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Les papiers d'un laboureur - 2

19 Mars 2022 , Rédigé par srose

 

 

Les notes de Pierre Bordier relatent le quotidien de son village et tout ce qui lui semble important de noter. On ne retrouve pas d’émotion, de réflexions particulières sur sa vie ou son époque. Ce sont essentiellement des faits qui vont nous donner une idée des moeurs du temps, des rigueurs de la vie et ses aléas.

Ci-dessous quelques exemples (avec l’orthographe de Pierre) de ses notes que j’ai rassemblées en thématiques :

 

Sur la météo et l’impact sur les cultures

  • En février 1754 il note qu’en raison de la neige qui recouvre les champs « les alouettes viennent manger les choux du jardin »
  • En septembre 1754 suite à la sécheresse « touttes les légumes des jardins sont tous perdus : les choux les pois chiches , éricots ou pois blancs ; les chénévriers sont sans chénevis »
  • En décembre 1755 « il est arrivé une grande creux [crue] d’eau à la Loire de Blois qui a fait bien de la perte à ses voisins. Le mardi 2 de ce mois, elle a été si forte que il y a 32 ans qu’elle n’a été si haute. On a vu dans la rivière plusieurs bœufs vivants , du bois en quantité que l’on a tiré contre les ponts. Et a effrayé bien du monde ; elle a emporté deux ou trois maisons de Vienen [faubourg de Blois sur la rive sud du fleuve]. Elle a fait une furieuse peur aussi à Blois […] elle a emporté les ponts et plusieurs maisons qui étoient sur les ponts».
  • En février 1756 : « le mercredi 18 il a fait un grand vent qui a bien fait du dégât à toutes les maisons partout, et jeté (à bas] une grange à Villemorain et a blessé un homme dans ladite grange ». Cette tempête « a jeté la croix du cimetière à bas ».
  • Dernière semaine de juin 1757 : « cette semaine a été si chaude que l’on boillet comme le bœuf cuit entre deux plats en son jus »
  • En janvier 1758, il y a eu une grosse tempête de neige : « la neige et la gelée a été si âpre et rude qu’il y a un nommé Suard de Villeporcher qu’on a trouvé gelé en un chemin et mort avec son âne ; cet homme revenait de l’huile des Roches ; il est mort entre le Grand Breuil et les Haies. »
  • Au printemps 1760 « depuis le commencement (du mois) il a fait beau, un temps propre pour les chénévriers, un temps bas, nuageux et chaud, couvert. Les bleds sont bien préparés ; les vignes encore mieux ; les prés les menus grains, tout est bien et promet beaucoup »
  • En décembre 1762 et janvier 1763 Pierre a noté que « la terre est gelée de 14 à 15 pouces avant le cimetière » (une quarantaine de cm)
  • Le dimanche 13 mars 1763 «  il a gelé jusque dans les maisons»
  • En 1768 « il y avoit beaucoup de pomme, peut de poire, point de serize, un peu de guine »

 

Les papiers d'un laboureur - 2

Tableau anonyme du 18e siècle, exposé au Castello Sforzesco de Milan

 

 

Sur la religion

  • En septembre 1758, « le peintre a commencé [dans l’église] le lundi 11 de ce mois, où il fait le grand tableau, deux autres de chaque côté du grand Autel et un devant l’autel, et peint toutes sortes de boiseries»
  • En juin 1763 : « le 3 de ce mois on a exorcisé tous les bestiaux sur le pastis du prieuré : chevaux, vaches, moutons, brebis, agneaux, cochons, le lendemain de la feste su Saint Sacrement à 2heures après midi».
  • Quelques exemples de cérémonie du Lazare, au cours de laquelle un condamné « pour un cas piteux et rémissible » ayant obtenu une grâce plénière doit porter en procession solennelle un cierge de 33 livres : en 1753, un garçon d’Epuisay âgé de 17 ans qui « avoit tué son camarade à la chasse par mégarde», en 1754, « celui qui a porté le cierge du Lazare est un chirurgien tout proche Le Mans, qui a tué un homme et après l’avoir tué, il a voulu le mettre au feu pour le brûler »

Les papiers d'un laboureur - 2

Eglise Saint Martin à Lancé

 

Sur l’école de Lancé

  • Mars 1760 « le jeudy 2, M. Lattron est décédé et sa femme le vendredy 14, il estoit sacriste à l’église de Lancé »; « il est venu un appelé David pour être sonneux et enseigner l’école, le jour des Rameaux qui est le 30 mars » ; « on luy donne la jouissance de 12 boisselées de terre par an ; on lui donne 25 sols pour l’enterrement s’une grande personne, 10 sols pour chaque service, 5 pour assister le curé à aller chercher les corps, c’est-à-dire le convoy […] on lui donnera 7 sols pour l’enterrement des enfants »
  • « le jeudy 21 (mai 1767) le sieur David , sacriste et maître d’école à Lancé, s’en est allé d’ol étoit venu, à Blois, pour être aussy maître d’école à En Vienne les Blois ; il y a été (ici) 7 ans » ; « le dimanche 12 (juillet 1767) on a reçu Tondereau pour être sacriste à Lancé aux conditions de David»

 

Sur les animaux et les menaces qu’ils pèsent sur le village

  • 1742 « la Beste qui dévore les anfans a commencé cette année à faire son carnage» - est ce un loup dont il parle ?
  • 1747 : « la Beste resgnes toujours actuellement , qui fait un grand désordre, on a beau y faire la chasse »
  • 12 septembre 1751 : le curé écrit qu’à Saint Arnoult, « a été inhumé la tête et quelque os du corps de Marie Hult (…] duquel corps on n’a pu trouver que ladite tête et une petite poignée des côtes et de petits os, les habits à leur entier et une jambe attenante l’os de la cuisse »
  • Mars 1754 : « on parle actuellement de la Beste qui dévore les enfants surtout en la paroisse de Villeporcher et Saunay. Elle en a haché et étranglé trois cette semaine, à Saunay»
  • Février 1766 : « le Grand Maître des Eaux et forêts a ordonné une chasse aux loups ; on s’est rassemblé devant le château de Bouchet-Touteville ; il y avoit Crucheray, Nourray, Lancé, Gombergean, Pray et Lancômme, un homme de chaque feu. On a tué un renard au Clos Mouchard et tiré quelques loups près de Puterreau […] on n’a rientué ; il faisoit trop grand froid et grand vent»

 

Les papiers d'un laboureur - 2

Un loup en ville ! gravure XIXe - coll. cl. Ribouillault

 

Sur les évènements liés à l’actualité en France et ailleurs

  • 1743 : « il c’es levé une grande gueres entre les François et la Reyne de Hongris »
  • 1746 « les guerres sont si grandes que tout les peuples en sont épouvanté »
  • En août 1754 « on a fait de grandes réjouissances dans Paris (lors) de la naissance de Monseigneur le Duc de Berry, petit fils du Roy, 15ème du nom » (le futur Louis XVI)
  • 1756 : « on fait la guerre avec le roi d’Angleterre sur mer ; on a pris une ille que l’on nomme le Port-Mahon et encore une autre , je ne sais plus son nom»
  • En décembre 1757 « le fils du sieur Challussez (le seigneur) a perdu la vie (à la bataille de Rosbach) par un boulet de canon ; il était capitaine dans la cavalerie, âgé de 30 ans »
  • 1757 : «  il est venu une nouvelle que c’est seur que Louis 15 a été poignardé, mais c’est à Versailles : il en reçu deux coups, l’un au coude et l’autre à la quatrième coste d’en bas ; il n’a pas été percé à jour mais la peau et un peu de chair. […] celui qui a donné les coups de couteau est de la ville d’Arras ; son métier étoient contre porteur de pierre à dégraisser les tâches sur les habits et de pierre à fusil, amadou et autres petites niaiseries comme on en voit dans les foires à trainer. Il avait une grande redingote par-dessus de vieux haillons».

Les papiers d'un laboureur - 2

Eau forte aquarellée - Anonyme. 1757 - Musée du barreau de Paris

 

  • « le dimanche 6 (mars 1757) on a chanté le TE DEUM pour rendre grâces à Dieu de la guérison et du rétablissement du roi Louis XV» suite à l’attentat de Damiens
  • Le samedi 23 juillet 1763 est annoncée la nouvelle du traité de Paris mettant fin à la guerre de Sept ans : « la paix a été publiée par le sieur Auriou, huissier à Vendôme, et accompagné de hallebardiers et environ 10 à 12 fusilliers, tous à pied».
  • 1775 : « Louis XVI a été sacré à Reims le 11 juin, jours de la Trinité»
  • Sur la guerre d’indépendance en 1779 : « nous avons de la guerre sur mer ; le comte d’Estin y prend les Englois prisonniers , même il y en a environ d’un cent à Vendôme ; il y a les Amoriquins, l’Espagne et la France qui leurs font la guerre et sont encore les maîtres bien souvent ; ils nous prennent souvent des vessaux et bien des munitions de guerre»

 

Les papiers d'un laboureur - 2

Sacre de Louis XVI - 11 juin 1775

 

Sur la vie de ses concitoyens

  • Représentations : En 1749 « le mercredy 23 avril, il est arrivez à Vendôme plusieurs personnes qui ont un Tableau qui représente la mort et Pation de Nostre Seigneur dont tout le monde en est ravy de joie, et plusieurs oiseaux qui chantent au parfait»
  • En juillet 1753 il rapporte qu « on a fait voir au peuple deux enfants collés l’un à l’autre et un poisson de mer nommé lion marin»
  • « Le mardi 22 may (1754) il s’est nayé un enfant de 2 ans à Armand Rimbault à Chandelay dans un trou d’eau en sa cour » ; il s’agit de Jacques Rimbault frère de marie louise, sa servante et future femme
  • En février 1755 un marchand de vaches tue sa femme à Montoire
  • En octobre 1755 « on a dressé un théatre devant l’abbaye de l’Etoille, par un opérateur nommé Scipion ; ils sont 22 de leur troupe. Il est bien habile dans ses opérations. Il a fait son orviétan devant les magistrats et chirurgiens de la ville de Vendôme en la chambre de la ville » et le 20 décembre 1755, « le théatre aux opérateurs n’est pas encore à bas mais le harlequin en sautant dessus il a défoncé [le plancher] par le milieu et s’est fait grand mal aux jambes ; le sang a parti sur ses bas tout [de] suite»
  • En décembre 1755 : lors des crues de la Loire, « on a trouvé à Amboise en la rivière un berceau avec deux enfants dedans tout vivants, sans aucun mal, avec chacun un grelot en leurs mains ; on regarde cela comme un miracle ; on ne sait pas d’où ils sont natifs»

Les papiers d'un laboureur - 2

 

Scène de sauvetage en val d'Orléans - crue 1846 - musée de la Marine de Loire

 

  • « Le jeudy 25 (septembre 1755) le sieur Delauné , curé de Gombergean est décédé et enterré le 26 ; il est entré dans sa cure à la chandeleur 1744 en la place du sieur Leroux, qui s’en fut curé de Villexanton ; il a été curé environ 11 ans et demy » - deux mois plus tard, « le vendredi 21 (novembre), M. Quetin a pris possession de la cure de Gombergean  a dit sa 1ère messe le jour de la trinité d’hiver »
  • En janvier 1758, « la femme du sieur Derois, de St Amand, est revenue depuis 8 ou 10 jours. Elle a été absente environ 4 ans d’avec luy»
  • En janvier 1760 décès de mme Souchay « agée d’environ 90 ou 91 ans»
  • En 1760 « M Desnoyers, curé de Lancé a etrenné une chappe et une chasuble neuves qui est venue de paris le jour de Pasques qui est le 5 d’avril»

