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La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

29 Janvier 2017 , Rédigé par srose

 

Comment vivaient une famille paysanne aisée dans le Hainaut à la fin de l'Ancien Régime?

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

Cense de la Rocq (Hainaut)

 

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

Ferme du Mont à Thorembais les Béguines (Hainaut)

Si l'on regarde l'ouvrage de Monsieur Delleaux sur les inventaires des censiers du Hainaut au 18ème siècle, paysans aisés dans le Nord Pas de Calais, il apparaît que le 18ème siècle est vraiment le siècle du raffinement : les gens recherchent un certain confort, consomment davantage, sont de plus en plus dans le paraître et au final possèdent des biens dont ils n’ont pas nécessairement besoin mais qui font « bien » dans une maison ou même sur soi …. En tous les cas ce qui suit est à mettre en parallèle avec les articles que j’ai écrits intitulés « Habitat et intérieur lillois » et « Habitat et intérieur intérieur toulousain » qui montrent également à la même époque cette recherche de confort, d’aisance dans les intérieurs et dans le même temps le besoin de paraître.

C’est ainsi que les inventaires de cette époque montrent que les censiers du Hainaut adoptent progressivement de nouveaux meubles de rangement : volonté croissante de consommation et nouveau mode de vie : verrier, buffet, ménagers …

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

Verrier du 18ème siècle

Ainsi Nicolas Godin à Courbois, hameau de Condé, possède en 1739 « une garde-robe de bois de chêne à fiche de cuivre » estimée à 72 livres ; Charles Lefebvre censier à Thivencelle, à l’est de Condé, possède quant à lui une armoire en bois de noyer sculptée 

L’armoire se répand en effet dès la fin du 17ème siècle dans la plupart des logements et  remplace ou cohabite encore avec l’incontournable coffre. La commode, quant à elle, meuble plus raffiné et d’ordinaire réservé aux élites citadines, fait son apparition tardivement, à la veille de la Révolution, chez Louis Dupriez à Hergnies en 1787.

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

Coffre du 18ème siècle

Petits signes de richesse jusque-là quasiment inconnus à la campagne :

  • la pendule : dès 1736 chez Marie Chantreau, qui occupe une ferme à trois charrues à Haulchin. Armand Lequipart en 1781 laisse trôner dans la cuisine de sa ferme à Orsinval, une pendule estimée à 24 livres et une autre dans sa chambre évaluée à 30 livres .
  • Un baromètre à Poix-du-Nord en 1739 chez François Crapet

 

Au sein des intérieurs, la multiplication des salles et leur spécialisation se développent au 18ème siècle. Le mobilier se diversifie également : les traditionnels bancs ou « escabelles » sont troqués, petit à petit, pour des fauteuils « garnis de clous jaunes » chez Marie Jeanne Hautecoeur, recouverts parfois de tapisserie de laine, pour des chaises en cuir ou couvertes de moquette, pour une bergère également que l’on découvre chez Pierre Manesse en 1770. 

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

banc coffre du 18ème siècle

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

Bergère du 18ème siècle

 

Les points d’éclairage sont maintenant plus nombreux. Les traditionnels « crassets » ou lampes à l’huile et chandeliers de cuivre et d’étain laissent place pour les plus aisés à des lustres. Frédéric Cousin possède à Happegarbes, hameau de Landrecies, « un lustre de fer blanc » suspendu au plafond d’une des pièces de sa ferme en 1739 

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

Lustre en bois doré du 18ème siècle

Chaleur et intimité deviennent importants : Le rideau apparaît aux fenêtres de Louis Dupriez en 1787.

Le poêle à charbon marque une véritable révolution dans les conditions d’existence à la ferme, en y diffusant une chaleur régulière et uniforme. On rencontre le premier « fer à bruller de la houille » chez Pierre Tel en 1742, censier à Denain. En 1762, François Gilman en possède même deux, un dans sa cuisine et un plus petit dans sa chambre.

Commodités : Quelques privilégiés disposent d’une fontaine intérieure. Un exemple à Thivencelle en 1760 où Madeleine Willaume s’est fait installer une fontaine de cuivre chez elle. De même Claude Thomast dispose en 1752 d’un urinoir en verre.

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

urinoir en verre

L’adoption des nouvelles modes alimentaires entraîne un élargissement de la batterie de cuisine et l’arrivée d’une nouvelle manière d’accueillir ses voisins, proches ou amis.

  • Ainsi la nourriture crue remporte un franc succès parmi les censiers du Hainaut dès les années 1760 : en témoigne le nombre de saladiers, de bouteille d’huile et de vin « aigre » recensés dans les inventaires.
  • Pierre Couteau possède quant à lui plus d’une douzaine de fourchettes et de couteaux en argent, ainsi qu’une salière de même nature.
  • Apparition des tourtières, poissonnières, tourne-broches et coquemars ou encore assiettes à dessert, que l’on repère chez Jean Cazier à Sainte-Calix, hameau de Condé, Jacques Dessigner à Avesnes-le-Sec ou Marie Bar à Marly 
  • la veuve de Martin Macarez en 1752 ou Marie Broutin qui possède en 1767 « huit tasses au thée avec leurs soucoupes » et un jeu de cartes sur un tapis vert que l’on retrouve chez Marie Hautecœur en 1733
  • Pierre Manesse possède des « tasses capucinnes », dans lesquelles on verse le café que l’on sucre à volonté à l’aide d’une pince, raffinement oblige, tout en fumant le tabac, conservé dans une tabatière en argent.

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

Tasse, sous tasse et cafetière du 18ème siècle

La garde-robe des fermiers du Hainaut n’a rien à envier à celle de certains bourgeois, voire même d’aristocrates de Valenciennes : habits de draps d’Elbeuf (1762) ou de Silésie (1780), tabliers de Guyenne (1731) et de Perse (1750), jupes d’étamine et de taffetas « fleuragées » ou « a petit bouquet » (1787), siamoises (1739) sont le lot quotidien de bon nombre d’entre-eux. Les couleurs sombres du début du siècle disparaissent au profit de teintes chatoyantes, telle cette « juppe de cotton cadrillier bleu et jaune » portée par Anne Donvillers en 1780 

La pierre tombale du riche laboureur Philippe Carette et de son épouse Marguerite de Ribeaucourt (décédée en 1628) à Bussus Bussuel (Somme) montre une certaine aisance déjà au 17ème siècle : cape à épaulette et  bottines à fleurs pour Philippe.

À la fin du 17ème siècle d'ailleurs, Alexandre Dubois, curé de Rumégies près de Saint-Amand, observait déjà, et non sans critique, l’écart social qui s’opérait quotidiennement entre les censiers et le reste de ses ouailles : « les enfants de ces personnes [les censiers], (…) vêtus d’une façon tout autre qu’il n’appartient aux paysans : les jeunes hommes avec des chapeaux galonnés d’or ou d’argent, et ensuite du reste ; les filles avec des coiffures d’un pied de hauteur et les autres habits à proportion. Et, comme leurs pères et mères sont riches, ils sont d’une insolence inouïe »  H. Platelle, Journal d’un curé de campagne au xviie siècle, Paris, Le Cerf, 1965, réed. Septentrion, 1997, p. 105

 

La vie des censiers du Hainaut au 18ème siècle

"La nouvelle maison rustique", ouvrage largement diffusé chez les notables ruraux : gros fermiers, riches propriétaires, bourgeois cultivateurs, curés, notaires ...

 

Sources

Fulgence Delleaux : Progrès agricoles et modernisation culturelle au xviiie siècle. Les campagnes du Hainaut au miroir des inventaires de censiers

Thierry Sabot : hiérarchie et ascension sociale de nos ancêtres paysans du 16 au 18ème siècle

 

 

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Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

29 Janvier 2017 , Rédigé par srose

 

Le monde paysan de l’Ancien Régime est un monde assez complexe tant dans sa hiérarchie que dans son monde de fonctionnement interne ; complexité accrue du fait de la multitude de nuances locales qui viennent parfois jusqu’à contredire ce que l’on pensait être un principe de base (la définition de laboureur par exemple).

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Pour le moment nous nous en tiendrons à la hiérarchie sociale du monde paysan.

Avant toute chose il est nécessaire de recenser les différentes appellations qui pouvaient exister : tâche difficile au regard d’une part du nombre important de métiers gravitant dans le giron paysan et d’autre part des différentes significations données à un même nom en fonction des localités et des régions.

Reprenons les termes les plus courants :

  • le laboureur :
    • en Picardie le laboureur est le plus souvent un gros paysan, tout en haut de l'échelle
    • En Flandres maritime (Dunkerque, Bergue, Cassel) et en Flandres wallonne, le laboureur est un petit propriétaire indépendant avec quelques employés
    • On va parler aussi en Touraine ou en Bourbonnais de laboureur à bras : un homme à gage, simple domestique qui tient la charrue chez un propriétaire
    • En Savoie le laboureur est un journalier ; le rôle des pauvres et misérables de la paroisse de Veyrier près d’Annecy le Vieux en Haute Savoie montre que de nombreux laboureurs figuraient parmi les indigents
    • Dans la vallée de l’Adour (dans les Pyrénées) on était laboureur quand on avait au moins 5ha sinon on était juste un ménager - En Albigeois c’est l’inverse : le ménager possède davantage que le laboureur
    • En Lorraine le laboureur est en haut de l’échelle sociale : en 1775 le Parlement de Nancy précise que « chaque village contient presque toujours dix manœuvres pour un laboureur »
    • A noter que le terme laboureur va progressivement disparaitre au cours des 18 et 19ème siècle au profit du terme de cultivateur.

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Labours et semences en Auvergne

  • le censier : Dans le nord de la France et en Belgique, ce terme désigne celui qui tient une cense à ferme ainsi qu’une métaierie (la cense signifiait fermage à l’origine puis est devenue le nom de la ferme) 

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Cense abbatiale de Mons en Pévèle (59)

 

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Cense au pigeonnier près d'Orchies (59)

 

  • le bordier : paysan qui tient une petite ou moyenne exploitation de 2 à 15ha : la borderie ou la borde ; on rencontre ce terme dans l’ouest et le sud ouest
  • le closier est un vigneron qui occupe une petite exploitation de 6 ou 7 ha, la closerie dans l’ouest : il dispose d’une maison louée ou gratuite, d’un jardin, de bâtiments d’exploitation, d’une ou deux vaches ; il est salarié de son propriétaire et travaille au forfait : environ 20 livres par arpent de vigne travaillé ; il ne dispose pas de la récolte qui revient en totalité au propriétaire
  • le haricotier du Beauvaisis est un petit laboureur propriétaire de sa maison et d’un petit jardin, et qui possède en propre 3 à 4ha tout en louant la même surface en fermage
  • le journalier ou manouvrier ou brassier : personne pauvre qui vit du travail de ses bras et qui n’a aucun bien, qui est payée à la journée ou à la tâche ; parfois il s’agit de petits ou moyens propriétaires victimes d’une régression sociale brutale suite à une crise économique

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

  • le ménager : petit paysan propriétaire du nord de la France à peine mieux loti qu’un manouvrier alors que dans le sud il est un laboureur souvent aisé mais pas toujours (cela dépend des localités)
  • le jardinier : employé par un grand propriétaire ; le rang social de ce dernier influera sur la condition du premier ; on trouve également des jardiniers maraichers qui sont de très petits paysans qui se livrent à des cultures délicates demandant beaucoup de travail sur une toute petite surface et qui travaillent dans les faubourgs des ville
  • le coquetier ou cocognier est un éleveur de poules et de pigeons qui écoule sa production d’œufs sur les marchés urbains locaux 
  • le régisseur ou intendant : paysan salarié recruté par un grand propriétaire pour gérer l’exploitation 
  • le laboureur receveur organise la levée de droits seigneuriaux (redevances ; dimes inféodées, amendes …) 
  • le laboureur fermier exploite la terre en fermage 
  • le rentier vit des redevances prélevées sur les produits de la terre

 

Il faut avoir en tête que ces « catégories » ne sont pas hermétiques – on peut avoir le meunier souvent riche qui exploite la ferme du moulin  ou le ménager qui est aussi marchand …

 

La classification qu’il est possible de proposer va finalement opposer ceux qui ont des attelages de labour (chevaux, ânes, bœufs) et ceux qui n’ont que leurs bras : les  laboureurs contre les brassiers.

A noter toutefois que parmi les laboureurs tous ne sont pas égaux : on a des paysans qui ont « charrue entière » d’autres une « demi charrue » seulement ; mais ce n’est pas là l’essentiel car l’opposition principale reste laboureur contre brassier.

