre-Cabade.

On voit en haut à gauche l'obélisque de Jolimont qui a été érigé le 28 juillet 1839 pour commémorer la bataille de Toulouse. C'est en effet à cet endroit notamment (appelé le Calvinet ou Mont Chauve) que s'est déroulée une partie de la bataille. La gare ne s'y trouve pas car elle ne fut inaugurée qu'en 1857avec la mise en service du tronçon ferroviaire Bordeaux Sète.

 

 

Les différentes portes de Toulouse

 

Situation de l'armée française et travaux de défense sur Toulouse

Le 22 mars 1814 l'armée quitte Saint Gaudens et arrive le soir à Martres. Le 23 elle bivouaque dans la plaine de Noé; le 24 elle prend une position semi circulaire en avant de Toulouse, entre les Minimes et Montaudran et entre les allées Charles de Fitte et la Patte d'oie.  Malgré la pluie, "les différents mouvements de troupes avaient pour spectateurs plusieurs milliers d'habitants accourus sur les boulevards à la rencontre de l'armée".

"Les Toulousains paraissaient saisis de respect et de recueillement à la vue de ces vieux débris des armées d'Espagne et du Portugal auxquels la fatigue de la campagne et la marche pénible du matin, au milieu de la pluie qui dégoutaient encore des armes et des vêtements n'ôtaient rien de leur mâle assurance".

Soult décide de préparer la ville au siège   

 

Ses officiers du Génie mettent en oeuvre la défense de la ville sur les deux rives de la Garonne reliées par le seul pont de Toulouse à l'époque, le Pont neuf.

 

Des maisons furent utilisées pour y construire des plates formes ou y percer des embrasures destinées au tir de l'artillerie ou pour construire des redoutes, sortes de fortin destiné à l'artillerie notamment.

 

Ils entourèrent par exemple d'une enceinte fortifiée les fermes Aurole et Chastel au nord et au sud de le chemin de Cugnaux : ce furent les redoutes Aurole et Chastel équipée chacune de 6 pièces d'artillerie.

 

Idem pour la maison Rodolose qui s'élevait près de la route de Bayonne à 700m en avant de la Patte d'oie : elle fut entourée d'une redoute rectangulaire armée de deux pièces.

 

Près de la caserne Pérignon, deux maisons surplombant la route de Castres (la maison Sacarin et la maison Cambon laquelle se trouvait à l'emplacement de l'actuel Caousou) furent entourées chacune d'une redoute terrassée.

 

Voici quelques unes des redoutes que l'on pouvait trouver le 10 avril à Toulouse : la redoute Caraman sur le plateau de Montaudran entre la route de Caraman (ou de Castres) et le vieux chemin de Lasbordes, la redoute de la Sipière (qui n'a rien à voir avec la Cépière) à 500 mètres au sud est de la précédente, la redoute du nord et celle des Augustins sur le Calvinet, la redoute du Colombier près du chemin de la Gloire près de la route de Soupetard.

Exemple de redoute (1900, redoute des Mattes près de Narbonne)

 

Exemple de redoute adossée à une habitation : redoute de St Pierre près de Narbonne en 1900

 

La porte Matabiau fut défendue par deux canons de 24 et deux mortiers de 32 cm.

Entre les portes St Etienne et St Michel, on mit deux pièces pointées sur Montaudran.

Au Pont des Demoiselles furent construits deux bastions et une courtine qui barrait la route de Revel.

Le couvent des Récollets et la chapelle furent fortifiés en crénelant les murs, en barricadant les fenêtres et en cerclant le tout d'un fossé.

 

Le livre de H. Geschwind et F. De Gélis détaille de façon très précise les travaux effectués afin de défendre la ville.

 

Ces travaux gigantesques réalisés en quelques jours (entre le 24 mars et le 9 avrril) n'ont pas tous pu être menés à terme et ont demandé la réquisition de près de 1000 ouvriers par jour sur Toulouse et ses environs.

Le 2 avril, Soult donna l'ordre suivant : "les habitants de la ville seront commandés pour être employés aux ouvrages de défense, chacun dans son quartier, particulièrement aux portes, aux ouvrages avancés et sur les remparts. Ils devront être munis d'outils; ils seront conduits par les commissaires de quartier qui en feront l'appel et resteront avec eux au travail et imposeront des amendes à ceux qui refuseront de s'y rendre".

 

L'armement

L’infanterie se sert encore du fusil à pierre du modèle de 1777 dont la portée utile tourne autour de 100 m sans dépasser 150m . S'il pleut, si c’est humide, impossible de tirer. Par ailleurs si un vétéran arrivait à tirer jusqu’à 6 coups par minute, un soldat moins aguerri n’en tirait que 2 ou 3. Dans les 2 cas la précision du tir restait médiocre.

 

 

L’artillerie n’était pas plus performante et surtout très peu mobile ; il  fallait de 4 à 6 chevaux voir pour les trainer et souvent faute de chevaux on utilisait des bœufs. Ainsi à Véra, au passage de la Bidassoa par Clausel « les premiers obus de sa propre artillerie tombèrent au milieu de son infanterie aux applaudissements ironiques et joyeux des soldats anglais postés sur l’autre rive ».

 

Le quotidien des soldats français

Pour ne rien arranger, les soldats de Soult manquait de chaussures. Le 10 mars il écrivait au ministre que 2 à 3000 de ses hommes étaient pieds nus et il demandait à ses généraux à « requérir dans les communes où ils passent ou qui seraient à leur portée , des souliers pour être distribués aux soldats qui en manquaient entièrement , les communes devant être indemnisées par la suite ».

En arrivant à Toulouse Soult vida les magasins pour remédier à cette situation.

Et que dire de la charge du soldat français . Elle est trop importante : 60 livres. Le soldat anglais ne porte pas ses gamelles et sa marmite, il ne porte du pain que pour 3 jours, tout le reste est transporté par les animaux de bât : tente, ustensile de cuisine, provisions, etc.

Le ravitaillement a toujours été une source de préoccupation pour les armées. Les troupes françaises ont pillé au cours de toutes leurs campagnes les villes et villages qu'ils ont traversés alors que les anglais avaient pour habitude de payer ce dont ils avaient besoin.

De façon générale les Français réquisitionnaient tout ce dont ils avaient besoin sur leur passage : bois de chauffe, tonneaux, volailles, jambons, draps, charrettes, bois de charpente, bétail …

Un arrêté du 7 avril 1814 stipulait que le département de la Haute Garonne devait fournir à l’armée d’Espagne 4 000 quintaux métrique de grains, 100 de sel, 200 de légumes,  40 000 l d’eau de vie.

 

Nicolas Jean-de-Dieu Soult (1769-1851), Maréchal d'Empire et duc de Dalmatie

de Louis Henri de Rudder

 

Prise en charge des blessés

Toulouse était en capacité de recevoir près de 1500 malades et blesséa.

Les évacuations de blessés et malades se faisaient par les lignes d’étape sur la route d’Auch ou celle de Saint Gaudens, par voiture de roulage ou par charrettes à bœufs.

Toulouse comptaient comme hôpitaux La Grave (900 places),  l’Hôtel dieu St Jacques (400 places), l’Hôpital militaire (400 places)  mais ce ne fut pas assez et furent créés des hôpitaux temporaires : dans la caserne de passage Guibal, au bd Lascrosses (400 places) et dans le dépôt de mendicité de St Cyprien (300 places).

 

La Grave

 

S’y ajoutèrent l’ancien couvent de la Visitation de la bienheureuse Vierge Marie fondé en 1646 à la porte Saint-Étienne au 41 de la rue Rémusat (aujourd'hui remplacé par Primark), l’ancienne manufacture Boyer Fonfrède au Bazacle et l’ancien réfectoire des Jacobins 69 rue Pargaminière.

 

Réfectoire des Jacobins

 

Ceci étant, les Toulousains, malgré leur hostilité envers les armées françaises, vont venir en aide aux blessés : un témoin des faits écrira que "toutes les maisons de Toulouse étaient autant d'hospices ouverts aux malheureux blessés".

Soult a également prévu et organisé un transport des blessés et malades par eau de Toulouse vers Castelnaudary et le Lauragais tant pour désencombrer au fur et à mesure les hôpitaux qu’en cas de retraite. Aussi tous les magasins et bâtiments de l’administration ont été réquisitionnés ainsi que les bateaux existants sur le canal, les chevaux pour les tirer, des brancards et des paillasses.

 

La bataille ( le livre de H. Geschwind et F. De Gélis détaille très précisément les différentes étapes de cetet bataille)

Le 25 mars, les coalisés arrivant par le chemin de Boulogne, et donnent l’assaut sur Tournefeuille. Les divisions napoléoniennes se replient sur Saint-Cyprien.

Le 28 mars un détachement ennemi remonte jusqu'à Roques. Dans la nuit du 30 au 31 mars une partie de l'armée britannique remonte l'Ariège jusqu'au pont de Cintegabelle, l'avant garde poussant dans la direction de Villefranche.

Le 4 avril les troupes ennemies changent de position et se dirigent vers Blagnac par Cugnaux, Tournefeuille, et la vallée du Touch. 

Le 8 avril Grisolles, sur la route de Montauban est occupé par Welligton. Des reconnaissances de cavalerie furent envoyés vers Lalande, Croix Daurade et Balma.

le 9 avril Soult fit sauter les ponts de Balma et de Lasbordes

La Ville Rose est entourée notamment au niveau de St Cyprien, des Minimes, de la vallée de l'Hers, de Croix Daurade et la bataille s’engage le 10 avril dès 6 heures avec trois coups de canon tirés depuis Croix-Daurade, d’où les Anglais partent sur Le Calvinet ou Mont Chauve ou encore Mont Rave (site aujourd'hui appelé Jolimont).