 

Les papiers d'un laboureur - 2

Enterrement d'un enfantAlbert Anker, 1863

 

Sur lui : Pierre a écrit très peu de choses sur lui  

  • Juin 1751 : vol avec effraction à la petite musse « pendant que la paroisse de Lancé était allé processionnellement dudit Lancé en station à l’église paroissiale de la paroisse de Saint Amand après les vespres de ladite paroisse de Lancé pour le Jubilé, il fut fait une fracture au cul de leur four de la maison du déposant appelée la petite musse dite paroisse de Lancé » ; le voleur trouve « dans le coffre du déposant qui était au pied du lit [..] un sac de toile où il y avait environ 416 livres en écu de six, trois livres et monnaie, de laquelle somme il prit environ 210 livres, laissa le surplus dans ledit sac » - cela correspond à peu près à une année de salaire de journalier c’est donc une somme importante

On retrouve ce témoignage par une procédure judiciaire en 1776 (soit plus de 20 ans après les faits) ( AD 41 série B, bailliage de Vendôme)

  • En juillet 1754 Il achète « un cheval de ans, gris pour 100 livres»

 

Sur les exécutions et sanctions diverses

  • Le 5 novembre 1757 un homme natif de la Chapelle Gauguin, coupable de vol est exécuté par pendaison ; le 3 mars 1759 ce sera une servante, Marie Lanoux, « âgée de 20 à 21 ans, native de Caen, en Normandie», qui sera pendue pour vol ; elle avait volé en novembre 1758 à l’hôtesse de l’auberge du Petit Paris « un drap de brin de 5 aulnes, un rideau d’indienne ayant ses boucles, un tablier, une paire de bas et une cornette de nuit »
  • En juin 1752 « on a fouetté et flurdelisé un homme de Selommes pour avoir vollé environ 30 boisseaux de bled à son cousin»
  • Le 29/04/1761 « Jallier  est mis en prison à Montoire pour avoir été accusé d’avoir vollé 6 boisseaux d’avoine»
  • En aout 1766, « le samedy 2, on a roué à Vendôme un homme de Mazangé, dans le marché de Vendôme. Il y avoit 4 bourreaux ; on l’a mené la nuit à l’arche du Mauvais Pas où il est exposé sur la roue».

Les papiers d'un laboureur - 2

Flétrissure - archives de Toulouse

 

 

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Les empêchements au mariage

13 Mars 2022 , Rédigé par srose

 

Quels sont les liens de parenté qui pourraient empêcher un mariage ?

 

  • Les liens par consanguinité: les fiancés ont un ancêtre commun. Avant le Concile de Latran en 1215, il était interdit de se marier avec un parent jusqu’au 7ème degré. Le Concile de Latran réduira l’empêchement parental jusqu’au 4ème degré. Donc il était interdit à tous futurs époux de se marier s’ils avaient des trisaïeuls communs (un degré canonique correspond à une génération)

 

  • Les liens par affinité ou par alliance: impossible par exemple pour un veuf d’épouser une parente du premier conjoint (jusqu’au 4ème degré).

 

  • Les liens liés à la parenté spirituelle : Toute personne (sage-femme, parrain, marraine) ayant baptisé un enfant (en cas de nécessité pour la sage femme) contracte avec lui une alliance spirituelle; de ce fait aucun mariage ne peut être contracté entre eux.  De même, le parrain ne peut épouser la mère de l'enfant et, pareillement, la marraine ne peut épouser le père de l'enfant. Ils sont qualifiés respectivement de compères et commères. Enfin l’enfant baptisé ne peut épouser les enfants de son parrain ou de sa marraine

 

  • Les liens liés à la parenté légale : L’enfant adopté ne pouvait épouser un enfant de ses parents adoptifs, ni ses parents au 4ème degré.

 

 

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Les papiers d'un laboureur - 1

13 Mars 2022 , Rédigé par srose

 

Les papiers d'un laboureur - 1

 

Le livre de Jean Vassort (*), écrit en 1999, est basé sur les papiers qu'a écrit sur plusieurs décennies, Pierre Bordier, laboureur à Lancé au 18ème siècle : un Compendium (1741-1781) et un Journal (1748-1767). Ces notes nous donnent une idée du quotidien d’un petit village rural au 18ème siècle.

 

La famille de Pierre et son village

La vie de Pierre s’étale de la toute fin du règne de Louis XIV au tout début du règne de Louis XVI

En effet il nait le 17 janvier 1714 à Crucheray (41) donc dans les dernières années du règne de louis XIV

Le village se situe en Loir et Cher, dans la Beauce. Y vivent une centaine de familles (77 feux en 1713, 87 en 1768, 94 feux en 1790).

Les papiers d'un laboureur - 1

 

L’église Saint Martin ne ressemble alors pas à celle que l’on connait aujourd’hui puisque le clocher n’est en réalité qu’une petite flèche de bois placé sur le comble.

La production agricole concerne essentiellement le froment (bled), l’avoine, l’orge. Il y a également de l’élevage puisque l’on recense sur Lancé en 1790 80 chevaux, 3 juments, 2 poulains, 9 ânes, 3 bœufs, 153 vaches, 2 taureaux, 58 génisses, 15 veaux, 55 moutons, 19 béliers, 524 brebis, 373 agneaux, 8 chèvres et 31 porcs.

Son père, Jean est un laboureur demeurant, au moment de la naissance de Pierre, à Pinoche paroisse de Crucheray. Il est noté dans le registre de la paroisse qu’il est également fabricier (1730-1739) et syndic à Lancé (à 4 km de Crucheray). 

Sa mère, Marie Lucquet est la fille de Pierre Lucquet, laboureur demeurant au Grand Fontenaille, paroisse de Nourray situé à 2km de Crucheray.

Pierre a plusieurs frères et sœurs tous nés à Crucheray 

    - Marie e le 22 janvier 1716 et décédée le 20 novembre 1723 à Crucheray, à l'âge de 7 ans

    - Louise, née le 3 mars 1917 et décédée le 4 mai 1747 à Sainte Anne à l'âge de 30 ans

    - Jean né le 8 avril 1719 et décédé le 26 décembre 1725, à l'âge de 6 ans

       -   Marguerite née le 23 décembre 1720 et décédée le 25 février 1722  à Crucheray à l'âge de 14 mois 

La mère de Pierre meurt le 16 octobre 1721, moins d’un an après la naissance de son dernier enfant. Elle avait 30 ans.

 

Les papiers d'un laboureur - 1

 

Pierre bordier se mariera, mineur (la majorité à l’époque pour les garçons est fixée à 30 ans),  le 1er mars 1734 à Anne Brethon (née le 25 janvier 1711 à St Amand Longpré – se situe à 5km de Lance). Elle est un petit plus âgée que lui.

Le couple habitera avec Jean Bordier dans la ferme située au Pont à Lancé mais en 1750 Jean abandonnera la ferme pour vivre à Sainte Anne chez Jean Gallois,  gendre de sa défunte fille, Louise. Sainte Anne se trouve à 8km de Lance

Pierre et sa femme quitteront la ferme du Pont et iront vivre à la petite Musse à Lancé. Pas très loin de leur ancienne ferme puisque par un côté ls dépendances de la petite Musse jouxtent la terre labourable de la métairie du Pont.

 

Le couple n’aura pas d’enfant.

 

Anne meurt le 14 novembre 1770 à Lancé. Elle avait 59 ans.

 

Dix-huit mois plus tard, Pierre se retrouve papa d’une petite Marie Louise qu’il a eu avec Marie Louise Rimbault, 22 ans, servante chez Pierre et sa propre filleule. La parenté spirituelle va poser souci car elle constitue un cas d’empêchement au mariage

Pour pouvoir lever cet empêchement il faut un bref pontifical ; celui-ci sera donné le 5 juin 1772, ce qui permettra le mariage le 15 juin de cette même année.

Quatre autres enfants suivront :

-              -  Pierre né en 1773 et mort en 1778

-              -   Jean baptiste né à Lancé le 19 septembre 1775 et mort à Lancé, le 2 mai 1834, marchand laboureur

-              -  Anne Marie née en 1777 et morte en 1837

-              -  Pierre né en 1779 et mort en 1836, marchand laboureur

 

Milieu social

Pierre est issue d’une famille de laboureur relativement aisé : Jean est en effet pendant un quart de siècle fermier de la métairie du Pont, la plus grosse de la paroisse de Lancé d’après le rôle de taille de 1789. Son grand père Mathurin était déjà laboureur à Pinoche.

L’un de ses neveux, Mathurin Gallois, est quant à lui prêtre curé de la paroisse Saint Nicolas de Blois ; il sera le tuteur des enfants de Pierre à son décès

Le père de Pierre, Jean, exerce également d’importante fonction administrative : il est syndic de la paroisse en 1734 c’est à dire qu’il est en charge des intérêts de la communauté villageoise et également fabricier durant 9 ans.  A ce titre, il gère les comptes de la paroisse et administre les biens et revenus de l’église de Lancé. C’est donc lui qui baille à ferme les biens de la paroisse (souvent des legs ) il gère les dépenses indispensables : achat de cierges, entretien du mobilier de l’église (dais, balustres, confessionnaux), remplacement de la corde de la cloche, réparation des murs du cimetière.

Le cumul des deux charges (syndic et fabricier) est peu courant et indique une position sociale importante au sein de la communauté.

Pierre sera lui aussi syndic mais pas fabricier.

Il est désigné par le prêtre de la paroisse comme étant tantôt marchand laboureur, tantôt que laboureur ou que marchand. A partir de 1770 il est indiqué plutôt dans les actes de la paroisse qu’il est « ancien fermier », ancien laboureur fermier » voire même « ancien marchand laboureur fermier ».

 

Sa fortune

La petite Musse où il habite comprend à sa mort en 1781 une maison composée d’une chambre à cheminée, un four, une petite chambre froide, une écurie, une petite grange, un hangar « le tout sous même toit et couvert de thuille, grenier sur lad. chambre et écurie » elle se complète à l’est d’ « un autre petit corps de bâtiment  composé d’une petite buhanderie d’un cellier, grenier sur yceux couvert à thuille » et au sud du bâtiment principal « un autre petit corps […] composé d’une étable à vaches et têts à porc, couvert de chaumes »

Il y a aussi des « jardins devant et derrière et au bout desdits bâtiments clos de terre labourable et vigne, le tout en un tenant » ainsi qu’ « une pièce d’autre terre labourable de 12 boisselées et 2 boisselées de pré ».