La question de la propriété importe peu ici car un brassier a souvent quelques lopins de terre et quelques bêtes et le laboureur n’est pas nécessairement propriétaire car  il se peut fort bien qu’il ne tienne son exploitation, au moins en grande partie, qu’à titre de fermage temporaire et c’est d’ailleurs souvent le cas. N’oublions pas à ce propos que si sous l’Ancien Régime 80% de la population vit et travaille dans les champs rares sont les exploitants qui sont réellement propriétaires de la terre.

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Ferme de Lucien Deswarte à Zuydcoote (59)

Il faut en fait retenir comme critères :

  • la surface de l’exploitation (à ce titre le seuil de l’indépendance économique est en moyenne de 5 à 10ha : selon Pierre Goubert le paysan indépendant est « celui qui quelle que soit la conjecture va assurer grâce à ses terres, la subsistance des siens, le paiement des impôts et faire des ventes parfois fructueuses»
  • le capital d’exploitation : plusieurs charrues, l’outillage, le cheptel (une charrue vaut en moyenne 30ha quand elle est mise en valeur par un attelage de 3 chevaux donc le nombre de charrue donne ainsi une idée de la surface exploitée) 

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

 

De façon générale on peut dégager le schéma pyramidal suivant en tenant compte bien sûr des spécificités locales.

Les paysans dominants, minoritaires dans la population; ce sont les gros laboureurs, les fermiers, les censiers, les laboureurs marchands. Ils ont des exploitations de 30 à 100 ha, plusieurs train de charrue (charrue + bœufs ou chevaux) et emploie une main d’œuvre importante. Ne nous y trompons pas : même eux ne sont pas nécessairement propriétaires de l’ensemble des terres qu’ils exploitent : souvent elles sont louées à un grand propriétaire non résident (seigneur, noble, bourgeois ou religieux) qu‘ils représentent aux yeux des villageois

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Ferme de Ponceaux en Picardie

Les paysans indépendants ou paysans moyens sont les ménagers du Midi et du Languedoc les métayers de l’Ouest et du Centre,  les laboureurs du bassin parisien et du Centre. Ils exploitent de 10 à 30ha et ont une main d’œuvre essentiellement familiale plus des saisonniers ; au moins un train de labour (2 chevaux de trait et une charrue dans le Nord par exemple) ;  souvent un revenu supplémentaire venant d’un métier artisanal ou d’un petit commerce local

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Ferme réhabilitée près de Toulouse

Les petits laboureurs sont les ménagers du Nord, des paysans semi indépendants qui exploitent entre 5 et 10 ha parfois un peu plus. Ils ont souvent un train de culture incomplet et doivent s’associer avec d’autres pour le compléter. Ce sont aussi les closiers de l’Ouest, les haricotiers du Beauvaisis et les bordiers de l’Ouest et du Centre et du Sud Ouest qui eux, exploitent de 3 à 10 ha, sans train de labour, et sans réelle indépendance économique.

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Ferme à Sotteville sur mer en Normandie

Les paysans dépendants regroupent quant à eux de 35 à 50% des paysans : ce sont sont les manouvriers, brassiers, journaliers, charretiers, domestiques agricoles qui ne possèdent pas de terres  ou qui exploitent un jardin ou une micro exploitation de 2 ou 3ha.

Hiérarchie sociale dans le monde paysan sous l'Ancien Régime

Ferme près de Lille

 

Sources

Paul Leuilliot : Au 18ème siècle : histoire agraire, histoire sociale

Marc Bloch : Les caractères originaux de l’histoire rurale française

Thierry sabot : hiérarchie et ascension sociale de nos ancêtres paysans du 16 au 18ème siècle

Nos Ancêtres, Vie et Métiers n°5

 

 

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Le pourvoyeur

15 Janvier 2017 , Rédigé par srose

 

Il s'agit de la personne chargée de fournir à une grande maison les provisions de bouches, viande, gibier, poisson ...

 

Source : Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercées dans Paris depuis le 13è siècle de Alfred Franklin

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Le sayetteur

1 Janvier 2017 , Rédigé par srose

 

Le sayetteur est un tisserand en laine.

La sayeterie est la branche la plus importante des industries de la laine : elle avait pour spécialité la fabrication des étoffes rases et sèches de pure laine.

La sayette est donc une étoffe légère obtenue par tissage de la laine peignée et séchée avec l’addition autorisée d’un seul fil de soie à chaque fil de cette laine: le "fil de Sayette". Sa confection nécessite une trentaine d'opération.

Au XVIIe siècle, la sayetterie subit une importante croissance à Lille. Des quartiers entiers  comme St Sauveur à Lille vont fabriquer de la sayette.

 

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Le rewart

1 Janvier 2017 , Rédigé par srose

 

Le rewart est un officier municipal. C'est le Magistrat de Lille (sorte de conseil municipal) qui nomme le rewart.

Celui-ci siégeait dans l’assemblée de la loy mais derrière les échevins, alors que lors du conseil ou lors des cérémonies, il passait avant le mayeur lui-même.

Il était le représentant officiel du corps des bourgeois et progressivement ses fonctions firent de lui le véritable gardien de la ville fortifiée, le chef de la police urbaine.

Le rewart avait en charge la police des foires aux chevaux et bestiaux, l’éclairage des rues, la lutte contre l’incendie, l’organisation du guet sur le clocher…etc.

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Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

1 Janvier 2017 , Rédigé par srose

 

Au 16ème siècle le visage de la charité va changer dans toute l’europe occidentale. Pourquoi ? Est-ce dû à une aggravation de la situation économique (hausse importante du prix du blé notamment), aux déplacements en augmentation de familles entières du fait des guerres ou des difficultés économiques, aux réformes humanistes tant catholiques que protestantes … ? En tous les cas on assiste, à la même époque et dans plusieurs pays, à une centralisation des aides par le pouvoir laïc et une organisation optimisée, en principe, des distributions.

Perception des mendiants

Ce qui est certain c'est que les mendiants ont toujours eu mauvaise presse de par les siècles. Ainsi un édit de 1515 promulgué par le futur Charles Quint est très clair sur ce point : les mendiants sont des parasite et dénonce en terme véhément leur comportement : « pareillement les blîtres, truans et gens dessusdits, avec leurs filles de légère vie et leur secte se retirent aussi bien souvent vers le soir, les aucuns ès hospitaulx et aultres ès tavernes, cabaretz et lieux deshonnestes, où ilz font grosse chère, jouent, s’estrivent et combattent, menans vie dissolute et deshonneste ; à cause de quoy advient chascun jour que plusieurs compaignons de mestiers, conséderans la vie desdits blîtres, truans et vagabonds, se mettent à ladite blîtrerie, habandonnans et délaissans leurdit mestier, en manière que les censiers et aultres ne sçaivent recouvrer verletz, meschines, ne ouvriers pour labourer leurs terres, ny en temps d’esté aider à mettre leurs foings, bledz, avoines et aultres grains en granges ».

Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

Ils sont également dangereux pour la santé d’autrui. « Comment empêcher, demande Juan Luis Vivès (théologien et  philosophe espagnol et juif converti au catholicisme ; 1492-1540), qu’en un temple quelconque quand s’y célèbre quelque cérémonie solennelle, il ne soit possible d’entrer sinon entre deux files et escadrons de maladies : tumeurs putrides, plaies et autres maux, que l’on a même dégoût à nommer et que ce soit le seul chemin par où doivent passer les enfants, les jeunes filles, les viellards et les femmes enceintes ? »

Déjà, à la fin de 1525, la foule des mendiants pullulante autour des églises et à l'intérieur était devenue tellement importune que la mendicité fut interdite et beaucoup de pauvres furent chassés de la ville.

Charles Quint avait d’ailleurs trouvé une occupation pour les « oiseux » et autres vagabonds de Dunkerque, lesquels furent réquisitionnés pour l’expédition organisée contre les barbaresques en 1535 …

Il est à noter que si la mendicité est mal vue, on tolérait toutefois les mendiants pensionnaires des institutions décrites entre autre dans l’article précédent : lutter contre l’indigence à Lille, les hôpitaux, hospices et maisons charitables.

Pour éviter d'être chassé hors de la ville, les « pensionnaires » de ces institutions devaient porter sur eux l’insigne de leur établissement, insigne que l’on appelait « plommet ». Le registre des ordonnances de Lille précise en effet en 1531 qu’il était interdit « aux concierges des hôpitaux » de loger les « brimbeurs » (mendiants) s’ils ne portent pas « un plommet de ceux à ce commis qui sera marqué assavoir pour l’hôpital des Grimaretz de l’image de la benoite vierge Marie, ceux de Saint Julien de l’image dudit saint, ceux de l’hôpital Saint Jacques de l’image dudit saint ». 

Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

  

La carité

Ceci étant, venir en aide aux pauvres est un acte chrétien, une condition du Salut qui est mis en avant depuis les débuts du christianisme.. Déjà sous Clovis nous retrouvons cette attention pour les indigents avec le concile d’Orléans qui, en 511, prescrit aux évêques d’assigner le quart de leur revenu aux besoins des pauvres. Principe qui fut rappelé tout au long des siècles par divers conciles.

Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

Par ailleurs, les prédicateurs, écrivains, confesseurs et théologiens de tout bord dénoncent l’amour excessif de d’argent. Le père Bridoul (écrivain ascétique français 1595 – 1672) rappelle que le Christ a déclaré « qu’il serait plus aisé à un chameau de percer trou d’une éguille qu’à un homme riche d’entrer au Paradis. »

Le père de Bonnyers au début du 17ème siècle  interpelle lui aussi les riches : « je vois dans vos coffres de vieux escus, par trop d’habits, la table si chargée de viandes qu’elle vous peuvent suffir pour trois jours et là-dessus je m’escrie : une partie aux pauvres, aux hospitaux, à la prison : on y meurt de faim. Vous croyez que je suis fort en peine pour eux ; il y a du subject. Je le suis encore davantage pour vous : car ce que vous retenez ou prodiguez sans en faire du bien, selon st jacques est capable de vous faire condamner au jugement de Dieu ».

Le père Saint Antoine de Balinghem tempère en précisant que « il ne faut pas penser que l’aumosne délivrera d’enfer celuy qui persévère et meurt en un seul péché mortel »

Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

 

La table des pauvres

Cette aide charitable va ainsi se développer par de multiples moyens : aumônes, quêtes, dons, table des pauvres, œuvre du bouillon …

La table des pauvres ou « pauvreté » ou « charité » : dans les anciens Pays Bas et l’empire, l’expression  table ou taule des pauvres désignait le meuble placé près de la porte de l’Eglise à l’usage des distributions.

On trouvait une table des pauvres dans chaque paroisse, géré par des paroissiens que l’on appelait les gardes de la charité, pauvriseurs ou pourveurs des povres, caritables ou encore ministres des pauvres. On remonte la trace de ces associations caritatives dès 1236. Leur mission était de distribuer des secours aux pauvres « honteus et disiteus » dans les limites du territoire de la paroisse.

Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

L'aumône

Les ressources de cette table des pauvres et ensuite on le verra plus loin de la Bourse commune des pauvres, provenaient des dons et legs, du produit des quêtes, du secours ordinaire alloué par le Magistrat de Lille mais également d’amendes diverses, des taxes sur les récoltes, du denier à Dieu accompagnant tout acte de vente ou location de propriété et laissé à la générosité de chacun, des taxes sur les spectacles, la guède, la bière et le vin.

Ainsi par exemple la Bourse perçut en 1585, 9 livres 6 sols pour quart de la recette d’un forain qui montrait au peuple un mouton d’une excessive grandeur. En 1587, la Bourse reçut 16 livres d’un homme sans bras faisant « plusieurs industries de ses pieds ».

Les « pourchats » ou quêtes à domicile et à l’église alimentaient également la table des pauvres (les Lillois étaient invités à chaque semaine à donner anonymement une aumône au « caritable » qui les sollicitait à domicile « avec la boite »  ou les dimanche et fêtes à l’église avec le « platelet ».

Malheureusement la multiplicité des moyens ne permet pas, paradoxalement, d’atteindre l’objectif final : à savoir que le maximum d’indigents ait accès à ces générosités. En effet ces aides sont ponctuelles, les distributions désorganisées, éparpillées , voire dévoyées …

 

La bourse commune des pauvres

Aussi la ville d’ypres fait figure de modèle en 1525 en prescrivant une nouvelle organisation qui va bientôt être reprise par d’autres villes de l’empire , Lille notamment, en 1527.

