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K comme KM

13 Juin 2016 , Rédigé par srose

De prime abord quand on pense à nos aïeux, on se dit qu’ils ne devaient pas bouger beaucoup et ce d’autant plus que les moyens de locomotion étaient somme toute réduit. Mais j’ai toujours été surprise que justement eu égard à ce qu’ils avaient sous la main, ils se déplaçaient beaucoup plus que je ne le croyais.

Ainsi dans ma branche paternelle mes ancêtres ont sillonné Pas de Calais petit à petit à chaque génération. Ce ne sont pas de grandes distances pour nous (une vingtaine de m à chaque fois) mais pour eux ça l’était. Comment se rencontraient ils ? par le biais de foire ? de fêtes de village ? de pèlerinage ? ou était ce professionnel : le drapier recherchant des tissus, le propriétaire qui vient percevoir ses redevance…

En fait, nos ancêtres sont de grands marcheurs.

Ainsi un exemple entre mille : celui du sire de Gouberville au XVIème siècle qui vivait près de Cherbourg. Il a effectué en 10 ans uniquement pour se rendre en ville plus de 26 000 km soit 520h de marche par an (Jean Louis Beaucarnot – Qui étaient nos ancêtres ?). On apprend ainsi qu’il faut parfois près de 6 heures à notre sire pour faire 16 km du fait que les routes ne sont ni sûres ni pratiques.

C’est un sport qui perdura longtemps puisque ma mère me racontait que pour aller à l’école il lui fallait faire plusieurs km à pied deux fois par jour chaque jour !

Mais revenons au sire de Gouberville : il lui est arrivé une fois de se déplacer jusqu’à Blois, à 280 km de chez lui. IL fit le voyage en 6 jours. Cela lui coûta l’équivalent de 86% de ses dépenses annuelles. Certes il voyageait à cheval mais il ne se déplaçait pas sans son laquais qui lui était à pied.

Parmi mes ancêtres Charles Louis Théry dont j’ai parlé dans un précédent billet partit de Lille en 1844 à l’age de 52 ans pour mourir aux Invalides à Paris soit un voyage de 230km.

Louis Thery quant à lui est parti en 1849 à l’âge de 28 ans avec sa femme en Algérie à pied de Lille via Châlon et Marseille pour démarrer une nouvelle vie. Las, ce ne fut pas un franc succès et il revint avec sa famille en 1853 à Lille, toujours à pied.

Chapeau !

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J comme JEUX

12 Juin 2016 , Rédigé par srose

Ma belle-mère qui est née à Liverdun près de Nancy en 1935 m’a raconté ses passe temps et jeux divers quand elle était enfant : à l’époque on jouait avec « des riens » :

La balle au mur, cache tampon (un enfant cachait un objet et les autres partaient à sa recherche guidés par des « tu brûles », « tu gèles »), cache cache. Elle jouait aussi à la palette avec un morceau de vieux carrelage ou un pied de verre cassé sur un dessin à la craie au sol, à la dînette, au téléphone arabe (un enfant disait une phrase à un deuxième qui le répétait à un troisième … jusqu’à ce qu’une phrase qui n’avait rien à voir avec la phrase originale soi dite).

J comme JEUX

Il y avait aussi greli-grelot combien j’ai de sous dans mon sabot ?, les osselets, le machipot (les lettres avaient tous une signification : m pour mariage, a pour amour, c pour caresse, h pour haine, i pour ivresse, p pour passion, t pour tendresse et les filles tiraient des noms de garçons associés aux lettres.

Elle fabriquait des échasses avec des boites de conserve vides percées de deux trous dans lesquels on avait fait passer de la grosse ficelle ; il fallait monter sur les boites et on tenait la ficelle en marchant…

Ma belle-mère faisait également des colliers avec des vieux boutons , de la luge l’hiver, des ombres chinoises sur les murs et des farces : elle m’a raconté qu’une fois elle avait pris le chat du voisin et lui avait mis des coquilles de noix vides au pied avec de la glue !

Une autre fois elle avait endormi les poules de sa voisine en leur mettant la tête sous l’aile et en les balançant quelques minutes !

 

Ma grand tante qui est née en 1931 à Houdain dans le Nord lisait beaucoup quant à elle-même si son père n’aimait pas trop car elle ne faisait rien pendant ce temps. Son premier livre lui a été offert par ma grand-mère, sa grande sœur : les Mésaventures de Jean Paul Choppart de Louis Desnoyers qui raconte les tribulations d’un jeune garçon sans aucun vice mais avec de nombreux défauts et qui vit toutes sortes d’aventures moralisatrices. 

J comme JEUX

Ma mère enfin est née en 1945 à Lille ; elle me racontait que quand elle était jeune elle jouait à cache cache , faisait la chasse aux papillons, tressait des couronnes de liserons, jouait à la balle au prisonnier, au diabolo (2 baguettes étaient reliées à un fil et il y avait une bobine en caoutchouc sur la ficelle qu’on lançait en l’air : il fallait rattraper la bobine sur le fil) ; elle jouait aussi à la marelle et lisait beaucoup grâce à son père qui était typographe et qui de ce fait ramenait à la maison plein de livres de la collection Artima : Tim l’audace, Tarou, Buck Dany, Kro Magoule le singe qui parle, Tintin, Météor et bien d’autres …

 

J comme JEUX                   J comme JEUX

Autre temps, autre jeux ….

 

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I comme INVALIDES

12 Juin 2016 , Rédigé par srose

 

Mon ancêtre Charles Louis Théry est né à Lille le 6 juin 1792. Il était filtier (il fabrique et retord les fils de lin).

En retrouvant sa fiche matricule j’ai découvert qu’il s’était enrôlé volontairement le 8 juin 1811 auprès de la mairie de Lille. Il a intégré le 75ème régiment d’infanterie.

Sa fiche indique qu’il avait le visage ovale, le front haut, les yeux bleus, un nez gros, une bouche grande et un menton rond. Il était blond et avait le teint coloré. Il mesurait 1m58 et vivait au 37 rue Dondin à Lille.

Il a fait la guerre d’Espagne et a été gravement blessé. Je le retrouve aux Invalides en octobre 1813. On l’a amputé du bras droit.

I comme INVALIDES

Je ne sais pas ce qu’il est devenu par la suite mais je sais qu’il est revenu aux Invalides le 24 mai 1844 et y est mort le 27 septembre.

Je me suis toujours posé la question de savoir ce qu’était exactement les Invalides à cette époque.

C’est en fait un hôpital pour anciens soldats créé en 1670. Pour y être accepté, il faut en 1710, 20 ans de services continus, en 1729, 18 ans et des blessures sérieuses. La condition d'ancienneté est supprimée pour les estropiés. En 1730, ce seront l'usure ou la blessure qui décidera de l'admission. Il faut  être proposé par le colonel de son régiment, un certificat médical ayant été établi par le chirurgien major de l'hôpital où le soldat est soigné.