En 1781 à son décès l’inventaire indique : 

  • 2 chevaux de 7 et 9 ans et leur équipement « colliers, brides, traits de charrue et charrette »
  • « une charrue roulante en rouelles de bois »et les éléments de rechange (un versoir, 3 oreilles, un coutre et 4 socs »
  • Une charrette, une brouette, divers outils : une faux avec ses battements, des fourches, 3 crocs, une marre, 3 pelles en bois, une pelle-bêche, une pelle-râteau, un pic, un râteau en fer, un fléau, un van, une « meule à émondre », un arrosoir, un entonnoir, un boisseau de Vendôme, un minot de bois
  • Du blé, de l’avoine, du foin, du chanvre, du bois
  • « 6 septiers de bled froment compris une petite partye de segle »
  • « cinq poinçons et un quart de vin de l’année dont ¾ en blanc »
  • 9 poinçons de futaille
  • 5 vaches
  • Une taure
  • 5 vaisseaux de mouches abeille
  • 3 vieilles ruches
  • 30 livres de viande de porc conservées dans le saloir
  • 25 boisseaux de glands
  • Un baquet à égoutter le fromage
  • Une pelle à four
  • Une baratte
  • 30 pots à couler le lait

 

Dans la maison et plus précisément la principale chambre, on trouve :

  • Un coffre en bois de noyer sans la clé
  • Une petite armoire de bois fruitier de mauvaise qualité
  • Un lit complet
  • Un buffet en forme d’armoire neuf et fait de différentes espèces de bois »
  • Une table de bois de poirier
  • 10 chaises de paille de mauvaise qualité
  • Un petit vaisselier de faible valeur
  • 2 petits lits de mauvaise qualité
  • Une couchette d’enfant

Dans la petite chambre voisine

  • Un petit lit
  • Un coffre de médiocre qualité

 

Quant au linge, Pierre possédait :

  • Six draps de grosse toile d’usure variée
  • 8 nappes «  au trois quart usées »
  • 9 petites serviettes
  • 9 petits essuye-mains
  • 20 chemises dont 9 neuves et « les autres plus que my-usées »
  • 9 petits mouchoirs
  • 2 petits fichus
  • 11 coiffes de bonnets de nuit
  • Une douzaine d’habits, vestes et culottes de mauvaise qualité
  • Un manteau de cavalier en drap de mauvaise qualité

La plupart des vêtements sont de couleur sombre à une époque où les couleurs vives sont à la mode

 

 Dans la cuisine, on retrouve :

  • un équipement de cheminée
  • 3 poeles
  • 2 poelons
  • Une boite à sel
  • 2 marmites avec leur couvercle
  • 3 chaudrons de fonte
  • Une cuillère à pot en cuivre
  • Des plats en terre
  • 11 assiettes de fer « mauvaises »
  • 11 assiettes de faïence
  • 16 autres d’étain dont 6 très petites
  • 19 cuillères d’étain
  • 7 gobelets d’étain
  • Pas de verre ni de couteau
  • 2 seilles (sceau) à eau
  • Un « mauvais réchaud de cuisine »
  • Une petite pendule
  • Un fusil
  • Une gibecière
  • Un bassin à barbe
  • Un « pezet » (balance)
  • Une « plumée é
  • Une lampe
  • Un lampion
  • 1500 livres dont 25 louis de 48 livres)

 

L’ensemble de l’inventaire n’atteint pas 400 livres. Si Pierre a été riche, cela n'apparait pas clairement au vu de cet inventaire.

Ceci étant, entre les divers loyers et fermages , les activités d’élevage et les prés, il tire chaque année à peu près 2000 livres ce qui reste correct mais sans plus ;  ça le situe tout de même aux tout premiers rangs de la société villageoise.

A noter que le rôle de taille de 1789 contient 112 côtes dont 21 concernent les laboureurs imposés pour "exploitation de labour", "pour exploitation de sa ferme", "pour sa ferme" ; ces 21 côtes représentent les ¾ de l’imposition totale de la paroisse . On y retrouve la ferme du Pont, longtemps exploitée par la famille Bordier et qui en 1789 appartient à la veuve Jacques Gombault : elle est taxée 193  livres , la plus haute du rôle.

 

La suite : ICI

 

 

 (*) Jean Vassort est agrégé d'histoire, docteur d'État, professeur honoraire de khâgne au lycée Descartes de Tours.

Il a écrit divers ouvrages très intéressants que je vous recommande : voir ICI et ICI

 

 

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Immigration belge dans le Nord Pas de Calais au 19ème siècle

11 Mai 2021 , Rédigé par srose

 

 Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

 

Aperçu très rapide et très succinct de l’histoire de la Belgique

Pour la compréhension de cet article sur les migrations belges en France au 19ème siècle, il est nécessaire de comprendre de quels territoires venaient ces personnes ; or l’histoire de ces territoires est assez complexe ; je vais retracer très globalement leur historique à partir du 15ème siècle jusqu’à 1830, année de l’indépendance de la Belgique

 

Au 15ième siècle, toutes les régions de ce qui est aujourd’hui l'actuelle Belgique sont sous l'autorité des ducs de Bourgogne, à l'exception de la principauté de Liège, de la principauté de Stavelot-Malmédy et de Tournai. Ce sont les Pays Bas bourguignons

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

Pays Bas bourguignons

 

Au début du 16è siècle, Charles Quint (natif de Gand), empereur du St Empire romain germanique, est notamment souverain d’Espagne et des Pays Bas Bourguignons ; il conquiert Tournai en 1521 et diverses provinces des Pays-Bas actuels.

Ces territoires nouvellement acquis, ajoutés à ce qui était les Pays-Bas bourguignons, vont constituer ce que l'on va appeler désormais les 17 Provinces (appelées également les  »).

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

les 17 Provinces

 

Ce bloc correspondrait, aujourd'hui, approximativement aux territoires de la Belgique (à l'exception de la Principauté de Liège, de la principauté de Stavelot-Malmedy et du Duché de Bouillon), du Grand-Duché du Luxembourg, des Pays-Bas actuels, ainsi que du Nord de la France.

 

En 1568, les provinces formant les Pays-Bas espagnols vont se soulever contre le roi d'Espagne ce qui va donner les Pays Bas du sud ou espagnols constituées du nord de la France, de la Belgique actuelle (sauf la province de Liège), et du Grand-Duché du Luxembourg actuel.

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

Provinces Unis et Pays Bas espagnols

 

Les provinces du nord devenues indépendantes se dénomment désormais les Provinces Unies et correspondent globalement au territoire des Pays-Bas actuels

 

Au terme de la guerre de Succession d'Espagne en 1713, les Pays-Bas espagnols ou Pays Bas du sud sont cédés aux Habsbourg d'Autriche, empereurs du Saint Empire et archiducs d'Autriche. Ils prennent alors le nom de Pays-Bas autrichiens

 

La France quant à elle reçoit l'Artois, la Flandre française et le Hainaut français (territoires qui correspondent au nord de la France actuelle), ainsi qu'une petite partie du Bas Luxembourg (Thionville). Il s'agit, dans les grandes lignes, de tous les territoires au sud du tracé actuel de la frontière belge.

 

En 1792, les Pays-Bas autrichiens et la Principauté de Liège sont envahis par les troupes républicaines françaises. L'année suivante, ces territoires sont reconquis par les Autrichiens. Mais en 1794, les Pays-Bas autrichiens et la Principauté de Liège sont finalement annexés par la France.

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

Possessions françaises en Belgique

 

Avec la chute de l’empire de Napoléon, la Belgique sort du territoire français. En effet les puissances européennes que sont l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse et la Russie, réunies lors du Congrès de Vienne (1814-1815) décident de créer un Etat tampon au nord de la France: le Royaume-Uni des Pays-Bas qui réunit :

  • les Pays-Bas du nord (les actuels Pays-Bas),
  • les Pays-Bas du sud (actuels Belgique et Grand-Duché du Luxembourg),
  • la Principauté de Liège

 

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Royaume Uni des Pays Bas

 

Le 4 octobre 1830, l’indépendance de la Belgique est proclamée; la Belgique se sépare des provinces du nord (c'est à dire les Pays-Bas actuels).

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

 

Les raisons de l’immigration belge

La sortie des territoires « belges » en 1815 va faire énormément de tort à l’économie belge car la France dont les importations représentaient alors 90% de la production belge ferma ses frontières.

Pa ailleurs, le gouvernement du royaume uni des pays bas ne modifia pas l’activité linière qui est majoritairement artisanal ; or les articles de lin fait main ne purent concurrencer les articles issus de la mécanisation venant de Russie et du Royaume uni.

500 000 personnes furent touchées par l’effondrement de l’activité linière et donc par la révolution industrielle. En 1840, la Belgique ne comptait que 47 000 broches contre un million en Angleterre  et 57 000 en France.

Par ailleurs l’été 1845 fut fatal aux pommes de terre ; le mildiou eut raison de 90% des plants de pommes de terre. L’année suivante la rouille s’attaqua au seigle.

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

Découverte de la maladie de la pomme de terre en Irlande - Daniel Mac Donald - 1852

 

La famine s’ensuivit et prit une telle ampleur qu’on l’appela le mal des Flandres. Ceux qui ne mouraient pas de faim mouraient du typhus ou du choléra.

La récession économique associée à la crise frumentaire de 1846 à 1851 a causé la mort de près de 50 000 belges à partir de 1846 (contre 10 000 en France).

Un exode rural commença vers les villes flamandes mais celles-ci n’ont pas la capacité d’accueillir cette population rurale affamée. lLexode se concentra donc vers la Wallonie et la frontière française, dans des centres textiles du Nord tels que Lille ou Roubaix.

A cela s’ajoute ce que l’on appelle la Grande Déflation de 1873-1896 : il s’agit d’une crise économique mondiale liée à la surproduction et qui va mettre des millions d’ouvriers et de paysans dans le monde au chômage et les enfoncer dans la misère.

 « Il creuse des veines de charbons, récolte et trait, coule l’acier liquide, souffle le verre plus de 10 heures par jour, parfois 12, six jours sur sept. Il gagne peu, ne bénéficie d’aucune couverture sociale, ne peut passer que quelques heures en famille par semaine. Son épouse travaille également, principalement dans les champs ou dans des usines. Elle exerce aussi des activités de lingère, repasseuse ou couturière. Certaines se rendent au marché matinal de Charleroi pour y vendre les maigres récoltes. Les enfants travaillent plusieurs heures par jour, aidant leurs parents, ou occupent certains postes nécessitant une petite taille dans les industries. www.charleroi-decouverte.be  »

La sidérurgie est touchée ainsi que l'agriculture, les industries du lin et du bois et les industries alimentaires.  Le 18 mars 1886, entre 2 000 et 3 000 ouvriers des bassins industriels des provinces de Liège et de Hainaut se mettent en grève et protestent contre leur situation. Les forces de police interviennent et usent de la force. C’est le début de deux mois de grèves, de révoltes, et d’émeutes de la faim. Ces mouvements sociaux vont également contribuer au départ de nombreuses familles vers la France.

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

La grève - Robert Koeller - 1886

 

S’agissant de l’immigration agricole, celle-ci est essentiellement saisonnière (arrachage des betteraves, récolte du houblon, du lin ou des céréales). Cette émigration est donc très temporaire et on la retrouve un peu partout en France à toutes les époques.

Ici cette émigration va se structurer au cours du 19ème siècle : des groupes d’hommes originaires des mêmes villages vont constituer une équipe sous l’autorité d’un responsable le ploegbaas qui va négocier avec l’exploitant français les tarifs et les conditions de travail en terme de logement et de nourriture. Quand ils reviennent chez eux au terme de leur « contrat », ils sont souvent qualifiés de Franchimands (Français)

 

Destination des immigrés belges

L’immigration belge est majoritairement de proximité : elle fut wallonne dans les Ardennes, à dominante wallonne dans le pas de calais et flamande dans le nord

Pourquoi cet attrait pour la France du Nord et du Pas de Calais ? tout simplement parce qu’après la chute de l’empire et la fermeture de la frontière belge en 1815, des industriels de Gand, Mouscron, Ath dans le Hainaut délocalisèrent leur activité dans ces départements français et de ce fait des ouvriers spécialisés et des tisserands suivirent. Ce qui fit un point de chute et de « ralliement » pour les générations suivantes.

 

La proximité est un autre facteur important : France et Belgique sont voisines, ce qui facilite grandement les choses.