Le règlement de la ville d’Ypres précise en effet : « l’histoire a été écrite à plusieurs reprises. Qu’il suffise de dire ici que le règlement en question a concentré en une unique institution autonome toutes les institutions charitables qui existaient dans la ville. L’autorité municipale devait désigner quatre représentants par paroisse, chargés d’administrer la caisse commune, de pourvoir aux besoins des assistés d’après les renseignements reçus de personnes choisies par les administrateurs pour mener ces enquêtes, de passer au crible chaque cas afin que nul ne refusât de travailler ni ne restat oisif . des prescriptions détaillées fixaient la distribution des secours, les moyens d’écarter les ivrognes et ceux qui menaient une vie dissolue (ces gens-là pouvaient recevoir uniquement des secours en nature, jamais en argent), d’éviter l’afflux de mendiants étrangers à la ville ; elle fixait aussi la contrepartie des subsides distribués et qui consistait en une formation professionnelle, en une vie plus honnête, et en une plus scrupuleuse obéissance au devoir du culte catholique ».

Désormais l’assistance aux pauvres est prise en charge par le pouvoir civil, les ressources sont centralisées et le travail va devenir le remède à la mendicité. Du fait de l’existence de cette nouvelle organisation il devient interdit de donner directement aux pauvres ou aux ordres mendiants sous peine d’une amende de 1 écu.

Lille emboite donc le pas d’Ypres en 1527 essentiellement pour remédier à un défaut important des tables des pauvres : les paroisses qui avaient le moins de ressources avaient naturellement le plus grand nombre de pauvres. Ainsi la paroisse de St Etienne donnait à elle seule 73% des subsides et la paroisse pauvre de St Sauveur absorbait au contraire 45% des distributions.

Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

Eglise St Sauveur

Dès 1526 il est prévu que désormais « les clairs deniers des charités des pauvres existant dans chaque paroisse (c’est-à-dire l’excédent des ressources de ces charités) se bailleront aux ministres des pauvres honnêtes ménages » : première étape dans la centralisation de la charité mais rien d’obligatoire encore.

Ce sera réellement l’ordonnance du 30 avril 1527 qui rendra obligatoire le versement dans une caisse centrale de ces excédents des charités ou tables des pauvres paroissiales.

Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

Sceau de Lille

Dans le préambule de cette ordonnance, les échevins énoncent les raisons qui les avaient amenés à transformer l'assistance aux pauvres, et expriment également de façon indirecte leur avis sur les causes de la pauvreté et ses effets sur toute la société aussi bien que sur les pauvres. L'un des buts principaux du gouvernement était de mettre fin à la pratique en cours qui permettait à chacun "indifferement de brimber et demander l'aumosne journellement". La mendicité, affirmaient les autorités, n'avait aucune valeur ni pour l'individu ni pour la société. D'une part, elle incitait les mendiants en bonne santé mais paresseux à l'oisiveté — "mère de tous maux" — et au crime. Résolus, donc, de vaincre les mauvais effets que ce choix avait eus sur les pauvres eux-mêmes et sur tous les Lillois, et convaincu que l'on pouvait facilement faire la distinction entre les pauvres dignes ou non de recevoir de l'assistance, les échevins décident qu'il est urgent d'établir un programme qui aurait deux objectifs. La pauvreté méritante allait être "nourrie et substené", tandis que d'une façon ou d'une autre, les autres formes de mendicité allaient être réprimées.

 

Organisation de la Bourse des pauvres de Lille : on a désormais un organe central avec cinq commis, cinq « gens de bien », qui seront appelés ministres généraux « ayant superintendance de tous les pauvres dans la ville ».

Ces derniers seront aidés dans chaque paroisse (St Etienne, St Maurice, St Sauveur, St Pierre et Ste Catherine, ainsi qu'à St André et à La Madeleine, qui étaient à l'extérieur des murs de la ville) par « quattre personnes, gens de bien, dont l’un d’iceulx sera ministre de la carité des povres de sa paroisse » .

L’idée est d’établir une liaison avec les différentes « carités » paroissiales qui vont désormais reverser leur « boni » à la Bourse après avoir exécuté uniquement les charges auxquelles elles sont expressément tenues par les fondations (voir ci après). De même le produit des « pourchas » (quête) faits dans l’église ou dans la paroisse celui des « troncs et blocqs » seront versés à la Bourse.

Lutter contre l'indigence à Lille : la table des pauvres et la bourse commune des pauvres

Tronc d'église

Les ministres des pauvres seront quant à eux aidés par une bureaucratie élémentaire de « clerq », de sergents et de « varlet » et devront réunir et maintenir une liste des personnes éligibles à la carité de la Bourse, écouter les plaintes qui concernent le fonctionnement de ce système et les résoudre, surveiller la collecte et le paiement des fonds, et "faire statuts et ordonnances telles que bien leur semblera".

Ils recherchent les bénéficiaires récemment retenus ou ceux qui devaient être rayés des listes, et ils reçoivent et distribuent l'assistance en argent ou en nature. Ils veillent aussi à ce que les enfants des pauvres pussent fréquenter les écoles, apprendre un métier, ou se mettre en service.

Il fut demandé aux curés et aux prédicateurs d'encourager les contributions, de canaliser les plaintes et de faire connaître aux officiels les besoins de ceux qui ne s'étaient pas présentés à cause de "honte ou simplesse".

 

Concrètement,

  • les ministres des pauvres de chaque paroisse ramassaient et distribuaient chaque semaine les fonds nécessaires : Ils vont quêter et relever les donc faits dans les « troncs et blocqs » : ils font cela deux par deux chaque dimanche et jour de fêtes Le semainier quant à lui s’occupe des dons de la semaine à l’église e matin ; il est chargé également de d’assurer la quête « avec la boite » dans les maisons de la paroisse les jeudis, vendredis et samedis.

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Tronc d'église

  • tandis que les ministres généraux rassemblaient toutes les collectes en une somme commune qu'ils redistribuaient ensuite, ceci pour éviter les inégalités traditionnelles dues à la variation des richesses dans chaque paroisse

 

En résumé : Ils administrent la carité c’est-à-dire les terres, maisons, droits détenus par elle, et toutes les rentes en nature ou en argent perçus par elle et ils gèrent les dépenses à faire.

Ainsi en 1572 on peut estimer que la carité de St Etienne a un revenu annuel d’environ 5 000 livres parisis, celle de St Sauveur 3 000 et celle de Ste Catherine 4 000.

 

Les listes de ministres des pauvres ou « pauvrieurs » que l’on a sur Lille indiquent que ceux-ci sont assez aisés : homme de loi, médecins, marchands, maître artisan. Ainsi Guillaume le Veau, pauvrieur et receveur de la carité de st Etienne vers 1600, est un marchand de garance (poudre rouge extrait d'une plante appelée la garance des teinturiers) ; Jacques Waresquiel, receveur de celle de St Sauveur est notaire.

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A Saint Sauveur en 1624 il y a six pauvrieurs , certainement des maîtres sayetteurs ou bourgeteurs:

  • Paul Becque
  • Charles Bonnier
  • Gilles Mannier
  • Jacques le Roy
  • Crespin Poutrain
  • Pierre du Saultoir

 

Ces hommes sont les intermédiaires entre les pauvres de la paroisse et les ministres généraux de la Bourse commune.

 

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Marchand drapier

Justement qui sont les ministres généraux chargés de gérer la Bourse commune ? Ils sont majoritairement liés au Magistrat de Lille (le conseil municipal en quelque sorte  constitué par un mayeur, son adjoint, le cottereau, et 10 échevins) et sont donc issus des grandes familles de marchands ou de rentiers.

Ainsi en 1612, six d’entre eux sont échevins ou conseillers :

  • Jean Le Vasseur, mayeur
  • Jacques Castellain, marchand de sayetterie et seigneur d’Ascq
  • Michel Cardon, marchand de draps de soie
  • Jean Mahieu, mrchand et auparavant rewart
  • Hugues de Lobel, marchand de drap en gros
  • André de Fourmestraux, marchand « puissant et riche »

Six autres ont appartenu ou appartiendront au Magistrat :

  • Pierre Desbuissons, marchand
  • Jacques Fasse, marchand
  • Jean Castellain, marchand
  • François Muette, mrchand, minsitre général de 1581 à 1627
  • Auguste Petitpas, écuyer, seigneur de warcoing
  • Martin du Rivaige, licencié en droit et beau frère du Mayeur, ministre général de 1591 à 1625

 

Les fondations

Les Lillois aisés utilisent souvent une autre voie charitable : les fondations ; ils vont donner un capital (terres, maisons, titre de rente) qui va garantir un revenu avec en contrepartie des obligations à respecter. C’est ce que l’on appelle une fondation. Si la bourse commune des pauvres est le destinataire de ces fondations, ce seront les ministres généraux qui en seront les gestionnaires directs ; elles peuvent aussi être placées sous la tutelle des ces ministres en conservant ainsi une cetaine autonomie. ; ces fondations pouvaient également aboutir à la création d’hôpitaux, de monts de piété … dont la gestion est alors confié au Magistrat.

Ainsi par exemple en 1624 le marchand Adrien Desquien donne 26 000 livres parisis pour assurer 2 livres parisis par semaine à « 12 pauvres et anchiens hommes, francques tondeurs, ayant estées maistres audict still ».

Wallerand Hangouart, doyen du chapitre, donne à sa mort en 1565 ,39 808 livres parisis dont le revenu devait servir à payer chaque samedi 18 prébendes de 36 sols à 18 « gens anchiens, nullement suspects d’hérésie ne ayant esté reprins de justice » et qui devaient chaque jour entendre « la messe de prime » à st Pierre afin de prier Dieu pour son âme et celle de sa famille.

André de Fourmestraux, marchand, donne en 1604, 12 000 livres parisis pour fournir 200 livres parisis par an à 3 pauvres personnes déchues de leurs biens.

En 1607 Madeleine Dumortier cède 22 252 livres parisis dont le revenu permettra de donner 24 sols par semaine à 13 pauvres veuves « afin de prier Dieu pour mon âme ».

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En 1644 les époux Frémault-Leroy lèguent 30 petites maisons pour y loger gratuitement des pauvres et fondent 30 prébendes de 6 livres parisis par an pour 30 ménages différents des premiers.

D’autres vont léguer tout ou partie de leur fortune pour créer un établissement chargé de recueillir ceux qui ne peuvent plus vivre dans leur milieu habituel.

Comme nous l’avons vu dans l’article sur la lutte contre l’indigence à Lille , il existe fin 16ème siècle deux grands hôpitaux (Comtesse et St Sauveur) avec une capacité qui varie selon les époques mais qui tourne autour de 60 lits chacun ; à côté de ces grosses strutures,  de nombreux petits établissements existent, plus spécialisés et tous créés par le biais de fondations (accueil des pèlerins de St Jacques avec les Grimarets, accueil des vieillettes avec Ste Catherine de Sienne, accueil des orphelines chez les Bonnes Filles , accueil des chartrières (impotentes) à la Charité , accueil des femmes en gésine à St Jacques, accueil des vieilles à Ganthois).

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Sans vouloir reprendre la liste des établissements cités dans cet article, il est intéressant de voir les conditions dans lesquelles certains d’entre eux ont été fondés :

Ainsi en 1650 Jérôme Segon, seigneur de Wionval et sa sœur Françoise cèdent tous leurs biens évalués à 200 000 livres parisis pour fonder l’hôpital du Saint Esprit destiné à accueillir 14 malades, 10 religieuses et un chapelain. Pendant 10 ans le Magistrat lutte pour obtenir que cette fondation soit exécutée car en effet des héritiers dépités de voir cette fortune leur glisser entre les doigts, font valoir que Jérôme Segon n’avait pas toutes ses facultés quand il a fait ce testament.

En 1633 le marchand François Heddebaut donne les fonds nécessaires pour la construction de l’hôpital de la Charité rue Notre Dame où l’on accueillera des femmes « chartrières les plus débiles et abandonnées de secours humain que l’on pourra trouver » qui seront soignées par des religieuses augustines issues de l’hôpital ganthois. De 1635 à 1663 des personnes charitables, essentiellement des femmes, fondent 12 lits qui s’ajoutent aux 2 premiers créés par François Heddebaut .