I comme INVALIDES

J’ai écrit un article un peu plus détaillé sur mon blog à ce sujet : http://magenealogie.eklablog.com/les-invalides-a125226710

 

Malheureusement je n’ai pas beaucoup d’informations sur les Invalides au XIXème siècle et je ne sais pas trop où chercher ...

 

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H comme grand HYVER de 1709

12 Juin 2016 , Rédigé par srose

Le 6 janvier 1709 commence ce qu’on appela plus tard le Grand Hyver.

Cet épisode fut dramatique pour la France puisqu’entre le premier janvier 1709 et le premier janvier 1711, la population diminua de 810.000 habitants sur une population globale de 22 millions de Français!

H comme grand HYVER de 1709

J’ai trouvé quelques témoignages datant de cette époque dans le Nord de la France

"L'hiver fut long et le froid si pénétrant que de temps immémorial on n'en avait point vu de pareil. Il commença le jour de l'épiphanie le 6 janvier et durant 17 jours, le vent est si fort et le froid qu'à peine on pouvait demeurer dehors, un grand nombre de personnes furent incommodées, les uns ayant une partie des pieds et d'autres les doigts des mains gelés, particulièrement chez les marchands qui étaient obligés d'aller par les chemins, ou l'on trouva en beaucoup d'endroits des personnes mortes du froid.

Les arbres des campagnes souffrirent beaucoup, la grande partie des chênes, même les plus gros, se fendirent de haut en bas, se faisait entendre de fort loin dans les bois, la moitié des arbres fruitiers périt, toute la nature fut entièrement gelée. Les sangliers et les loups ne purent s'en garantir, il en mourut beaucoup. Les suites furent funestes car au dégel, presque tout le monde se trouva attaqué d'un rhume qui commençait par un débord dans la tête avec de grandes douleurs et ensuite, tombait sur la poitrine souvent avec une douleur de côté et cette maladie fut générale."

 

Le Curé Boutoille, qui exerçait son ministère à Maninghem-au-Mont (62), écrivait :
"La veille des Rois vers les dix heures du soir on vit une gelée si âpre que le village, tout sale qu'il fût, portait gens, bêtes et chariots, et cette gelée dura jusqu'au 2 avril ... neige et gelée causèrent bien des désordres, premièrement la mort des gens et bêtes le long des chemins, la perte générale de tous les grains d'hiver, le retardement des labours de mars ...

Les arbres comme pruniers, couronniers, poiriers, noyers et plusieurs pommiers sont morts ... Les plus riches ont été réduits à manger du pain mêlé d'avoine "baillard", "bisaille" ... et les pauvres du pain d'avoine dont les chiens n'auraient jamais voulu manger le temps passé ; aussi les peuples sont morts en si grande quantité de flux de sang et de mort subite qu'à tous côtés on parlait de morts".

 

Description détaillée par le curé François Delaporte de la paroisse de Humbert (62) : " L'hiver qui comença à la St-André de l'année 1708 et qui finit au mois d'avril 1709 a causé toutes les disgrâces qui sont cy après exprimées, il a été si rude que de mémoire d'homes on ait jamais eu de pareil.

La gelée a esté si forte qu'elle glacait tout ce qui était liquide jusque dans les caves et même dans les fours.

Quantité d'arbres et autres plantes ont péris par le vigeur du froid telle que pomiers, poiriers et autres arbres fruitiers come noyers et vignes mêmes jusqu'au houx et buys qui sont les bois les plus durs de ce pays; mais ce qui a le plus désolé le peuple est que la grande quantité de neige qu'il a tombé partout à quatre reprises poussé par les vents de midy couvroit les campagnes et remplissait les vallées en telle abondances qu'il était moralement impossible de marcher à pied et encore moins à cheval.

Ces neiges et gelées furent suivies d'une pluie abondantes qui dura tout le long du mois d'avril, après lesquelles on s'est apperçu de ruissellement dans tout le pays que les blés et autres grains d'hiver étaient générallement péris, ce qui a causé une telle chereté de grains que le blé a vallu dans le mois de maye 1709 quarante livres le septier mesures de Montreuil; le soucrion a vallu trente sols le boisseau; la paumelle quatre livres le boisseau, le blé sarazin ou "bocquager" quatre livres quinze sols aussi le boisseau de Monteuil, l'avoine a vallu une pistole ou dix livres le septier, et on a été obligé de rassemencer toutes les terres où on avait semé du blè l'après août précédent; Il paraît à présent que les "bas" grains furent en abondances, ils la promettent par les pluies fréquentes qui arrosent les campagnes.

Voilà une partie des misères qui nous accablent et qui causent une famine très grande dans les terres que j'aye la main à la plume pour les descrire et affin de les laisser lire à ceux que Dieu envoyra après nous au gouvernement de cette paroisse d'Humbert ou à ceux qui les liront afin qu'ils puissent par la connaissance qu'ils auront par ce moyen prendre leurs mesures en pareil accident que celuy qui nous réduit dans la misère si grande que celle que nous ne pouvons empêcher de voir souffrir à la plus "saine"partie du peuple que la providence a comis à nos soins étant hors d'état de les secourir par la suitte.

Si Dieu par un effet de sa main toute puissante n'arrête le cour de ces calamité par la récolte des bons grains que nous espérons qu-elle nous donera et dont nous serons heureux de pouvoir user au lieu de blez dont il n'est nullement question d'attendre de faire récolte car je donerais sans exagérer le produit de mes dixmes qui année pour autres me fournissait quatorze cent de grains d'hyver pour dix gerbes cette année.

Icy tout ce que dessus n'excède en rien les bornes de la vérité les choses étant ainsi quelle sont exprimé et c'est en foy de tout ce que dessus que j'ai signé le jourd'huy septième jour du mois de juin l'année mil sept cent noeuf."

 

Le curé de Marcq en Baroeul (59) écrit :

"Cet hyver dura 3 mois, d'une force incroyable, entremêlés de dégels qui ne duraient que quelques heures, de neige que le vent chassait dans les endroits les plus bas de sorte que tous les blés généralement furent genés ... A Dunkerque, la mer aussi est gelée".

  

 

 

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G comme GUERRE

12 Juin 2016 , Rédigé par srose

Ma grand tante Renée avait 8 ans quand la guerre 40 a éclaté. Elle vivait à Houdain dans le Nord. Elle m’a raconté quelques anecdotes de cette époque. Elle se souvient que son père qui n’aimait pas Pétain avait été rendre à l’école les timbres à son effigie qu’elle devait vendre. Autre souvenir : celui d’un allemand qui s’est arrêté devant chez elle lors d’un défilé de l’armée allemande pour demander de l’eau pour son cheval.