 

Au final ce que l’on peut voir c’est que dès le début du 19ème siècle, l’industrie textile dans le Nord Pas de Calais c’est essentiellement Lille Roubaix, Armentières, la vallée de la Lys, le Cambrésiis et ces lieux attirèrent très tôt les ouvriers belges venant de Courtrai, Mouscron, Tournai, Popperinge, Brugges et Gand.

 

Les mines du Nord Pas de Calais virent arriver également des paysans du Borinage et du Hainaut

 

Au 19ème siècle la compagnie minière d’Anzin recrutait 60% de ses mineurs dans la région de Mons (Borinage)

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

Fosse Saint Louis Anzin

 

La population de certains bourgs miniers connait une expansion impressionnante comme Bruay en Artois (actuelle Bruay la Buissière dans le 62) qui voit sa population augmenter de 1000 habitants en 1855 à 15000 en 1881 en raison de l’afflux de Belges)

 

Des compagnies minières allèrent même jusqu’à recruter des travailleurs en Belgique par l’intermédiaire de « pisteurs » quand ils manquaient de main d’œuvre.

 

Au final, le nord de la France et son industrie florissante étaient devenus au XIXe siècle la terre d’asile de prédilection de milliers de Belges. Le ministre Frère-Orban déclara même à Léopold II qui convoitait les terres du Congo : « Sire, une colonie, la Belgique n’en a pas besoin, d’ailleurs elle en a déjà une : c’est la France ».

 

Des familles belges allèrent jusque Paris : notamment les quartiers est et nord. C’est ainsi que la rue de la Roquette, la rue du Faubourg St Antoine ou la rue de Charonne près de la gare du nord accueillirent un nombre conséquent de belges. En 1870 on dénombre à peu près 50 000 ouvriers belges à Paris. 

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

Rue de la Roquette

 

Mais il exista aussi une émigration flamande vers les Amériques et l’Afrique du sud.

La Belgique est en effet un pays surpeuplé au 19ème siècle   ; tout était bon pour le gouvernement pour inciter les belges à quitter leur sol natal : la colonie belge de San Thomas au Guatemala fut principalement composée de personnes issues des dépôts de mendicité.  

On facilita même le recrutement de « volontaires » flamands pour l’armée nordiste lors de la guerre de sécession américaine.

Des ouvriers belges furent également recrutés pour la construction d’un chemin de fer entre Recife et la province de Sao Francisco, et environ 500 ouvriers travaillèrent dans cette région en 1859. Mais dans des conditions de travail très dures, avec neuf à dix heures de travail par jour en plein soleil pour un salaire de misère. Les Belges ne se firent pas une belle réputation : ivrognerie, bagarres, vagabondage et mendicité … des plaintes furent même déposées auprès du consul de Belgique. Le Diario de Pernambuco se plaint qu’ils auraient « au moins pu observer les bonnes manières en matière de mendicité ». Le consulat de Belgique fut sommé de rapatrier ces mendiants le plus vite possible. Ceux qui revinrent étaient reconnaissables à leur teint basané et furent appelés Brazilianen ; ils vécurent de mendicité et de travaux occasionnels. ( Eddy Stols  Les émigrants belges)

 

Immigration pendulaire vers la France

L’immigration est surtout pendulaire : l’ouvrier travaille en France mais sa famille réside en Belgique. En effet les salaires sont plus élevés en France et la vie est moins chère en Belgique.  Ils pouvaient aussi louer une chambre dans une ville frontière belge bien desservie en moyen de transport ce qui leur permettait d’aller travailler un peu plus loin.

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

Poste douane de Toufflers (59)

 

Le développement du chemin de fer développa ce mouvement et ouvrit de nouvelles possibilités aux ouvriers belges. A tel point que la Chambre de commerce de Roubaix refusa la prolongation du tramway jusqu’à la frontière en se justifiant ainsi : « C’est une grande facilité qui va être donnée aux ouvriers belges pour venir concurrencer les ouvriers français sur notre territoire même. Ils pourront venir le matin avec tout ce qui leur est nécessaire et s’en retourner le soir sans laisser à nos compatriotes une parcelle de leur gain. Ces lignes sont donc contraires aux intérêts des ouvriers et du petit commerce de Roubaix, comme elles sont contraires à l’intérêt national ».

 

L’immigration pendulaire est effectivement mal perçue par les Français car les Belges ne dépensent rien en France ; ils viennent avec leur pain et leur beurre d’où le surnom pot’bure (voir ci après)

 

 

Les chiffres de l’immigration belge en France

Au début du 2nd empire en 1852, les belges représentent 4% de la population lilloise et 3% de la population du nord

En 1866, ils représentent 25% de la population lilloise et 12% de la population du Nord

A partir de 1891 le nombre de belges diminue mais surtout du fait de la loi de 1889 sur la naturalisation qui francisait d’office tous les étrangers nés en france et qui y résidaient encore à leur majorité

C’est pourquoi en 1896,les chiffres n’ont pas beaucoup augmenté : les belges représentent 27% de la population lilloise et 14% de la population du Nord

A cette époque ils représentent 35% de la population à Tourcoing et 55% à Roubaix

Des rues de Roubaix comme la rue des Longues Haies ou la rue de l’Epeule ne sont d’ailleurs peuplées que de belges

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

Rue des Longues Haies à Roubaix avant 1938

 

Le quartier de Wazemme à Lille est quant à lui peuplé à 75% de belges

En 1914 les immigrés belges représentent 1 à 3% en moyenne de la population française mais 18% dans le nord, 7% dans les Ardennes et seulement 2% dans le pas de calais

La 1ère guerre mondiale va entraîner un nouvel exode belge vers la France : 350 000 réfugiés belge essayèrent de trouver refuge dans le Nord, en Normandie et en Ile de France.

 

Montée de la xénophobie à l’encontre des Belges

 

Comme je l’ai dit plus haut les Belges sont mal vus car ils viennent travailler en France apportant leur nourriture et ne dépensant rien en France. On les appelle « Pots au beurre », « Pap gamelle ».

Les Flamands ne maitrisent pas la langue française contrairement aux Wallons et du coup ça crée une barrière et ne permet pas l'intégration.

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

 

Dès le début du 19ème siècle, alors que la France n’a pas encore connu l’exode belge massif du milieu du siècle, des bagarres éclatent épisodiquement ; à Roubaix en 1819 : des ouvriers français de diverses manufactures s’opposent aux ouvriers étrangers qu’ils voulaient expulser. Les véritables causes de ce mouvement sont l’augmentation du coût des loyers et des vivres et la réduction des salaires. Les ouvriers belges ont servi de bouc émissaire.

 

D’autres échauffourées éclatent par la suite à Roubaix et ses environs comme en 1830. Le maire de Roubaix écrira au préfet du Nord le 16 décembre 1830 : « Renvoyer chez eux les ouvriers étrangers […] afin de conserver le travail à ceux du pays».

 

On retrouve des bagarres de ce type sur les chantiers de constructions ferroviaires (1834-1843-1846, à Valenciennes, à Dunkerque), en 1848 des cris « A bas les Belges » furent lancés et, sous le Second Empire, des rixes étaient fréquentes entre ouvriers flamands et ouvriers français des chantiers.

 

Jusque là ces flambées de xénophobies étaient essentiellement liées à l’augmentation du coût de la vie et la montée du chômage, la misère et la précarité. Mais ensuite on perçoit davantage de xénophobie que la recherche d’un bouc émissaire.

 

Des échauffourées plus graves opposèrent ainsi des Belges à des Français comme à Lens en 1892.

Un journaliste décrit la ville de Lens en 1892 de façon très déprimante: "Le pays désespérément plat, sans les accidents pittoresques que mettent dans notre région houillère, les taches noires des terrils, donnent une impression de misère malpropre. Il fait moins noir qu'au Borinage ou aux environs de Charleroi, mais il fait plus sale. Pas de fenêtres encadrées de badigeon, pas de toits aux rouges frais. Des cubes de briques d'un rouge gris. Et par les portes ouvertes, on aperçoit des intérieurs sans ordre: c'est la pauvreté négligente et lâche. […] Lens est le centre de cette région, une ville assez grande, aux rues larges, mais où règne aussi, partout, une malpropreté évidente. Quelques rares maisons bourgeoises, élégantes mais sans l'égayant jardin des châteaux de Frameries ou de Jumet; puis, des files et des files de maisonnettes ouvrières aux rideaux sales, au seuil encombré. Pas un trottoir aux dalles récurées, pas un pot de fleurs aux fenêtres". Gazette, 12 septembre 1892

 

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Lens Fosse N°1

 

Que s’est il passé dans cette ville peu attrayante en 1892 ?

La première information sur les événements de Lens et Liévin parvient au ministre des Affaires étrangères ad interim, A. Beernaert, le 30 août 1892. Il s'agit de requêtes de la part d'ouvriers belges à peine retournés en Belgique: "J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que j'étais bien installé en France où je gagnais bien ma vie, de quoi élever ma famille convenablement, lorsque le 15 août dernier, je fus mis en demeure par les ouvriers français d'avoir à déguerpir en moins de 24 heures; sinon je serais tué et mes meubles mis en pièces. Tous mes camarades belges se sont trouvés dans le même cas que moi, un de ceux-ci a les deux jambes cassées au travail et (a été) menacé comme les autres; un autre est mort dimanche dernier à l'hôpital de Lens, des suites des blessures reçues de la part des ouvriers français, ses fenêtres et ses meubles furent brisés, nous sommes tous forcés de revenir et ne trouvons pas d'occupation".

Bref de nombreuses violations de domicile, des bris de portes, de fenêtres et de mobilier, et du tapage nocturne. Des agressions en bande armée de bâtons, de pierres et de fourches. Certains déclarent avoir été blessés par des coups de bâton, des pierres et des couteaux, et dans un cas par des coups… de betterave! Et des injures :  "À bas les Belges!", "Mort aux Belges", "Retournez dans votre pays et ne mangez plus notre pain", "Popol (le roi Léopold II) est un connard, la reine une putain, et leurs enfants des bâtards".

 

« Ce soir (25/08/1892) , à neuf heures, une bande de mineurs a parcouru les cités ouvrières de la fosse numéro 3, en criant : “À bas les Belges !”

Des carreaux ont été brisés à plusieurs maisons occupées par des Belges.

C'est dans les corons de Daubray, Coince et sur la place Daguerre, que les mineurs ont brisé les carreaux des maisons, une vingtaine environ, occupées par des Belges. »

 

 

Pourquoi ce mouvement d'hostilité envers les ouvriers belges s'est-il produit dans le bassin houiller du Pas-de-Calais? La 1ère raison est la Grande Déflation dont nous avons parlé plus haut. Les mineurs belges ont accepté de travailler à bas prix et pour des horaires plus longs que les ouvriers français. Les ouvriers belges étaient donc accusés de faire baisser les salaires et de jouer le jeu des compagnies houillères.

 

De façon plus globale, les Belges étaient surtout considérés comme des êtres asociaux qui frôlaient la délinquance. Ils étaient vus comme des personnes ivrognes et brutales, des fauteurs de trouble, des propagateurs d’idées subversives socialistes. Les policiers chargés de contrôler leur passage à la frontière se montraient méprisants à leur égard tel ce commissaire de Jeumont qui, en 1882, écrivait : « ces individus ne sont pas précisément la crème des gens vertueux, Beaucoup ont d'excellentes raisons pour ne pas retourner en Belgique... Ce sont pour la plupart des brutes, inaccessibles aux théories d'économie politique ou sociale et plus sensibles à un verre de genièvre qu'aux incitations collectivistes ».