 

 

 Vues de Toulouse et certains des sites indiqués dans l'article

 

 

Les anglais s’élancent dans le même temps vers le faubourg Saint Cyprien mais sont arrêtés aux actuelles allées Charles de Fiite. Les combats sont rudes devant le mur d’enceinte, à l’angle de la rue Varsi et des allées Charles-de-Fitte. Les coalisés massés devant l’actuel musée des Abattoirs, canardent les Français perchés sur les redoutes et le mur d’enceinte. 

Les Espagnols échouent au pont Matabiau et au Calvinet. Les anglais arrivent à rejoindre la route de Castres malgré l'inondation de l'Hers et attaquent en donnant l'assaut à la redoute de la Sipière.

Il faut se rappeler que les lieux de l’époque ne correspondent en rien à ce que nous connaissons aujourd’hui : à la place du tissu urbain dense que nous connaissons entre l’Hers et la butte de Jolimont se trouvait en 1814 la campagne (voir la photo de 1839 plus haut). Les soldats avançaient donc à découvert. La bataille qui s’est déroulée notamment entre la rivière l’Hers et la colline de Jolimont s’est donc déroulée en rase campagne dans des conditions difficiles, avec des rivières en crues et des sols gorgés d’eau rendant la progression des troupes compliquée.

Dès 9h les Espagnols lancent un assaut depuis le pont de Périole (le pont qui traverse aujourd’hui l’Hers en direction d’Auchan-Gramont), vers les hauteurs de Périole. Ils sont décimés par l’artillerie française.

Les Ecossais attaquent à ce moment les Ponts Jumeaux qui sont défendus par 300 soldats et 5 canons : c’est un nouvel échec. Au milieu des soldats, sur le pré aujourd’hui recouvert par le périphérique et le skatepark de l’Embouchure, tombe le lieutenant écossais Thomas Forbes, l’aïeul du fondateur du magazine économique du même nom.

Après la bataille, ses camarades l’enterrent dans les jardins du château du Petit-Gragnague. Dans les années 1960, on déplacera ses restes pour faire de la place au Stade Toulousain tennis club. Il repose depuis au cimetière de Terre-Cabade et partage la sépulture de Hunter.

Les suites de cette attaque des Ponts Jumeaux est relatée notamment dans le récit d’un officier du 45th The Sherwood Foresters : « toutes les maisons et chaumières sont pleines de blessés de la 3ème division. Nous entrons dans la pièce où le pauvre Little du 45th agonise. La scène est poignante, la brigade a établi son bivouac derrière un grand château vide car on a donné des ordres pour que les tentes et les bagages arrivent de l’arrière. Je demeure avec eux jusqu'à 22h et puis je retourne au camps. J'essaye de retrouver l'ordonnance blessée de Barnwell dans un hôpital installé dans une grande maison abandonnée où le spectacle est encore plus pénible. Plusieurs de ses malheureux garçons sont morts et d'autres agonisent tandis que le vent sifflant dans des tonnelles semble se moquer des gémissements de ces malheureux...".

À 10h, après avoir repoussé une offensive française, les Britanniques lancent des assauts sur les positions françaises et atteignent le Calvinet (juste en dessous du Jolimont actuel) et tentent de percer les défenses françaises situées entre la colline et l’enceinte médiévale. Mais ils sont repoussés par une contre-attaque menée par Darmagnac et Soult.

À la mi-journée, les Espagnols tentent toujours de contourner les défenses par Montaudran tout en maintenant une forte pression sur Jolimont. 

La position des Français devient critique en début d’après-midi puisque l’armée de Soult est menacée d’encerclement. Si bien que vers 16h, le maréchal Soult ordonne l’évacuation définitive des positions du Calvinet pour se retirer derrière le canal du Midi. 

Les Français racontent :

"Après l’évacuation (du Calvinet), les Espagnols et les Portugais s’emparèrent des retranchements inférieurs délaissés qui enveloppaient la base du Calvinet, où il n’y avait plus personne. C’est alors qu’ils purent juger de la grandeur des sacrifices qu’ils avaient faits, par le nombre de cadavres dont cette pente, qu’ils furent obligés de traverser, était couverte"

"Un témoin oculaire qui visita la pente de la montagne du côté de la Ville, l’après-midi vers le soir, estima que le nombre des blessés dont le champs de bataille était couvert à ce moment pouvait se porter à 1 500. Les tertres, les chemins creux en étaient comblés, tant des nôtres que de ceux de l’ennemi; mais celui-ci surtout semblait , avoir semé les siens depuis Croix-Daurade, Lapujade, la vallée de l’Ers, Montaudran et le Pont des Demoiselles, jusque à l’embouchure du canal; et de là, au sommet du Calvinet comme s’il avait voulu avec les traces de son sang marquer toute l’étendue du terrain qu’il avait parcouru".

 

il est environ 21h quand les combats s’arrêtent.

"A neuf heures du soir les pièces du pont des Demoiselles, commandées par le lieutenant Marcoux, terminèrent la fatale journée par urne dernière explosion qui sonna la retraite; et avertit ceux qui n’étaient ni morts ni blessés de préparer leurs armes pour  le lendemain. Cependant, les Français avaient besoin de prendre quelques moments de repos pour se refaire de tant de fatigues de toute espèce, un grand nombre d’entre eux s’étant battus à jeun; et de son côté l’ennemi avait trop de morts et de blessés pour pouvoir recommencer au jour la même scène. La Ville néanmoins était dans l’effroi, les Anglais se vantant sur toute la ligne d’avoir les moyens de l’incendier avec leurs fusées à la Congrève (du nom de l’inventeur - Ça ne fait pas beaucoup de dégâts mais ça effraie les chevaux et les soldats sans expérience. Avec ces fusées, les Anglais ont fait fuir des régiments entiers de conscrits à Saint-Cyprien et surtout à l’emplacement de la Cité de l’Espace). C’était pour en terrifier les habitants et les soulever contre l’armée. Ils ont ensuite nié qu’ils en eussent l’intention, ni même que la chose fut possible".

Les Français se sont regroupés du côté du faubourg Saint-Etienne et préparent leur départ de la ville : ils partiront dans la nuit du 11 au 12 avril. L’armée de Soult, sauf les blessés intransportables quittent Toulouse pour Avignonet-Lauragais puis Castelnaudary d’où le maréchal Soult a finalement signé l’Armistice le 18 avril.  

Le 12 avril, Wellington entre triomphant dans Toulouse accueilli sous les acclamations des royalistes qui firent allégeance à Louis XVIII lors du conseil municipal tenu le même jour.

 

Le 19 avril, Soult faisait paraître l'ordre du jour suivant :

"La Nation ayant manifesté son voeu sur la déchéance de l'Empereur Napoléon et le rétablissement de Louis XVIII au trône de ses anciens rois, l'armée, essentiellement obéissante et nationale, doit se conformer au voeu de la Nation. Ainsi au nom de l'armée, je déclare que j'adhère aux actes du Sénat-conservateur et du Gouvernement provisoire relatifs au rétablissement de Louis XVIII au trôn de St Louis et de Henri IV et que nous jurons fidélité à Sa Majesté.

Au quartier général à Castelnaudary, le 19 avril 1814

Le Maréchal, Duc de Dalmatie"

 

Qui a gagné ?

Victoire à la Pyrrhus ou coup nul !

En tout cas, totalement inutile, puisque Napoléon Ier avait abdiqué quatre jours plus tôt, le 6 avril ... Soult et Wellington ne l'apprirent que le 12.

Il est évident que la ville n'a pas été prise d'assaut, Soult a pu évacuer ses blessés, ses armes, son matériel. Son armée a eu moins de pertes que chez les coalisés donc on pourrait imaginer une victoire française.

D'un autre côté, Wellington est entré dans Toulouse en libérateur.

Depuis 1814, les avis divergent sur la question !

 

Toulouse pendant cette journée : "Les citoyens, épouvantés dès les 1ers coups de canon, se cachèrent au fond  de leurs maisons dont les portes restèrent fermées [...] Remis de la première frayeur, ils accourent dans les rues et sur les places, plusieurs se portent sur les remparts, un petit nombre va même explorer le champ de bataille. Mais la majeure partie, penchée sur les toits et les clochers attend avec impatience l'issue de cette effrayante lutte".

 

Les dégâts

- 60 maisons furent brûlées, 85 endommagées

- 200 dossiers de demandes de dédommagement pour 178 propriétaires

- L’état récapitulatif des pertes se monte à 103 450 francs

 

Commémoration de la bataille

Depuis le 24 juillet 1839 se dresse, dans le parc de la Colonne, un obélisque commémorant la bataille de Toulouse.

Cet obélisque construit de 4,50 mètres de côté et de 32,60 mètres de haut, avec une échelle intérieure, permettait à l’époque d’avoir une vue complète sur le champ de bataille et sur les buttes des redoutes

 

Obélisque de Toulouse, Jolimont

 

Epilogue

Le 28 juin 1838, à Westminster, Soult et Wellington se retrouvent pour un banquet célébrant le couronnement de la reine Victoria. Lorsqu’on demande à Wellington s’il ne voit pas d’inconvénient à avoir Soult comme voisin de table, il répondra : “Je préfère l’avoir à côté qu’en face.”