L’hospice de la Conception Notre Dame dit des Bleuettes fut fondé en 1648 par le chanoine Jean Dubus, « meu en considération que nostre Sauveur at tant estimé les œuvres de charité allendroit des pauvres malades qu’il les at tesmoingnez estre faictes à sa propre personne », lequel donne « une maison et héritage rue Saint Sauveur … qui servira de commencement à un nouveau hospital jugé … totalement nécessaire pour y recevoir charitablement toutte sorte de pauvres femmes et filles malades, affin qu’ayant une maison de refuge en leurs infirmitez, Jésus Christ ne soit abandonné en ses pauvres, lesquels se trouvans en leurs maladies réduits aux malheurs d’une dernière nécessité, sans aucune assistance humaine, directement contre les ordonnances divines, sont obligées de finir misérablement leur vie par le désolé trespas d’une mort cruelle et douloureuse ».

En 1622 le marchand François Van Hoyqueslot, seigneur de la Hallerie, ennuyé que rien ne soit prévu pour les « vieux hommes » lègue 6 400 livres parisis pour fonder chez les Bapaumes 3 places réservées à 3 « hommes anciens devant aller ouyr la messe en la chapelle Sainte Barbe en l’église Saint Etienne le mardi et le vendredi », messes qu’il avait également fondées. Mais les Bapaumes sont réservés initialement à des jeunes donc la solution trouvée ne peut être que provisoire. Les ministres généraux de la Bourse vont donc encourager les bourgeois de Lille à créer une « maison des vieux hommes », le futur hôpital Saint Charles Borromée. En 1623 Marguerite du Hot, veuve de Jean Mahieu, membre du Magistrat et ministre général des pauvres, donne 22 550 livres parisis pour faire construire cet établissement. Les ministres des pauvres organiseront un « pourchas » exceptionnel qui rapportera 3 549 livres parisis pour mener à terme la construction.

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Une fois achevé, les fondations « d’un lit » se succèdent : ainsi le sayetteur Mathias Deleporte et son épouse Catherine Leplat en fondent un pour un vieux sayetteur « qui soit bon et fidel catholique, apostolique et romain et nullement suspecté d’hérésie ». Jean Lequien, boulanger rue des Cabochus, lègue à l’établissement tous ses biens évalués à 32 000 livres parisis à condition de faire dire 3 obits par an à St Etienne « pour le repos de son âme ». Au final en 1640 il y a 15 lits fondés par des particuliers ; 5 autres lits s’y ajouteront en 1679.

 

Evolution de la carité

Jusqu’en 1630 à peu près, « pourchas » et offrandes dans les troncs rapportent de 6 000 à 6 500 livres parisis par an. A partir de 1630 le produit des quêtes diminuent jusqu’à atteindre moins de 3 000 livres parisis en 1661. Depuis 1647 on ne quête plus avec la boite à domicile que dans les paroisses St Etienne et St Maurice où le milieu social est assez aisé.

En revanche la charité publique va se manifester plus généreusement lors de calamités comme la peste de 1597 et de 1598 où les « pourchas » ont rapporté respectivement 8 996 livres parisis et 7 326 livres parisis au lieu de 6 000 livres parisis de l’année précédente.

De même de 1590 à 1629, chaque année 15 à 20 Lillois faisaient un legs par voie testamentaire à la Bourse ; de 1630 à 1649 il ne sont plus que 11 , 8 de 1650 à 1659 et 5 de 1660 à 1670.

Pourquoi cette diminution importante de la carité ? Peut-être le conflit franco espagnol y est pour quelque chose : Jean de le Barre nous dit en 1656 en parlant de Lille, sa ville natale : « les rentiers étoient puissans en revenus annuels, qui maintenant sont presque réduits sans aulcuns moiens et revenus ».

Notons tout de même qu’en 80 ans ces généreux donateurs ont fourni près de 265 000 livres parisis à la Bourse qui a pu placer une partie de ce capital en rentes.

 

Nature des secours

La table des pauvres et la bourse commune des pauvres venaient au secours des personnes sans ressources, du placement des vieillards et des orphelins que l’on mettait en pension chez des particuliers, du placement des filles « débiles » chez les Repenties, de l’achat de draps et souliers, de l’instruction des enfants pauvres et des soins médicaux gratuits. Il ne fallait pas en oublier car des indigents ont quand même intenté des actions en justice contre des « pauvretés » qui les avaient écartés de leurs secours…

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Distribution de nourriture

 

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Ecole sous l'Ancien Régime

Les médecins ou mires qui s’occupaient des indigents étaient rémunérés par la ville ; par exemple à Roubaix ils étaient rémunérés 6 livres et 5 sols l’année pour « remuer et visiter les pauvres » ; en 1579, 60 livres et 70 livres en 1669.

A Armentières en 1598/1599, Jéhenne Soutil (ou Subtil) « malade de maladie estrange », fut trois fois exorcisée par le curé de Nieppe. A chaque venue, ce dernier mangeait avec les ministres de la table des pauvres à l’auberge « du bel imaige » ou celle de l’« escu de Bourgogne », (toutes deux sur la place). Il en coûta 60 livres dont 6 livres et 6 sols audit ecclésiastique, 17 livres 16 sols échurent à Jacques Subtil (frère de la malade) pour garde de celle-ci et 6 livres et 2 sols à Maître Ernoult Bartier et sa femme qui s’en étaient chargés également.

 

A certains moments des aides spéciales sont nécessaires :

En 1558, 1572-73, entre 1575 et 1584, et de nouveau en 1587, la Bourse accorda des paiements spéciaux aux victimes de la peste, riches et pauvres, qui durent cesser leur travail et rester chez eux, ou bien s'installer dans un lieu de refuge pour les victimes de la peste situé dans la banlieue de Lille, appelé le "Riez de Canteleu".

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Ce qui reste de la maladrerie du Canteleu dans l'ancienne commune de Lomme :

la chapelle, au 253 avenue de Dunkerque à Lille

 

Chaque pestiféré qui devait rester isolé chez lui recevait cinq sols parisis par semaine, ou un peu plus d'une livre parisis par mois. Pour ceux qui s'étaient réfugiés au "Riez de Canteleu" l'indemnité s'élevait à 6 sols par semaine, soit 1,3 livres par mois.

 

De même, le nombre des orphelins augmentait de façon importante quand la peste se déclarait. Alors que la Bourse commune était venue en aide à 71 enfants trouvés au début de 1554 par exemple, elle en avait 381 à sa charge à la fin de 1558.

 

La Bourse commune dirigea à partir de 1584 les écoles du dimanche de la ville. Ce système scolaire municipal, établi grâce aux donations d'un montant de 12.800 livres parisis de Hubert Déliot et de son père Guillaume, fut destiné, dès 1554, à apprendre à cent enfants de pauvres à lire, à écrire, à calculer et à avoir de bonnes moeurs. Par la suite, il s'adressa à tous les jeunes de 8 à 18 ans.

 

Quant aux secours par le travail, il ne semble pas que ce fut un moyen très utilisé : en deux occasions seulement, et de façon temporaire, Lille employa directement de grands nombres de pauvres. A la fin de décembre 1565, pour aider "la grand foulle des povres" à survivre, les échevins appelèrent tous les chômeurs "d'aige competent" à s'inscrire chez le greffier municipal qui devait ensuite leur assigner un emploi dans les projets municipaux. En retour, les pauvres devraient renoncer à la mendicité.

De même, le Magistrat, en juillet et août 1586, employa environ 1 800 hommes par jour pour nettoyer les rivières, les canaux et les fossés.

 

Il est à noter que lors de circonstances malheureuses (des batailles par exemple) le pape tout comme le roi accordent des libéralités au peuple : ainsi en 1340 le pape Benoit XII demanda à l’un de ses chapelains de se rendre dans le nord de la France et plus précisément dans le Cambrésis, le Vermandois, le Thiérache pour répartir entre les sinistrés les plus pauvres des premières batailles de la guerre de Cent ans 6 000 florins d’or soit 8 900 livres tournois, aumône qui fut complétée par le roi de France Philippe VI et l’évêque de Laon.

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Louis XVI distribuant l'aumône aux pauvres de Versailles durant l'hiver 1788

De même Mahaut de Bourgogne princesse d’Artois distribua en 1306 à Calais des secours après enquête aux plus nécessiteux, victimes de l’hiver rude. 

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Sources

Les pauvres au Moyen Age de Michel Mollat

Les premiers budgets municipaux d’assistance : la taxe des pauvres au 16ème siècle de Marcel Fosseveux (revue d’histoire de l’église de France – 1934, volume 20 n° 88 p 407)

Histoire de Llle depuis les origines jusque 1830 de Lucien de Rosny

Au cloître et dans le monde : femmes, hommes et sociétés (9è-15ème siècle) de Patrick Henriet et Anne Marie Legras

La campagne dans la chatellenie de Cassel

Nord généalogie n°199 – 2007/2 p 104

La bourse des pauvres d’Aire sur la Lys à la fin de l’Ancien Régime de Jean Imbert

Les origines de la Bourse commune des pauvres à Lille au 16ème siècle de Scrive-Bertin

Charité municipale et autorité publique au 16ème siècle : l’exemple de Lille de Robert Saint Cyr Duplessis

La vie à Lille de 1667 à 1789 d’après le cours de Monsieur de Saint Léger de Aristote Crapet

 

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Lutter contre l’indigence à Lille sous l’Ancien Régime – les hôpitaux, hospices et autres maisons charitables

23 Décembre 2016 , Rédigé par srose

Plusieurs œuvres et établissements prodiguaient soins, secours et hébergement aux nécessiteux de Lille sous l’Ancien Régime. Parmi ceux-ci les hôpitaux, hospices et maisons charitables que l’on retrouve un peu partout dans Lille et qui pour certains ont traversé les siècles jusqu’à nous.

A noter que déjà à la fin du 15ème siècle on dénombrait 14 hôpitaux et autres maisons de charité à Lille (qui comptait à cette époque 24 à 26 000 habitants).

 

En voici quelques uns :

 

1/Le plus ancien hôpital lillois est celui de St Jean l’Evangéliste ou Saint Sauveur fondé vers 1216 par la comtesse Jeanne de Flandres, entre l’église Saint Sauveur et la porte Saint Sauveur dont il pris le nom. Il fut inauguré par Jean Martin, chanoine de la Collégiale de St Pierre (édifice située le long de la Basse Deûle à l’emplacement de l’actuel Palais de Justice) et était destiné à accueillir les malades pauvres. Au 18e siècle, c’est le principal hôpital actif de Lille. En 1720 il y avait 60 lits dont la moitié réservé aux soldats malades ou blessés.

Il fermera ses portes en 1958 et fut détruit en 1960. Seul demeure aujourd’hui le pavillon Saint Sauveur, siège actuel de la Fondation de Lille.

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1920 - Hôpital St Sauveur face ancien square Ruault (actuel hôtel de ville)

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Ce qui reste de l'hôpital St Sauveur : le pavillon St Sauveur

 

2/L’Hospice Gantois ou hospice St Jean Baptiste à Lille, dit aussi des « Vertus républicaines » sous la Révolution, fut créé en 1462 par un riche bourgeois du nom de Jean de la Gambe dit le « Ganthois » car originaire de Gand. Son testament rédigé en 1466 précise qu’il s’agit d’«un hôpital et Maison-Dieu sous le titre de monseigneur Saint Jehan Baptiste, nommé autremans hospital des cartriers».

Destinée à recevoir « treize anciennes gens décrépités et débiles, hommes ou femmes », originaires de Lille. L’œuvre sera tenue par six Augustines « vêtues simplement d’une cotte de drap griset » ou d’un « affuloir (linge)nommé faille de drap noir ».

Les religieuses furent chassées en 1789 puis rappelées en 1815, et poursuivirent leur tâche jusqu’en 1995. Lorsqu’elles revinrent en 1815, une nouvelle réglementation sélectionne les malades éligibles aux soins apportés dans l'établissement. Il faut désormais avoir moins de 70 ans, être né à Lille et y avoir résidé au moins 5 ans, avoir payé une patente et être dans un état de santé interdisant « une activité permettant de subvenir à ses besoins ».

L'édifice est aujourd'hui devenu un hôtel de luxe.

 

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Salle des malades

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3/Il y avait également l’hôpital Notre Dame ou Comtesse qui date de 1236 avec 62 lits en 1788.  Situé rue de la Monnaie dans le Vieux Lille, désaffecté en 1939,  il abrite aujourd’hui un musée.