 

D’ailleurs même les historiens de l’époque vont y mettre leur grain de sel en inventant une étymologie curieuse au mot « Flamand » ; c’est ainsi que Victor Derode (1797-1867) écrira : « Suivant quelques auteurs (et il les cite), Flamand, signifie fuyard, émigrant ».

Raoul Blanchard, géographe, (1877-1965) entreprit une étude anthropologique des Flandres avec des termes très durs tout en reprenant ce qu’écrivait déjà quelques décennies plus tôt Victor DERODE : le paysan flamand était un rustre dont l'état misérable est sans cesse souligné pour dénoncer « ces tares physiologiques » qui l'affligeaient et qui augmentaient ainsi : « la proportion de mort-nés, d'infirmes, d'aliénés, d'hommes impropres au service militaire, cette ignorance dont l'Ost-Flandre donne encore l'exemple, et à leur suite ce taux élevé de la criminalité qui fait que leurs voisins du Sud et de l'Est considèrent parfois encore les Flamands comme des demi-barbares ».

 

C’est sous le titre « Les pots au burre ou la peste à Roubaix » qu’est lancé en 1897 un réquisitoire contre les Belges.

 

Une chanson de carnaval parmi d’autres, peu sympathiques à leur égard:

« on les vot arriver ichi par binde,

Des hommes, des femmes, des filles et des garchons

Quand i’parlent, on n’peut jamais les comprinde,

On n’sait si i’ditent du méchant ou du bon »

 

Emile ZOLA décrira dans Germinal le rejet des mineurs belges en s’inspirant de la grande grève dans les mines d’Anzin en 1884 : alors que la compagnie engage des mineurs belges du Borinage pour briser la grève, ceux-ci sont accueillis par les ouvriers français aux cris de « A mort les étrangers, à mort les Borains ! Nous voulons être les maîtres chez nous ! ».

 

Immigration belge dans le NPDC au 19ème siècle

 

Emile BASLY (1854-1928), responsable du syndicat des mineurs du pas de Calais, exprimera en 1892 la crainte de beaucoup : l’invasion des mineurs étrangers…

 

Et pourtant le Français a besoin du Belge si l’on en croit Paul LEROY BEAULIEU (1843-1916), économiste, qui écrit en 1888 : « le français ne consent guère à être simple manœuvre, terrassier, balayeur ou à faire certains travaux excessivement pénibles dans les filatures… il faut des belges pour toutes ces besognes infimes et essentielles de la civilisation ».

A Wazemmes dans les fabriques de céruse, c'était par exemple les ouvriers belges qui risquaient des coliques saturnines entraînées par l'emploi du carbonate de plomb.

 

 

Au lendemain de la 1ère guerre mondiale, ce seront les Polonais qui subiront les "foudres" et la peur des Français puis les Italiens. En effet même s’ils ont commencé à venir avant 1914 en France les Houillères de France demandèrent en 1919 au gouvernement français la conclusion d’un accord avec la Pologne pour faire venir de la main d’œuvre polonaise. C’est ainsi que de 13 000 dans le Nord Pas de Calais en 1921 ils vont être 90 000 en 1926.

 

Le besoin de main d’œuvre pour reconstruire le Nord pas de Calais va faire venir nombre d’italiens : ils seront 15 000 à venir travailler en 1924 dans les mines, la métallurgie et le bâtiment.

Lors du recensement de 1931, on constatera que les Belges et les Polonais représentent 85 à 90% des étrangers installés dans le Nord Pas de Calais et les Italiens 5%

 

 

 

Sources

 

La population belge dans le Nord - Pas-de-Calais de Thumerelle Pierre-Jean

 

L'immigration oubliée des Belges en France (19-20ème) de Jean Pierre Popelier

 

« À bas les Belges ! » L’expulsion des mineurs borains (Lens, août-septembre 1892) de Bastien Cabot

 

Les Vlaminques ou le dénigrement des immigrés Belges (xixe siècle) de Danielle Delmaire

 

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00319448/document

 

Histoire de la crise économique des Flandres (1845-1850) de Jacquemyns

 

Roubaix, une ville industrielle nourrie d’immigration belge de Chantal Petillon

 

http://www.histoire-des-belges.be/au-fil-du-temps/epoque-contemporaine/evolution-sociale-de-la-belgique/la-guerre-sociale

révoltes ouvrières en Belgique : https://www.solidaire.org/articles/1886-premiere-grande-revolte-ouvriere-en-belgique#:~:text=Les%20premi%C3%A8res%20lois%20sociales%20sont,r%C3%A9glementation%20du%20paiement%20des%20salaires

 

https://jean-jaures.org/nos-productions/1892-quand-les-mineurs-du-pas-de-calais-s-en-prenaient-aux-etrangers-belges

 

Le retour des immigrés belges à la suite des événements de Lens et Liévin en août-septembre 1892 de NATSUE HIRANO

 

https://www.histoire-immigration.fr/dossiers-thematiques/integration-et-xenophobie/enregistrer-et-identifier-les-etrangers-en-france

 

sur l’histoire de la Belgique : https://www.vivreenbelgique.be/12-a-la-decouverte-de-la-belgique/histoire-avant-l-independance#auto_anchor_9

 

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Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

27 Mars 2021 , Rédigé par srose

 

Temps libre à la campagne et dans les villes ouvrières au 19ème siècle : l'essor du bistrot

 

Pour le paysan, nul temps libre, il y a toujours quelque chose à faire.

La gestion de son temps n‘est pas la même que celle de l’ouvrier complètement dépendant des machines mais qui une fois sa journée terminée peut vaquer à ses occupations car il dispose à ce moment d'un temps disponible.

Pour le paysan c’est différent : d’abord l’absence de mécanisation va impliquer une absence de répétition des mêmes gestes comme peut le connaître l’ouvrier. Les travaux vont en effet varier dans la journée, la semaine ou le mois du fait de la pluriactivité et de la polyculture. Et surtout le paysan est quelque part maître de son temps, celui-ci étant très poreux ; le temps de travail s’infiltre en effet constamment dans le temps personnel.

Ainsi les veillées d’hiver qui sont utilisées pour du petit artisanat domestique (tricot, filage, ravaudage, émondage des noix, teillage du chanvre, fabrication de paniers …), la garde des troupeaux pour les plus jeunes qui leur laissent finalement une certaine liberté.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Veillée

 

L’embauche des ouvriers agricoles selon les régions va se faire lors de fêtes ou vont donner lieu à des repas de fête.

Les pratiques d’entraide lors des grandes phases annuelles du travail agricole sont également l’occasion de fêtes : poêlée du Morvan, parcée du pays de Caux, reboule du Forez (La Reboule est la fête de la fin des moissons : « les prés sont fauchés, le foin est rentré, les divers fruits ont été ramassés et vendus, il est l’heure de danser, chanter et manger »). 

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Marché Biron - Fête des moissons - Armand Leleux (1818-1885)

 

Les foires et marchés incitent à prendre un verre dans un cabaret. C’est une manière de sortir de son quotidien monotone et de voir du monde, d'aller à la ville.

La lessive au lavoir est un moment sociabilité informelle aussi pour les femmes puisque tous les potins s’y retrouvent …

La messe va réellement être un moment de pause dans la semaine, où l’on va discuter sur le parvis de l’église, prendre le café chez l’une ou l’autre, aller au cabaret mais ne nous y trompons pas, dans la campagne, une femme qui profite de son temps libre pour elle-même est très mal vu. Le contrôle social est constant. Elle ne doit pas négliger les tâches ménagères ni les travaux de la ferme. Ses journées sont finalement plus longues que celles des hommes. Et pas question pour elle d'aller au bistrot !

 

Justement quelle est la place des cabarets dans le temps libre dont disposent l'ouvrier et le paysan? 

Tout d'abord, on peut citer Balzac sur une généralité à propos des cafés qui traverse les frontières et les siècles  : « le cabaret est la salle de Conseil du peuple » et effectivement on y refait le monde sans cesse.

Au XIXe siècle le bistrot porte plusieurs noms : estaminet en Flandres, bistrot, débit de boisson, guinguette, café .. mais aussi assommoir comme dans le roman de Zola, c'est à dire un lieu populaire où les buveurs s’assomment à coup de vin mauvais et d’alcool comme l'absinthe.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Estaminet à Tourcoing - fin 19ème

 

En Normandie vers 1880 on pouvait trouver jusqu’à 10 voire 15 cabarets dans les communes de 300 âmes !

La rue de Menin à Tourcoing dans le Nord compte 22 estaminets en 1898 !!

Auberchicourt, ville minière du nord également, compte en 1886, alors qu'il y a 2453 habitants, 46 débits de boissons...

A Lille on en compte près de 1600 en 1851 soit 1 pour 70 habitants !

Dans le Pas de Calais au début du 20ème siècle, les cabarets sont partout : aux carrefour, à la sortie des grosses exploitations, près de l’église et de la mairie, aux extrémités du village, dans les champs mêmes ….

Leroy Beaulieu, économiste du 19ème siècle, dira que le cabaret est "l'église des ouvriers".

En fait on se rend compte que les débits de boissons n'ont d'autres rôles à l'époque de l'assommoir de Zola que de servir les ouvriers le matin puis l'après midi au sortir de la fosse ou de l'usine ou des exploitations agricoles.

Certains débits sont tenus par les épouses des mineurs. Le plus souvent une pièce de la maison va servir de bistrot et ne servira donc qu'à boire le café, le genièvre ou la bière. Pas possible donc de s'adonner à des jeux populaires. Il faudra donc aller vers des bistrots plus grands pour cela et que l'on va trouver essentiellement sur les axes principaux des villes et villages et surtout en dehors des corons pour éviter tout rassemblement de mineurs traditionnellement vindicatifs et fortement syndicalisés !

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Estaminet dans Helfaut Bilques (62) - début 20ème

Site consacré à Helfaut Bilques

 

C'est le lieu de rassemblement privilégié des ouvriers. Le midi, on y apporte sa gamelle : « On avait là une assiette de soupe et on mangeait la viande et le pain qu’on avait apportés. C’était toujours du lard cuit dans la soupe du dimanche pour toute la semaine. » Témoignage d’une ouvrière du textile d’Hazebrouck (59) en 1898.

Ces bistrots vont ensuite s'organiser en fonction de différents critères : la nationalité par exemple ; on va trouver dans le Nord de la France des cabarets plus pour les Polonais ou plus pour les Belges par exemple avec des boissons propres à leur pays et des fêtes et jeux propres à leur culture. La fréquentation fréquente de passionnés de tir à l'arc, de colombophilie, de combats de coqs etc va aussi permettre de distinguer un cabaret d'un autre.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Réunion des dames du Rosaire à l'estaminet franco polonais Janicki

Cité des Alouettes - Bully les Mines - années 30

 

En effet la vie associative et sportive va s'organiser autour de ces cabarets puisqu'ils vont devenir le lieu de leurs réunions et de leurs repas festifs voire de leur siège social !

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Le Bar des sports - Lens (62) - fin du 19ème siècle

Le Lensois normand tome 3

 

Indépendamment de ces sociétés ludiques, les hommes y ont coutume d’y passer le dimanche après midi à consommer café, eau de vie et vin, à jouer aux cartes et au billard ou aux fléchettes jusque tard le soir alors qu’auparavant nous dit un instituteur du Laonnais en 1860, les divertissements du dimanche avaient lieu en plein air et en famille.