G comme GUERRE

Il y avait des bombardements et son père avait installé des matelas dans la cave et étayé l’endroit avec du bois de mine et des madriers. La cave a finalement surtout servi pour les réfugiés. Une fois un couple de réfugiés est resté une nuit. La mère de Renée leur a fait une saurée (hareng saur) et ma grand tante m’a dit qu’ils avaient tellement faim que le monsieur mangeait les yeux !

Un jour un parachutiste est tombé tout près du village et a donné son parachute : beaucoup de femmes se firent de jolis chemisiers avec. Un autre parachutiste, un Canadien, est tombé plus tard mais lui n’a pas eu de chance ; il est mort. Une messe a été dite pour lui devant ses parents après la guerre.

A deux km de Houdain, les allemand construisaient des V1 et une fois sa mère et elle n’ont rien trouvé de mieux que d’aller chercher des mûres dans le coin : les Allemands les ont pourchassées et ont vidé leur sac !

A la fin de la guerre, les sirènes ont sonné. Ma grand tante avait mis une jupe plissée et un chemisier blanc ainsi qu’une cravate et elle est partie défiler. Les Américains étaient là avec leurs tanks et leurs jeeps et leur lançaient des chewing gums, des chocolats et des cigarettes et les embrassaient de joie !

 

Ma belle mère Josette vivait quant à elle à Liverdun près de Nancy quand la guerre a éclaté. Elle avait 4 ans en 1939. Elle est partie avec sa mère et son petit manteau blanc genre astrakan pour prendre le train de Toul et rejoindre la caserne où son père avait été mobilisé. Elle ne le reverra qu’à son retour de Nuremberg en 1945. Il a été fait prisonnier et est resté tout ce temps en Allemagne. La maman de ma belle-mère lui confectionnait des colis rempli de pain d’épice fait maison et des conserves de lapin sauce chasseur qu’elle faisait elle-même. Elle lui envoyait aussi du vin qu’elle achetait avec ses tickets de rationnement et du savon de ménage qu’elle fabriquait pour qu’il puisse laver son linge.

Pendant la guerre la maman de Josette travaillait chez Lerebourg (confiturier important à l’époque) et elle se portait volontaire pour le poste appelé « au sucre ». Il fallait déverser des seaux en bois plein de sucre semoule dans de gros chaudron en cuivre dans lesquels cuisaient les fruits ; c’était très physique mais il y avait un avantage : elle s’était confectionné un tablier en toile bleue avec une grande poche devant dans laquelle elle y mettait du sucre en cachette ce qui lui permettait de confectionner des gâteaux pour les enfants …

G comme GUERRE

 

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F comme FLETRISSURE

8 Juin 2016 , Rédigé par srose

En farfouillant dans les archives municipales de Toulouse, j'ai trouvé des informations très intéressantes sur la répression pénale qui existait sous l'ancien régime et plus exactement au XVIIIème siècle. Cela fera certainement l'objet d'autres articles de ce challenge mais pour la lettre F j'ai donc tout de suite pensé à la peine de flétrissure.

F comme FLETRISSURE

Dans un chapitre consacré aux peines corporelles, le Traité de la justice criminelle en France, publié par Daniel Jousse en 1771, consacre un paragraphe à la description de la flétrissure, ou marque au moyen d’un fer chaud :

 « Cette peine est presque toujours jointe à celle du fouet, ou à celle des galères, & ne se prononce presque jamais seule. Elle a été introduite, afin qu'on puisse reconnoître à cette marque ceux qui ont subi l'un ou l'autre de ces supplices, & qu'on les punisse plus sévèrement, en cas de récidive. Ceux qui sont flétris pour vol doivent être marqués sur l'épaule avec un fer chaud, de la lettre V ; et ceux qui sont condamnés aux galères, sont marqués des lettres GAL [...].

Autrefois on marquoit les voleurs, qui étoient condamnés au fouet, d'une fleur de lis, qui est la marque du Souverain ; comme à Rome, dans l'état Ecclésiastique, on les marque de deux clefs en sautoir, qui sont les armes de la Papauté. Mais cette marque a été changée en celle d'un V, par la Déclaration du 4 Mars 1724 [...] ».

 La marque devait signaler à tous l'ignominie de son porteur. Au XVIIIe siècle, elle est depuis longtemps apposée exclusivement sur l'épaule droite du condamné, et ne peut être ainsi reconnaissable que lorsque l'on ôte le haut du vêtement.

 Ce sera par exemple le cas de Jean-Louis Siguier, engagé dans les troupes comme chirurgien au régiment Royal, d'où il est finalement chassé lorsque l'on reconnaît sur son épaule les lettres infamantes GAL

  

Apposition de la marque 

A Toulouse comme ailleurs dans le royaume, on marquera certains condamnés d'une fleur de lys sur l’épaule jusqu'à l'ordonnance royale de mars 1724 qui réformera cette pratique pour lui préférer un jeu de plusieurs lettres :

- V pour les voleurs (hommes et femmes),

- W (ou VV) pour les récidivistes (hommes et femmes),

- GAL pour ceux condamnés à servir le roi aux galères (hommes).

 Cette marque n'est toutefois qu'un des aspects d'une peine en général plus complexe, où l'accusé marqué du V (ou W) sera généralement fouetté, puis exposé au carcan ou banni. Pour les femmes, ce sera majoritairement l’enfermement au quartier de force (à hôpital Saint-Joseph de la Grave à Toulouse). Quant aux hommes condamnés à recevoir les lettres GAL, ils sont aussi souvent fouettés, et leur peine principale sera ensuite d’aller « servir le roi » aux galères, à temps ou à vie de Toulon, Rochefort ou Brest.

 La manière de faire devait varier selon l’exécuteur mais il n’est pas certain que l’application du fer fut rapide pour éviter trop de douleur ainsi qu’en atteste le chroniqueur Barthès qui note en 1749 que « l’exécuteur de la justice qui opéra d'une manière si violente que le fer étincelant, comme il était alors, fut enfoncé jusqu'à l'os de l'épaule ».

 

Emplacement de la marque

L'emplacement de la marque à porter sur le corps est précis et immuable : l'épaule droite, au niveau de l'omoplate

 En 1754, l'instruction d'une procédure criminelle à Toulouse va permettre d'en savoir un peu plus sur l’apposition de cette marque : Mathieu Bouyrou, alors exécuteur de Toulouse, est soupçonné d'avoir flétri un condamné non pas sur l'épaule, mais « au bas de[s] reins, ce qui est une contrevention à l'arrêt et aux ordonnances royaux et une prévarication manifeste » ; on le suspecte encore d'avoir marqué « légèrement » une femme récemment condamnée.

Finalement, l’exécuteur sera mis hors-de-cour et pourra continuer de vaquer à son office jusqu’à son renvoi en 1757 pour cause… « d’yvrognerie ».