C’est Jeanne de Constantinople, comtesse de Flandre, qui fonde en 1236 dans l'enceinte de son propre palais cet hôpital qu'elle dote richement. En 1243, elle fait don des moulins de Lille et de Wazemmes à son Hôpital ainsi que du droit de banalité des moulins qu'elle possède sur toute la banlieue de Lille et que l'on appelait la Mannée de Lille. Cette mannée comprenait les villages qui s'inscrivaient à l'intérieur d'un territoire autour de Lille, de circonférence à égale distance de Seclin, Anstaing et Tressin.

De l'établissement primitif réservé aux malades pauvres, aux pèlerins et aux passants, il ne reste rien, suite à un incendie survenu dans la nuit du 11 avril 1468 l'ayant entièrement détruit ; un autre incendie détruisit le 17 mars 1649, la chapelle et des bâtiments conventuels, de sorte que la majeure partie de l’établissement actuel date du 17ème siècle.

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Cour hospice Comtesse

 

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Hospice Comtesse côté rue de la Monnaie

4/L’hospice de la Conception Notre Dame dit des Bleuettes au 23 de la rue St Sauveur date de 1648 et fut fondé grâce au legs du chanoine de la Collégiale de St Pierre, Jean Dubus, pour accueillir des femmes frappées de maladies chroniques.

Le nom de « Bleuette » vient de leur habit de dessus bleu. Faute de revenus il disparaît en 1769.

 

5/ L’hôpital du St Esprit, rue de l’Abiette (rue de Tournai) puis rue du Pont Neuf, date de 1650 et fut fondé par Jérôme Ségon, écuyer et sa sœur Françoise pour héberger une quinzaine de pauvres invalides qui seront soignés par des religieuses du Saint Esprit. Le bâtiment de la rue de Tournai sera en 1668 cédé aux Bons Fils pour loger les aliénés. Il fermera en 1797.

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Religieuses su Saint Esprit

 

6/ L’hôpital St Joseph ou des Incurables (rue de Courtrai puis 56 rue royale) fondé en 1656 par les prêtres Philippe Descleps et Jacques Tesson, est destiné à héberger des soldats invalides abandonnés.  Il accueille une vingtaine de  pensionnaires en 1675. Il accueillera les « pauvres hommes affligés de maladies incurables». Il deviendra pendant la Révolution l’Hôpital des Sans Culottes incurables. Il fermera en 1797.

 

7/ L’hôpital St Jacques (16 ou 18 rue St Jacques) fut créé en 1431 par la Duchesse Isabelle du Portugal, épouse du Duc de Bourgogne, Philippe le Bon, pour les pèlerins de St Jacques de Compostelle puis pour les "femmes en gésine" (en couche) afin "de les relever, visiter servir et seconder" ; au 18ème siècle il n’y avait que 2 lits : les femmes n’y entraient que 9 jours après l’accouchement et y restaient une quinzaine de jours.

 

8/ L’hospice Ste Catherine de Sienne dit des Vieillettes fut fondé en 1541 par Jean Barge, bourgeois de Lille et sa femme Marguerite Leroux : ils firent don d’une maison rue de Sailly (rue des Trois Molettes – il se trouvait à l’emplacement du parvis de la cathédrale de la Treille) pour loger, nourrir et entretenir treize pauvres chartrières (impotentes) de Lille jusqu’à la mort de la dernière vivante. En 1576 il fut décidé qu’on continuerait à y admettre de « pauvres et honnêtes personnes âgées d’au moins 60 ans, pauvres et sans aide ». Cette fondation fut supprimée en 1797.

 

8/ L’hôpital St Charles Borromée dit des Vieux Hommes au coin de la rue des canonniers et de la rue de Roubaix fut fondé en 1622 par François Van Hoyqueslot, seigneur de la Hallerie,  pour abriter « trois hommes anciens nés à lille ayant au moins 55 ans et ne pouvant travailler ». Il comptera jusqu’à 68 lits en 1631. En 1674 les malades sont renvoyés chez eux ou sont transférés aux Bonnes Filles pour permettre d’y loger les soldats. Il fermera en 1797.

 

9/ L’hôpital Ste Elisabeth ou Béguinage rue du béguinage fut fondé en 1234 par la Comtesse Jeanne de Flandre et sa sœur Marguerite pour abriter 14 femmes de condition modeste, ne pouvant se marier faute de dot ou ne souhaitant pas devenir de religieuses faute de vocation ou de place dans un couvent. Il est précisé qu’il doit s’agit d’ « enfants de bonnes gens, vivant en chasteté ». Ces demoiselles passent leur temps à travailler, prier et faire œuvre de charité. Le Béguinage occupe un terrain compris entre les rues de Metz, Saint Sébastien et rue Princesse et comprend une rangée de 16 maisons , une chapelle et un jardin.  En 1401 une odonnance de Philippe le Hardi précise que les béguines doivent payer 12 livres parisis pour y être admise et ceci au vu du train de vie des Béguines qui vivaient au dessus de leur moyen ; elles n’auraient dorénavant qu’une seule « méchine » (servante) à leur disposition .

A la Révolution le béguinage recueille les femmes pauvres, malades, infirmes, veuves et les jeunes filles sans protection ; il sera en 1796 considéré comme un hospice pour femmes ayant une situation financière précaire.

En 1841 Louis Philippe met fin au Béguinage en précisant que celui-ci disparaitra avec la mort de la dernière Béguine. Le Béguinage fut démoli en 1855.

 

10/ L’hôpital Notre Dame de la Charité , rue de l’Arc, fondé par François Heddebaut , bourgeois de Lille, pour abriter des « pauvres femmes veuves ou filles chartrières (impotentes) débiles et abandonnées de secours humains » que l’on pourra trouver en ville et dans la chatellenie de Lille. Il fut transféré rue notre Dame (rue de Béthune) en 1643 et possède 25 lits à cette époque. Il fermera en 1797.

 

11/ L’orphelinat de la Conception ou des Bonnes Filles rue royale a été créé vers la fin du 15è et était destinés à hospitaliser les orphelins. En 1752 l’intendant des Séchelles mit les orphelins dehors pour faire de la place aux soldats malades ou blessés. En 1765 ils trouvèrent asile à l’orphelinat des Bapaumes. 

 

12/ La Maison d’Orphelines dite de la Présentation Notre Dame , 20 rue de l’hôpital militaire, fut fondé par Martine de Grave en 1630 ; à l’époque elle fonde une école située rue des Buisses à Lille pour les filles ; en 1646 elle donnera trois maisons dont deux rue des Jésuites et la 3ème aboutissant à cette rue et à celle de Notre Dame pour y établir l’école sous le nom de la présentation Notre dame pour les pauvres orphelines ou abandonnées. Elle cessera son activité en 1730 faute de ressources.

 

13/ La Maison des Bons Enfants, rue des Sept Sauts (angle de la rue Trulin et d’Anatole France), a été fondée avant 1124 par Jean de Pardieu et hébergeait des indigents autorisés à mendier en ville. Cet établissement donna son nom à la cour des bons enfants qui sera démoli pour laisser place au théatre (opéra).

 

14/ Maison de Bapaumes, rue des Jésuites (rue de l’hôpital militaire), date de 1605 ; elle fut fondée par Guillaume de Boileux dit Bapaumes qui institue une école pour 80 garçons et 20 filles orphelins pauvres de Lille. La Maison fusionnera avec les Bleuets à la Révolution ; en 1797, les orphelins seront transférés à l’hospice Comtesse.

 

15/ L’hôpital Notre Dame des Sept-Douleurs dit Stappaert fondé en 1656 par Jean Stappaert, bourgeois de Lille était un orphelinat de filles natives de Lille âgée de 5 à 15 ans. IL fit en effet don d’une maison située à l’angle de la rue du Plat et de la rue de la Vignette, vis à vis des Hibernois.

La maison des orphelines de la Présentation Notre Dame et la maison des Bonnes filles lui furent rattachées. L’hopital fut transféré en 1884 au 78 rue de la Barre dans l’ancienne Maison Noble Famille. En 1912 les orphelines doivent être âgées de 6 à 12 ans . Huit sœurs de St Vincent de Paul s’occupent de 60 à 80 filles qui suivent les cours à l’école et qui travaillent à l’ouvroir. Un incendie en 1954 les oblige à aller aux Bleuets rue Boileux ; l’établissement fermera en 1964.

Lutter contre l’indigence à Lille sous l’Ancien Régime – les hôpitaux, hospices et autres maisons charitables

Sœurs de St Vincent de Paul

 

16/ Le refuge des Sœurs de la Madeleine ou Madelonnettes ou filles repenties fondé en 1481 par Jean de la Cambe, le Gantois, au 39/41 rue de la Barre, pour offrir aux filles de légère vie un lieu « où elles se puissent retraire pour amender leur vie au salut de leur âme ». En 1532, le Magistrat délègue la gestion de l'établissement aux sœurs de la Madeleine (ou Madelonnettes, ou repenties) de Saint-Omer et les autorise à soigner les malades en ville. Au 18ème siècle, le refuge recevra également les femmes ou filles de bonne famille « que le dérangeemnt de leur conduite oblige à séquestrer par lettre de cachet ou autrement ». Le refuge sera fermé à la Révolution et transféré aux Bons Fils.

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17/ L'hôpital des Bons Fils du Tiers Ordre de St François était une maison de réclusion, place de la gare, qui fut créée en 1668 : il accueillait les aliénés pensionnaires ou placés d’office et des libertins séquestrés à la demande des familles ; le bâtiment sera détruit en 1867 pour l’ouverture de la place de la gare et de la rue Faidherbe.

 

18/ Existe aussi le bouillon des pauvres et la Noble Famille : cette dernière fut fondée par Marie Anne de Sepmeries en 1683 pour élever gratuitement « des jeunes filles nobles de parents déchus » de Flandre wallonne et de Hainaut et âgées de 7 à 18 ans. Le nombre de pensionnaires variera de 15 à 25. Elle fermera à la Révolution, ses pensionnaires étant conduits à l’hôpital général.

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19/ L'hôpital des Grimaretz était situé rue Basse, à Lille: les maisons actuelles de cette rue portant les numéros pairs de 8 à 24 et celles de la rue du Cirque, numéros 2, 4 et 6.ont été construites sur l'emplacement jadis occupé par cet asile, institué en 1345 par Lotart Canart et sa femme Marie de Pont Rohart(ou Pontrewart) , pour y loger et nourrir douze pauvres passageurs ( voyageurs )" qui ne pouvaient y séjourner plus d’une nuit. L’établissement était administré par des Dominicains. Marie de Pont Rohart changea l’affectation de l’hôpital en 1376 et y fonda des lits pour malades et deux pour les femmes en couche.

 

20/ L'hôpital St Julien, situé rue Basse a été créé vers 1291 ; il comportait 16 lits ne pouvant être occupés qu’une seule nuit dans un premier temps puis il fut admis que les pensionnaires puissent rester 3 jours et 3 nuits. Il fut supprimé en 1701 en raison des troubles occasionnés par les gens hébergés et ses biens furent transférés à l’hôpital des Invalides

Il sera supprimé en 1701 en même temps que l’hôpital des Grimaretz, ses biens étant transférés à l’hôpital des Invalides.

 

21/ L’hospice des Invalides : en 1686 une déclaration du roi ordonna aux mendiants de se retirer dans leur lieu de naissance pour y travailler dans les hôpitaux généraux créé pour eux ; à défaut ils seront condamnés aux galères pour 5 ans). En 1687 une déclaration royale aggrava les peines prévues et le Magistrat de Lille demanda aux ministres des pauvres de déterminer ceux qui méritaient l’assistance et de leur distribuer une autorisation de mendier consistant en « fleur de lys en fer blanc de couleurs différentes selon les paroisses". En 1699 un règlement prescrit pour les hommes de porter la fleur de lys au chapeau et sur le corps de jupe pour les femmes ; tous les autres seront obligés de sortir de la ville.

En 1700 l’interdiction de mendier devient absolue ; les mendiants sont alors enfermés dans les hôpitaux généraux ; il n’en existait pas à Lille à l’époque. Le Magistrat décida alors d’hospitaliser les mendiants invalides dans les casernes d’Anjou d’où le nom d’hospice des invalides, situé 6 rue du lieutenant Colpin. En 1701 fut réunis à l’hospice des Invalides les revenus des hôpitaux St Julien et des Grimarets et la Bourse commune des pauvres dut fournir annuellement 6000 florins.

L’hôpital des Invalides sera réuni à l’hôpital général en 1738.