Le cabaret supplante finalement les veillées bien avant l'arrivée de la télé dans les chaumières et comme les femmes y sont absentes, les conversations sont plus libres …

Et que dire de la vie politique et syndicale des villages et villes ouvrières : les lieux de rendez vous seront bien évidemment le bistrot. Ainsi par exemple le Réveil du Nord en 1894 fait cette annonce :  «Lens. Le citoyen Armand Gossart délégué du syndicat et congédié de la grève, débitant rue de Béthune, organise pour le dimanche 28 janvier, à dix heures du matin, un grand combat de coqs pour des jambons. (...). Nous espérons que les ouvriers s'y rendront en grand nombre étant donné que Gossart est victime du dévouement qu'il a apporté à la cause»

Jusqu'à la première guerre mondiale la quasi totalité des meetings syndicaux ou socialistes se tiennent dans les grands estaminets du Nord Pas de Calais, lesquels peuvent accueillir jusqu'à 300 personnes.

A la campagne, le cabaret est également un lieu polyvalent : on y trouve la boulangerie, le bureau de tabac, l’épicerie, et même l’atelier du maréchal ferrand et du charron

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Café épicerie mercerie à Halluin

Association A la recherche du passé d'Halluin

 

Des débits ambulants sont installés lors des marchés, foires et fêtes, les guinguettes permettent également de s'amuser en dansant avec les divers bals qui sont organisés par leur entremise; ainsi à Lille les personnes se retrouvent pour boire, danser et s'amuser dans les six grandes guinguettes du faubourg de Wazemmes (Le Beau Feuillage, le Casino, La nouvelle Aventure ...

Le cabaret représente donc le cœur des relations sociales : on y scelle une transaction, une embauche, une reconnaissance de dette etc.. On y lit le journal et plus tard on y écoutera la radio. On y refait le monde ..

Bref c’est LE lieu de socialisation et de sociabilité fondamental du village.

 

Le bistrot va malheureusement jouer un rôle important dans l'alcoolisation des personnes les plus pauvres de la société : les ouvriers, les marginaux mais aussi bon nombre de paysans, bref tout ceux qui n'ont plus d'espoir et qui oublient leur vie miséreuse dans l'alcool..

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

La buveuse d'absinthe - Lautrec - 1876

 

 

On comptait 30 000 débits de boisson en 1914 à Paris, 320 000 en France en 1915. Il n'en reste que 34 669 en 2016, regroupés dans un peu plus de 10 000 communes (selon le baromètre France boissons/CREDOC, «comprendre et répondre à la fragilisation de la filière CHR en France»).

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 2

Au bistro - Jean Béraud (1849-1935)

 

 

Sources

L’avènement des loisirs (1850-1960) de Alain Corbin

La culture des cafés au xixe siècle de Susanna Barrows

http://www.dionyversite.org/Docus/Dio-4p_Cafes.pdf

Le débit de boissons, cet inconnu… de Philippe Gajewski

Bistroscope L’histoire de France racontée de cafés en bistrots de Pierrick Bourgault

Le débit de boissons, le cabaret, le bistrot, dans le bassin houiller du Nord/Pas-de-Calais, témoins de la sociabilité populaire de Milan Vulic

Cafés, cabarets, bistrots, caboulots, guinguettes, gargotes, estaminets, bars, assommoirs, restaurants du Paris du XIXe siècle de Laurent Portes (Blog Gallica)

 

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Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

6 Mars 2021 , Rédigé par srose

 

Oisiveté récréative

Ne rien faire, être désoeuvré, paresser, rêver … bref être oisif est très mal vu dans la société depuis toujours ; le démon n’est pas loin, les tentations trop nombreuses ; l’individu doit être occupé à chaque instant de sa journée.

Mais cette disponibilité, ce temps de loisir est malgré tout considéré comme nécessaire à l’épanouissement de l’individu du moins chez les élites, car elle permet l’échange d’idées, l’accomplissement de services non rémunérés, favorise la créativité etc

Bref l’oisiveté des élites n’est pas synonyme d’inutilité surtout si ces loisirs sont volontaires, honorifiques, et désintéressés.

 

Pour la femme de l’aristocratie ou de la haute bourgeoisie l’exercice reste difficile car de par nature elle ne travaille pas ; donc la réserve de temps disponible la concernant est tout simplement énorme. Comment donc peut-elle échapper « à la vacuité des heures » en sachant que son habit entrave le moindre de ses gestes et donc sa liberté de mouvement et qu’en qualité de « vitrine » de son mari elle ne peut pas vaquer à n’importe quelle occupation.

 

Evolution des loisirs

Mode de 1880 à 1890

 

Elle va donc asseoir son autorité sur la sphère domestique et diriger la maison et ses gens ; elle s’occupera de charité et de philanthropie, surveillera l’éducation de ses enfants et se soumettra aux relations mondaines ; il sera de bon ton qu’elle s’adonne au chant ou au piano.

 

Evolution des loisirs

Femme au piano - Renoir (1876)

 

La lecture sera finalement son seul loisir personnel surtout au 19ème siècle, époque au cours de laquelle les textes religieux vont laisser place à un tout autre genre : le roman. La jeune femme va ainsi pouvoir se créer tout un univers uniquement à elle. Le danger de ce tournant fut aussitôt perçu : la société était en danger parce que ce genre de lecture ne prédisposait pas la femme aux idéaux traditionnels de mère, d’épouse, d’éducatrice, de protectrice de la maison, mais au contraire la transportait dans un monde idéalisé, loin des règles habituelles !

 

Evolution des loisirs

La liseuse - Carl Holsoe (1863-1935)

 

A noter à ce sujet que quand les femmes du peuple abordèrent elles aussi la lecture, les conservateurs les plus invétérés ne manquèrent pas d’en souligner les dangers, en la désignant comme un moment d’oisiveté au sens péjoratif du terme. La publication de romans feuilletons ou de fascicules bon marché fut considérée comme une manifestation de mœurs dissolues, une forme de débauche néfaste autant que l’alcoolisme pour l’homme : le roman feuilleton (disait-on) produisait dans les cerveaux des femmes les mêmes ravages que la boisson dans les cerveaux masculins …

 

Industrialisation et naissance du temps libre

Si le loisir est un privilège de l’aristocratie, au 19ème siècle, la bourgeoisie va pouvoir y accéder grâce à la conjonction de plusieurs éléments : le développement du chemin de fer et l’industrialisation de la société.

En effet jusqu’alors le temps de travail, le temps lié aux tâches ménagères et le temps lié au repos était poreux ; l’importance du travail à domicile tant pour les femmes que pour les hommes rend difficile la distinction entre ces divers moments. Or avec la mécanisation du travail et l’essor des usines, le temps va être contrôlé et cloisonné. Les cloches des églises ne vont désormais plus égrener le temps quotidien , de même que les saisons ne vont plus rythmer nos occupations  mais bien plutôt la sirène des usines et bientôt l’horloge …

Le corollaire de cela est que l’on va s’apercevoir que la fatigue est liée à un temps de travail atteignant un seuil anormal. la machine n'a pas besoin de se reposer mais l'homme, oui; les médecins commencent à avoir peur que la mécanisation entraîne la dégénérescence de la race. La fatigue ne va plus être considérée comme inéluctable mais comme un état pouvant être évité ou au moins atténué. Le repos va être désormais considéré comme nécessaire.

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Repasseuses - Degas (1884)

 

Ce qui va entraîner tout naturellement aux 19ème et 20ème siècles les divers mouvements revendiquant la baisse du temps de travail. Ce qui va mécaniquement augmenter le temps disponible pour les loisirs .... 

Le repos du dimanche est plébiscité par les médecins qui y voient le remède au surmenage et qui prévient le délabrement physique. Mais attention, ce repos doit être occupé à des activités récréatives et non à la paresse. En 1905, le sénateur Poirier, rapporteur de la loi sur le repos hebdomadaire vante le plaisir de "goûter la joie naïve des enfants". Et cerise sur le gâteau, le nombre de divorce fléchira, l'homme ne laissant plus sa femme seule et désoeuvrée le dimanche ...

Le repos le dimanche ne sera proclamée officiellement que le 10 juillet 1906 mais avant cette loi, dans les faits, nombre de patrons parisiens ont décidé de ne plus ouvrir le dimanche dès la fin du 19ème siècle. En Province, le rideau baisse à 4h voire 2h. Les bureaux de poste parisiens qui ne fermaient qu'à 9h du soir le dimanche ferment à 4h dès 1894.

 

Revenons à nos bourgeois : le loisir va s’inscrire surtout dans le cercle familial avec diverses activités tel que la lecture , les réunions dominicales, les ouvrages de dames, les promenades, les réceptions…

Alfred Motte, industriel roubaisien (1827-1897) écrit à son fils : « Ce dimanche nous avons dîné en famille chez votre tante Delfosse. Notre réunion a été fort gaie. J’avais pu offrit 200 belles asperges et 120 grosses fraises qui ont été fort appréciées. Chaque convive en a eu 3. Notre repas a été suivi d’une promenade rue St Jean . Toute la société s’est ainsi transportée dans notre jardin. Les hommes de tt âge se sont séparés en deux camps et sept contre sept nous avons lutté à la boule. »

 

Evolution des loisirs

Frédéric Bazille - Réunion de famille

 

On flâne aussi sur les grands boulevards hausmanniens de Paris et des grandes villes, on regarde les vitrines des grands magasins, on sirote un café, on fréquente les théâtres, les guingettes, bals, et concerts …

S’agissant du bal,  il s’agit d’une occasion de rencontre, d’un moment de socialisation auquel les mères préparaient leurs filles très scrupuleusement et avec une attention méticuleuse, suivant les principes inspirés par la bonne tenue, l’élégance, l’amabilité, la modestie.

Un manuel du savoir-vivre de 1912, Le buone usanze (Les bonnes manières) précisait : « Au bal, la jeune fille ne va pas trop décolletée, c’est de très mauvais goût [...]. Elle ne danse jamais deux fois avec le même cavalier, mais elle peut dans la soirée lui accorder plus d’un tour ; en dansant elle se tient droite mais pas raide morte, elle n’a pas l’air de s’abandonner dans les bras de son compagnon, elle ne boude pas mais il ne faut pas qu’elle bavarde trop ou qu’elle rie avec son danseur ; elle ne doit pas le regarder dans les yeux, mais elle ne doit pas non plus tourner la tête d’un autre côté comme s’il lui répugnait ; enfin elle est polie et sérieuse d’abord parce qu’elle doit l’être, ensuite parce qu’elle ne peut qu’y gagner ».

 

Evolution des loisirs

Jeune fille au bal - Renoir

 

Emergence de nouveaux loisirs 

Le 19ème siècle est Le siècle des cures avec la découverte des plages et des « eaux ».

Boulogne et Dieppe, proche de Paris, se développent en ce sens dès la Restauration : En 1822 la première Société Anonyme des Bains de mer de Dieppe est créée par le comte de Brancas ; il y invite la duchesse de Berry, belle-fille du roi Charles X, en 1824 et depuis toute l’aristocratie française s’y rend chaque année en été pour prendre des bains de mer.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Le Croisic - Léon-Auguste Asselineau (1853)

 

Trouville, Royan, La Rochelle, Les Sables d’Olonne, Biarritz et d’autres suivent ; Biarritz sera d’ailleurs la station préférée de l’impératrice Eugénie sous le 2nd Empire.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Trouville - Monet (1870/1871)

 

L’essor de ces sites touristiques est dû au développement du chemin de fer puis de l’automobile : en 1840 une voiture attelée gagne Dieppe de Paris en 12h ; sous le 2nd Empire par train, il faudra 4 heures ce qui permet donc non seulement des allers retours mais surtout on va aller plus loin pour s’amuser et se détendre.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

 

A noter que le train va offrir de plus en plus d’attrait avec les wagons lit, les wagons restaurants, les salons luxueux et confortables, les trains internationaux comme l’Orient Express..