 

Vérifications

Ce n'est que dans la seconde moitié du siècle XVIII que l'on a la certitude que la plupart des individus arrêtés pour vol ou même vagabondage sont soumis à un examen corporel.

Cette visite n'est pas conduite à la légère puisqu'elle demande l'intervention de deux experts : généralement un médecin et un chirurgien. Ceux-ci prêtent serment avant toute expertise puis remettent aux juges leur relation, rapport manuscrit décrivant : l'état des épaules, la présence de cicatrices suspectes, et surtout s'il y a signe évident d’une trace quelconque pouvant  indiquer l'application d'un fer par ordre de justice.

La tâche n’est toutefois pas aisée du fait des nombreux stigmates qui ornent les épaules des hommes et femmes de cette époque. Entre traces de ventouses, cicatrices attribuées à des plaies causées par arme blanche, empreintes anciennes d’ulcères, scarifications imputables à la petite vérole, les experts restent prudents.

 

Faire disparaître sa marque

La technique la plus originale semble être celle employée par le fils du bourreau de Carcassonne, fustigé et marqué à Toulouse en 1744, « lequel après avoir été marqué du fer ordinaire se fit apporter un harang noir qu'il appliqua sur la brûllure pour en effacer la marque comme il disoit ».

Selon les experts, les techniques les plus employées sont l'application d'emplâtres corrosifs ou de vésicatoires.

 

Peine non infâmante

Il existe des cas de flétrissure non infâmante toutefois.

C’est ce qui est arrivé à deux vagabonds, convaincus d'être récidivistes (ils avaient déjà été arrêtés pour vagabondage), et ainsi de ne pas s'être conformés aux ordonnances royaux, tout comme à la récente ordonnance de police des capitouls publiée le 20 juillet 1754.

La sentence précise qu'ils seront condamnés au renfermement « pendant l'espace de trois mois, et qu'avant leur élargissement ils seront marqués par un des gadouards (ramasseurs de boue, ordures, gadoues) de la présente ville, au bras, dans l'intérieur dudit hôpital, d'une marque en forme de la lettre M, sans que cette marque emporte infamie ».

L’idée était de les marquer non pour les humilier mais pour pouvoir les identifier et les chasser voire les enfermer. La différence reste très subtile …

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E comme ESTAIRES

7 Juin 2016 , Rédigé par srose

 

Estaires est le berceau de la famille Deleurence, la famille de ma grand-mère paternelle. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de parler de mon arrière grand père et de sa famille lors de leur séjour à Lyon pendant la guerre 14/18 dans un précédent billet.

C’est une petite commune de 6000 habitants près de Lille qui a beaucoup souffert de la 1ère guerre. Quand mon arrière-grand-père est revenu dans les années 1921/1922, il a dû trouver de gros changements.

Cette branche de ma famille est liée à l’activité textile puisqu’ils étaient pour beaucoup tisserands.

Estaires vivait d’ailleurs principalement de cette activité puisqu’au début du XXème siècle il y avait six tissages et une filature. (Il y avait aussi deux usines d’amidon, deux distilleries et quelques blanchisseries).

On trouvait donc facilement du travail mais en revanche les salaires étaient bien maigres : les apprentis gagnaient 6 F par semaine pour 60 heures et les salaires variaient entre 2,50 F et 3 F par jour.

Les conditions de travail étaient suffisamment pénibles pour qu’une grève éclate en 1903 sur Estaires et la commune proche, La Gorgue ; elle dura 3 mois : manifestations dans les rues, devant les châteaux des patrons où les fenêtres volèrent en éclat.

une troupe de fantassins et de dragons fut envoyée sur les deux communes pour remettre de l’ordre mais cela ne fit qu’aggraver la situation.

Une chanson dont voici le refrain fut écrite lors de cette grève et chantée sur le marché d’Estaires

Camarades de la misère

Soyons dignes de nos pères

Et sans dépasser la loi,

Défendons toujours nos droits.

On ne fait rien de contraire

Lorsqu’on réclame son salaire.

Quand il s’agit de son pain,

Au gréviste, tendons la main.

 

 

E comme ESTAIRES

Un accord fut finalement trouvé avec une légère augmentation des salaires et un tarif général fut établi où chaque tisseur pouvait trouver les renseignements sur le prix à façon de son travail.

En 1905, le tissage Delahaye fut ouvert, puis les tissages Gamelin et Hacot en 1907.

L'élan industriel de la ville sera brisé par la Première Guerre mondiale. Prise par les allemands au cours de la bataille des Flandres (1918), la ville fut reconquise par les alliés au cours de l'offensive de la seconde moitié de 1918. La quasi-totalité de la ville d'Estaires a été détruite par l'armée allemande lors de la Bataille de la Lys (9 avril 1918).

 

E comme ESTAIRES

 

 

 

E comme ESTAIRES

 

 

Un évènement tout particulier survint à Estaires en 1815, suffisamment étonnant pour que je l’évoque ici : l’affaire du trésor royal

En mars 1815, le roi Louis XVIII et la famille royale sont en fuite vers Gand.

Le 22 mars la « maison militaire » du roi et qui le suit à 2 jours d'étape est à Béthune. Elle a à sa tête le Comte d'Artois (futur Charles X ) et le fils de celui-ci, le Duc de Berry. Elle est composée de 300 gardes du corps et mousquetaires ainsi que d'un important matériel et de très nombreux équipages de berlines et de calèches.

Le 24 au soir, elle arrive à La Gorgue. Le Comte d'Artois passe la nuit à Estaires chez M. Vermersch-Hennion, adjoint au maire et le Duc de Berry à La Gorgue dans la famille Fruchart.

Le 25 au matin, par un temps exécrable, le convoi franchit le pont de la Lys et s'engage dans la rue Jacqueminemars, qui n’est à l’époque qu'un chemin de terre impraticable par forte pluie.

Et ce qui devait arriver arriva : les voitures s'embourbent. De plus de faux bruits circulent qu'une attaque est imminente. C'est alors la panique et l'abandon de matériels, calèches, chevaux ...

Mais ce n'est pas perdu pour tout le monde car bien des choses sont récupérées par des habitants d'Estaires-La Gorgue.

L'affaire fit couler beaucoup d'encre. Les autorités procédèrent à des enquêtes et des perquisitions eurent lieu dans les deux villes. Du matériel sera découvert et confisqué, des chevaux de la Maison du Roi, vendus à des prix dérisoires, récupérés mais la majeure partie ne fut jamais retrouvée par la police impériale.

La "légende" raconte que quelques fortunes auraient débuté en 1815 …

 

Voir aussi cet article ICI 

 

 

 

 

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D comme DOMENGE, DAMIANE et autres prénoms désuets

4 Juin 2016 , Rédigé par srose

D comme DOMENGE, DAMIANE et autres prénoms désuetsEn remontant le fil du temps, on est frappé par la fréquence de certains prénoms mais également par le côté désuet de certains autres.