  

22/ Hôpital général : En juin 1738, Louis XV autorisa par lettres patentes les magistrats de Lille à fonder un hôpital général destiné à l'accueil et à l'enfermement des enfants abandonnés, des invalides et des mendiants. Il fut choisi un lieu à l’écart du centre-ville bordé par le canal de la Basse Deûle. Il ouvrit en 1744 mais les  travaux durèrent de 1739 à 1846. Appelé le " Bleu Tot " en raison de sa couverture d'ardoises, l'hôpital fonctionna jusqu'en 1988. Le bâtiment en façade est occupé depuis 1997 par l'Institut d’Administration des Entreprises. 

Lutter contre l’indigence à Lille sous l’Ancien Régime – les hôpitaux, hospices et autres maisons charitables

après 1870

En 1744 il reçut 500 adultes et 681 enfants qui se trouvaient à la ferme du Riez de Canteleu : on apprenait aux filles à faire de la dentelle et de la broderie et aux garçons des souliers et des tissus.  Le produit de la vente était pour les 2/3 versé à l’administration et pour 1/3 aux ouvriers.

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1870 - l'hôpital général avec la basse Deûle encore visible

Lutter contre l’indigence à Lille sous l’Ancien Régime – les hôpitaux, hospices et autres maisons charitables

L'hôpital général aujourd'hui

 

L’hôpital ne régla toutefois pas le problème de la mendicité, les mendiants étant de plus en plus nombreux ; on créa donc des dépôts de mendicité ; le dépôt de Lille fut établi en 1769 près de la porte des malades sur l’emplacement de l’ancien hôpital militaire St Louis ; y furent envoyé aussi les fous et les filles publiques.

 

Au final au 18ème siècle il y avait deux organismes principaux : l’hôpital général et les ministres généraux de la bourse commune des pauvres. En 1750 ces deux organismes furent réunis en bureau de la charité générale . Les pauvrisseurs des charités paroissiales deumeurèrent et des conflits persistèrent entre eux

Les Lillois nécessiteux ont donc à leur service un grand nombre de secours à leur disposition mais la qualité de ces soins et accueil diffèrent d’un établissement à l’autre. En 1788 l’inspecteur général des hôpitaux Jean Colombier, également médecin militaire et hygiéniste (1736 – 1789) s’aperçut ainsi que les religieuses de l’hôpital Comtesse mangeait l’excédent des recettes en repas et réceptions pour leurs amis et proches. Idem pour St Sauveur. Montlinot, écclésiastique et journaliste français (1732-1801) précise quant à lui que  l’hôpital général dégageait « une odeur insupportable ». L’intendant de Flandres et d’Artois Esmangart (1736 – 1793) dit qu’ un grand nombre de ces établissements faisait grand tort à la charité publique…

 

 

Après la Révolution Française, la commission administrative des hospices civils de Lille réalisa une réduction du nombre des établissements charitables, laissant subsister l'Hospice Gantois et cinq autres lieux (Comtesse, Saint – Sauveur, l’Hôpital général, les Madelonnettes et Stappaert).

 

Sources

http://www.patrimoinehospitalierdunord.fr

Au cloître et dans le monde: femmes, hommes et sociétés (IXe-XVe siècle ...) de Patrick Henriet et Ann Marie Leg

La vie à Lille de 1667 à 1789 d’après le cours de M de St Léger d’Aristote Crapet

http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1983x017x003/HSMx1983x017x003x0223.pdf : le béguinage de lille 1245 - 1841

 

 

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L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

18 Décembre 2016 , Rédigé par srose

Nous avons vu qu'à partir de 1893 se met en place au profit des malades sans ressources une assistance obligatoire pour les communes, les départements et l'Etat. Mais qu'existait il avant?

 

Des SYSTEMES DE MUTUELLE basées sur le volontariat, mais qui n’ont finalement bénéficié qu’à une frange limitée de la population  (voir article sur la domesticité n°3)

Avant la période révolutionnaire en effet il existait des guildes et confréries qui organisaient une sorte de solidarité entre les membres d’une même profession. La loi le chapelier de 1791 mettant fin à la liberté d’association, ces sociétés disparaissent. Ce n’est que sous l’égide de la Société Philanthropique dont le but est de "d'engager les ouvriers à se réunir pour s'assurer mutuellement des ressources en cas de maladie, ou lorsque les infirmités de la vieillesse les mettraient dans l'impossibilité de continuer leurs travaux" que ces associations vont renaitre. Elles seront légalisées par le décret du 22 mars 1852, qui octroie de nombreux avantages aux sociétés qui reçoivent l'approbation de l'Etat et acceptent son contrôle. Mais ce dispositif fonctionne sur le volontariat et sur une problématique future (maladie, vieillesse) or l’ouvrier vivant dans la misère et peinant à gagner 3 sous ne va pas vouloir mettre une partie de son labeur dans une cotisation destinée à couvrir un aléa futur …

 

A l’époque révolutionnaire, une loi du 27 novembre 1796 organise la bienfaisance pour les pauvres des communes par la création de BUREAUX DE BIENFAISANCE qui ne sont en fait que les héritiers des bureaux de charité de l’ancien régime : la mise en place de ces bureaux de bienfaisance est difficile toutefois : encore 58 % des communes françaises ne possèdent pas de bureau en 1880 !

L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

Avant la loi de 1893, l’aide provenant de ces bureaux résidait essentiellement dans des secours en nature (70 % encore au début de la IIIe République) : il peut s’agir de nourriture, de vêtements, de matière première nécessaire au chauffage (charbon), de lait pour les enfants. Sauf exception, seuls les pauvres locaux sont éligibles à l’aide : la condition de résidence est fondamentale pour bénéficier des secours.

La loi de 1893 et celles qui vont suivre vont confier aux bureaux de bienfaisance une partie de l’assistance nouvelle qu’elles ont créée.

 

Il existait également sous l’Ancien Régime les BUREAUX DE CHARITE avec à leur tête le curé aidé de toutes les personnes qui le souhaitent ainsi que par les sœurs de la charité.

La charité de François Bonvin

 

A côté de ces bureaux de charité, il y avait les coutumes charitables selon les localités, les fondations destinées aux pauvres et dues à des testateurs généreux, les dames des pauvres, les quêtes et les aumônes, les ateliers de charité qui emploie les brassiers et journaliers quand les travaux de la campagne sont terminés, l’ŒUVRE DU BOUILLON : (cette dernière forme de secours est créée grâce à l’initiative d’un donateur alors que les bureaux de charité sont fondés le plus souvent suite à une ordonnance royale ou un arrêt du Parlement (en 1752 le Parlement de Toulouse impose un bureau de charité dans chaque paroisse de la ville) : ce seront des secours en nature distribuées par l’intermédiaire des filles de la charité ou sœurs de St Vincent de Paul ou encore sœurs grises (du fait de la couleur de leur robe) – ces deux formes (bureau de charité et œuvre du bouillon) coexistent souvent au sein d’une même paroisse comme ce fut le cas à Toulouse.

 Chocarne-Moreau. Charité

Quelques exemples sur Toulouse sous l’Ancien Régime

Ainsi Gérard Géraud, ouvrier batteur d'or à Toulouse, laisse en 1714 dans son testament, aux pauvres une rente perpétuelle de 100 livres pour l’entretien de deux sœurs placées sous la direction du curé de la paroisse de la Dalbade et chargées du soin des malades ;

En 1748 Jean Boredon lègue 600 livres aux déshérités de la Dalbade pour aider la fondation du bouillon des pauvres.

L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

la Dalbade et son clocher

La maison de charité de St Etienne et de St Michel, son annexe, a pour but de distribuer bouillon et médicament aux pauvres malades et d’enseigner à lire et écrire aux filles de ces deux paroisses ; la maison de charité de la Daurade donne du bouillon aux véritables pauvres et entretien une apothicairerie afin de leur distribuer à domicile les remèdes dont il ont besoin. Cet établissement entretient un médecin et un chirurgien et procure du linge et du pain aux malades et de la viande aux convalescents ; enfin l’oeuvre du bouillon de St Pierre et du Taur fondée en 1754 fournit bouillon et remèdes aux pauvres malades et assiste les pauvres honteux de ces paroisses.

En 1718 Luc Saget dote la maison de la charité de la Daurade d’un médecin qui doit être capable et expérimenté et d’un chirurgien dont le rôle est d’effectuer les opérations. Le médecin est nommé en assemblée et reçoit un honoraire de 40 livres par an payable tous les 6 mois.

L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

quai de la Daurade

Exemple sur Lille

La bourse commune des pauvres a été instituée au 16ème siècle pour venir en aide aux nécessiteux de la ville. Elle dirigea à partir de 1584 les écoles du dimanche de Lille. Ce dispositif scolaire fut financé par des donations d’un montant de 1280 livres parisis provenant de Hubert Deliot et de son père Guillaume. L’idée était de pouvoir apprendre à cent enfants pauvres à lire, écrire et calculer et avoir de bonnes mœurs. On leur apprend aussi un métier ; treize ministres des pauvres (voir article sur la table des pauvres) régissaient la bourse des pauvres.

 

Les HÔPITAUX quant à eux étaient au départ des institutions chaperonnées par l’Eglise sans vocation médicale particulière mais juste destinée à l’hébergement des pauvres ; ce n’est qu’au 17ème siècle que l’Etat prend le problème de la misère à bras le corps et se sert des hôpitaux pour enfermer les sans-logis, les mendiants, les exclus, les fous … Ainsi l’hôpital général St Joseph de la Grave à Toulouse fut créé en 1647, soit 9 ans avant celui de Paris ; l’hôtel-dieu St Jacques à Toulouse quant à lui se spécialise dans les soins médicaux et chirurgicaux. Mais les 2 établissements disposent d’un quartier de force réservé aux filles publiques, enceintes ou vénériennes appelées aussi « filles gâtées", et aux nourrices contaminées par les nourrissons.

L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

la Grave

C’est seulement au 19ème siècle que la mission médicale de l’hôpital va se renforcer notamment avec la loi du 7 août 1851 dite « d’assistance publique » qui va poser les prémices du service public hospitalier actuel en énonçant le principe suivant : « lorsqu’un individu privé de ressources tombe malade dans une commune, aucune condition de domicile ne peut être exigée pour son admission à l’hôpital existant dans la commune ».

 

Ainsi à Toulouse à la fin de l’Ancien Régime, nous retrouvons 4 formes de secours :

1/L’assistance hospitalière dispensée par l’hôtel-dieu S Jacques et l’hôpital général St Joseph

2/La charité à la maison des orphelines qui date de 1621 et qui accueille jusqu’à leur mariage une cinquantaine de pauvres filles

3/Les ateliers de charité

4/L’assistance à domicile au sein des bureaux de charité et de l’œuvre des bouillons des pauvres

 

Zoom sur Lille (voir également article sur lutter contre l’indigence à Lille sous l’Ancien Régime : hôpitaux, hospices et maisons charitables)

Lille compte en 1900, hormis le bureau central, six dispensaires publics secourant entre 4 000 et 6 000 personnes chacun (en tout plus de 35 000 personnes) : dispensaires rue de la Barre, Esquermes, Moulins, St Gabriel, Werquin et Wazemmes (dédoublé en 1883).

Lille présente au 19ème siècle et au début du 20ème des conditions de vie dramatiques pour les ouvriers qui y vivent (voir articles sur l'habitat prolétaire à Lille 1 et 2).

 

L'aide aux nécessiteux sous l'Ancien Régime

Les statistiques sanitaires analysées dans les ouvrages de Pierre Pierrard et Félix-Paul Codaccioni permettent de se rendre compte de la situation de détresse dans laquelle vivaient, en particulier, les habitants du quartier Saint-Sauveur.

En 1849, près de la moitié (42%) de la population du quartier Saint-Sauveur est inscrite sur les registres d’indigents, ce qui représente le tiers de la population indigente de Lille.

Dans certaines rues de ce quartier, la quasi-totalité des décès concerne des individus âgés de moins de 40 ans (la plupart sont des enfants de moins de cinq ans).

Les logements sont minuscules, mal aérés, d’une extrême insalubrité. A Saint-Sauveur, chaque personne dispose d’à peine 10 m3 par habitation.

La mortinatalité est effrayante : un mort-né pour 10 naissances. La mortalité est nettement supérieure à la mortalité nationale : plus de 30 pour 1000 vers 1860, contre 25 pour 1000 en France. En 1900, le taux de mortalité infantile à Lille est le plus important des villes françaises : 29,5%... .