La 1ère classe est bien sûr favorisée : Paris Fécamp au début du 20ème prend 4h en 1ère , 5h en seconde et 6 à 7h en 3ème.

Les cures thermales vont aussi se développer toujours grâce au train  : Vichy, Aix les bains, Bagnères de Bigorre sous le 1er Empire puis Evian, Vittel, La Bourboule sous le 2nd Empire

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Vichy

 

Hippolyte Taine (1828-1893), philosophe et historien, décrit la vie menée par un curiste à Bagnères de Bigorre ou à Luchon en 1855 : « les jours de soleil on vit en plein air. Une sorte de préau qu’on nomme le Jardin anglais s’étend entre la montagne et la rue, tapissé d’un maigre gazon troué et flétri ; les dames y font salon et y travaillent ; les élégants couchés sur plusieurs chaises lisent leur journal et fument superbement leur cigare ; les petites filles en pantalon brodé, babillent avec des gestes coquets et des minauderies gracieuses »

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Buvette à l'établissement thermal d'Uriage

 

On se promène, on fait des tours en bateau, on pratique la pêche à la crevette, on va au casino et au courses de chevaux  à Deauville dès 1864

Les montagnes attirent également par les excusions que l’on peut y faire et les cures climatiques comme à Cauteret.

Les 1ères pistes de luge sont tracées en 1868 à Saint Moritz en Suisse : les plaisirs d’hiver arrivent !

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Chamonix 1913

 

Les hôtels se développent : à Deauville de 5 en 1861 on se retrouve à 28 hôtels en 1927

Les plus luxueux sont proches des lieux de bain et offrent casino, salle de danse, salon, cabinet de lecture, salle de concert etc

Dans la seconde moitié du siècle apparaissent les maisons de vacances : les rentiers, les hauts fonctionnaires, les banquiers, les négociants, les professions libérales viennent avec leurs domestiques pour la saison.

Qui sont ces gens qui viennent profiter des cures thermales ou de la mer : essentiellement des rentiers, des aristocrates et la grande bourgeoisie. Les ecclésiastiques bénéficient de prix de faveur voire de gratuité ; quant à l’uniforme il offre des privilèges dans les casinos, les concours hippiques…

Dans le dernier quart du 19ème siècle, les classes sociales moins aisées mais dont le revenu va augmenter progressivement tout au long du 19ème et du 20ème siècle cherchent à imiter les modes de vie de « la haute »  mais pour économiser sur le voyage, elles n’iront pas très loin tandis que le grand bourgeois va dorénavant s’évader plus loin.

 

Sport et loisirs

Le sport avec notamment la bicyclette est un autre loisir en vogue dans la bourgeoisie qui a d’ailleurs accompagné la formation de la « femme nouvelle » en lui ouvrant de nouveaux espaces, une grande liberté de mouvement, et aussi un habillement plus léger, débarrassé des crinolines encombrantes, des corsets rigides et des mille lacets et cordons qui l’enveloppaient.

La bicyclette en ce sens est le symbole de l’émancipation de la femme par le sport.

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

 

La bicyclette était essentiellement vu comme un passe-temps mondain pour les hommes, mais les femmes à bicyclette étaient observées d’un regard de reproche et critiquées (il était inévitable pour monter sur le vélocipède de remonter sa jupe et de montrer sa cheville). On en vint à dire que pédaler n’était pas naturel pour les femmes, et même nocif pour leur santé ; les femmes sortaient de chez elles,

En 1896 alors que le vélo est de plus en plus populaire, une journaliste anglaise explique qu’elle était convaincue qu’une femme sur sa selle de bicyclette ne pouvait en aucun cas inspirer le désir d’être protégée et en tirait la conclusion qu’elle ne pouvait « éveiller l’intérêt de l’autre sexe ». En 1897 dans un journal de Hanovre on pouvait lire un article dont l’auteur allait jusqu’à soutenir que « les hommes préfèrent rester célibataires, plutôt que passer la vie aux côtés d’une pédaleuse ».

C’est le 12 juillet 1817, que le baron allemand Drais présenta, un engin à 2 roues reliées par une traverse en bois sur laquelle est installé un siège : la draisienne.

Mais le vélo nait vraiment en 1867 lors de l’expo universelle avec Pierre Michaux et son fils Ernest qui proposent la Michaudine ; en effet en 1861 ils eurent l'idée d'adapter des manivelles à pédales sur le moyeu de la roue avant ; 'l’exposition universelle de Paris en 1867 qui fit prospérer ses affaires puisqu’en 1869 le constructeur est submergé de commandes et employait 500 ouvriers pour une production de 200 machines par jour.

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

La Michaudine

 

De nombreux journaux en font la promotion , un magasine sportif voit le jour en 1892 : « le vélo » et un livre « la France velocipédique illustrée »

Mais en 1890 il n’y a pas plus de 50 000 bicyclettes en circulation en France

Le vélo coûte encore cher en 1890 : 600f en 1890 voire plus surtout qu’il est livré nu : il faut acheter en plus les freins, les pneus  ..

En 1893 Manufrance commercialise l’Hirondelle et étend sa gamme à tous les publics : du modèle démocratique à 185f aux modèles de luxe avec pneu michelin autour de 540f et le modèle routier pour les commerciaux, vétérinaires, médecins à 310 f.

 

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L'Hirondelle

 

En 1894 une taxe de 10 f est appliquée sur le vélo ; il y a alors 203 626 vélos en France

Autour de 1900 le tourisme moderne en groupe ou en famille voit le jour avec des randonnées sur plusieurs jours en vélo mais tout le monde ne peut pas se l’offrir..

 

Evolution des loisirs au 19ème siècle - 1

Tout le monde à bicyclette - Edward Loevy (1894)

 

 

Voir aussi l'article sur les vacances scolaires

 

Sources

Divertissements et loisirs dans les sociétés urbaines à l’époque moderne et contemporaine Robert Beck, Anna Madoeuf

Espaces urbains du temps libre des femmes aux xixe et xxe siècles - Fiorenza Tarozzi

http://cnum.cnam.fr/expo_virtuelle/velo/draisienne.html

Vacances en France de 1830 à nos jours André Rauch

L’avènement des loisirs 1850/1960 – Alain Corbin

La révolution matérielle Jean Claude Daumas

 

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Histoire du pain d'épices

25 Décembre 2020 , Rédigé par srose

 

Histoire du pain d'épices

 

Composé de miel, d’épices (muscade, cannelle, anis, gingembre, girofle, cardanome …), et de farine, la recette (en fait il y en a plusieurs en fonction des régions, des pays et même des familles) a fait le tour du monde et conquis le coeur des petits et des grands !

 

Histoire du pain d'épices

 

Histoire du pain d'épices

Nous savons que les Egyptiens consommaient du pain au miel. Les Grecs également puisqu’Aristophane fait mention du "melitounta" à base de farine de sésame et enduit de miel.

Pline l'Ancien parlent quant à lui de "panis mellitus", un pain frit arrosé de miel.

Mais a priori le pain d'épices tel que nous le connaissons aujourd'hui aurait une origine orientale avec le Mi-Kong, "pain de miel" en chinois, consommé au moins à partir du Xème siècle. Il était fait de farine de froment, de miel et parfois relevé de plantes aromatiques.

Ce gâteau fera partie des rations de guerre des cavaliers de Gengis Khan, qui le répandent chez les arabes. Lors des Croisades au 12 et 13ème siècles les occidentaux découvrent à leur tour ce pain de miel ainsi que les épices orientales dont l’Europe sera friande.

 

Histoire du pain d'épices

 

L’Europe va vite apprécier cette douceur : au XIIIe siècle dans la ville de Toruń en Pologne, le pain d’épice va devenir vite populaire et  en hiver tous les ans, la ville organise un festival du pain d’épices nommé le Świeto Piernika qui permet aux habitants de commémorer la fabrication traditionnelle.

On trouve une mention du "Lebkuchen ("pain d'épices" en allemand), à Ulm en 1296 ; la recette se répandra dans les monastères du Saint Empire romain germanique en particulier par les moines cisterciens.

Histoire du pain d'épices

Fabrication du pain d'épices dans un monastère - 16ème siècle

 

On note également une première apparition de « pain d’espessez » en 1372 et celle de « pain d’épices » en 1530. 

Un texte de 1453 rapporte que le pain d'épices était sur les tables des moines cisterciens de Marienthal (Alsace) à l'occasion des fêtes de Noël. Il est connu également en Flandre, en particulier à Gand, résidence des ducs de Bourgogne, ou en Suisse allemande. Montaigne le mentionnera du côté de la ville de Constance en 1580.

Le pain d’épice se vulgarise assez vite et en Alsace, les boulangers de la région fondent en 1476 la corporation des « Meisterlebzelter », maîtres en pain d'épice, qui évoluera en 1643, en corporation des « Lebküchler » (pain d'épiciers) et choisissent pour emblème un ours en bretzel.

 

Histoire du pain d'épices

 

Frédéric III, dernier empereur d’Allemagne qui ait été couronné à Rome, recevra lors d’une fête religieuse en 1487, tous les enfants de Nuremberg âgés de moins de dix ans, et leur fera distribuer des gâteaux de pain d’épice à son effigie.

En 1643 les statuts des corporations d'Alsace interdisent le cumul des ateliers de pain d'épices, métiers de boulangers et de pain d'épiciers.

 A noter qu’entre le XVIe et le XIXe siècle, les pains d’épices ne sont pas standardisés sous forme de cake ; on utilisait des moules avec des motifs principalement religieux ou mythologique comme le Jugement de Pâris, David avec sa harpe, la Naissance de l’Enfant Jésus, la sainte Vierge tenant Jésus dans ses bras, mais peu à peu, on va trouver d’autres motifs : les armoiries des principales familles, des personnages en costume du temps, des fleurs, des animaux …

 

Histoire du pain d'épices

Motif de pain d'épices - 17ème

 

Le pain d’épices continue de se diffuser dans le reste de la France. Ce sera surtout Reims et Dijon qui vont en profiter. En effet Reims apparaît rapidement comme le centre de la fabrication du pain d’épices au Moyen Âge, fondant sa célébrité sur « l’excellence des miels champenois et le savoir-faire de ses maîtres boulangers ». le bailli de l’archevêque leur octroie des statuts de corporation en 1571 reconnus officiellement en 1596 par Henri IV.

Le dictionnaire de l’Académie Française de 1694 ajoute d'ailleurs à la définition du pain d’espice : « pain d’espice de Rheims ». Les Rémois étaient en outre désignés sous le sobriquet de mangeur de pain d’épice. L’industrie rémoise fut anéantie avec la guerre 14/18

 

La production de Dijon va concurrencer dès le 19ème siècle celle de Reims. La différence dans la recette tient notamment au fait que les Dijonnais utilisent de la farine de froment au lieu de la farine de blé. C’est lors d’un voyage dans les Flandres que Philippe III de Bourgogne (dit Philippe le Bon – 1396/1467) aurait remarqué « cette bonne galette au suc d’abeille » dont il rapporta la recette à Dijon. Mais ce n’est que tardivement que le pain d’épices va s’y implanter durablement puisque la première mention à Dijon ne remonte qu’à 1711: Bonaventure Pellerin, vendeur de pain d'épices et cabaretier y est inscrit au registre des tailles.