Si je regarde par exemple le dépouillement que je suis en train de faire sur Frouzins, petite commune du 31, la palme d’or des prénoms sur 1700/1715 revient à Marie et à Jean ; viennent ensuite Jeanne et François.

Cela n’empêche de faire quelques trouvailles originales : Domenge, Bésian, Bernarde, Bertrande, guillaumette, ou Fabiane par exemple.

Quant à mon arbre généalogique (lequel se concentre essentiellement sur le Nord Pas de Calais), le top 10 est le suivant : Marie, Jean, Marguerite, Anne, Nicolas, Jeanne, Catherine, François, Pierre et Jacques.

J’ai en revanche quelques prénoms à la fois très jolis et terriblement « vieillots » dans mon arbre : Florimond, Floris, Josse, Anastasie, Kléber, Léandre, Léocadie, Damiane et d’autres tout aussi vieillots mais un peu plus difficile à porter, encore que … : Barbe, Euchaire, Berthe, Isidore, Firmin, Niçaise, Zénaïde Mathieuette, Lothard, Péronne, Géraud, Jacquese et j’en passe.

Bref, le stock de prénoms courants, va-t-on dire, reste limité sous l’ancien régime pour la simple et bonne raison que le choix du prénom est strictement contrôlé par l’Eglise . Il faut puiser dans la liste des saints et saintes, un point c’est tout et si possible reprendre le prénom du parrain pour les garçons ou de la marraine pour les filles. Ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser quelques problèmes d’homonymie dans nos recherches…

D comme DOMENGE, DAMIANE et autres prénoms désuets  Ce qui peut également interpeller le généalogiste est l’orthographe des prénoms qui n’est pas du tout invariable dans les actes, et qui pose là aussi quelques soucis pour bien identifier certaines personnes.

Ainsi Domenge peut aussi s’écrire Doumenge voire même Dominique pour identifier la même personne, Bernarde s’écrira des fois Bernade, on a aussi Gabrielle ou Gabriele, Laurense ou Laurence, Anthoine ou Antoine, Guilhaume ou Guillaume, Jacquese ou Jacquete, Guillemete ou Guillaumete (avec 1 ou 2 « t » en fonction des actes) …

Au XIXème siècle toutefois des prénoms plus novateurs arrivent sur le marché : Zélaïde, Victoire (en l’occurrence ici Victoire Républicaine née en 1794) Adélaïde, Valentin, Hortense, Jules, Flavie, Adeline, Euphémie, Virginie, Julien, Félix, Sophie …

J’ai été surprise aussi par la question des prénoms multiples : sur Frouzins, et sur la période 1700/1715 la majorité des personnes n’a qu’un prénom et lorsqu’un second prénom est attribué c’est plus pour former un seul prénom : Jean Baptiste, Jean Bernard, Jean François alors que dans mon arbre généalogique j’ai en majorité et quelle que soit l’époque le prénom Joseph en second que ce soit pour les femmes (encore que parfois on trouve le prénom Josèphe mais c’est rare) ou pour les hommes. Autres régions autres traditions ?

Ce qu’il faut comprendre en tous les cas c’est que le prénom sous l’Ancien Régime est en quelque sorte une mémoire familiale : il se transmet de père en fils, de mère en fille, de parrain à filleul …

C’est pourquoi il est courant que l’on reprenne le prénom d’un enfant décédé pour le donner à celui qui vient de naître, ce qui serait difficilement pensable aujourd’hui pour des raisons psychologiques évidentes. Mais à cette époque, il ne s’agissait pas de faire survivre la mémoire du petiot mort mais de garder vivante la lignée, du moins c’est mon point de vue.

 

J’ai pour ma part opté pour l’originalité dans le choix des prénoms de mes enfants : Virgile, Aubane et ma regrettée Candice

 D comme DOMENGE, DAMIANE et autres prénoms désuets

 

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C comme CLAIRE

4 Juin 2016 , Rédigé par srose

Je vais évoquer ici mon arrière grand tante, Claire, que l’on appelait Tante Claire, la sœur de mon arrière-grand-mère paternelle, Gabrielle.

J’avais 15 ans quand elle est morte en 1986 mais je me rappelle très bien d’elle, une vieille dame toute petite, toute voûtée, avec des cheveux blancs et des lunettes fumées. Elle était réservée, discrète, ne se plaignait jamais, faisait tout toute seule.

Je me rappelle avoir entendue qu’elle est morte dans d’atroces souffrances, sans se plaindre, jamais.

En grandissant j’ai appris qu’en fait sa vie n’avait été que souffrance et peine.

Claire Julie Léonie Deleurence est née le 25 janvier 1899 à Estaires, petite commune du Nord. Elle est la deuxième d’une fratrie de 5 enfants dont deux seulement vivront au-delà de l’enfance.

Elle était confectionneuse comme sa sœur Gabrielle, plus âgée qu’elle de 3 ans.

Lors de la guerre 14/18, ses parents Elise et Georges, ses sœurs Renée et Gabrielle, et elle même partirent à Lyon. Je ne sais pas comment encore : de leur propre initiative ou via des convois qui partaient loin de la guerre ? Toujours est-il qu’ils ont fui la guerre. Le père Georges Deleurence , tisserand de son métier, trouva un travail dans la métallurgie.

J’ai retrouvé leur trace par hasard en cherchant des IGOU sur Lyon dans les recensements : quelle ne fut ma surprise quand je découvris Georges Deleurence, Elise Carpentier, Claire et Gabrielle au 55 rue des tables claudiennes - quartier de la croix rousse à Lyon. Je les y retrouve jusqu’au recensement de 1921 mais cette fois sans Claire (je suppose qu’elle vit ailleurs qu’à Lyon car je ne retrouve pas sa trace dans les recensements). En revanche je les retrouve tous à nouveau à Estaires sur le recensement suivant en 1926.

Claire a rencontré là-bas Marius Fernand IGOU qu’elle épousera en 1920. On s’est longtemps demandé dans la famille qui était Marius ; on se doutait que Marius venait de là-bas mais sans en être sûrs. En fait on ignorait tout de sa vie ; on ignorait d’ailleurs que les Deleurence étaient tous partis à Lyon ; jusqu’alors on pensait que mon arrière-grand-mère Gabrielle y était allée accompagnée de Claire pour accoucher de ma grand-mère Raymonde. Mais cela fera l’objet d’un article prochain.