 

Sources

Précis historique de la bataille de Toulouse livrée le 10 avril 1814, entre l'armée française, commandée par le maréchal Soult, duc de Dalmatie et l'armée alliée sous les ordres de Lord Wellington, éd. Delboy, Toulouse, 1852 de Alexandre de Mège 

La bataille de Toulouse de 1814 de H. Geschwind et F. De Gélis

Toulouse une métropole méridionale – 20 siècles de vie urbaine de Jean Paul Escalettes

10 avril 1814, la bataille de Toulouse de Jean Paul Escalettes

 

Un article  de 2021 sur la bataille de Sébastien Vaissière (photo : Rémi Benoit et illustrateur ; Laurent Gonzalez) sur le site : https://www.boudulemag.com/2021/05/la-bataille-de-toulouse-de-1814-un-choc-pour-l-honneur-napoleon-et-nous/

 

Sur les armes : http://armesfrancaises.free.fr/fusil%20d%27infanterie%20Mle%201777%20an%20IX.html

https://www.musee-armee.fr/fileadmin/user_upload/Documents/Support-Visite-Fiches-Objets/Fiches-Louis-XIV-Napo-Bonaparte/MA_fusil-1777.pdf

 

Cartes de Toulouse

https://www.flickr.com/photos/archives-toulouse/albums/72157664247082820/with/25111159875/ différentes cartes de Toulouse sur plusieurs siècles

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8441589z/f1.item.zoom : carte fin 18ème

cartes de Toulouse à consulter sur : https://www.archives.toulouse.fr/histoire-de-toulouse/patrimoine-urbain/plans-anciens/plans1772_1847

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Comment survivre quand on est pauvre aux 18 et 19ème siècles ?

21 Janvier 2023 , Rédigé par srose

 

Comment survivre quand on est pauvre ?

La pauvreté ne doit pas se résumer à la situation d’une personne à un instant T. La catégorie des personnes pauvres est en effet très hétérogène : elles n’ont pas toutes le même statut social ni la même capacité à survivre en temps de crise. Il est donc nécessaire à mon sens de prendre en considération le fait que les individus ne vivent pas uniquement dans le présent mais qu’ils essayent aussi de se prémunir contre un avenir encore plus sombre (maladie, accident, décès du conjoint, perte de son emploi etc). Ce qui est intéressant donc d'analyser c'est la façon dont les individus vont tenter de se prémunir contre les accidents de la vie (quand ils y pensent et s'ils ont la capacité d'anticiper cela) et une fois catapulté malheureusement dans une telle situation,  de voir quels sont les comportements qui vont leur permettre de survivre.

 

Comment survivre quand on est pauvre ?

La jeune mendiante - Léon Jean Basile Perrault (1832-1908)

 

Car pour tous ceux qui n’ont que leur travail pour vivre voire survivre, cet aléa qu'est l'accident de parcours quel qu'il soit (professionnel, familial, physique, financier) est fondamental à une époque où il n'existe aucune aide étatique. D’autant plus pour la gente féminine qui de facto part avec un handicap de taille : être une femme dans un contexte politique, social, économique encore plus compliqué pour elle que ne l’est notre vingt et unième siècle.

 

Qui est pauvre ? qu’est ce que c’est être pauvre ? Depuis le Moyen Age, les textes décrivent le pauvre comme celui qui n’a que son travail pour vivre et qui est susceptible d’être une charge pour la communauté.

Condorcet, philosophe des Lumières, le définit comme « celui qui ne possède ni bien ni mobilier [et qui ] est destiné à tomber dans la misère au moindre accident »

Laurence Fontaine, directrice de recherche à l’EHESS (école des hautes études en sciences sociales) distingue dans son livre "Vivre pauvre" :

  • les pauvres « structurels » : c’est-à-dire ceux qui ne peuvent plus travailler notamment les personnes âgées, les infirmes, les veuves soit à peu près 4 à 8% de la population des grandes villes européennes entre le 15 et le 18ème siècle.
  • Les pauvres "conjoncturels" : ceux qui vivent d’emplois instables et donc de maigres salaires et qui sont à la merci de la moindre fluctuation du prix du pain soit 20% des habitants des villes.
  • Les ouvriers, les artisans, les détaillants pour lesquels la moindre crise économique ou difficulté familiale les fait basculer dans la misère c’est-à-dire 50 à 70% des citadins
  • Les victimes de guerre et d’épidémie

 

De quels moyens peuvent-ils user pour éviter de tomber dans l’indigence ? Certes la réponse va dépendre de l’époque, du pays et bien entendu des individus eux-mêmes mais il est possible de dégager une réponse plus globale en s’appuyant sur la documentation liée à ce sujet.

Il s’avère que la pluriactivité est la 1ère des stratégies : ainsi Antoine Latour, colporteur lyonnais habitant à Lyon chez un voiturier au 18ème siècle : « l’hyver il vend quelques almanachs et l’été des couteaux, des cizeaux, et des lunettes qu’il achète par demi douzaines » et lorsqu’ « il manque d’ouvrage, il fait des neuvaines et des pèlerinages pour ceux qui le payent ». il ne mendie pas mais « va quelques fois manger la soupe à la porte des couvents ».

La pluri activité va entraîner dans de nombreux cas un phénomène de migrations. En effet cette pluriactivité peut se décliner de multiples façons : exercer plusieurs métiers dans une même journée ou partir loin de son domicile et n’y revenir que le soir, la fin de la semaine ou la fin du mois voire au bout de plusieurs mois. Voir un article ICI

Avec la construction des chemins de fer, on voit apparaître ces migrations quotidiennes ou hebdomadaires. Mais bien avant le rail, ce type de migration existait. Par exemple dans la région lyonnaise, on a les jeunes filles des campagnes qui allaient travailler dans les soieries de Lyon et des alentours ; elles ne pouvaient pas se déplacer tous les jours au vu de leurs longues et pénibles journées de travail aussi elles gagnaient la fabrique en début de semaine à pied (ou en train quand il est arrivé) en emportant la nourriture de la semaine (pain de seigle, fromage, pommes de terre, légumes secs) et en couchant dans des dortoirs de fortune pour ne revenir chez elles qu’en fin de semaine.

Mais ce peut être également avoir plusieurs activités successives qui vont se décliner sur un périmètre géographique plus étendu cette fois ci. Et c’est ce que l’on va retrouver le plus souvent : les journaliers vont louer leurs bras là où il y a du travail (moissons, vendanges, chantiers). Les colporteurs vont aller là où ils auront le plus de chance de vendre leur camelote. Et individus sans domicile réellement fixe vont être assimilés aux vagabonds au sens pénal du terme et être passible d’une condamnation pour cela !

Ce peut être aussi exercer différents métiers tout au long d'une vie : on va trouver ainsi un Auvergnat du Puy de Dôme qui de 1800 à 1860 va être successivement ramoneur rural, chiffonnier, ramoneur à Paris, brocanteur ambulant. Un autre sera porteur d’eau à Paris, puis vendeur de charbon, et enfin tenancier de café.

Voir pour approfondissement sur les vagabonds et les migrations liées au travail les articles suivants : 

qui sont ces gueux et autres vagabonds que l'on enferme?

enfermement des pauvres

- conditions de vie des ouvriers / niveau de vie 1

conditions de vie des ouvriers : les filatures au 19ème siècle 2

 

Les travailleurs de force du Velay, du Brivadois, du Livradois vont jusqu'en Sologne pour défricher, curer les fossés, créer des étangs. Les travailleurs du Forez vont louer leurs bras en Piémont ou en Milanais. Les peigneurs de chanvre du Dauphiné descendent dans la plaine du Pô chaque automne etc. Tous vont chercher du travail loin de chez eux chaque année.

Lors d'une enquête agricole réalisée en 1852, on constate que le bassin parisien et la région du Nord attirent 374 000 travailleurs saisonniers agricoles, le midi méditerranéen 103 700. Ces travailleurs partent du Puy de Dôme (21 000) de la Haute Loire (15 200), de l’Aveyron (11 800) de la creuse 11 000, de l’Aisne (104 00), de la Sarthe (8 300).

Hors du secteur agricole, 23 000 travailleurs partent de la Creuse en 1825 pour travailler dans le bâtiment, ils sont 45 000 en 1885.

Déjà sous Napoléon, des chaudronniers cantaliens sont signalés en Espagne et jusqu'en Belgique, des scieurs de long aveyronnais et des marchands auvergnats se retrouvent en Catalogne et en Castille, des gouvernantes de l'Est de la France vont jusqu'en en Bohême, des vitriers du Piémont sont mentionnés dans de nombreux départements de l'Empire.

 

Comment survivre quand on est pauvre ?

Migrations saisonnières des morvandiaux au 19ème siècle 

 

Exemple de Saint Maurice la Souterraine dans la Creuse (en 1831 la commune compte 1903 personnes) : du 27/02 au 29/05/1832, 136 migrants à destination sont recensés via les livrets ouvriers dont 63 maçons, 26 aide maçons, 1 tailleur de pierre à destination de Paris. 10 paveurs et 3 aide paveurs vont en Charente inférieure ; 4 paveurs vont en Charente ; 3 paveurs et un aide vont en Dordogne ; 3 paveurs vont en Corrèze, 1 maçon, 7 paveurs et 2 aides vont en Gironde ; 1 paveur se rend en Aveyron ; 9 paveurs iront dans le Puy de Dôme et 2 couvreurs de paille sont en Seine et Oise.

Cette migration saisonnière est également "une économie de l'absence". C'est à dire qu'en migrant les hommes, les familles vont permettre à la communauté d'économiser le pain qu'ils ne mangeront pas. Ainsi chaque année au moins vingt mille partent du Dauphiné "ce qui épargne à la province 40 000 quintaux de consommation pendant 6 mois" écrit l'intendant dauphinois Fontanieu au 18ème siècle.