 

Histoire du pain d'épices

Marchand de pain d'épices - Carle Vernet (1758-1836)

 

Mais c’est Barnabé Boittier dont la famille est originaire de Langres qui lance la fabrication du pain d’épices à Dijon et prospère au moment de la Révolution et de l’Empire : en 1804 il fait publier cette annonce dans Le journal de la Côte d'Or : « M. Boittier, fabricant de pains d'épice de toute espèce, façons de Reims et Montbeillard, fait pains d'épice de santé, et toutes sortes de croquets en pâte d'amande et à la fleur d'orange. Il a un assortiment en grand de tous ces objets pour le jour de l'an »

 

En 1911, douze fabriques à Dijon emploient 170 personnes et produisent 3 tonnes par jour. En 1940, quatorze usines occupent 300 ouvriers et produisent 25 tonnes par jour. La maison Philbée créée en 1895 se développe pendant la guerre de 14-18 en fournissant le dessert de base des soldats : elle comptera jusqu'à 100 employés alors que les autres fabriques restent modestes avec une vingtaine d’ouvriers.

 

Histoire du pain d'épices

 

 

Gertwiller est aujourd'hui la capitale du pain d'épices, succédant à Reims et Dijon.  Situé au cœur du vignoble alsacien, le village s'est spécialisé dans la confection de pain d'épices dès le 18e siècle.

 

Foire aux pain d’épices de Paris

Le pain d’épice est tellement apprécié par les Français qu’une foire portera son nom ; il s’agit de la foire aux pain d’épices de Paris qui se déroulait tout autour de la place de la Nation . Elle est tout simplement l'ancêtre de notre actuelle Foire du Trône (qui se tient depuis quelques années sur la pelouse de Reuilly). Pourquoi foire du Trône ?  Tout simplement en raison de l'ancien nom donné à la place de la Nation. En effet c'est à cet endroit que le 26 juillet 1660 on avait installé un trône pour l'entrée solennelle dans Paris de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche qui revenait de leur mariage à Saint-Jean-de-Luz. Lors de la Révolution, elle fut rebaptisée place du Trône-Renversé après le 10 août 1792 .

 

Donc en 1805 une petite fête foraine sans prétention se met en place sur la place de Reuilly et la place de Montreuil en direction de la barrière du Trône. En 1841 les forains furent autorisés à occuper le rond-point ( future place de la Nation ) qui devint le centre de la Foire aux pain d'épice. Cette foire eut du succès puisque le nombre des forains estimé à 1214 en 1872 atteignit 2424 en 1880.

 

Histoire du pain d'épices

Foire au pain d'épices - Collection du Musée Carnavalet

 

La Foire aux pain d'épice commençait le jour de Pâques et durait une semaine, puis 15 jours à partir de 1861 avec une prolongation éventuelle de huit jours.  Puis la Foire connut une période de déclin et le nombre de forains diminua de façon très sensible dès 1885 .

La place du Trône , avec sa triple rangée de baraques en tout genre accueillait la plupart des manèges de chevaux de bois à un ou deux étages ( à l'origine réservés aux adultes ), les balançoires , les escarpolettes et bien sûr les marchands de faïence , de sucre d'orge ou de pain d'épice .

Histoire du pain d'épices

 

Le pain d’épices et ses multiples vertus

Nicolas Abraham, médecin de Henri IV puis de Louis XIII écrivit dans Le gouvernement nécessaire à chacun :

"On fait à Rheims de bon pain d'espice avec farine de seigle, miel et un petit de poyvre ou de cannelle... Aucuns ont opinion que les femmes lyonnoises, auvernoises, champenoises et spécialement les dames de Rheims pour user ordinairement de ce pain, sont rendues belles et ont un beau teint et le corps robuste et succulent." (1608).

 

L’encyclopédie de Diderot signale qu’on utilise le pain d’épice en cataplasme en chirurgie : "Le miel est souvent préférable au sucre (...) d'autant que c'est comme l'essence de la partie la plus pure et la plus éthérée d'une infinité de fleurs, qui possède de grandes vertus ; il est balsamique, plus pectoral et plus anodin que le sucre. Grand remède, pénétrant et détersif, et bon par conséquent dans toutes les obstructions, dans les humeurs épaisses et visqueuses, énergique dans les embarras de poitrine, alors il provoque merveilleusement l'expectoration. La chirurgie s'en sert pour nettoyer les ulcères sordides."

 

Histoire du pain d'épices

 

Il écrit aussi : "Le pain d'épices peut servir utilement en chirurgie ; il tient lieu de cataplasme maturatif dans le formation des abcès qui surviennent dans la bouche, à la racine des dents et aux gencives entre les mâchoires et les joues. On coupe une tranche de pain d'épices, de l'épaisseur d'un écu de six livres et de la grandeur convenable : on la trempe dans du lait chaud et on l'applique sur les tumeurs inflammatoires disposées à suppuration. Ce topique n'a aucun désagrément ; il tient sans aucun moyen sur le lieu malade et il remplit parfaitement les intentions de l'art en favorisant celles de la nature."

 

En 1814 un marchand parisien du nom de Picholet avait un en-tête de facture qui disait ceci :

"Picholet, marchand de pains d'épices, vend le véritable pain d'épices de Reims de toutes les sortes ; il vend aussi le pain d'épices pour faire sortir les vers, le tout par en bas, pour les enfants et les grandes personnes, en en mangeant le matin à jeun buvant aussitôt un verre de vin blanc, et restant une heure après sans manger... ; d'autre très propre à purger, qu'il faut prendre aussi le matin à jeun et boire pendant son effet du bouillon aux herbes, du thé ou du bouillon coupé ; et c'est un secret dont toutes les personnes qui s'en sont servi se sont bien trouvées... le tout à juste prix."

 

Histoire du pain d'épices

 

 

L’offrande à Saint Nicolas

Saint-Nicolas est célébré le 6 décembre, surtout dans le nord et l'est de la France mais également dans quelques pays d’Europe comme l'Allemagne. Il distribue aux enfants sages des cadeaux à l’instar du Père Noël La veille de son passage, les enfants doivent préparer de quoi le restaurer lui, mais également son âne. Foin, paille, carottes… et le lendemain, lors de leur réveil, ils trouvent à la place de leurs offrandes des confiseries apportées par Saint-Nicolas, son âne et le père Fouettard. Traditionnellement ces friandises sont souvent associées aux pains d'épices, aux nougats et aux oranges. Et la journée du 7 décembre, on célèbre la Saint-Ambroise, le saint patron des apiculteurs qui récoltent le miel ; ingrédient indispensable à la préparation du pain d'épices ou du nougat .

C’est donc en grande partie pour cette raison que le pain d’épices est devenu la gourmandise des fêtes de fin d’année. 

 

Histoire du pain d'épices

Saint Nicolas en pain d'épices

 

Recettes

Recette médiévale de pain d’épices : ICI  

 

Insolite et revisitée : Recette du "ch'tiramisu" (ICI)

Pour 4 personnes :
8 tranches de pain d’épices sec,
200 g de mascarpone,
20 cl de café,
100 g de crème chantilly sucrée,
4 cl de genièvre,
4 cl de chicorée liquide,
cacao en poudre.


Mettre la moitié du genièvre avec le café et la chicorée liquide. Y imbiber les tranches de pain d’épices. Détendre la mascarpone avec la chantilly et le reste de genièvre, pour obtenir une crème moelleuse.

Dans une verrine, ou un verre, alterner en couches successives le pain d’épices et la crème. Terminer par la crème que vous lisser. Au moment de servir saupoudrer généreusement de cacao.

Idéal  à décliner en verrines.
Il faut éviter d’amener trop de sucre, tout en préservant un bon équilibre entre chicorée, pain d’épices et genièvre…
Bien entendu, le genièvre est facultatif...

 

 

Sources

Tour de France des pain d'épices

Musée du pain d'épices à Gertwiller

article de la France Pittoresque sur le pain d'épices  

la foire au pain d'épices par Etienne Gervais 1877 

foire du pain d'épices en vidéo 

 

 

 

 

 

 

 

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Pierre FERRE

6 Décembre 2020 , Rédigé par srose

 

Pierre est né le 7 mai 1895 à Plaisance du Touch

En 1915 il réside à Frouzins et y est cultivateur

Il est châtain aux yeux bleus et mesure 1.63m; il sait lire et écrire

Son père s'appelle Jean et sa mère Marie Françoise CAPIAN

IL a 19 ans quand il part à la guerre en 1916; il incorpore le 23è bataillon chasseur à pied en août 1916 puis les services auxiliaires le en septembre 1916 (il souffre en effet de palpitation dès 1915 , il sera ajourné et aussi de tachycardie et d'une hernie crurale gauche)

Le 22/09/1916 il intègre le 145ème régiment d'infanterie puis est détaché aux usines Pierrat à Givors le 30/10/16 , aux forges de l'Adour en mars 1917, auprès de la société métallurgique du Périgord à Fumel en juillet 1917, à la poudrerie de Toulouse en août 1917, et à la maison Schneider au Creuzot en 1918

il tiendrait un café à Frouzins d'après son dossier militaire

il est terrassier manœuvre en 1926, ramasseur de lait en 1937

 

Pierre FERRE

Pierre FERRE

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Charles FABRE

6 Décembre 2020 , Rédigé par srose

 

Charles FABRE est né le 7 février 1891 à Issendolus dans le Lot

il y habite en 1911 et y exerce la profession de cultivateur

Son père s'appelle Guillaume et sa mère Rose SASMAYOUX

ses cheveux sont châtain et ses yeux bleu clair, il a le teint basané et mesure 1.70m; il sait lire, écrire et compter

il a 23 ans quand la guerre éclate; il incorpore le 23ème régiment d'artillerie en 1916, au 60è rgt artillerie en janvier 1917, le 264è rgt artillerie en octobre 1917, le 218ème Rgt artillerie en décembre 1917. Il a le grade de brigadier le 10 juillet 1918

Il est l'ainé de 3 frères sous les drapeaux, l'un d'entre eux sera porté disparu

Il épouse Françoise Marie BERGOUGNAN, soeur de Bertrand Charles Julien, le 19 novembre 1918 à Frouzins

il est parent par alliance de Dominique Raymond BIASSOU, cousin de Bertrand Charles Julien BERGOUGNAN

Il habite Frouzins en 1924 et y est toujours en 1929

 

Charles FABRE

 

Charles FABRE

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Victor SAJUS

29 Novembre 2020 , Rédigé par srose

 

Victor est né le 10 avril 1871 à Frouzins

Son père Jean, né à Frouzins en 1818, est vigneron et brassier; il meurt le 3 novembre 1892 à Frouzins ; sa mère Marie BERTRAND est née en 1839, elle est journalière

Son frère François Bertrand de 9 ans son cadet fera la guerre également

Il est châtain, et mesure 1.57m; il sait lire écrire et compter

En 1891 il est cultivateur et habite Frouzins; il est dispensé de service militaire car "aîné de septuagénaire"

En 1898 il habite vers Mirande et en 1908 il habite le château de Cadeilhac à Muret

Il a  43 ans quand la guerre éclate; iau vu de son dossier médical, il est détaché le 19 janvier 1916 à la poudrerie nationale de Toulouse

Son dossier militaire note en effet qu'il souffre d'une otite scléreuse bi latérale avec accident vertigineux

 

Victor SAJUS

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