Revenons à Marius Fernand Igou : je suis partie de l’hypothèse qu’il avait à peu près le même âge que Claire et j’ai visionné tous les registres matricules de cette période. Et je l’ai trouvé (fiche matricule Lyon nord 1915 n°91 p. 238). Et de là j’ai retrouvé son acte de naissance. Il est donc né à Vizille dans l'Isère en 1895 et est issu d'une famille qui travaillait dans la métallurgie apparemment. Lui était tapissier décorateur. Son père Victor était forgeron et lamineur et son grand père Louis était puddleur; il avait un oncle Claudius né à Givors dans le 63, tourneur de son métier et un frère Victor né en 1889, et dont je n'ai pas encore retrouvé la trace. Sa mère s'appelait Adèle Antoinette SAMUEL et était ouvrière en soie tout comme la sœur de cette dernière.

Marius était de constitution fragile, très fragile. Sa fiche matricule indique qu’il a été réformé le 20/2/1917 pour pseudarthrose scapulo-humérale gauche et atrophie du deltoïde.

Il mesurait 1.62m et était châtain avec les yeux marrons ; il savait lire et écrire mais pas compter

Il fut incorporé le 15 décembre 1914 en tant que soldat de 1ère classe. Peu après la guerre il épousera Claire, à Lyon, le 30 octobre 1920.

Mais son service sous les drapeaux lui fut fatal car il mourut un an après son mariage, le 4 décembre 1921 à Lyon, à son domicile du 55 rue des tables claudiennes. La mémoire familiale a retenu qu’il serait mort suite à son exposition au gaz moutarde.il avait 26 ans. Claire devenait veuve à l’âge de 22 ans.

Ils ont eu un fils Georges que je suppose être né là-bas mais pas moyen de retrouver sa trace ; je sais juste qu’il est né en 1921.

Tante Claire est donc revenue à Estaires en 1921 avec son fils, ses parents, ses sœurs et sa nièce.

Ils reprirent le cours de leur vie sur les ruines laissées par la guerre mais cela fera l’objet d’un prochain article également,

Tante Claire ne s’est jamais remariée. Elle a exercé un métier désuet aujourd’hui : elle jouait du piano dans les cinémas pour les films muets !

Mais elle avait elle-même des problèmes de santé : elle devenait aveugle peu à peu et avait des problèmes de dos qui la « voûtèrent » progressivement.

Elle devint vendeuse dans un magasin de liqueur et ses employeurs, sensibles à sa situation lui laissèrent le logement au-dessus du magasin. Elle resta là-bas très longtemps.

Je ne sais pas encore grand-chose de Georges ; j’ai une photo de lui en costume de marin avec le béret et le pompon. Il faisait du cheval. Il a épousé dans le Nord une dame, Madeleine Kasse et eu 2 filles Danièle née en 1945 et Michèle née en 1946.

Georges mourut en 1946 à 26 ans des suites de maladie. Danièle mourut en 1945 et Michèle en 1946.

On pense qu’elles eurent la méningite.

Claire se retrouve seule sans plus personne, sans son fils et ses petites filles. Elle avait 45 ans.

Ses yeux lui firent de plus en plus défaut ; une maladie que je ne connais pas pliait son dos en deux.

Et jamais elle ne s’est plainte, jamais.

Elle est morte le 24 décembre 1986 et sa mort fut à l’image de sa vie, discrète et douloureuse.

  

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B comme BAPTEME

31 Mai 2016 , Rédigé par srose

 

Je suis en train de dépouiller les registres paroissiaux de Frouzins, petite commune de Haute Garonne où je vis depuis 15 ans. La période dont je m’occupe en ce moment concerne les années 1700-1715.

  

Et je suis étonnée de voir que les baptêmes ne se font pas nécessairement de suite après la naissance. Sur 211 naissances par exemple (en 12 ans) j’ai 23% des baptêmes qui se font au-delà de 2 jours et sur ce pourcentage j’en ai 30% qui sont réalisés entre 4 et 8 jours après la naissance (voire même jusque 20 jours !). 

 

Et cela quelles que soient l’année et la saison, été comme hiver. Je me suis dit que peut-être ils faisaient un « tir groupé » mais même pas vu le peu de naissance chaque mois et les dates de baptême toutes différentes.

 

Or, je sais que le baptême est un moment important puisque cela permet d’éviter au petiot d’errer dans les Limbes comme une âme en peine, c’est le cas de le dire… s’il venait à mourir. Et pour éviter ce destin funeste, il fallait donc baptiser le bébé de suite après sa naissance. 

 

La problématique principale étant donc de savoir quoi faire lorsque l’accouchement se passait mal et que le petit était en état de péril de mort ; la sage-femme pouvait en fait dans ce cas ondoyer l’enfant c’est-à-dire le baptiser d’urgence.

Je vois dans les registres de Frouzins que sur 12 années, il n’est pas fait mention d’ondoiement mais qu’à 3 reprises l’enfant ou plutôt l’ « avorton » a été baptisé à la hâte à la maison (ce qui me paraît tout de même peu eu égard au nombre de bébés morts dans ce village à cette époque, à moins peut être que les actes de baptême ne précisait pas toujours les circonstances du baptême). En tous les cas le petit ,baptisé à la hâte, n’a quand même pas reçu de prénom puisqu’il est désigné sur l’acte par le terme « avorton » et qu’il n’a pas eu de parrain ni de marraine. A t-il seulement été enterré dans le cimetière ?

B comme BAPTEME 

 Pourquoi toutes ces complications ? Tout simplement parce que selon St Augustin, sans baptême (qui est la condition du Salut pour le Chrétien), les âmes des enfants morts étaient condamnées à l’Enfer. L’Église, aux XIIIe et XIVe siècles, a tenté d’assouplir cette doctrine pour le moins cruelle en créant pour ces petiots un lieu intermédiaire, le Limbus puerorum. Il n’en reste pas moins que si les Limbes n’étaient pas l’Enfer, ils n’étaient pas non plus le Paradis.

 J’ai donc fait quelques recherches sur ce sacrement que je pensais simple à la base mais qui en fait ne l’est pas du tout, et j’en veux pour preuve un ouvrage très intéressant : L’ancien sacramentaire de l’Eglise écrit en 1699 et 1701 (il y a deux parties) de M. Grancolas, docteur en théologie de la Faculté de Paris. Cet ouvrage parle des divers sacrements de l’Eglise catholiques et notamment du baptême ; et je me suis aperçue que ce sacrement était en fait beaucoup plus codifié et réglementé que ce que je croyais. Je vais essayer de vous résumer ce qui y est écrit.

  B comme BAPTEME

 

Cet article va être nécessairement long et je m’en excuse par avance.

 

 

 

En premier lieu, qu’utilise-t-on pour baptiser ? Les Canons d’Egbert, archevêque d’York en 747 sont clairs : ils défendent de mêler du vin avec de l’eau pour baptiser et l’eau utilisée doit avoir été bénite solennellement le Samedi Saint ou la veille de  la Pentecôte. Le concile de Nîmes de 1284 permet d’utiliser de l’eau chaude en cas de nécessité lorsqu’un enfant ne fait que naître et est en danger de mort.