C’est aussi à Lille, que le nombre de décès dû à la tuberculose est le plus inquiétant, après Paris. 13% des décès sont dus uniquement à la tuberculose en décembre 1901. En y ajoutant, les cas de bronchite, de pneumonie et autres maladies respiratoires, le pourcentage est de 38%.

Cette situation va s’aggraver avec l’arrivée massive d’immigrants, souvent belges, attirés par l’emploi industriel en pleine effervescence.

 

Sources

La III° République et la solidarité : la socialisation de l'infirmité

La médecine gratuite au XIXe siècle : de la charité à l'assistance d’Olivier Faure

La médecine de bienfaisance et d'assistance dans le Pas-de-Calais, 1856-1914 de Jean Pierre Beyt

Bureau et maisons de charité : l'assistance à domicile aux « pauvres malades » dans le cade des paroisses toulousaines (1687-1797) de Josseline Guyader

La vie ouvrière à Lille sous le second Empire de Pierre Pierrard

De l’inégalité sociale dans une grande ville industrielle, le drame de Lille 1850-1914 de Félix-Paul Codaccioni

Charité municipale et autorité publique au XVIe siècle : l'exemple de Lille de Robert Saint Cyr Duplessis

La vie à Lille, de 1667 à 1789, d'après le cours de M. de Saint-Léger d’Aristote Crapet

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L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

18 Décembre 2016 , Rédigé par srose

 

En compulsant les archives de la mairie de Frouzins, petite ville située près de Toulouse, j’ai remarqué qu’un grand nombre de ses habitants au début du 20ème siècle était inscrit sur la liste des personnes admises au secours médical gratuit en raison de maladie ou d’une infirmité ou encore sur la liste des vieillards indigents.

J’ai donc essayé d’en savoir plus sur cette question, ignorant alors totalement qu’avant la naissance de la sécurité sociale, il existait de tels services sociaux.

Il s’avère qu’en effet la III° République a mis en place tout un dispositif de protection sociale en institutionnalisant la "solidarité" par diverses lois sociales, imposant par là même une obligation d’assistance aux communes, aux département et à l’Etat.

Ne nous y trompons pas toutefois ; les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la plupart de ces lois sociales évoquent surtout des préoccupations d’ordre public : la mendicité et le vagabondage devaient être contrôlés voire éliminés ; y sont évoquée la « misère criminogène des cités ouvrières », le contrôle administratif des individus à potentiel criminogène, …

L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

L’humanisme certes réel de ces lois cache donc malgré tout une volonté d’une part de contrôle des cités populeuses et d’autre part d’exclusion encadrée 

 

 

Le Marchand de violettes Fernand Pelez (1848-1913)

 

ASSISTANCE MEDICALE GRATUITE

La loi du 15 juillet 1893 instaure un devoir d’assistance médicale gratuite, à l’hôpital comme à domicile, qui permet aux personnes privées de ressources (malades, vieillards, infirmes) d’être soignés gratuitement. Les femmes en couche sont assimilées à des malades. Les étrangers malades privés de ressources seront assimilés aux Français toutes les fois que le gouvernement aura passé un traité d’assistance réciproque avec leur nation d’origine.

L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

Un domicile de secours est fixé pour ces personnes et s’acquiert

- par une résidence habituelle d’un an dans la commune postérieurement à la majorité,

- par la filiation (l’enfant a le domicile de secours de son père ou le cas échéant de sa mère) ;

- par le mariage (la femme acquiert le domicile de secours de son mari, les veuves conservent le domicile de secours antérieur).

C’est une loi qui vise surtout la campagne : « le paysan est toujours en avance de ses sueurs et de son sang vis-à-vis de l’état qui ne lui fournit aucun secours pour la santé de son corps qui pourtant rapporte tant de substance à la patrie ».

L’exode rural, amplifiée par la révolution industrielle, n’est d’ailleurs pas étranger à cette décision de mettre en place un service public d’assistanat : « il faut retenir le travailleur dans les campagnes par l’attrait de l’assistance publique et mettre fin à l’émigration des campagnes ». Il devient évident également que « la santé des travailleurs qui intéresse d’une manière si intime le développement normal de la production exige que l’on mette à la portée de tous les secours médicaux ».

L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

Henri Monod (homme politique – 1753/1833) résume dans cette phrase l’objectif de cette loi  : "Le malade n'est pas un faible à éliminer, c'est une force accidentellement improductive, et que la collectivité a l'intérêt le plus évident à rendre le plus rapidement possible à La production et au travail"

Cet exode rural entraînera une augmentation de la misère urbaine (voir article sur l'habitat prolétaire lillois 1 et 2): on va en effet concentrer un nombre important de personnes sur une zone géographique réduite proche des industries sans tenir compte des effets de cette promiscuité sur l’hygiène et la santé des personnes. Or là aussi on ne peut plus abandonner « cette armée de réserve industrielle »  à la misère médicale.

Alors que la loi de 1893 se préoccupe avant tout des indigents et nécessiteux de la campagne incapables de subvenir à leurs soins médicaux en cas de maladie, la loi du 9 avril 1898 va répondre à un problème plus urbain : l’utilisation de la machine pour développer la production entraîne une augmentation des accidents du travail : elle reconnaît la responsabilité sans faute de l’employeur qui peut s’assurer pour y faire face.

 

D’AUTRES LOIS SOCIALES

La loi du 27 juin 1904 institue le service départemental d’aide sociale à l’enfance et la loi du 14 juillet 1905 institue l’assistance aux vieillards infirmes et incurables. Cette loi donne à tout français privé de ressources, incapable de subvenir par son travail aux nécessités d’existence, âgé de plus de 70 ans ou ayant une maladie incurable, d’être accueilli gratuitement dans les hôpitaux ou les hospices.

L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

En matière d’assurance vieillesse, la loi du 5 avril 1910, dont l’application a été limitée, institue un régime d’assurance obligatoire pour les salariés du commerce et de l’industrie.

Deux autres lois en 1913 viennent parachever cet ensemble : celle du 17 juin sur les femmes en couche et celle du 14 juillet sur les familles nombreuses. En effet la taille des familles se réduisant de plus en plus (les familles de quatre enfants et plus représentent 19.8 % des familles en 1901 en France ;Elles sont encore 18.6 % en 1911, seulement 11.5 % en 1926) il devient nécessaire de soutenir les familles françaises et de les inciter à avoir une nombreuse progéniture.

 

L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

L’article 1 de la loi du 14 juillet 1913 stipule que « l’assistance aux familles nombreuses constitue un service obligatoire pour les départements, avec la participation des communes et de l’Etat ».

L’article 2 précise que « tout chef de famille, de nationalité française, ayant à sa charge plus de 3 enfants légitimes ou reconnus, et dont les ressources sont insuffisantes pour les élever, reçoit une allocation annuelle par enfant de moins de 13 ans, au-delà du troisième enfant de moins de 13 ans. » S’y ajoutent les enfants de 13 à 16 ans en apprentissage.

Les lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930 instituent pour les salariés titulaires d’un contrat de travail une assurance pour les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès et la loi du 30 avril 1928 un régime spécial pour les agriculteurs

 

EN PRATIQUE

Revenons à la loi de 1893 : elle donne préférence à l’assistance (ou secours) à domicile pour des raisons d’économie, de morale (éviter la perte du lien avec la famille, éviter le contact avec la lie de la société – l’hôpital est encore à cette époque un lieu d’enfermement - ) et d’hygiène mais ouvre dans le même temps l’accès à l’hôpital aux ressortissants de 30 000 communes qui en étaient privés jusque-là.

L’hôpital reste encore un endroit dont on se méfie et que l’on évite si cela est possible.

Les subventions sont calculées d’après des barèmes fixes.

En 1895, seuls 47 départements ont organisé les services d’assistance ; en 1903, 3 départements sont encore réfractaires.

Cette assistance varie également en fonction des départements : au début du 20ème siècle une dizaine de département inscrivait plus de 8% de leur population et jusqu’au 20% tandis que d’autres moins de 2.5%.

Malgré cela, en moins de 20 ans le nombre de soignés augmentent considérablement sr l’ensemble de la France :

 L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

Quels pathologies sont soignés principalement ?

Des statistiques allant de mars 1903 à mars 1904 dressées pour l’hôpital St Pothin à Lyon donnent un aperçu des pathologies les plus courantes soignées par ce dispositif : sur 521 personnes venues et diagnostiqués comme malade : 44% souffrent de tuberculose, 14% de pathologie du système nerveux, 11% du tube digestif, 10% de rhumatisme et de maladie cardiaque, 2% de chlorose (grande pâleur).

 

Critiques de la loi du 14 juillet 1905 sur l’assistance aux vieillards infirmes et incurables

L'assistance aux nécessiteux au 19ème siècle et au début du 20ème siècle

Cette loi est décriée par certaines personnes comme Lucien Descaves, écrivain naturaliste et libertaire, journaliste et romancier, l’un des fondateurs de l’Académie Goncourt (1861-1949). IL écrit l’article suivant dans Le Journal du 26 juillet 1905 :

« Une loi débile », article de Lucien Descaves paru dans Le Journal du 26 juillet 1905

Je suis sûr que l’on étonnerait beaucoup de personnes, en France, en leur apprenant que, depuis le 13 juillet dernier, une loi nouvelle organise l’assistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables indigents, par la contribution de la commune, du département et de l’État. Mais je suis également certain que, parmi les personnes renseignées, un plus grand nombre encore ignore les dispositions de détail relatives à cette loi de laquelle M. Mirman a eu raison de dire qu’elle est, après la loi sur la séparation et la loi sur le service de deux ans, la plus considérable de cette législature. Elle consacre, en effet, le principe du droit à l’assistance, c’est-à-dire à la vie, droit sacré proclamé par la Convention nationale qui fut impuissante à résoudre le problème pour avoir méconnu ce principe, savoir : que l’assistance publique est d’essence communale, et aussi la sagesse du précepte : qui trop embrasse, mal étreint.

Ce n’est point au Sénat ni à la Chambre que l’on peut adresser ce dernier reproche : ils ont limité le plus possible l’assistance qu’ils accordaient, et semblé remplir, j’ose le dire, moins un devoir social qu’un devoir électoral.

Que la loi modifiée par le Sénat et votée telle quelle par la Chambre en seconde délibération, que cette loi soit susceptible de développement et de retouches, à qui le dit-on ! Les conditions dans lesquelles elle est revenue devant nos députés ou plutôt quelques-uns de nos députés, ne pouvait guère laisser de doute sur le résultat final.

Ah ! ce fut une aimable séance que la séance du 12 juillet, où fut réglé le sort des vieillards, des infirmes et des incurables privés de ressources !

Le gouvernement n’était représenté que par le ministre de l’intérieur et par deux commissaires, M. Henri Monod, pour l’intérieur, M. Charles Laurent, pour les finances. Encore, l’un des deux était-il de trop, nous verrons pourquoi tout à l’heure.

Quant à la Chambre, c’est l’un des premiers orateurs inscrits, M. Aynard, qui va nous édifier sur son zèle et son assiduité.

« Mon intervention sera brève ; nous sommes si peu nombreux ce matin, que nous nous sentons en douce intimité ; nous sommes presque dans un salon et vous savez, Messieurs, combien il est peu civil, dans un salon, de prolonger les conversations. » (Sourires)

Ce n’est pas moi qui note les sourires, c’est le compte rendu officiel.

On causa donc, entre intimes, de choses et d’autres, par exemple des modifications apportées à l’article 1er du projet, par le Sénat, qui s’était tout de suite efforcé d’introduire un peu de gaieté dans une discussion aride.

En effet, examinant le texte de l’article en question, qui dispensait les vieillards âgés de soixante-dix ans de faire la preuve de leur invalidité, le rapporteur avait dit en s’élevant contre cette rédaction :

« Il suffit de regarder autour de nous pour être convaincu que l’âge de soixante-dix ans est, au contraire, une excitation, un rajeunissement pour un certain nombre de nos collègues. La vieillesse ne siège pas sur nos bancs, nous n’y connaissons par la sénilité ! » (Hilarité)

Et l’honorable M. Bérenger avait ajouté : « Le travail conserve ; c’est l’alcool qui tue. » Il m’a été agréable d’entendre, à la Chambre, M. Mirman protester, en pure perte, d’ailleurs, contre cette allégation. Il est fort possible que le travail, quand travail il y a, conserve MM. les sénateurs ; mais il est indubitable, en revanche, que l’alcoolisme n’est nullement indispensable pour user le corps des travailleurs qui atteignent soixante-dix ans en dépit d’un labeur acharné. Ce n’est pas seulement l’industrie textile qui permet de vérifier cette observation, elle s’étend à tous les corps de métiers. En outre, on eût pu répondre à M. Bérenger que l’alcool, quand il tue les gens, les tue bien avant qu’ils deviennent septuagénaires, ce qui suffirait, à la rigueur, pour infirmer l’argument.