 

La revente de produits (obtenus légalement ou non) est aussi le métier secondaire par excellence de tous ceux qui ont du mal à survivre. Colportage de denrées alimentaires, vente de plats que les femmes ont préparés, colportage de menus objets du quotidien (rubans, mouchoirs, aiguilles, fil, épingles, crochets, boucles de souliers, boutons, miroirs, gants, peignes, jarretières, bas, plumes à écrire, couteaux, fourchettes, lacet etc). Ces colporteurs et autres vendeurs ambulants parcourent également tout le pays pour acheter et revendre. Dans une enquête réalisée sous le 1er Empire, on note déjà que les colporteurs des Basses-Alpes, du Cantal, du Puy-de-Dôme, de la Meuse ou des Pyrénées sont signalés partout dans l'Empire et que les marchands de peaux de lapin et de lièvre auvergnats fréquentent le Bassin Parisien et jusqu'à la Bretagne. 

 

Comment survivre quand on est pauvre ?

Gérolamo, le vendeur ambulant - 1872

 

Mais ces ventes se font sans l’autorisation des autorités le plus souvent ce qui entraîne des arrestations qui peuvent tourner à la révolte : en février 1751, à Paris, « plus de cinq cents personnes de différents sexes » empêchent les maîtres pelletiers fourreurs d’arrêter un colporteur de peaux de lapin ; en juin 1769, du côté de la Bastille, « une grande multitude d’auvergnats et porteurs d’eau » tentent en vain d’empêcher les jurés de la corporation des fabricants de bourses à cheveux et autres petits articles de mode d’arrêter un marchand de parasols et parapluies.

Louis Sébastien Mercier dénonce dans son Tableau de Paris toutes ces actions destinées à exclure les petits vendeurs : « rien de plus fréquent et et rien qui déshonore plus notre législation. On voit souvent un commissaire avec des huissiers courant après un vendeur de hardes ou après un petit quincaillier qui promène une boutique portative. … on dépouille publiquement une femme qui porte sur son dos et sur sa tête une quarantaine de paires de culottes. On saisit ses nippes au nom de la majestueuse communauté des fripiers […] on arrête un homme en veste qui porte quelque chose enveloppé sous son manteau. Que saisit on ? des souliers neufs que le malheureux avait cachés dans un torchon. Les souliers sont enlevés par ordonnance, cette vente devenant attentatoire à la cordonnerie parisienne ».

 

Comment survivre quand on est pauvre ?

 

Gérard Portielje (1856-1929), le vendeur itinérant

 

Sans patente, point de vente ! En 1796, Marie Denise Toutain, femme d’un charpentier et sa soeur Antoinette sont arrêtées pour avoir vendu sans patente des vêtements à la foire de Meaux. Elles confectionnent des vêtements d’enfants dans de vieux habits et elles vendent des marchandises que leur a confiées une marchande fripière. Leur avocat au procès déclare « les femmes Moreau et fille Toutain sont comme beaucoup de citoyennes de toutes les communes de la République qui, comme elles fabriquent des hardes d’enfants avec de vieux linges qu’elles se procurent , hors d’état de payer la moindre patente, le fond de commerce de la plupart d’entre elles n’équivalent pas au prix de la plus petite patente ».

 

Un autre marché qui fonctionne bien est la location d’un logement ou d’un lit à plus pauvre que soi. A noter que ce sont souvent des femmes qui tiennent ce genre de commerce. A Paris la moitié des femmes enregistrées comme logeuses en 1767 sont des veuves.

Ces logements même insalubres et d’une taille ridiculement petite sont une nécessité pour tous ces colporteurs et journaliers qui sont régulièrement sur les routes ou tout simplement loin de chez eux et n’ont que peu de moyens à consacrer à un lit.

Cependant dès le 18ème siècle les autorités vont là aussi mettre en place des contrôles : à Bordeaux le 8 octobre 1768 la police trouve chez Clément Marselou qui loue avec sa femme et trois de ses enfants une chambre et une « rochelle » à l’étage à trois femmes établies depuis un mois et demi et à 35 vendangeurs des deux sexes. Aucune déclaration n’a été faite par sieur Marselou depuis 1767. Il est condamné à une amende de 25 livres.

 

Une activité supplémentaire, moins visible mais tout autant essentielle, contraignante, physique pour la personne dite pauvre, consiste dans l’utilisation des biens communaux : ceux-ci sont essentiels pour la survie : lande, forêt, zones marécageuses ou pâturages, tous ces endroits vont permettre à ceux qui peuvent y accéder de trouver du bois pour se chauffer, des herbes, des noix, des baies, du gibier. Mais ces biens ne sont pas accessibles à tous et l’administration a toujours essayé pour des raisons légitimes ou non d’en restreindre l’accès au grand désarroi des populations.

 

Comment survivre quand on est pauvre ?

Pierre Edouard Frère - Enfants ramassant des brindilles dans la forêt

 

En 1727 au Pont de Beauvoisin, le jeudi de l’ascension, les femmes se jettent sur le sergent qui s’apprêtait à donner lecture devant la porte de l’église et en présence de deux hommes de la maréchaussée, d’une ordonnance interdisant aux troupeaux l’accès des secteurs protégés. Elles crient « qu’on ne les empêcherait pas d’aller dans leur bois, qu’elles tueraient plutôt tous ceux qui voudraient les en empêcher ».

Au 18ème siècle, de nombreuses interdictions voient le jour empêchant les gens de s’adonner à des activités leur permettant de joindre les deux bouts : interdiction de glaner dans les champs tant que les gerbes sont à terre, tant que la dîme ou les droits du seigneur ne sont pas levés ; interdiction de chaumer ou d’arracher le chaume à la main ou au râteau pour la nourriture des bêtes, la litière des étables, la réparation des toits avant fin septembre.

C’est ainsi qu’en 1775 à Etrépagny en Normandie, les femmes accueillent à coup de pierres les cavaliers venus les arrêter car elles glanaient alors que les gerbes étaient à terre et que la dîme n’était pas encore prélevée.

 

Sources

https://www.ariege.com/decouvrir-ariege/autrefois-en-ariege/colportage-haut-couserans

Vivre pauvre, quelques enseignements tirés de l’Europe des Lumières - Laurence Fontaine

Histoire du colportage en Europe (15-19ème siècle) - Laurence Fontaine

Les migrations des pauvres en France à la fin du 19ème siècle : le vagabondage ou la solitude des voyages incertains – Jean François Wagniart

Les migrations temporaires françaises au XIXe siècle. Problèmes. Méthodes - Abel Chatelain

Les migrations saisonnières en France sous le Premier Empire - Roger Béteille

Mobilité du travail, migrations de travailleurs, Europe 1830-1940 

 

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Prise en charge des enfants trouvés

7 Janvier 2023 , Rédigé par srose

 

Enfants trouvés 2

 

Prise en charges des enfants

Sous l’ancien régime l’assistance envers les enfants abandonnés s’est exercée de 3 manières différentes :

Par les seigneurs justiciers en vertu d’un droit d’épave qui fait d’eux les héritiers des bâtards nés dans leur seigneurie ; un arrêt du Parlement de Paris du 13 août 1552 renouvelle cette obligation et l’étend aux enfants trouvés et non aux seuls orphelins. Les seigneurs laïcs ou ecclésiastiques prennent en charge l’entretien de l’enfant et se dédommagent sur les biens que celui-ci pourrait détenir.

Le Parlement de Paris en 1530 enjoignait par ailleurs les seigneurs justiciers à participer proportionnellement à la dépense nécessitée par ces enfants dans la limite de 960 livres parisis.

Il est à noter qu’encore en 1777 l’hôpital de Calais se cache derrière cette règle pour ne pas prendre en charge les enfants abandonnés et les envoyer à Paris : « le roi étant seul seigneur foncier, gros décimateur et haut justicier de tout le Calaisis, et jouissant des droits d’aubaine, de bâtardise, etc, devait être chargé des enfants trouvés ».

Dans les faits force est de constater que les seigneurs justiciers vont s’efforcer de placer l’enfant trouvé ou orphelin au sein des institutions charitables de leur fief.

 

Par les administrations hospitalières et institutions charitables : comme on l’a vu dans un précédent article il existe peu d’institutions spécialement dédiées aux enfants trouvés au Moyen Age hormis l’ordre du Saint Esprit (ordre hospitalier du Saint Esprit fondé à la fin du 12ème siècle par Guy de Montpellier). Mais surtout ces institutions ne gèrent que les enfants nés « en loyal mariage », ce qui exclut de facto les bâtards, les enfants nés de viol, les enfants nés de la misère…

 

Enfants trouvés 2

Par Anonyme, religieuse du St Esprit

 

Une lettre patente de Charles VII du 4 août 1445 donne une explication de cette exclusion : « si les revenus dudit hôpital étaient employés à nourrir et gouverner lesdits bastards, illégitimes … pourroit advenir que moult de gens s’abandonneroient et feroient moins de difficultéz de eulx abandonner à pescher quand ils verroient que de tels bastards seroeint nourris davantage et qu’ils n’en auroient pas de charge première ni sollicitude ».

Toutefois rareté ne veut pas dire absence et des institutions sont mises en place, liées à des initiatives privées. A Saint Omer et à Béthune les Bleuets et les Bleuettes (noms donnés aux orphelins à cause de la couleur de leur costume) sont recueillis dans des asiles spécialement fondés par de généreux donateurs.

Marguerite de Valois Angoulême, soeur de François 1er  , fonda en 1536 sous le titre d’Enfants Dieu (qui devint ensuite les Enfants rouges du fait de la couleur de leur vêtement) un hospice pour les enfants dont les parents sont morts mais maintint la même exclusion pour les enfants trouvés. Il se situait au 90 rue des Archives à Paris.

Enfants trouvés 2

 

Ceci étant comme on l’a déjà noté précédemment, face à l’afflux grandissant d’enfants trouvés, les hôpitaux et autres institutions durent les prendre en charge malgré tout.