Le concile de Trente nous dit ensuite que l’on doit strictement prononcer les paroles suivantes : « Ego te baptizo in nomine Patris et Filii et Spiritus Sanctis ». Il est important de ne rien omettre car si l’on a baptisé uniquement au nom de Jésus Christ,  il faut refaire le baptême nous dit le pape Pelage sauf en cas d’extrême nécessité et que l’on n’a pas le temps de prononcer toutes les paroles, nous précise encore le concile de Nîmes de 1282.

 Le concile de Sens de 1524 permet l’utilisation de la langue française à ceux qui n’entendent pas le latin : « Enfant je te baptise au nom du Père, du Fils et  du Saint Esprit ». Il est donc nécessaire, nous dit-on, d’instruire les sages- femmes pour qu’elle puisse baptiser en urgence dans les règles.

L’ouvrage évoque ensuite le baptême sous condition. L’Eglise permet en effet de réitérer le baptême de l’enfant si et seulement s’il existe un doute qu’il ait manqué quelque chose d’essentiel la première fois. Ainsi si l’enfant a été baptisé à la maison, le prêtre doit s’enquérir des paroles exactes qui ont été prononcées et ce qui a été précisément fait. Car il ne s’agit pas de re-baptiser l’enfant, ce n’est pas possible nous dit le concile de Langres de 1404.

Le concile de Rheims de 1583 exige d’ailleurs deux témoins qui puisse déposer comment l’enfant a été baptisé.

Quid du baptême donné par un hérétique ? Le premier concile d’Arles en 314 sous Constantin nous dit qu’il est valide si les paroles ont bien été prononcées et si la manière est conforme : le concile de Rheims confirme cette décision ; en cas de doute on procèdera donc au baptême sous condition.

La question se pose de savoir ce que l’on doit faire si l’on trouve des enfants abandonnés car dans ce cas personne ne peut témoigner qu’ils ont été baptisés. Doit-on procéder au baptême sous condition ? Le concile d’Aix de 1585 exige un baptême alors même qu’un billet ou autre note serait attaché et préciserait que l’enfant a été baptisé.

L’ancien sacramentaire décrit ensuite la manière dont le baptême doit être donné. De 3 manières possibles : par immersion quand on plonge l’enfant dans l’eau, par aspersion quand on l’arrose d’eau, par infusion en versant de l’eau sur sa tête.

Quelle que soit la manière, ce sera 3 immersions, 3 aspersions ou 3 infusions nous précise le concile de Rheims.

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Le concile de Nîmes de 1282 demande que les paroles soient prononcées en même temps que les ablutions et ce doit être la même personne qui prononce et qui procède (concile de Langres de 1404).

Le concile de Chartres de 1526 est plus précis puisqu’il indique qu’en versant l’eau sur la tête de l’enfant il faut faire les 3 infusions consécutives en forme de croix.

Le concile de Sens de 1524 nous explique qu’il ne faut pas verser l’eau avec la main mais avec une cuillère ou un vase et l’eau versée ne doit pas tomber par terre ni dans les fonts mais dans une piscine destinée à cela (concile d’Aix de 1585).

Tout un paragraphe est ensuite consacré au ministre du baptême : c’est le prêtre mais aussi le diacre avec la permission du prêtre nous indique Tertullien (théologien du 2ème siècle) qui peut baptiser ; et le prêtre ne peut donner le baptême qu’avec la permission de l’évêque ou du curé.

Le concile de Frelingue en 1440 demande aux curés d’informer les hommes et les femmes qu’ils peuvent baptiser en cas de nécessité. En revanche le concile de Nîmes précise que l’on ne peut se donner le baptême quelle que soit la nécessité dans laquelle on se trouve.

Justement en cas de nécessité que faire ? On sait qu’une autre personne que le prêtre peut intervenir mais comment ? Il existe une hiérarchie puisque le concile de Sens de 1524 prescrit qu’un homme baptisera de préférence à une femme, que les père et mère ne baptiseront point s’il se trouve quelqu’autre personne, et qu’un clerc baptisera de préférence à un laïque.

Le concile de Langres de 1404 a précisé qu’en cas de  nécessité le baptême fait par les laîques ne crée pas d’affinités spirituelles entre eux. En effet il ne faut pas oublier que les parrain et marraine contractent une affinité spirituelle entre eux, avec l’enfant, les père et mère sauf cas de nécessité : le curé doit donc les en avertir.

Le concile de Bourges de 1584 stipule quant à lui que les sages-femmes ne pourront baptiser qu’en cas de péril évident de mort ; et elles devront être instruite sur la manière de procéder (concile d’Aix).

Le concile de Nîmes de 1282 indique que quand une femme est en travail et que l’enfant montre seulement la tête et qu’il semble y avoir danger, la sage-femme versera un peu d’eau sur la tête de l’enfant et prononcera les paroles suivantes : « si matre in partu laborante infans extra ventrem matris tantum emiserit caput, et in tanto periculo infans positus nasci nequiverit, infudat aliqua de obstetricibus aquam super caput infantis, dicendo, Ego te baptizo ».

Mais le concile de Langres de 1404 et le concile de Cologne de 1280 interdisent aux sages-femmes et autres personnes de baptiser les enfants dans le ventre de leur mère sauf s’il est manifeste que l’enfant est vivant et qu’il montre la tête ; il précise que si la femme mourrait en travail et que l’on pensait l’enfant vivant, il fallait ouvrir la mère, et procéder au baptême ; si l’enfant était mort il fallait le laisser dans les entrailles de sa mère nous explique le concile de Paris de 1557 pour les enterrer ensemble.

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Si l’enfant est mort, le concile de Langres de 1452 cette fois ci condamne la pratique des sanctuaires à répit qui sont très utilisés du XVe siècle au XVIIsiècle (et même encore après) où l’on emmène le bébé dans l’espoir de déceler un quelconque signe de vie même fugace qui permettrait de le baptiser ; la sanction sera l’excommunication.

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Quand doit avoir lieu le baptême ? Le concile de Sens de 1524 affirme que le baptême doit intervenir dès la naissance et qu’il ne faut pas le différer quelle qu’en soit la raison, notamment qu’il ne faut point le retarder à cause des parrains.

Le premier concile de Milan de 1585 punit d’excommunication ceux qui différeront jusqu’à 9 jours. Le concile d’Aix de 1585 également confirme la sanction pour les parents qui attendent plus de 8 jours.

De même le concile de Rheims de 1583 demande que le prêtre soit diligent et donne le baptême aussitôt qu’il en est requis, et donc à toute heure bien que le concile de Mayence de 1549 stipule que sauf cas de nécessité le baptême devra avoir lieu le matin, devant ou après l’Office.