  1. Jaurès a bien promis qu’on interpréterait la loi dans le sens le plus large et que de ses bénéfices ne seraient exclus que les vieillards, en nombre infime, il le reconnaît, qui ont gardé « une valeur de travail pour ainsi dire intacte ».

J’en accepte l’augure, mais tout de même un article proclamant le droit au repos pour les vieillards indigents qui ont peiné pendant cinquante-cinq ans et davantage, aurait fait bien mieux leur affaire, si ce n’est la mienne.

Sur un autre point, M. Mirman a été battu, et ne méritait pas de l’être. La Chambre avait admis le principe d’un avantage spécial en faveur des mères de famille, des femmes qui avaient eu, nourri et élevé un certain nombre d’enfants.

Peut-être, en effet, aux raisons que les sénateurs ont d’être merveilleusement conservés –travail, existence confortable, tout ce que vous voudrez,- convient-il d’ajouter l’exemption de la maternité, qui est particulièrement douloureuse pour les femmes du peuple. MM. les sénateurs ont des vacances. L’ouvrière n’en a pas, ni avant, ni après ses couches, un peu plus laborieuses, je présume, que l’enfantement des lois. Il semblait donc qu’une femme fatiguée par le travail et la maternité, double devoir social, eût droit à quelques égards, et la Chambre avait sagement proposé qu’on abaissât pour cette créature, proportionnellement au nombre des enfants élevés par elle, l’âge de soixante-dix ans, point de départ provisoire de la pension pour les vieillards.

Les sénateurs bien conservés n’ont pas partagé cette manière de voir. La situation de la mère de famille âgée et indigente ne les a pas touchés ; elle n’a pas eu de part dans leur sollicitude.

Le deuxième paragraphe de l’article premier spécifiant : « Tout enfant légitime ou non, ayant vécu plus de trois ans, donne droit à une réduction de six mois sur l’âge normal de la pension de vieillesse, au bénéfice de la mère, etc... », ce paragraphe a été effacé de la loi par le Sénat.

Vous me direz que six mois dans la vie d’une femme, et d’une femme du peuple, ça ne vaut pas la peine d’en parler. Au Sénat, peut-être... ; mais nous n’avons pas, ici, les mêmes raisons de nous abstenir. Au regard de nos législateurs, la femme a une infirmité bien plus fâcheuse pour elle que toutes celles qui résultent du travail, de la maternité et d’une vieillesse prématurée : elle ne vote pas.

Sur un troisième point, la séance du 6 juillet, à la Chambre, avait appelé mon attention.

Il s’agissait, cette fois, de l’article 20, fixant le taux de l’allocation mensuelle accordée aux ayants droit. J’avais écouté les explications très claires de M. Henri Monod évaluant à 8 francs par mois, pour chaque commune, le coût d’une existence de vieillard, soit 96 francs par an et 27 centimes par jour.

C’était là un chiffre minimum, théorique, susceptible de réduction si le bénéficiaire dispose de quelques ressources, mais qui ne saurait être augmenté puisque, lorsqu’on accordera la somme entière, on sera censé donner à l’indigent ce qui lui est nécessaire pour vivre.

Et je me disais : « C’est égal, avec 27 centimes par jour, on ne va pas loin... même à soixante-dix ans !»

Je savais bien que M. Monod avait naguère proposé un chiffre légèrement supérieur (10 francs par mois), abaissé à 8 francs par la Commission de la Chambre, sur l’intervention de M. Sarrien, et accepté par le gouvernement, puis par le Sénat en première délibération. Et je croyais qu’on s’en tiendrait là.

Je comptais sans M. Labiche, président de la Commission, qui amena le Sénat à revenir sur son vote et à substituer au minimum de 8 francs celui de 5 francs, soit 16 centimes par jour !

Seize centimes pour se nourrir, s’abriter, s’habiller, subvenir à tous les besoins, c’est maigre, même à soixante-dix ans, et je voudrais bien que M. Labiche fût réduit, pendant seulement un mois, à cette ressource plus que modique ! Elle est, paraît-il, suffisante pour les vieillards de son département.

Heureux vieillards ! Heureux département ! Je ne veux pas dire lequel : il serait envahi.

Vous vous imaginez sans doute que le gouvernement résista à M. Labiche ? Oui, par l’organe de M. Monod ; mais aussitôt après, le commissaire représentant les finances et adversaire déterminé de la loi, se déclarait contre le relèvement du minimum que l’autre commissaire avait réclamé ! Admirable exemple d’anarchie gouvernementale, n’est-il pas vrai ?

Mon espérance me restait. La Chambre maintiendrait probablement la première disposition inscrite dans le projet de loi... Hélas ! C’est au Sénat qu’elle a donné gain de cause ! Le vieillard indigent, quand il aura acheté deux sous de pain, aura encore à sa disposition six centimes pour quelques (sic) chose dessus, se vêtir et se loger...

« Abolissez la mendicité qui déshonore un État libre », disait Saint-Just.

Avons-nous fait tant de chemin depuis 1792, qu’elle soit, je ne dis pas abolie, mais inexcusable ?

En réalité, oui, et ce chemin parcouru, on peut l’apprécier en lisant successivement, comme je viens de le faire, l’intéressante brochure de M. Ferdinand Dreyfus : l’Assistance sous la Législative et la Convention et deux autres brochures datées de 1889 et de 1900, dans lesquelles M. Henri Monod exposait le plan méthodique d’une organisation de l’assistance publique en France.

Grâce à ses efforts, dans une bonne mesure, son programme est à peu près réalisé.

Les enfants, les malades, les vieillards et les incurables, sont respectivement secourus par les lois du 24 juillet 1889, prononçant la déchéance des parents indignes ; des 27 et 28 juin 1904, sur les enfants assistés ; du 15 juillet 1893, sur l’assistance médicale gratuite, et du 14 juillet 1905, enfin, qui donne le strict (oh ! oui !) nécessaire aux vieillards, infirmes et incurables, dénués de ressources.

Cette dernière loi est, de toutes, la plus débile. Si encore nous étions sûrs qu’elle se fortifiera dans la pratique et que les 70 millions environ qu’elle coûtera ne seront pas détournés de leur objet !...

 

Sources

La III° République et la solidarité : la socialisation de l'infirmité

La médecine gratuite au XIXe siècle : de la charité à l'assistance d’Olivier Faure

La médecine de bienfaisance et d'assistance dans le Pas-de-Calais, 1856-1914 de Jean Pierre Beyt

Bureau et maisons de charité : l'assistance à domicile aux « pauvres malades » dans le cade des paroisses toulousaines (1687-1797) de Josseline Guyader

La vie ouvrière à Lille sous le second Empire de Pierre Pierrard

De l’inégalité sociale dans une grande ville industrielle, le drame de Lille 1850-1914 de Félix-Paul Codaccioni

Charité municipale et autorité publique au XVIe siècle : l'exemple de Lille de Robert Saint Cyr Duplessis

La vie à Lille, de 1667 à 1789, d'après le cours de M. de Saint-Léger d’Aristote Crapet

 

 

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Le tulliste

11 Novembre 2016 , Rédigé par srose

Le tulliste

Le tulliste est l'ouvrier en charge de la fabrication de la dentelle. Il conduit, entretien et assure le bon fonctionnement du métier Leavers.

 

Calais est une des deux villes (avec Caudry) à avoir fait de la dentelle mécanique sa spécialité.

Le tulliste

Calais n’a aucune tradition textile particulière mais il s’avéra que deux anglais Clark et Bonnington débarquèrent à Calais en 1816 en toute illégalité un métier de type nouveau pour faire de la dentelle industrielle, en pièces détachées et apportent également leur savoir-faire. D’autres suivirent ; des ouvriers anglais sautèrent le pas et vinrent en France (ils souffraient à l’époque de la surproduction tullière en Angleterre qui abaissait considérablement le prix de la main d’œuvre).

Les premiers tullistes anglais s’installèrent à Valenciennes, Douai et surtout Calais mais le manque de place les contraignirent à développer leur activité dans le faubourg maraîcher de Saint-Pierre-lès-Calais.. En moins d’un demi-siècle, Saint-Pierre devient une ville cosmopolite prospère et dépassa en nombre d’habitants Calais, au point que les deux villes fusionnent officiellement en 1885.

La problématique de surproduction arriva toutefois également outre-Manche : Villermé (médecin français - 1782/1863) en 1840 dit : « aucune classe d’ouvriers n’a vu réduire autant ses salaires depuis 15 ou 16 ans … et n’a passé plus rapidement d’une grande aisance à une grande détresse ».

Un ouvrier tulliste travaillant sur le métier gagne en effet en 1823 entre 15 à 20 francs par jour tandis qu’en 1834 il ne gagne plus que 3 francs au maximum.

 

Qu’est-ce que la machine Leavers ?

En fait tout part de l’anglais John Heathcoat qui réussit dès 1808, en s’inspirant du travail des dentellières, à tisser mécaniquement du tulle.

A la même époque, le mécanicien français Jacquard inventait le métier à tisser, qui porte d’ailleurs son nom, lequel permettait de créer les motifs à l’aide de cartes perforées. 

Le tulliste

En 1830, un certain Leavers eut l'idée d'allier la technique Jacquard au procédé mécanique de John Heathcoat.  Ce sera la combinaison de ces deux inventions qui donnera naissance aux métiers LEAVERS, de grosses machines de dix à quinze tonnes et dix, douze mètres de long qui fonctionnent dans un bruit assourdissant  dû aux milliers des disques métalliques portant les fils qui se croisent pour former les nœuds (ces nœuds empêchent la dentelle de se déchirer si elle est coupée et qui sont la signature d’une dentelle traditionnelle artisanale).

 

Le tulliste

 

  

 

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Quelles sont les étapes de la création de la dentelle ?

D’abord, il faut créer le dessin ou le motif (travail de l’esquisseur),

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puis le transposer sur une carte. Sur cette carte quadrillée, chaque fil est représenté d’une couleur différente qui reproduit le chemin que le fil doit parcourir dans le métier, comme par exemple deux cases à droites ou une case à gauche. Cette carte quadrillée est ensuite «codée» sur des cartes perforées.

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Ces cartes perforées étaient par la suite lues par des machines spéciales, les métiers Jacquard, qui pilotent les grands métiers à dentelle. Ces énormes métiers nouent et serrent des centaines de fils simultanément selon les trous des cartes perforées.

Un métier à dentelle peut avoir besoin de 10.000 bobines de fils. Pour créer ces bobines, on se sert d’une machine comme celles-là: 

Le tulliste

ou

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L’extirpeur va extraire le fil restant des bobines. Cette tâche est souvent confiée à l’apprenti.

Puis la wheeleuse remplit des séries de 100 bobines contenant chacune 100 mètres de fil.

Le tulliste

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Le presseur de bobines assure la régularité de l’épaisseur des bobines en pressant à chaud des séries de 3 à 5 000 bobines

 

Le remonteur place les bobines dans les chariots 

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Le wappeur ou ourdisseur prépare les rouleaux de chaîne, de guimpes et de brodeurs.L’ensemble peut donc compter 10 000 fils, répartis sur des rouleaux disposés sous le métier. Cette opération est exécutée en parallèle au wheelage.

 

Le tulliste

Le tulliste va enfin s’occuper des réglages, répare les 5 000 chariots et bobines contenus dans un métier, et veiller à la parfaite conformité des fils.

 

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Ensuite plusieurs étapes sont nécessaires avant son utilisation finale: on doit repriser les défauts, laver, colorer et sécher la dentelle et ensuite la découper.

 

 

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Sources

http://lieuxdits.free.fr/denthist.html

http://histopale.net/wp-content/uploads/file/texteMarval3.pdf

https://www.dentelledecalaiscaudry.fr/l-exception/

http://calais-avant-hier.eklablog.com/la-dentelle-a-calais-a118992606

http://www.annelaurecamilleri.com/keyword/Tulliste/

http://www.noyon-dentelle.com/savoir-faire/

 

 

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