L’œuvre de saint Vincent de Paul changea les mentalités à leur égard comme on l'a vu précédemment.

 

Par les villes et villages par l’intermédiaire de la table ou bourse des pauvres notamment mais pas que ; en effet selon les territoires, les enfants étaient pris en charge par des moyens divers. Ainsi à Lille des officiers appelés gard’orphènes, bourgeois de la ville de par leur statut, étaient nommés par les échevins pour veiller aux intérêts des enfants orphelins. Dans les registres de la ville d’Amiens, se trouve un chapitre intitulé Deniers mis en warde : il s’agit d’une caisse ouverte par les magistrats de la ville destinée à recevoir les capitaux recueillis pour les orphelins. Certes il s’agit là encore d’enfants dont on connait les parents et non d’enfants trouvés…

L'ordonnance de Moulins de 1566 dans son article 73 énonce de façon claire que les enfants abandonnés sont à la charge des habitants des villes, bourgs et villages dont « ils sont natifs et habitants ». Il n’y a pas de distinction entre les orphelins d’un côté et les enfants trouvés de l’autre mais force est de constater que ce sont les 1ers qui vont être pris en charge de prime abord pour essentiellement éviter que cela n'incite à l'abandon d'enfants.

 

Coût de la prise en charge

Par souci d'éthique, de morale, de charité mais aussi de coût financier, la recherche des parents est donc prioritaire dès qu’un enfant abandonné est trouvé, pour éviter qu’il ne soit une charge pour la paroisse, le seigneur ou les institutions charitables.

On va procéder par des criées dans les rues en promenant le bébé. On encourage les dénonciations par des récompenses : ainsi en 1527  à Lille on donne 34 sous à un homme chargé de reconduire à Tournai un enfant dont il a dénoncé l’origine.

La mère peut dénoncer le « père » sous la foi du serment mais est ce bien le père… en fait tout est mis en place pour trouver finalement non pas le père géniteur mais un père nourricier. Ainsi en février 1676 à Paris un homme marié fut condamné à se charger de l’entretien d’un enfant alors qu’il a pu être prouvé que la mère entretenait des rapports intimes avec le vicaire …

 

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L'Enfant recueilli, tableau de Michel Philibert Genod

 

Malgré le nombre d’institutions charitables existantes dans les villes, le nombre d’enfants abandonnés reste énorme et les ressources faibles. Les nourrices manquent en ville et il faut se résigner à envoyer les nourrissons à la campagne. Les hôpitaux vont donc mettre en place tout un réseau d’informateurs pour trouver des nourrices : curés, accoucheuses, anciennes nourrices …  

Sans compter le fait que la majorité des enfants nés en province ont été rapatriés, faute de moyen sur place, sur l'hôpital de la Couche à Paris mais que celui ci ne peut tous les prendre en charge. Il faut donc les renvoyer en province vers des nourrices en principe dignes de ce nom ...

Et il faut faire appel à nouveau aux meneurs. Ce sont eux en effet qui vont amener les enfants aux nourrices puis assurer la liaison entre celle-ci et l’hôpital.

Ils vont servir ainsi d’agent payeur des gages et des vêtures destinés aux enfants. Ils se chargeront de ramener également les effets de l’enfant trouvé décédé chez sa nourrice campagnarde ainsi que  l'acte de décès. Bref, ils sont chargés du recrutement des nourrices, de la surveillance de celles ci, du paiement des pensions et surtout du transport des enfants entre Paris et la province.

Le meneur peut transporter les bébés dans une hotte et faire le chemin à pied. Ainsi, en 1751, à raison de quarante à cinquante kilomètres par jour, il atteint les villages les plus éloignés de la capitale en trois ou quatre jours. Par le coche d'eau, sur la Seine par exemple, ou en voiture, le périple peut être abrégé. L’aire de nourrissage pour Paris s’étend  tout de même jusqu’à la Normandie et la Picardie.

La mission étant d’importance, ne devient pas meneur qui veut. A Paris la personne qui postule doit verser une caution variant entre 3 000 et 12 000 livres ; ses biens personnels sont répertoriés et cautionnés. Le curé de la paroisse doit remettre un certificat de bonne conduite authentifié par un juge royal. S’ils sont acceptés, ils perçoivent le vingtième de toutes les sommes versées à la nourrice soit à peu près 5 à 6 sous par mois (d’après les règlements de Paris de 1713).

S’y ajoutent diverses gratifications en fonction des services rendus : frais de recherche, vêture, retour de l’enfant après le sevrage …

Cette organisation se prêtent à de nombreux abus : la nourrice ne reçoit jamais l’argent de l’hôpital car le meneur le garde par devers lui, les vêtements alloués aux enfants font l’objet de trafic, les enfants décédés ne sont pas déclarés comme tel pour pouvoir continuer à percevoir les sous de son entretien, ou alors l’enfant décède en route et le meneur ne dit rien, empochant l’argent de la nourrice. Les familles nourricières prennent plus d’enfants qu’elles ne peuvent entretenir, mettant à mal la survie des enfants. Et que dire des parents qui abandonnent leurs enfants et réussissent à les récupérer en nourrice, empochant ainsi les sous de leur entretien !

 

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La nourrice, Le Camus Pierre Duval, 1ère moitié du 19è, Musée du Louvre

 

Comment endiguer la mortalité des nouveaux nés abandonnés ?

En réponse à la mortalité effrayante de ces enfants, on va déjà tâcher d’éviter les transports mortifères.

Il ne faut pas oublier que beaucoup d’hôpitaux de province refusent d’accepter les enfants abandonnés dans leur ressort et les font systématiquement envoyer sur Paris ou bien pratiquent des envois groupés d’enfants abandonnés qu’ils avaient recueillis pendant un certain temps et dont ils se débarrassent par la suite car trop coûteux à entretenir.

En 1772 par exemple on enregistre des envois massifs d’enfants par les hôpitaux de Troyes ,Thiers, Auxerre, Caen et Metz.

En 1778 les hôpitaux de Troyes, Auxerre ,Vendôme, Orléans ,Rouen et Sens sont les principaux points de départ de ces convois enfants souvent assez âgés de 1 à 10 ans (parfois davantage).

Les survivants de ces premiers voyages vont ensuite comme on l'a vu plus haut devoir subit un second voyage vers des nourrices de campagne !

En octobre 1777, Jacques Necker adresse un courrier aux intendants du royaume dans le cadre d’une enquête nationale sur le problème des enfants abandonnés : « Le sort des enfans trouvés, Monsieur, est de tous les objets que le Roy a eu en vue, en établissant une commission pour subvenir aux besoins des hopitaux, un des plus intéressans pour l’humanité et pour l’ordre public. Il a été reconnu que le transport qu’on fait chaque jour d’un très grand nombre d’enfans à Paris où ils affluent des provinces les plus éloignées, est la cause principale de l’état fâcheux où se trouve l’hopital des enfans trouvés : ses facultés, ni même ses emplacemens ne suffisent plus pour cette multitude ; mais ce qui est encore plus touchant, ces enfans conduits sans précaution et exténués par une longue route, ne peuvent y arriver que languissants et périssent bientôt après. »

C’est ainsi qu’un arrêt du Conseil du Roi du 10 janvier 1779 interdit leur transport vers Paris et prescrit leur dépôt dans l’hôpital le plus proche de leur découverte. Cet arrêt ne fut que médiocrement suivi d'effet ...

 

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Frédéric Henri Schopin (1804-81) : Grand Prix de Rome 1831.
Religieuse recueillant un enfant abandonné (1854)

 

 

Sources

https://www.histoire-genealogie.com/Un-village-nourricier-ou-le-destin-tragique-des-enfants-trouves-de-Paris#:~:text=Au%20XIX%20e%20si%C3%A8cle%2C%20les,des%20enfants%20trouv%C3%A9s%20soit%2050%25.

https://www.archives-manche.fr/_depot_ad50/_depot_arko/basesdoc/2/17896/didac-doc-46-marques-de-reconnaissance-d-un-enfant-expose-coutances-11-juin-1763-.pdf

Géographie des enfants trouvés de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles Isabelle Robin de Agnès Walch

Vivre pauvre, quelques enseignements tirés de l’Europe des Lumières de Laurence Fontaine

Enfants trouvés, enfants ouvriers 17/19ème siècle de Jean Sandrin

De l’enfant trouvé à l’enfant assisté de Anne Cadoret

Les enfants assistés dans le Pas de Calais avant et pendant le 19ème siècle de Eugène Carlier

Les enfants abandonnés à Paris au 18ème siècle de Claude Delasselle

L’assistance hospitalière au secours des orphelins. L’exemple des hôpitaux généraux du Nord de la France de Olivier Ryckebusch

Histoire des enfants abandonnés et délaissés : étude sur la protection de l'enfance aux différentes époques de la civilisation de Léon Lallemand

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Enfants trouvés

1 Janvier 2023 , Rédigé par srose

 

 

Enfants trouvés

Tableau du XIXème siècle représentant un bébé abandonné. Artiste inconnu.

 

Comme on l’a déjà vu dans un précédent article (l'enfant au fil des siècles)  les nouveaux nés sont malheureusement à la merci de nombreux risques. Ainsi en est il surtout des enfants abandonnés.

Des meneurs les convoyaient sur des km jusqu’à un hôpital dans des conditions tellement déplorables que le Parlement de Paris interdit en 1663 le déplacement des nouveaux nés de la province à la  capitale sous peine de 1000 livres d’amende au profit  de l’Hôpital général et de sanction corporelle. En 1779 un arrêt du Conseil du Roi réaffirme cette règle mais rien n’y fait.