Le concile de Cologne préconise d’être à jeun pour être plus attentif et le concile de Narbonne de 1619 défend de le faire dans les maisons des grands seigneurs et les chapelles privées, cela étant réservé pour les enfants des rois et des princes (concile de Chartres 1526).

Si jamais en cas de nécessités le sacrement est fait à la maison, l’eau du baptême doit être jeté au feu et le vase ou bassin utilisé devra être donné à l’Eglise (Constitutions de l’Evêque de Sarum en Angleterre – 1217).

La codification de ce sacrement va loin puisque la façon de se vêtir est également l’objet d’un paragraphe : le concile d’Aix de 1585 défend que  les enfants soient superbement vêtus ; le prêtre ne doit pas les accepter dans cet état ; le baptisé doit être en revanche revêtu de blanc, symbole de l’innocence et de la grâce ; cette condition est réduite dans la plupart des cas au bonnet appelé le chrémau (ou chrémeau) ; ce chrémau ou langes enveloppait autrefois l’enfant ; le concile de Troyes de 1400 demande qu’on les fasse amples et larges pour justement permettre cet enveloppement ; le concile de Paris de 1557 demande aux mères après qu’elles se soient relevées de leurs  couches d’amener les bonnets à l’Eglise pour les y brûler afin d’éviter qu’ils ne soient utilisés de façon profane ou encore pour y être utilisé à des usages saints (Constitution de Sarum de 1217).

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L’ancien sacramentaire précise ensuite qu’il n’est pas possible de demander le baptême au son des tambours et autres instruments (concile d’Aix) mais il est possible en revanche de jouer de l’orgue et de sonner les cloches après, en signe de joie (concile de Rheims) tout en prenant soin de se comporter avec modestie et de ne pas faire de bruit ni de tumulte.

Il peut arriver que l’on baptise plusieurs enfants en même temps mais là aussi un ordre doit être respecté : on commence toujours par le garçon sauf cas de nécessité (concile d’Aix).

Le baptême des monstres est évoqué rapidement : il faut déterminer qui est mâle et femelle, voir s’il y a deux têtes et deux corps distincts pour savoir si on les baptise ensemble ou l’un après l’autre.

Que peut-on dire sur les parrain et marraine ? Le Concile de Trente exige un de chaque. Le concile de Chartres de 1526 en demande deux ; le concile de Sens 1524 quant à lui défend d’en prendre plus de 3.

Le parrain et la marraine seront instruits des principes de la religion (concile de Paris). Le concile de Rheims défend aux moines et religieuses d’être parrains et marraines et celui de Chartres de 1526 demande à ce que ces derniers aient au moins 10 ans et demi, tandis que celui de Rouen 1581 exige 14 ans. Ils seront de bonnes mœurs et confirmés (concile d’Aix)

Le concile d’Aix demande également de la modestie dans leurs habits et que les hommes quittent leurs armes.

Il sera ensuite donné aux enfants le nom d’un saint ou d’une sainte pour être incités à admirer  et suivre leur vertu (concile de tours de 1583).

Les fonts doivent être fermés pour éviter sortilèges et profanation de l’eau bénite (de nombreux conciles le rappellent et demande à ce que l’eau soit renouvelée souvent). Le concile de Paris de 1557 ordonne de renouveler tous les ans les saintes huiles et qu’elles soient confiées au curé. Celui-ci devra tenir des registres où seront mentionnés le jour du baptême, les nom et surnom du baptisé, des parrains, marraines, des père et mère et le concile d’Oxford de 1287 exige que soit mentionné si l’enfant est né légitimement.

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Le concile de Bourges de 1584 défend que l’on oublie une cérémonie sous peine d’anathème c’est-à-dire les exorcismes, les demandes et les onctions.

De nombreux conciles demandent aux prêtres d’informer les laïques sur la signification du baptême. Ainsi il faudra leur expliquer les points suivants :

  • On donne un nom à l’enfant pour lui rappeler qu’il est enrôlé dans la milice du christ
  • Le prêtre souffle sur l’enfant pour apprendre l’approche du Saint Esprit qui va chasser le démon du catéchumène

  • On fait le signe de la croix sur le front et la poitrine pour marquer le sceau du christ

    Le signe sur la poitrine permettra de chasser le démon du cœur

  • Le prêtre étend les mains sur l’enfant en disant les prières pour marquer l’autorité et la puissance de Jésus Christ et consacrer l’enfant

  • On met le sel bénit dans la bouche de l’enfant, le sel sapienta car il est le symbole de la sagesse et de la prudence que doit incarner le chrétien dans sa conduite.

  • Le prêtre fait des exorcismes pour chasser les démons le prêtre fait des onctions avec de la salive aux oreilles à l’exemple de Jésus Christ  qui fit ainsi pour guérir un homme muet et sourd ; la salive est un liquide qui descend du cerveau et il est donc symbole de sagesse ; avec cette onction on avertit qu’il faut avoir les oreilles du cœur ouvertes pour entendre la voix de dieu

Avant de baptiser on doit s’assurer de la volonté de celui qui se présente et après le baptême on fait l’onction avec le saint chrême sur la poitrine (le front étant réservé aux évêques)

Le chrême doit être béni par l’évêque et est constitué d’huiles et de baume

La dernière action du baptême est de donner au baptisé un cierge allumé qui représente la lumière et la foi qu’il a reçues

Le 1er concile de Milan et le concile de Narbonne de 1609 condamnent la pratique de mettre ensuite l’enfant sur l’autel tel une offrande à Dieu car il y a eu des abus de la part de prêtres qui demandaient quelque chose pour rachat de l’enfant.

Le concile de Chartres de 1526 demande que le prêtre soit revêtu du surplis et d’une étole.

Le concile de Mayence de 813 et de Cologne en 1549 demandent que le repas de baptême ne soit pas excessif (concile de Chartres en 1526). Le prêtre ne peut pas se trouver à ces repas parce que souvent il y est dit des choses indignes d’être entendues par un ecclésiastique.

Après leurs couches les femmes viennent à l’Eglise avec des cierges  pour se purifier et pour remercier dieu d’avoir évité les périls auxquels les exposent leurs couches.

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Les conciles recommandent enfin aux prêtres d’informer les parents de ne pas faire coucher l’enfant avec les père et mère avant un an sous peine d’excommunication pour éviter de l’étouffer. Le concile de Chartres de 1526 demande d’attendre les 3ans de l’enfant.

 

 

Il y aurait encore beaucoup à dire mais je m'arrête là. Je constate que les règles édictées n'étaient pas toutes respectées, loin de là. Mais ces quelques lignes me donnent finalement un éclairage plus vivant et plus pragmatique de cette cérémonie.

 

 

 

 

 

 

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