C’est ainsi que le 27 mai 1789 le voiturier Pierron, d’Oisemont dans l’Eure, conduit à la maison de la Couche de Paris 12 enfants. Le 12 juin rebelotte avec 15 nourrissons dans une voiture cahotante où les bébés risquent à tout moment de se briser la tête ou de tomber.

Ou encore sur la route de Reims à Paris, dans le village de Fismes, 1ère étape du meneur, est inscrit sur le registre de 1778 : "décédée en passant par Fismes, âgée de 4 jours, fille de Nicole Drumelle de la paroisse de Vrizy, suivant son extrait de baptême, délivré par le prêtre habitué de l'Hôtel Dieu de Reims".

Ces enfants abandonnés sont très jeunes : à Lyon, en 1716-1717 les nourrissons de moins d’un mois représentent 60% des effectifs (dont40% de un à deux jours !).

A Béziers au 18ème siècle, les 2/3 des enfants abandonnés n’ont pas trois mois.

A noter qu’entre 1640 et 1789 la maison de la Couche à Paris reçoit près de 390000 enfants.

 

Pourquoi ces abandons ?

 Les raisons sont bien sûr multiples et il est difficile de toutes les appréhender. Mais parmi celles-ci, la plus évidente reste l’illégitimité. Nés hors mariage, les enfants sont frappés d’indignité et d’incapacité totale de succession. Ils n’ont donc aucun moyen de subsistance. Ceci étant cette crainte ne va tourmenter que la bourgeoisie ou l’aristocratie.

L’illégitimité vient aussi du concubinage, plus développé dans les classes populaires urbaines qui n’ont rien d’important à léguer du moins pour la majorité. Mais là le souci va résider dans le fait de ne pas avoir d’attache pour pouvoir survivre c’est-à-dire pour pouvoir trouver du travail. Une fille mère, ne l’oublions pas, est mal vue dans la société et réduite à la misère si elle garde son enfant. 

Enfants trouvés

Richard Redgrave, 1851, fille mère chassée de sa famille, Royal Académy of Arts

 

A Reims à la veille de la Révolution, plus des quatre cinquième des mères abandonnant leurs enfants sont célibataires : elles sont fileuses de laine, servantes, domestiques …

Et que dire des jeunes filles séduites par le fils de famille quand ce n’est pas le père de famille lui-même ! Voir article sur la domesticité 

 

La misère explique également le nombre des abandons. Louis Sébastien Mercier dans Tableau de Paris écrit : « comment songer à la subsistance de ces enfants quand celle qui accouche est elle-même dans la misère et ne voit de son lit que des murailles dépouillées ? Le quart de Paris ne sait pas la veille si ses travaux lui fourniront de quoi vivre le lendemain ». Jean Jacques Rousseau lui-même justifie auprès de Mme de Francueil l’abandon de ses 5 enfants ainsi : « je gagne au jour la journée mon pain avec assez de peine comment nourrirai-je une famille ? »

Le nombre d’enfants abandonnés va donc tout naturellement augmenter avec les crises alimentaires : En 1709 lors du terrible hyver, les abandons à Paris sont passés de 1759 en 1708 à 2525 en 1709 et 1698 en 1710. Idem à Lyon : en 1708, on recensait 454 abandons d’enfants contre 1884 en 1709 et 589 l’année suivante.

 

Parmi tous ces enfants abandonnés, il y en a malheureusement qui n’étaient pas destinés à l’abandon … ainsi le 8 janvier 1703, Jean Mondon, propriétaire, loue une chambre à une femme avec 2 enfants en bas âge. Elle doit mendier pour trouver de quoi subsiter. Arrêtée pour mendicité, elle est conduite avec son plus jeune enfant à l’Hôpital général. Le plus grand, resté dans la chambre sera remis à la Maison de la Couche.

Idem pour Charles Hochaut dont la mère, malade, est entrée à l’hôtel Dieu de Paris le 28 avril 1658. Les administrateurs de l’hôpital ne pouvant s’occuper de l’enfant l’amènent à la Maison de la Couche.

D'autres encore sont abandonnés par leurs parents pour éviter qu'ils ne meurent de faim : le 1er février 1703, Jacques Bénardier, limeur, se présente à la Charité car il vient de perdre sa femme; il a 5 enfants dont l'ainé a 9 ans et demande qu'on recueille la plus jeune, âgée d'un an et "encore à la mamelle". Elle sera placée en nourrice aux frais de la charité.

 

La Maison de la Couche

Cette Maison créée par Saint Vincent de Paul en 1638 devient en 1670 l’hôpital des Enfants Trouvés ou Maison de la Couche.

En effet, révolté par l'exposition des enfants dehors quel que soit le temps et par l'horreur de savoir "qu'on les vendait dans la rue Saint Landry 20 sols par tête à des femmes viciées qui se faisaient sucer un lait corrompu par ces infortunées créatures",  saint Vincent de Paul arrive à convaincre Louis XIII de lui céder son château de Bicêtre avec une rente de 20 000 livres.

Saint Vincent de Paul réussit également à convaincre des dames fortunées et influentes d’apporter leur patronage à cet établissement spécialement destiné aux enfants trouvés. Le succès est réel mais la situation financière de cette institution reste difficile. C’est pourquoi elle sera rattachée en 1670 à l’Hôpital Général sans que cela ne résolve complètement la problématique financière.

Enfants trouvés

extérieur de l'hôpital des Enfants Trouvés, 18ème, Musée Carnavalet

 

L’enfant qui rentre à la Maison de la Couche reçoit un collier numéroté et scellé plus un sachet dans lequel se trouve le procès verbal du commissaire ou du personnel ayant réceptionné l’enfant. L’enfant est enregistré dans un registre avec son nom ; soit  ce nom était mentionné dans les affaires qu’il portait soit on lui en attribue un.s’il a été trouvé près d’une porte il pourra s’appeler Delaporte, si ses parrain et marraine (souvent du personnel ou des pensionnaires de l’hôpital) s’appellent Sennequin et Duval et le petit s’appellera Senneval.

Puis un médecin l’examinera pour vérifier surtout s’il n’est pas porteur de maladie contagieuse.

Enfin il sera remis à une nourrice résidant à l’hôpital. En 1672, il y en a 2, 5 en 1708 et 8 en 1756. Celle cii est chargée de les allaiter avant de les faire partir à la campagne. Le problème est qu’elles sont vite débordées et il faut trouver une alimentation autre : lait de vache, de chèvre, d’anesse, lait coupé avec de l’eau douteuse, soupe avec du pain bien cuit et du lait, …

A l’hôpital de Rouen on expérimenta le lait de vache coupé d’eau bouillie, d’eau de riz ou de décoction de rhubarbe, « cet essai de nourriture, avec le lait de vache, fut fait sur cent trente deux enfants depuis le 15 septembre 1763 jusqu’au 15 mars 1765 ; il n’en resta au bout de ce temps que treize vivants. Dans ce petit nombre, plusieurs étaient mourants […] d'autres qui ne digéraient pas le lait furent mis au bouillon gras, à la panade, quelques-uns à la bouillie préparée avec la farine et le lait.» RAULIN (J.). De la conservation des enfants. Paris, 1768.

Comment faire manger les bébés ? biberons d’étain, de terre avec comme tétine des bandelettes ou des tétins de vache, cuillère….

Enfants trouvés

biberon en  étain

 

Bref il est évident que les ustensiles utilisés sont des foyers d’infection microbienne et le lait non bouilli ne vaut guère mieux.

Quant aux locaux, ils sont vites trop petits : en 1784, la salle des pouparts de la Maion de la Couche était « une grande pièce contenant environ 80 berceaux contigus les uns aux autres, à la suite de laquelle est une infirmerie pour les enfants moribonds ».

Les nourrissons sont changés au mieux une fois par jour tant le langeage est serré. L’enfant a le temps de macérer dans ses excréments et son urine, faisant ainsi le lit des épidémies les plus variées.

L’état alarmant des bébés ceci étant vient aussi du fait qu’ils sont à leur arrivée le plus souvent syphilitiques, ou abimés par des manœuvres abortives infructueuses ou par le manque de savoir faire de l’accoucheuse ou encore par la malnutrition de la maman pendant la grossesse.

Tout cela donne au final des chiffres catastrophiques : en 1781 l’hôpital de Paris reçoit 11 bébés ; 10 meurent dans le mois qui suit. Le dernier survivra jusqu’en 1784. En 1670, la Maison de la Couche accueille 423 enfants : 118 meurent avant leur mise en nourrice.

 

Enfants trouvés

l'orphelinat, anonyme, 19ème, Musée Carnavalet

 

Sources

Enfants trouvés, enfants ouvriers 17/19ème siècle de Jean Sandrin

la Maison de la Couche à Paris de Léon Lallemand 

le site suivant https://www.tombes-sepultures.com/crbst_2170.html

le site suivant sur les biberons au cours des siècles : http://dona-rodrigue.eklablog.com/histoire-du-biberon-a3971890

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De la pomme de terre à la frite

24 Avril 2022 , Rédigé par srose

De la pomme de terre à la frite

La petite éplucheuse de pommes de terre - 1886 - Albert Anker - collection privée suisse

 

La pomme de terre nous vient d'Amérique du sud, plus précisément des Andes du Chili et du Pérou. Elle débarque en Espagne en changeant de nom : "patata" u lieu de "papa" dans sa version amérindienne (en espagnol, papa veut dire Pape, ce qui fait mauvais effet ...).

Gaspard Bauhin, botaniste suisse et recteur de l'université de Bâle (1550-1624) est le premier à donner une description botanique de la pomme de terre en 1596 dans un livre publié à Bâle, Pinax Theatri Botanici, seu Index in Theophrasti, Dioscoridis, Plinii et Botanicorum qui a seculo scripserunt opera dans lequel il décrit 2700 espèces. il classe la pomme de terre dans la famille des solanacées et lui attribue son nom scientifique actuel : solanum tuberosum "en raison de la ressemblance de ses feuilles et de ses fruits avec la tomate et de ses fleurs avec l'aubergine ainsi que pour sa semence qui est celle des solanum et pour son odeur forte qu'elle a de commun avec ces derniers".

 

De la pomme de terre à la frite

 

Mais dès le départ la pomme de terre est plus considérée pour ses vertus thérapeutiques que culinaires

En effet, il ne faut pas oublier qu’à l’époque tout ce qui pousse sous la terre est mal considéré et impropre à la consommation humaine (on préfère les parties aériennes) et de toute façon la Bible n’en parle pas donc ce ne peut être que mauvais. L'historien Anthony Rowley rappelle les superstitions qui entouraient cet aliment à la Renaissance  :

"Une des raisons pour laquelle la pomme de terre est très mal accueillie en Europe, comme la tomate, c'est qu'on lui attribue tout un stock d'inconvénients majeurs. d'abord sa ressemblance avec la truffe. le gascon utilise le même mot, truaut, pour la pomme de terre et la truffe. Or la truffe est un champignon terrifiant. Il pousse sous terre, il est sensible aux variations et aux cycles lunaires : c'est à dire que c'est un champignon du diable, lié à la mort. Et la pomme de terre, on l'accuse de répandre la peste. Comme ce légume est mal considéré, on le donne à un animal transformateur par excellence, dévalorisé socialement : le cochon".

Mal considérée au point que le Parlement de Paris en 1748 va interdire sa culture dans le nord de la France.

Cette réputation diabolique a duré suffisamment longtemps pour que cela reste dans les mémoires : dans L'Homme qui rit, dont l'intrigue se déroule à la fin du XVIIe siècle, Victor Hugo écrit ainsi : "Son acceptation de la destinée humaine était telle, qu’il mangeait [...] des pommes de terre, immondices dont on nourrissait alors les pourceaux et des forçats".

En revanche la pomme de terre va être employée pour soigner l’eczéma, les brûlures et les calculs rénaux, l’université de Séville lui trouvant en effet un certain nombre de vertus médicinales. Le roi Philippe II d'Espagne ira jusqu'à envoyer en 1565 des plants de pomme de terre au pape Pie IV pour l'aider à combattre la malaria... il en mourut malgré tout.

 

De la pomme de terre à la frite

 

Il faudra attendre Antoine Parmentier pour que la patate acquiert enfin ses lettres de noblesse. Mais cela ne veut pas dire que la pomme de terre est inconnue en France en tant qu’aliment : dès 1602, Olivier de Serres, agronome français (1539-1619) la cultive sous le nom de « cartoufle » ou « truffe » dans le Vivarais. Elle arrive en Franche Comté sous le nom mexicain de « camote » (à cette époque, la région est encore sous domination espagnole). En 1620 elle est cultivée en Bourgogne et arrive en Flandres à la même époque

Mais c’est vrai qu’elle est encore âcre et amère. Et pour ne rien arranger, elle est souvent récoltée verte et conservée à la lumière du jour, et donc sa teneur en solanine peut être élevée et provoquer des troubles digestifs d’où certainement sa réputation sulfureuse … et le peu d’intérêt qu’elle donne pour la cuisine

Les mentalités vont peu à peu changer toutefois : le 24 mars 1756 le roi de Prusse Frédéric II le Grand introduit l’édit des pommes de terre (Kartoffelbefehl). « Là où se trouve une place vide, la pomme de terre devra être cultivée » écrivait-il. C’est ainsi que le tubercule s’est répandu en Prusse

De la pomme de terre à la frite

Le roi Frédéric II en tournée d'inspection dans les champs de pommes de terre - 1886 - Robert Müller

 

En 1757, on la trouve cultivée en Bretagne, alors en période de disette, dans la région de Rennes. Jean François Mustel, (1719-1803), agronome rouennais (auteur d’un Mémoire sur les pommes de terre et sur le pain économique), encourage sa culture en Normandie, et en 1766 on cultive la pomme de terre à Alençon, à Lisieux et dans la baie du Mont Saint Michel. On comprend en effet enfin l’intérêt de la pomme de terre en cas de famine

Arrive enfin Antoine Parmentier, pharmacien militaire, agronome et philanthrope français (1737-1813) ; fait prisonnier au cours de la Guerre de Sept Ans, il est contraint de se nourrir de pommes de terre au cours de sa captivité et découvre qu'il n'en est pas incommodé, comme il l'écrit en 1773 dans Examen chymique de la pomme de terre :

« Nos soldats ont considérablement mangé de pommes de terre dans la dernière guerre ; ils en ont même fait excès, sans avoir été incommodés ; elles ont été ma seule ressource pendant plus de quinze jours et je n’en fus ni fatigué, ni indisposé."

 

De la pomme de terre à la frite

Antoine Auguste Parmentier - François Dumont l'Ainé

 

Comment la pomme de terre devint officiellement un aliment digne d’être consommé en France ?  Tout simplement suite à un concours. En effet, à la suite des famines survenues en France en1769 et 1770, l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon et de Franche-Comté lance en 1771 un concours sur le thème suivant : « Indiquez les végétaux qui pourraient suppléer en cas de disette à ceux que l’on emploie communément à la nourriture des hommes et quelle en devrait être la préparation ? » Parmentier remporte le premier prix avec ses travaux sur la pomme de terre.

Et c’est ainsi qu’en 1772, la faculté de médecine de Paris déclare, la consommation de la pomme de terre sans danger.

Mais la pomme de terre n’est pas un aliment miracle. En effet en 1845, elle montre sa faiblesse avec le phytophtora infestans, autrement dit le mildiou. Ce champignon s’abat en effet sur l’ensemble de l’Europe, anéantissant les récoltes de pommes de terre tandis que les intempéries détruisent les céréales. En Belgique, plusieurs centaines de milliers de Flamands subissent la famine et le typhus à cause du mildiou.

 

Mais, et la frite dans tout ça ?

En effet, maintenant que la pomme de terre est adoptée un peu partout en Europe, comment la mange-t-on ?

Il faut avoir à l’esprit qu’au XVIIIe siècle, la graisse était un luxe pour les petites gens. Le beurre coutait cher, la graisse animale était rare et les graisses végétales meilleures marché se consommaient avec parcimonie. C'est pourquoi les paysans mangeaient la graisse directement, sans la gaspiller, sur du pain ou dans un potage. Et c'est pourquoi la cuisson en friture était rarissime dans la paysannerie.

Mais cela ne veut pas dire qu’on ne la consommait pas comme ça...

En effet la cuisinière anglaise Hannah Glasse (1708-1770) nous donne en 1747 pour la première fois une recette de pomme de terre frite sous forme de rondelles crues rissolées. Les tranches ont la dimension d’une couronne de 4 cm de diamètre et très mince. Elles sont dressées dans un plat et aspergée de beurre fondu, de vin des canaries et de sucre. Cette recette se trouve dans son livre The Art of Cookery made Plain and Easy.

Deux ans plus tard, l’agronome français De Combles (mort vers 1770) avec son Ecole  du jardin potager (1749), donne pour la première fois en France une recette de pommes de terre crue découpée en rondelles, saupoudrée de farine et frite au beurre ou à l’huile :

« ce fruit est susceptible de toute sorte d’assaisonnemens, on les coupe crud par tranches minces, et on le fait frire au beurre ou à l’huile, après l’avoir saupoudré légèrement de farine ».

De la pomme de terre à la frite

 

En 1794, mme Mérigot (semble t-il car l'identité de l'auteur du livre n'est pas certain), cuisinière française, explique dans son livre de recettes, La cuisine républicaine, comment préparer « en friture » des patates coupées en tranches et cuites au saindoux ou au beurre :

« Faites une pâte avec de la farine de Pommes de terre, deux œufs délayés avec de l'eau, mettez une cuillerée d'huile, une cuillerée d'eau-de-vie, sel & poivre ; battez-bien votre pâte pour qu'il n'y ait pas de grumeaux ; pelez-les Pommes de terre crues & coupez-les par tranches, trempez-les dans cette pâte et faites-les frire de belle couleur".

 

De la pomme de terre à la frite

 

L’historienne Madeleine Ferrière écrit en effet que la « pomme frite Pont Neuf » aurait été inventée par des marchands ambulants sur le plus vieux pont de Paris après la révolution de 1789. « Ils proposaient de la friture, des marrons chauds et des tranches de patate rissolées".

Louis Sébastien Mercier, écrivain français (1740-1814) écrit dans son Tableau de Paris en 1783 :

« (…) je dirai encore ce qui se passe au bout du Pont Neuf. C’est une faiseuse de beignets qui, plaçant sa poêle à frire sur un réchaud exposé en plein air et dont en passant vous recevez la fumée au nez, emploie au lieu de beurre, d’huile ou de sain-doux un cambouis, un vieux-oing, qu’elle semble avoir dérobé aux cochers qui graissent les roues des carrosses. Des polissons déguenillés attendent que le beignet gluant et visqueux soit sorti de la poêle et le dévorent encore chaud et brûlant à la face du public. Le passant étonné s’arrête et dit : il a le gozier pavé". 

Au début du XIXe siècle, la pomme de terre frite entre dans la cuisine gastronomique. Ainsi la recette des « Pommes de terre sautées au beurre » chez Viard, auteur du Cuisinier impérial

De la pomme de terre à la frite  

Pierre Leclercq, historien belge de l’alimentation nous explique que la frite « est née dans la rue parisienne, elle est née entre les mains des vendeuses de fritures de la rue parisienne. Et ce sont elles qui ont fait de la pomme de terre frite le plat emblématique populaire parisien du 19e siècle avant que cette frite ne soit exportée en Belgique ».

Et en effet le paysage parisien tel que nous décrit A. De Bornsttedt dans Fragmens des silhouettes de Paris en 1837 nous montre que les pommes de terre frites constituent l'aliment principal des miséreux qui peuplent Paris :

« Le gamin de Paris est en général de petite taille, pâle, fluet, peu musclé, mais d’autant plus agile. Quand il ne mange pas chez ses parens ou chez ses maîtres, il se prive de ses repas ordinaires pour entrer au théâtre des Funambules, à celui de madame Saqui, ou au paradis de la Porte-Saint-Martin ; alors son dîner se compose d’un peu de pain, de pommes de terre frites, ou de quelques autres comestibles des restaurateurs en plein vent. »  

Idem avec Le Gastronome (Le gastronome, Journal universel du goût, rédigé par une société d’hommes de bouche et d’hommes de lettre, n°72, 1re année, jeudi 25 novembre 1830, p. 4.)

« C’est admirable ! à voir le peuple de Paris et ses pommes de terre frites au soleil, et ses marchandes de harengs tous chauds, et ses poires cuites au four, on croirait qu’il vit pour manger, et cependant c’est tout au plus s’il mange pour vivre".

 

De la pomme de terre à la frite

Comme on dine à Paris - 1845 - Charles Joseph Travies de Villers - Musée Carnavalet

 

Il semble bien en effet que l’adoption de la forme en bâtonnets soit le fait des marchandes de pommes de terre frites au cours des années 1830 :

« Nobles pommes de terre frites, chères au comité de salut public, j’admire vos diverses métamorphoses ! D’abord, c’est l’enveloppe terreuse que râcle un couteau ébrêché, et qui découvre une substance ferme et appétissante aux yeux, mais indigeste et peu flatteuse au palais ; ce ne sont pas des beignets : on coupe les longues dans leur longueur, les rondes dans leur rondeur, puis dans cet état de crudité elle vont pêle-mêle au fond de la tôle noircie changer de goût et de couleur. La friture est puissante magicienne" - (Le gastronome Le gastronome, Journal universel du goût, rédigé par une société d’hommes de bouche et d’hommes de lettres, n° 116, deuxième année, jeudi 28 avril 1831, p. 3-5).

 

De la pomme de terre à la frite

Marchande de pommes de terre frites dans Paris - Les Français peints par eux mêmes, Encyclopédie morale du 19ème siècle, tome 5 -Curmer - 1842

 

Pendant ce temps, la pomme de terre devient un entremets très prisé pour accompagner les viandes grillées. En 1807 le gastronome parisien Grimod de la Reynière (1758-1837) la sert avec le beefsteak grillé. En 1809 le gastronome Charles Yves Cousin d’Avalon (1769-1840) écrit la recette suivante :

« Pommes de terre frites. Vous les pelez toutes crues et les coupez en tranches ; farinez les et jetez les dans une friture extraordinairement chaude ; quand elles sont frites, saupoudrez les de sel".

En 1852, Le trésor de la cuisinière propose de découper les pommes de terre en « petits quartiers".

En 1856, Antoine Gogué cuisinier du comte de Cayla et de Lord Melville, conseille de les découper en « morceaux longs et carrés » tout en précisant que « c’est ainsi qu’on les coupe habituellement quand elles doivent être employées comme garniture de biftecks ou de côtelettes".

 

De la pomme de terre à la frite

 L’acteur des Funambules » - Le Charivari, 19 février 1842 - Honoré Daumier

 

Pendant que Paris découvre avec délices les saveurs de la frite, un immigré bavarois du nom de Frédéric Krieger apprend à confectionner les frites dans une rôtisserie, chez Pèlerin, rue Montmartre à Paris . Nous sommes en 1842.

Deux ans plus tard il part en Belgique et s’installe comme forain. Il ouvre la première baraque à frites du pays.

A noter que le terme « baraque » vient du wallon « barak » et désigne une construction précaire ou une roulotte

Pour faire sa publicité, il annonce des « pommes de terre frites à l’instar de Paris » et insiste sur le fait qu’il a fait son apprentissage à Paris. C’est à partir de cette date que les Belges découvrent la frite. Krieger, qui s’est fait surnommer « Monsieur Fritz, le roi de la pomme de terre frite".

De la pomme de terre à la frite

 

En 1848, la première réclame pour Monsieur Fritz apparaissait dans le Journal de Liège :

« Les pommes de terre frites sont arrivées à la Foire de Liège avec leur infatigable Rôtisseur [.] M. FRITZ, propriétaire de l'établissement des tubercules rôtis, prévient ses consommateurs qu'il a redoublé de zèle, afin de prévenir toute observation. Il continuera de faire rouler ses Omnibus et ses Vigilantes à 10 et 5 centimes. On est prié de s'adresser quelque temps à l'avance pour les grosses commandes" - Journal de Liège, samedi et dimanche 28 et 29 octobre 1848, p. 2, col. 4

Monsieur Fritz troqua par la suite sa baraque en toile pour un luxueux salon de dégustation en bois avec plafonds décorés, d'une capacité de dix tables. Des pommes de terres frites, des beignets aux pommes et des gaufres étaient servis dans des assiettes en faïence.

En 1856, en pleine guerre de Crimée, Monsieur Fritz profita de la vogue médiatique provoquée par ce conflit pour baptiser ses grands paquets de frites des « russes » et les petits paquets des « cosaques ». Ce fut un succès.

Il mourut d’une maladie des poumons le 13 novembre 1862 à Liège ; il avait 46 ans.

A noter que dans le Nord, la plus ancienne mention d’une baraque à frites a été retrouvée à Roubaix en 1862.

 

Georges Barral, le guide de Charles Baudelaire lors de son passage à Bruxelles en septembre 1864, en plein pèlerinage sur les traces de Victor Hugo à Waterloo, emmena Baudelaire dans le restaurant habituel de son mentor et donne une description pour le moins savoureuse  des pommes de terres frites qu’ils dégustèrent en Belgique

 « À peine avons-nous terminé, qu'on met au centre de la table une large écuelle de faïence, toute débordante de pommes de terre frites, blondes, croustillantes et tendres à la fois. Un chef-d'œuvre de friture, rare en Belgique. Elles sont exquises, dit Baudelaire, en les croquant lentement, après les avoir prises une à une, délicatement, avec les doigts : méthode classique indiquée par Brillat-Savarin. D'ailleurs c'est un geste essentiellement parisien, comme les pommes de terre en friture sont d'invention parisienne. C'est une hérésie que de les piquer avec la fourchette. M. Joseph Dehaze que nous appelons pour lui transmettre nos félicitations, nous assure que M. Victor Hugo les mangeait aussi avec les doigts. Il nous apprend en outre que ce sont les proscrits français de 1851 qui les ont introduites à Bruxelles. Auparavant elles étaient ignorées des Belges. Ce sont les deux fils de M. Victor qui nous ont montré la façon de les tailler et de les frire à l'huile d'olive ou au saindoux et non point à l'infâme graisse de boeuf ou au suint de mouton, comme font beaucoup de mes compatriotes par ignorance ou parcimonie. Nous en préparons beaucoup ici, surtout le dimanche, à la française, et non point à la belge. Et comme conclusion à ses explications, M. Joseph Dehaze nous demande si nous voulons « récidiver ». Nous acceptons avec empressement, et bientôt un second plat de « frites » dorées apparaît sur la table. À côté est une boîte à sel pour les saupoudrer comme il convient. Cette haute salière percée de trous nombreux fut une exigence de M. Hugo. » 

(Maurice Kunel, Cinq journées avec Ch. Baudelaire, propos recueillis à Bruxelles par Georges Barral et publiés par Maurice Kunel, Éditions de "Vigie 30", 1932, p. 77 et 78 )

  

De la pomme de terre à la frite

Les mangeurs de pommes de terre - 1895 - Van Gogh - Musée Van Gogh Amsterdam

 

A noter que dans le numéro du quotidien liégeois L'Express du 14 novembre 1900, un certain Bertholet (pseudonyme) lançait un débat sur l’origine de la pomme de terre frite … (l'Express, 14 novembre 1900, p. 1, col. 4 et 5)

 

De la pomme de terre à la frite

 

En effet Pierre Leclercq nous indique qu’ "au cours du 20e siècle, la pomme de terre frite a déserté les rues de Paris en même temps qu’elle a gagné la Belgique. Et s’est imposée en Belgique comme le plat national".  

Ce qui fit penser que les frites viennent de Belgique …. Ou pas ….

 

Mais peu importe la paternité de la frite, longue vie aux baraques à frites !

 

« el’baraque à frêtes, ch’est eun caravan’, qui fait des frêtes ! » Dany Boon, 2007

 

De la pomme de terre à la frite

Marchande de frites à Paris

 

De la pomme de terre à la frite

Marchande de frites à Lille

 

De la pomme de terre à la frite

 

Sources

Bibliothèque et musée de la gourmandise

Les grands mythes de la gastronomie : l'histoire vraie de la pomme de terre frite - interview de Pierre Leclercq

Histoire de la frite

Petit tour d'horizon des pommes de terre cultivées en France jusqu'en 1950

La nourriture de rue

Maguelonne Toussaint-Samat, Histoire de la cuisine bourgeoise du Moyen Âge à nos jours, 2001

LECLERQ, Pierre. Les frituristes de Bruxelles : La véritable histoire de la pomme de terre. Mars 2009-décembre 2010

 

 

 

 

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